Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le lanier

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 130-131).

LE LANIER[1]

Cet oiseau[NdÉ 1], qu’Aldrovande appelle Laniarius gallorum, et que Belon dit être naturel en France et plus employé par les fauconniers qu’aucun autre, est devenu si rare que nous n’avons pu nous le procurer : il n’est dans aucun de nos Cabinets, ni dans les suites d’oiseaux coloriés par MM. Edwards, Frisch et les auteurs de la Zoologie britannique ; Belon lui-même, qui en fait une description assez détaillée, n’en donne pas la figure ; il en est de même de Gessner, d’Aldrovande et des autres naturalistes modernes. MM. Brisson et Salerne avouent ne l’avoir jamais vu : la seule représentation qu’on en ait est dans Albin, dont on sait que les planches sont très mal coloriées. Il paraît donc que le lanier, qui est aujourd’hui si rare en France, l’a également et toujours été en Allemagne, en Angleterre, en Suisse, en Italie, puisque aucun des auteurs de ces différents pays n’en a parlé que d’après Belon ; cependant il se retrouve en Suède, puisque M. Linnæus le met dans la liste des oiseaux de ce pays[NdÉ 1], mais il n’en donne qu’une légère description, et point du tout l’histoire : ne le connaissant donc que par les indications de Belon, nous ne pouvons rien faire de plus que de les rapporter ici par extrait. « Le lanier ou faucon-lanier, dit-il, fait ordinairement son aire en France sur les plus hauts arbres des forêts, ou dans les rochers les plus élevés : comme il est d’un naturel plus doux et de mœurs plus faciles que les faucons ordinaires, on s’en sert communément à tous propos. Il est de plus petite corpulence que le faucon-gentil, et de plus beau plumage que le sacre, surtout après la mue ; il est aussi plus court empiété que nul des autres faucons. Les fauconniers choisissent le lanier ayant grosse tête, les pieds bleus et orés ; le lanier voletant pour rivière que pour les champs ; il supporte mieux la nourriture de grosses viandes qu’aucun autre faucon ; on le reconnaît sans pouvoir s’y méprendre, car il a le bec et les pieds bleus ; les plumes de devant mêlées de noir sur le blanc, avec des taches droites le long des plumes, et non pas traversées comme au faucon… ; quand il étend ses ailes, qu’on les regarde par-dessous, les taches paraissent différentes de celles des autres oiseaux de proie, car elles sont semées et rondes comme petits deniers. Son cou est court et assez gros, aussi bien que son bec : on appelle la femelle lanier ; elle est plus grosse que le mâle, qu’on nomme lanneret : tous deux sont assez semblables par les couleurs du plumage ; il n’est aucun oiseau de proie qui tienne plus constamment sa perche, et il reste au pays pendant toute l’année ; on l’instruit aisément à voler et prendre la grue ; la saison où il chasse le mieux est après la mue, depuis la mi-juillet jusqu’à la fin d’octobre ; mais en hiver il n’est pas bon à l’exercice de la chasse. »


Notes de Buffon
  1. Lanier vient du latin laniare, déchirer, parce que cet oiseau déchire cruellement les poules et les autres animaux dont il fait sa proie. Lanneret est le diminutif de lanier, et c’est pour cela qu’on appelle le mâle lanneret, qui est considérablement plus petit que la femelle.
Notes de l’éditeur
  1. a et b Falco lanarius L. [Note de Wikisource : actuellement Falco (Hierofalco) biarmicus Temminck]. Cette espèce habite surtout les régions orientales et septentrionales de l’Europe. Il existe en Hongrie, en Pologne et en Russie.