Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/La soubuse

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 116-117).

LA SOUBUSE

La soubuse[NdÉ 1] ressemble à l’oiseau saint-martin par le naturel et les mœurs : tous deux volent bas pour saisir des mulots et des reptiles ; tous deux entrent dans les basses-cours, fréquentent les colombiers pour prendre les jeunes pigeons, les poulets ; tous deux sont oiseaux ignobles, qui n’attaquent que les faibles, et dès lors on ne doit les appeler ni faucons ni laniers comme l’ont fait nos nomenclateurs. Je voudrais donc retrancher de la liste des faucons ce faucon à collier, et ne lui laisser que le nom de soubuse, comme au lanier cendré celui d’oiseau saint-martin.

Le mâle dans la soubuse est, comme dans les autres oiseaux de proie, considérablement plus petit que la femelle ; mais l’on peut remarquer en les comparant qu’il n’a point comme elle de collier, c’est-à-dire de petites plumes hérissées autour du cou : cette différence, qui paraîtrait être un caractère spécifique, nous portait à croire que l’oiseau qui n’a pas ce collier n’était pas le mâle de la soubuse femelle ; mais de très habiles fauconniers nous ont assuré la chose comme certaine, et, en y regardant de près, nous avons en effet trouvé les mêmes proportions entre la queue et les ailes, la même distribution dans les couleurs, la même forme de cou, de tête et de bec, etc. ; en sorte que nous n’avons pu résister à leur avis : ce qui sur cela nous rendait plus difficiles, c’est que presque tous les naturalistes ont donné à la soubuse un mâle tout différent, et qui est celui que nous avons appelé oiseau saint-martin ; et ce n’est qu’après mille et mille comparaisons, que nous avons cru pouvoir nous déterminer avec fondement contre leur autorité. Nous observerons que la soubuse se trouve en France aussi bien qu’en Angleterre ; qu’elle a les jambes longues et menues comme l’oiseau saint-martin ; qu’elle pond trois ou quatre œufs rougeâtres dans des nids qu’elle construit sur des buissons épais ; qu’enfin ces deux oiseaux, avec celui dont nous parlerons dans l’article suivant sous le nom de harpaye, semblent former un petit genre à part plus voisin de celui des milans et des buses que de celui des faucons.


Notes de l’éditeur
  1. Les deux animaux décrits par Buffon sous le nom d’oiseau saint-martin et de soubuse appartiennent, d’après Cuvier, à une même espèce, à laquelle on donne aujourd’hui le nom de Strigiceps cineraceus, et vulgairement celui d’oiseau saint-martin. [Note de Wikisource : Il n’est pas aussi sûr que ces animaux soient de la même espèce. Le busard cendré (Circus pygargus Linnæus, ici désigné Strigiceps cineraceus) est facilement confondu avec le busard saint-martin (Circus cyaneus Linnæus), notamment pour les femelles et juvéniles de chaque espèce, qui ne diffèrent que très peu entre eux. Il est impossible au vu des seules informations données par Buffon de savoir s’il a décrit séparément deux spécimens d’une même espèce ou un spécimen de chaque espèce, et, dans ce dernier cas, de déterminer à quelle espèce correspond chaque article.]