Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1/Pensées/Appendice aux Pensées

Hachette (tome Ip. 400-418).


APPENDICE AUX PENSÉES.


1. — La puissance des mouches. Elles gagnent des batailles, empêchent notre âme d’agir, mangent notre corps.

2. — Lorsqu’on est accoutumé à se servir de mauvaises raisons pour prouver des effets de la nature, on ne veut plus recevoir les bonnes lorsqu’elles sont découvertes. L’exemple qu’on en donna fut sur la circulation du sang, pour rendre raison pourquoi la veine enfle au-dessous de la ligature.

3. — Vanité, jeu, chasse, visites, comédies fausses, perpétuité de nom.

4. — Les raisons qui, étant vues de loin, semblent borner notre vue, quand on y est arrivé, ne la bornent plus ; on commence à voir au delà. Ms. de Vallant.

5. — Les malingres sont gens qui connoissent la vérité, mais qui ne la soutiennent qu’autant que leur intérêt s’y rencontre, mais hors de là ils l’abandonnent.

6. — La nourriture du corps est peu à peu. Plénitude de nourriture et peu de substance.

7. — Premier degré : être blâmé en faisant mal, et loué en faisant bien. Second degré : n’être ni loué ni blâmé.

8. — La foi reçue au baptême est la source de toute la vie des chrétiens et des convertis.

9. — Œuvres extérieures. Il n’y a rien de si périlleux que ce qui plaît à Dieu et aux hommes. Car les états qui plaisent à Dieu et aux hommes ont une chose qui plaît à Dieu, et une autre qui plaît aux hommes. Comme la grandeur de sainte Thérèse : ce qui plaît à Dieu est sa profonde humilité dans ses révélations ; ce qui plaît aux hommes sont ses lumières. Et ainsi on se tue d’imiter ses discours, pensant imiter son état ; et pas tant d’aimer ce que Dieu aime, et de se mettre en l’état que Dieu aime.

Il vaut mieux ne pas jeûner et en être humilié, que jeûner et en être complaisant. Pharisien, publicain.

Que me serviroit de m’en souvenir, si cela peut également me nuire et me servir ? et que tout dépend de la bénédiction de Dieu, qu’il ne donne qu’aux choses faites pour lui, et selon ses règles et dans ses voies, la manière étant ainsi aussi importante que la chose, et peut-être plus, puisque Dieu peut du mal tirer le bien, et que sans Dieu on tire le mal du bien.

10. — Les mots diversement rangés font un divers sens, et les sens diversement rangés font différens effets.

11. — Talent principal, qui règle tous les autres.

12. — Miscell. Façon de parler : « Je m’étois voulu appliquer à cela. » — Vertu apéritive d’une clef, attractive d’un croc.

13. — Pyrrhonien pour opiniâtre.

Nul ne dit courtisan que ceux qui ne le sont pas ; pédant, qu’un pédant ; provincial, qu’un provincial, et je gagerois que c’est l’imprimeur qui l’a mis au titre des Lettres au Provincial.

14. — Carrosse versé ou renversé, selon l’intention. — Répandre ou verser, selon l’intention.

Plaidoyer de M. Le Maître sur le cordelier par force.

15. — Beauté d’omission, de jugement.

16. — N’est-ce pas assez qu’il se fasse des miracles en un lieu, et que la Providence paroisse sur un peuple ?

— Le bon air va à n’avoir pas de complaisance, et la bonne piété à avoir complaisance pour les autres.

17. — Ce que les stoïques proposent est si difficile et si vain ! Les stoïques pensent que tous ceux qui ne sont point au haut degré de sagesse sont également vicieux, comme ceux qui sont à deux doigts dans l’eau.

18. — « Quand le fort armé possède son bien, ce qu’il possède est en paix. »

19. — On n’entend les prophètes que quand on voit les choses arrivées. Ainsi les preuves de la retraite, et de la discrétion, du silence, etc., ne se prouvent qu’à ceux qui les savent et les croient.

Joseph si intérieur dans une loi toute extérieure.

Les pénitences extérieures disposent à l’intérieure, comme les humiliations à l’humilité. Ainsi les…

20. — Rom., v. 27 : Gloire exclue ; par quelle loi ? Des œuvres ? Non, mais par la foi. Donc la foi n’est pas en notre puissance comme les œuvres de la loi, et elle nous est donnée d’une autre manière.

21. — Le peuple juif, moqué des gentils ; le peuple chrétien, persécuté.

22. — Josèphe cache la honte de sa nation ; Moïse ne cache pas sa honte propre… Quis mihi det ut omnes prophetent[1] ? Il étoit las du peuple.

23. — Sur Esdras. Fable, que les livres ont été brûlés avec le temple. Faux par les Machabées[2] : « Jérémie leur donna la loi. »

Fable, qu’il récita tout par cœur. Josèphe et Esdras marquent qu’il lut le livre. Baron., Ann., p. 180 : Nullus penitus Hebrærum antiquorum reperitur qui tradiderit libros periisse et per Esdram esse restitutos, nisi in IV Esdræ.

Fable, qu’il changea les lettres. Philo, in Vita Moysis : Illa lingua ac charactere quo antiquitus scripta est lex sic permansit usque ad lxx. Josèphe dit que la loi étoit en hébreu quand elle fut traduite par les Septante.

Sous Antiochus et Vespasian, où l’on a voulu abolir les livres, et où il n’y avoit point de prophète, on ne l’a pu faire. Et sous les Babyloniens, où nulle persécution n’a été faite, et où il y avoit tant de prophètes, l’auroient-ils laissé brûler ?

Josèphe se moque des Grecs qui ne souffriroient.

Tertull. : Perinde potuit abolefactam, etc. Lib. I, de Cultu fœm., cap. iii. Il dit que Noé a pu aussi bien rétablir en esprit le livre d’Énoch, perdu par le déluge, qu’Esdras a pu rétablir les Écritures perdues durant la captivité.

Eusèbe, lib. V, Hist., cap. viii : Deus glorificatus est, etc. epi Naboukodonosor[3]. Il allègue cela pour prouver qu’il n’est pas incroyable que les Septante aient expliqué les Ecritures saintes avec cette uniformité que l’on admire en eux. Et il a pris cela de saint Irénée. Euseb., lib. V. cap. xxv.

Saint Hilaire, dans la préface sur les Psaumes, dit qu’Esdras mit les Psaumes en ordre.

L’origine de cette tradition vient du XIVe chapitre du IVe livre d’Esdras.

Contre la fable d’Esdras. II Machab., ii ; —Josèphe, Antiquités. Cyrus prit sujet de la prophétie d’Isaïe de relâcher le peuple. Les juifs avoient des possessions paisibles sous Cyrus en Babylone, donc ils pouvoient bien avoir la loi. — Josèphe, en toute l’histoire d’Esdras, ne dit pas un mot de ce rétablissement. — IV Rois, xvii, 27.

24.— Si la fable d’Esdras est croyable, donc il faut croire que l’Écriture est écriture sainte. Car cette fable n’est fondée que sur l’autorité de ceux qui disent celle des Septante, qui montre que l’Écriture est sainte. Donc, si ce conte est vrai, nous avons notre compte par là ; sinon, nous l’avons d’ailleurs. Et ainsi ceux qui voudroient ruiner la vérité de notre religion, fondée sur Moïse, l’établissent par la même autorité par où ils l’attaquent. Ainsi, par cette providence, elle subsiste toujours.

25. — Contre ceux qui abusent des passages de l’Écriture, et qui se prévalent de ce qu’ils en trouvent quelqu’un qui semble favoriser leur erreur.

Le chapitre de vêpres, le dimanche de la Passion. L’oraison pour le roi.

Explication de ces paroles : « Qui n’est pas pour moi est contre moi[4]. »

Et de ces autres : « Qui n’est point contre vous est pour vous[5]. » Une personne qui dit : Je ne suis ni pour ni contre ; on doit lui répondre. Une des antiennes des vêpres de Noël : Exortum est in tenebris lumen rectis corde[6].

26. — Tradition ample du péché originel selon les juifs.

Sur le mot de la Genèse, viii, 21. (La composition du cœur de l’homme est mauvaise dès son enfance.) Rabbin Moïse Haddarschan : Ce mauvais levain est mis dans l’homme dès l’heure où il est formé. Masseche Succa : Ce mauvais levain a sept noms dans l’Écriture. Il est appelé mal, prépuce, immonde, ennemi, scandale, cœur de pierre, aquilon ; tout cela signifie la malignité qui est cachée et empreinte dans le cœur de l’homme. Misdrach Tillim dit la même chose, et que Dieu délivrera la bonne nature de l’homme de la mauvaise. Cette malignité se renouvelle tous les jours contre l’homme, comme il est écrit, Ps. xxxvii. (L’impie observe le ajuste, et cherche à le faire mourir ; mais Dieu ne l’abandonnera point.) Cette malignité tente le cœur de l’homme en cette vie, et l’accusera en l’autre. Tout cela se trouve dans le Talmud.

Misdrach Tillim sur le Ps. iv (Frémissez, et vous ne pécherez point) : Frémissez, et épouvantez votre concupiscence, et elle ne vous induira point à pécher. Et sur le Ps. xxxvi (L’impie a dit en son cœur : Que la crainte de Dieu ne soit point devant moi) : C’est-à -dire, que la malignité naturelle à l’homme a dit cela à l’impie.

Misdrach Kohelet[7] (Meilleur est l’enfant pauvre et sage que le roi vieux et fol qui ne sait pas prévoir l’avenir) : L’enfant est la vertu, et le roi est la malignité de l’homme. Elle est appelée roi parce que tous les membres lui obéissent, et vieux, parce qu’il est dans le cœur de l’homme depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse ; et fol, parce qu’il conduit l’homme dans la voie de perdition qu’il ne prévoit point. La même chose est dans Misdrach Tillim.

Bereschit Rabba sur le Ps. xxxv (Seigneur, tous mes os te béniront, parce que tu délivres le pauvre du tyran) : Et y a-t-il un plus grand tyran que le mauvais levain ? Et sur les Proverbes, xxv (Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger) : C’est-à-dire, si le mauvais levain a faim, donne-lui du pain de la sagesse, dont il est parlé Proverb., ix ; et s’il a soif, donne-lui l’eau dont il est parlé Is., lv. Misdrach Tillim dit la même chose ; et que l’Écriture en cet endroit, en parlant de notre ennemi, entend le mauvais levain ; et qu’en lui donnant ce pain et cette eau, on lui assemblera des charbons sur la tête.

Misdrach Kohelet, sur l’Eccl., ix (Un grand roi a assiégé une petite ville) : Le grand roi est le mauvais levain ; les grandes machines dont il l’environne sont les tentations, et il a été trouvé un homme sage et pauvre qui l’a délivrée, c’est-à -dire la vertu. Et sur le Ps. xli (Bienheureux qui a égard au pauvre). Et sur le Ps. lxxviii (L’esprit s’en va et ne revient plus) : Dont quelques-uns ont pris sujet d’errer contre l’immortalité de l’âme ; mais le sens est que cet esprit est le mauvais levain, qui s’en va avec l’homme jusqu’à la mort, et ne reviendra point en la résurrection. Et sur le Ps. ciii, la même chose. Et sur le Ps. xvi.

Principes des rabbins. Deux Messies.

27. — Chronologie du rabbinisme. Les citations des pages du livre Pugio[8].

Page 27, Hakadosch, an 200, auteur de Mischna, ou loi vocale, ou seconde loi.

Commentaires de Mischna : L’un

Siphra.
Barajetot.
Talmud Hierosol., an 340.
Tosiphtot.

Bereschit Rabah, par R. Osaia Rabah, commentaire de Mischna.

Bereschit Rabah, par Naconi, sont des discours subtils, agréables, historiques et théologiques. Ce même auteur a fait des livres appelés Rabot.

Cent ans après le Talmud Hierosol., fut fait le Talmud babylonique, par R. Ase, par le consentement universel de tous les juifs, qui sont nécessairement obligés d’observer tout ce qui y est contenu, année 440. L’addition de R. Ase s’appelle Gemara, c’est-à-dire le commentaire de Mischna. Et le Talmud comprend ensemble le Mischna et le Gemara.

28. — Jérémie, xxiii, 32, les miracles des faux prophètes. En l’hébreu et Vatable, il y a les légèretés.

Miracle ne signifie pas toujours miracle. I Rois, xiv, 15, miracle signifie crainte, et est ainsi en l’hébreu. De même en Job manifestement, xxxiii, 7. Et encore Isaïe, xxi, 4 ; Jérémie, xliv, 12. Portentum signifie terreur, Jér., l, 38 ; et est ainsi en l’hébreu et en Vatable. Is., viii, 18 : Jésus-Christ dit que lui et les siens seront en miracles.

29. — « Il a le diable. » Joh., xx, 21. Et les autres disoient : « Le diable peut-il ouvrir les yeux des aveugles ? »

29 bis. — En montrant la vérité, on la fait croire ; mais en montrant l’injustice des ministres, on ne la corrige pas. On assure la conscience en montrant la fausseté ; on n’assure pas la bourse en montrant l’injustice.

Les miracles et la vérité sont nécessaires, à cause qu’il faut convaincre l’homme entier, en corps et en âme.

30. — Juges, xiii, 23 : « Si le Seigneur nous eût voulu faire mourir, il ne nous eût pas montré toutes ces choses. » — Ézéchias. —Sennachérib. — Jérémie, xxviii ; Hananias, faux prophète, meurt le septième mois. — II Mach., iii, 24 : Le temple prêt à piller secouru miraculeusement. — II Mach., xv. — III Rois, xvii, 24 : La veuve à Élie, qui avoit ressuscité l’enfant : « Par là je connois que tes paroles sont vraies. » —III Rois, xviii : Elie avec les prophètes de Baal.

31. — Le peuple, qui croyoit en lui sur ses miracles, les pharisiens leur disoient : Ce peuple est maudit, qui ne sait pas la loi ; mais y a-t-il un prince ou un pharisien qui ait cru en lui ? car nous savons que nul prophète ne sort de Galilée. Nicodème répondit : Notre loi juge-t-elle un homme devant que de l’avoir ouï[9] ?

32. — Et ingemiscens ait : Quid generatio ista signum quærit ? Marc. viii, 12. Elle demandoit signe à mauvaise intention. Et non poterat facere ; et néanmoins il leur promet le signe de Jonas, de sa résurrection[10], le grand et l’incomparable.

Abraham, Gédéon, sont au-dessus de la révélation. Les juifs s’aveugloient en jugeant des miracles par l’Écriture.

Donatistes. Point de miracle, qui oblige à dire que c’est le diable.

33. — Figures. Les prophètes prophétisoient par figures, de ceinture, de barbe et cheveux brûlés[11], etc.

Le Vieux Testament est un chiffre.

Deux erreurs : 1° prendre tout littéralement ; 2° prendre tout spirituellement.

34. — Figures. Les peuples juif et égyptien visiblement prédits par ces deux particuliers que Moïse rencontra[12] : l’Égyptien battant le juif, Moïse le vengeant en tuant l’Égyptien, et le juif en étant ingrat.

35. — Figuratives. Clef du chiffre : Veri adoratores[13]. — Ecce agnus Dei qui tollit peccata mundi[14].

36. — Saint Paul dit lui-même que des gens défendront les mariages[15], et lui-même en parle aux Corinthiens[16], d’une manière qui est toujours une ratière[17]. Car si un prophète avoit dit l’un, et que saint Paul eût dit ensuite l’autre, on l’eût accusé.

37. — Figuratif. Dieu s’est servi de la concupiscence des juifs pour les faire servir à Jésus-Christ.

Rien n’est si semblable à la charité que la cupidité, et rien n’y est si contraire. Ainsi les juifs, pleins des biens qui flattoient leur cupidité, étoienttrès-conformes aux chrétiens, et très-contraires. Et par ce moyen ils avoient les deux qualités qu’il falloit qu’ils eussent, d’être très-conformes au Messie pour le figurer, et très-contraires pour n’être pas témoins suspects.

38. — La peinture seule de tous les mystères a été déclarée manifestement aux juifs, et par saint Jean, précurseur, et puis les autres mystères ; pour marquer qu’en chaque homme comme au monde entier cet ordre doit être observé.

39. — Ceux qui ordonnoient ces sacrifices en savoient l’inutilité ; et ceux qui en ont déclaré l’inutilité n’ont pas laissé de les pratiquer.

40. — Extravagances des apocalyptiques et préadamites, millénaires, etc. Qui voudra fonder des opinions extravagantes sur l’Écriture, en fondera par exemple sur cela. Il est dit que « cette génération ne passera point jusqu’à ce que tout cela se fasse[18]. » Sur cela je dirai qu’après cette génération, il viendra une autre génération, et toujours successivement. Il est parlé dans les IIes Paralipomènes de Salomon et de roi, comme si c’étoient deux personnes diverses. Je dirai que c’en ètoient deux.

41. — « … Qu’alors on n’enseignera plus son prochain, disant : Voici le Seigneur, car Dieu se fera sentir à tous[19]. » — « Vos fils prophétiseront[20]. » — Je mettrai mon esprit et ma crainte en votre cœur[21]. » — Tout cela est la même chose. Prophétiser, c’est parler de Dieu, non par preuves du dehors, mais par sentiment intérieur et immédiat.

42. — Le règne éternel de la race de David. II Chron., par toutes les prophéties, et avec serment. Et n’est point accompli temporellement : Jérém., xxxiii, 20.

43. — On pourrait peut-être penser que quand les prophètes ont prédit que le sceptre ne sortirait pas de Juda jusqu’au roi éternel, ils auraient parlé pour flatter le peuple, et que leur prophétie se seroit trouvée fausse à Hérode. Mais pour montrer que ce n’est pas leur sens, et qu’ils savoient bien au contraire que ce royaume temporel devoit cesser, ils disent qu’ils seront sans roi et sans prince, et longtemps durant. Osée, iii, 4.

44. — Moïse d’abord enseigne la trinité, le péché originel, le Messie David, grand témoignage. Roi, bon, pardonnant, belle âme, bon esprit, puissant ; il prophétise, et son miracle arrive ; cela est infini. Il n’avoit qu’à dire qu’il étoit le Messie, s’il eût eu de la vanité : car les prophéties sont plus claires de lui que de Jésus-Christ. Et saint Jean de même.

45. — Que peut-on avoir, sinon de la vénération, d’un homme qui prédit clairement des choses qui arrivent, et qui déclare son dessein et d’aveugler et d’éclairer, et qui mêle des obscurités parmi des choses claires qui arrivent ?

46. — Prophéties. Le grand Pan est mort.

47. — Si je n’avois ouï parler en aucune sorte du Messie, néanmoins, après les prédictions si admirables de l’ordre du monde que je vois accomplies, je vois que cela est divin. Et si je savois que ces mêmes livres prédissent un Messie, je m’assurerois qu’il seroit venu. Et voyant qu’ils mettent son temps avant la destruction du deuxième temple, je dirais qu’il serait venu.

48. — Osée, i, 9 : « Vous ne serez plus mon peuple et je ne serai plus votre Dieu, après que vous serez multipliés de la dispersion. Les lieux où l’on n’appelle pas mon peuple, je l’appellerai mon peuple. »

49. — Hérode cru le Messie. Il avoit ôté le sceptre de Juda, mais il n’étoit pas de Juda. Cela fit une secte considérable. Et Barcosba, et un autre reçu par les juifs. Et le bruit qui étoit partout en ce temps-là. Suétone. Tacite. Josèphe.

Malédiction des Grecs contre ceux qui comptent les périodes des temps.

50. — Is., i, 21. Changement de bien en mal, et vengeance de Dieu. — x, 1 ; xxvi, 20 ; xxviii, 1. — Miracles : Is., xxxiii, 9 ; xl, 17 ; xli, 26 ; xliii, 13.

Jér., xi, 21 ; xv, 12 ; xvii, 9 : Pravum est cor omnium et inscrutabile ; quis cognoscet illud ? C’est-à-dire, qui en connoîtra toute la malice ? car il est déjà connu qu’il est méchant. Ego Dominus, etc. — xvii, 17 : Faciam domui huic, etc. Fiance aux sacremens extérieurs. — 22 : Quia non sum locutus, etc. L’essentiel n’est pas le sacrifice extérieur. — xi, 13 : Secundum numerum, etc. Multitude de doctrines.

Is, xliv, 20-24 ; liv, 8 ; lxiii, 12-17 ; lxvi, 17.

Jér., ii, 35 ; iv, 22-24 ; v, 4, 29-31 ; vi, 16 ; xxiii, 15-17.

51. — Prédictions des choses particulières. Ils étoient étrangers en Égypte, sans aucune possession en propre, ni en ce pays-là ni ailleurs, lorsque Jacob mourant et bénissant ses enfans leur déclare qu’ils seront possesseurs d’une grande terre, et prédit particulièrement à la famille de Juda que les rois qui les gouverneroient un jour seroient de sa race, et que tous ses frères seroient ses sujets.

Ce même Jacob, disposant de cette terre future comme s’il en eût été maître, en donna une portion à Joseph plus qu’aux autres : « Je vous donne, dit-il, une part plus qu’à vos frères. » Et bénissant ses deux enfans, Éphraïm et Manassé, que Joseph lui avoit présentés, l’aîné, Manassé, à sa droite, et le jeune Éphraïm à sa gauche, il met ses bras en croix, et posant sa main droite sur la tête d’Éphraïm, et la gauche sur Manassé, il les bénit en sorte. Et sur ce que Joseph lui représente qu’il préfère le jeune, il lui répond avec une fermeté admirable : « Je le sais bien, mon fils, je le sais bien ; mais Éphraïm croîtra tout autrement que Manassé. » Ce qui a été en effet si véritable dans la suite, qu’étant seul presque aussi abondant que dix lignées entières qui composoient tout un royaume, elles ont été ordinairement appelées du seul nom d’Éphraïm.

Ce même Joseph, en mourant, recommande à ses enfans d’emporter ses os avec eux quand ils iront en cette terre, où ils ne furent que deux cents ans après.

Moïse, qui a écrit toutes ces choses si longtemps avant qu’elles fussent arrivées, a fait lui-même à chaque famille les partages de cette terre avant que d’y entrer, comme s’il en eût été maître. Il leur donne les arbitres qui en feront le partage, il leur prescrit toute la forme du gouvernement politique qu’ils y observeront, les villes de refuge qu’ils y bâtiront, et….

52. — Captivité des juifs sans retour. Jér., xi, 11 : « Je ferai venir sur Juda des maux desquels ils ne pourront être délivrés. »

Figures. Is., v, 1-7 : « Le Seigneur a eu une vigne dont il a attendu des raisins, et elle n’a produit que du verjus. Je la dissiperai donc et la détruirai ; la terre n’en produira que des épines, et je défendrai au ciel d’y. La vigne du Seigneur est la maison d’Israël, et les hommes de Juda en sont le germe délectable. J’ai attendu qu’ils fissent des actions de justice, et ils ne produisent qu’iniquité. »

Is., viii : « Sanctifiez le Seigneur avec crainte et tremblement ; ne redoutez que lui, et il vous sera en satisfaction ; mais il sera en pierre de scandale et en pierre d’achoppement aux deux maisons d’Israël. Il sera en piège et en ruine aux peuples de Jérusalem ; et un grand nombre d’entre eux heurteront cette pierre, y tomberont, y seront brisés, et seront pris à ce piége, et y périront. Voilez mes paroles, et couvrez ma loi pour mes disciples. J’attendrai donc en patience le Seigneur qui s voile et se cache à la maison de Jacob. »

Is., xxix : « Soyez confus et surpris, peuple d’Israël ; chancelez, trébuchez et soyez ivres, mais non pas d’une ivresse de vin ; trébuchez mais non pas d’ivresse, car Dieu vous a préparé l’esprit d’assoupissement ; il vous voilera les yeux, il obscurcira vos princes, et vos prophètes qui ont les visions. (Daniel, xii, 11 : « Les méchans ne l’entendront point, mais ceux qui seront bien instruits l’entendront. » Osée, dernier chapitre, dernier verset, après bien des bénédictions temporelles, dit : « Où est le sage ? et il entendra ces choses ; etc. » ) Et les visions de tous les prophètes seront à votre égard comme un livre scellé, lequel si on donne à un homme savant, et qui le puisse lire, il répondra : Je ne puis le lire, car il est scellé ; et quand on le donnera à ceux qui ne savent pas lire, ils diront : Je ne connois pas les lettres. Et le Seigneur m’a dit : Parce que ce peuple m’honore des lèvres (en voilà la raison et la cause ; car s’ils adoroient Dieu de cœur, ils entendraient les prophéties), mais que son cœur est bien loin de moi, et qu’ils ne m’ont servi que par des voies humaines : c’est pour cette raison que j’ajouterai à tout le reste d’amener sur ce peuple une merveille étonnante, et un prodige grand et terrible ; c’est que la sagesse de ses sages périra, et leur intelligence sera… »

Prophéties. Preuve de divinité. Is., xli : « Si vous êtes des dieux, approchez, annoncez-nous les choses futures, nous inclinerons notre cœur à vos paroles : apprenez-nous les choses qui ont été au commencement, et prophétisez-nous celles qui doivent arriver. Par là nous saurons que vous êtes des dieux ; faites-le bien ou mal, si vous pouvez : voyons donc et raisonnons ensemble. Mais vous n’êtes rien, vous n’êtes qu’abomination ; etc. Qui d’entre vous nous instruit (par des auteurs contemporains) des choses faites dès le commencement et l’origine ? afin que nous lui disions : Vous êtes le juste. Il n’yen a aucun qui nous apprenne ni qui prédise l’avenir. » — xlii : « Moi qui suis le Seigneur je ne communique pas ma gloire à d’autres. C’est moi qui ai fait prédire les choses qui sont arrivées, et qui prédis encore celles qui sont à venir. Chantez-en un cantique nouveau à Dieu par toute la terre. » —xliii, 8 : « Amène ici ce peuple qui a des yeux et qui ne voit pas, qui a des oreilles et qui est sourd : que les nations s’assemblent toutes. Qui d’entre elles et leurs dieux nous instruiront des choses passées et futures ? Qu’elles produisent leurs témoins pour leur justification ; ou qu’ils m’écoutent, et confessent que la vérité est ici. Vous êtes mes témoins, dit le Seigneur, vous et mon serviteur que j’ai élu, afin que vous me connoissiez, et que vous croyiez que c’est moi qui suis. J’ai prédit, j’ai sauvé, j’ai fait moi seul ces merveilles à vos yeux ; vous êtes mes témoins de ma divinité, dit le Seigneur. C’est moi qui pour l’amour de vous ai brisé les forces des Babyloniens ; c’est moi qui vous ai sanctifiés et qui vous ai créés. C’est moi qui vous ai fait passer au milieu des eaux et de la mer et des torrens, et qui ai submergé et détruit pour jamais les puissances ennemies qui vous ont résisté. Mais perdez la mémoire de ces anciens bienfaits, et ne jetez plus les yeux vers les choses passées. Voici. je prépare de nouvelles choses qui vont bientôt paroître, vous les connoîtrez : je rendrai les déserts habitables et délicieux. Je me suis formé ce peuple, je l’ai établi pour annoncer mes louanges, etc. Mais c’est pour moi-même que j’effacerai vos péchés et que j’oublierai vos crimes ; car pour vous repasser en votre mémoire vos ingratitudes, pour voir si vous avez de quoi vous justifier, votre premier père a péché, et vos docteurs ont tous été des prévaricateurs. » — xliv. Je suis le premier et le dernier, dit le Seigneur ; qui s’égalera à moi ? qu’il raconte l’ordre des choses depuis que j’ai formé les premiers peuples, et qu’il annonce les choses qui doivent arriver. Ne craignez rien ; ne vous ai-je pas fait entendre toutes ces choses ? Vous êtes mes témoins. » — Prédiction de Cyrus[22]. « A cause de Jacob que j’ai élu, je t’ai appelé parton nom. » — 21 : « Venez et disputons ensemble : qui a fait entendre les choses depuis le commencement ? qui a prédit les choses dès lors ? N’est-ce pas moi, qui suis le Seigneur ? » — xlvi : « Ressouvenez-vous des premiers siècles, et connoissez qu’il n’y a rien de semblable à moi, qui annonce dès le commencement les choses qui doivent arriver à la fin, et disant dès l’origine du monde : Mes décrets subsisteront, et toutes mes volontés seront accomplies. » — xlii, 9 : « Les premières choses sont arrivées comme elles avoient été prédites ; et voici maintenant, j’en prédis de nouvelles et vous les annonce avant qu’elles soient arrivées. » — xliii, 3 : « J’ai fait prédire les premières, et je les ai accomplies ensuite ; et elles sont arrivées en la manière que j’avois dit ; parce que je sais que vous êtes dur, que votre esprit est rebelle et votre front impudent ; et c’est pourquoi je les ai voulu annoncer avant l’événement, afin que vous ne puissiez pas dire que ce fût l’ouvrage de vos dieux et l’effet de leur ordre. Vous voyez arrivé ce qui a été prédit ; ne le raconterez-vous pas ? Maintenant je vous annonce des choses nouvelles, que je conserve en ma puissance, et que vous n’avez pas encore sues ; ce n’est que maintenant que je les prépare, et non pas depuis longtemps : je vous les ai tenues cachées de peur que vous ne vous vantassiez de les avoir prévues par vous-mêmes. Car vous n’en avez aucune connoissance, et personne ne vous en a parlé, et vos oreilles n’en ont rien ouï ; car je vous connois, et comme je sais que vous êtes plein de prévarication, je vous ai donné le nom de prévaricateur dès les premiers temps de votre origine. »

Réprobation des juifs et conversion des gentils. — Is., lxv : « Ceux là m’ont cherché qui ne me consultoient point ; ceux-là m’ont trouvé qui ne me cherchoient point ; j’ai dit : Me voici, au peuple qui n’invoquoit pas mon nom. J’ai étendu mes mains tout le jour au peuple incrédule qui suit ses désirs et qui marche dans une mauvaise voie, ce peuple qui me provoque sans cesse par les crimes qu’il commet en ma présence, qui s’est emporté à sacrifier aux idoles, etc. Ceux-là seront dissipés en fumée au jour de ma fureur, etc. J’assemblerai les iniquités de vous et de vos pères, et vous rendrai à tous selon vos œuvres. Le Seigneur dit ainsi : Pour l’amour de mes serviteurs, je ne perdrai tout Israël, mais j’en réserverai quelques-uns, de même qu’on réserve un grain resté dans une grappe, duquel on dit : Ne l’arrachez pas, parce que c’est bénédiction. Ainsi j’en prendrai de Jacob et de Juda pour posséder mes montagnes, que mes élus et mes serviteurs avoient en héritage, et mes campagnes fertiles et admirablement abondantes ; mais j’exterminerai tous les autres, parce que vous avez oublié votre Dieu pour servir des dieux étrangers. Je vous ai appelés et vous n’avez pas répondu ; j’ai parlé et vous m’avez pas ouï, et vous avez choisi choses que j’avois défendues. C’est pour cela que le Seigneur dit ces choses : Voici, mes serviteurs seront rassasiés, et vous languirez de faim ; mes serviteurs seront dans la joie, et vous dans la confusion ; mes serviteurs chanteront des cantiques de l’abondance de la joie de leur cœur, et vous pousserez des cris et des hurlemens de l’affliction de votre esprit. Et vous laisserez votre nom en abomination à mes élus. Le Seigneur vous exterminera, et nommera ses serviteurs d’un autre nom dans lequel celui qui sera béni sur la terre sera béni en Dieu, etc. Parce que les premières douleurs sont mises en oubli. Car voici : je crée de nouveaux cieux et une nouvelle terre, etles choses passées ne seront plus en mémoire et ne reviendront plus en la pensée. Mais vous vous réjouirez à jamais dans les choses nouvelles que je crée ; car je crée Jérusalem qui n’est autre chose que joie, et son peuple réjouissance ; et je me plairai en Jérusalem et en mon peuple, et on n’y entendra plus de cris et de pleurs. Je l’exaucerai avant qu’il demande ; je les ouïrai quand ils ne feront que commencer à parler ; le loup et l’agneau paîtront ensemble, le lion et le bœuf mangeront la même paille ; le serpent ne mangera que la poussière, et on ne commettra d’homicide ni de violence en toute ma sainte montagne. » — lvi : « Et que les étrangers qui s’attachent à moi ne disent point : Dieu me séparera d’avec son peuple. Car le Seigneur dit ces choses : Quiconque gardera mes sabbats, et choisira de faire mes volontés, et gardera mon alliance, je leur donnerai place dans ma maison, et je leur donnerai un nom meilleur que celui que j’ai donné à mes enfans : ce sera un nom éternel qui ne périra jamais. » — lix : « C’est pour nos crimes que la justice s’est éloignée de nous. Nous avons attendu la lumière et nous ne trouvons que les ténèbres ; nous avons espéré la clarté et nous marchons dans l’obscurité ; nous avons tâté contre la muraille comme des aveugles ; nous avons heurté en plein midi comme au milieu d’une nuit, et comme des morts en des lieux ténébreux. Nous rugirons tous comme des ours, nous gémirons comme des colombes. Nous avons attendu la justice, et elle ne vient point ; nous avons espéré le salut, et il s’éloigne de nous. » — lxvi, 18 : « Mais je visiterai leurs œuvres et leurs pensées quand je viendrai pour les assembler avec toutes les nations et les peuples ; et ils verront ma gloire. Et je leur imposerai un signe, et de ceux qui seront sauvés j’en enverrai aux nations, en Afrique, en Lydie, en Italie, en Grèce et aux peuples qui n’ont point ouï parler de moi et qui n’ont point vu ma gloire ; et ils amèneront vos frères. »

Réprobation du temple. Jér., vii : Allez en Silo, où j’avois établi mon nom au commencement, et voyez ce que j’y ai fait à cause des péchés de mon peuple. Et maintenant, dit le Seigneur, parce que vous avez fait les mêmes crimes, je ferai de ce temple où mon nom est invoqué, et sur lequel vous vous confiez, et que j’ai moi-même donné à vos prêtres, la même chose que j’ai faite de Silo. (Car je l’ai rejeté, et me suis fait un temple ailleurs.) Et je vous rejetterai loin de moi, de la même manière que j’ai rejeté vos frères les enfans d’Éphraïm. Ne priez donc point pour ce peuple. (Rejetés sans retour.) — 21 : « A quoi vous sert-il d’ajouter sacrifice sur sacrifice ? Quand je retirai vos pères hors d’Égypte, je ne leur parlai pas des sacrifices et des holocaustes ; je ne leur en donnai aucun ordre, et le précepte que je leur ai donné a été en cette sorte : Soyez obéissans et fidèles à mes commandemens, et je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. (Ce ne fut qu’après qu’ils eurent sacrifié au veau d’or que j’ordonnai des sacrifices pour tourner en bien une mauvaise coutume.) » — 4 : « N’ayez point confiance aux paroles de mensonge de ceux qui vous disent : Le temple du Seigneur, le temple du Seigneur, le temple du Seigneur sont. »

53. — Prophéties.Pugio fidei, p. 659, Talmud : « C’est une tradition entre nous que, quand le Messie arrivera, la maison de Dieu, destinée à la dispensation de sa parole, sera pleine d’ordure et d’impureté, et que la sagesse des scribes sera corrompue et pourrie. Ceux qui craindront de pécher seront réprouvés du peuple, et traités de fous et d’insensés. » — Is. xlix : « Écoutez, peuples éloignés, et vous, habitans des îles de la mer : le Seigneur m’a appelé par mon nom dès le ventre de ma mère, il me protége sous l’ombre de sa main, il a mis mes paroles comme un glaive aigu, et m’a dit : Tu es mon serviteur ; c’est par toi que je ferai paroître ma gloire. Et j’ai dit : Seigneur, ai-je travaillé en vain ? est-ce inutilement que j’ai consommé toute ma force ? faites-en le jugement, Seigneur, le travail est devant vous. Lors le Seigneur, qui m’a formé lui-même dès le ventre de ma mère pour être tout à lui, afin de ramener Jacob et Israël, m’a dit : Tu seras glorieux en ma présence, et je serai moi-même ta force : c’est peu de chose que tu convertisses les tribus de Jacob ; je t’ai suscité pour être la lumière des gentils, et pour être mon salut jusqu’aux extrémités de la terre. Ce sont les choses que le Seigneur a dites à celui qui a humilié son âme, qui a été en mépriset en abomination aux gentils, et qui s’est soumis aux puissans de la terre. Les princes et les rois t’adoreront, parce que le Seigneur qui t’a élu est fidèle. Le Seigneur m’a dit encore : Je t’ai exaucé dans les jours de salut et de miséricorde, et je t’ai établi pour être l’alliance du peuple, et te mettre en possession des nations les plus abandonnées ; afin que tu dises à ceux qui sont dans les chaînes : Sortez en liberté ; et à ceux qui sont dans les ténèbres : Venez à la lumière, et possédez des terres abondantes et fertiles. Ils ne seront plus travaillés ni de la faim, ni de la soif, ni de l’ardeur du soleil, parce que celui qui a eu compassion d’eux sera leur conducteur : il les mènera aux sources vivantes deseaux, et aplanira les montagnes devant eux. Voici, les peuples aborderont de toutes parts, d’orient, d’occident, d’aquilon et de midi. Que le ciel en rende gloire à Dieu ; que la terre s’en réjouisse, parce qu’il a plu au Seigneur de consoler son peuple, et qu’il aura enfin pitié des pauvres qui espèrent en lui. Et cependant Sion a osé dire : Le Seigneur m’a abandonnée, et n’a plus mémoire de moi. Une mère peut-elle mettre en oubli son enfant, et peut-elle perdre la tendresse pour celui qu’elle a porté dans son sein ? mais quand elle en seroit capable, je ne t’oublierai pourtant jamais, Sion : je te porte toujours entre mes mains, et tes murs sont toujours devant mes yeux. Ceux qui doivent te rétablir accourent et tes destructeurs seront éloignés. Lève les yeux de toutes parts, et considère toute cette multitude qui est assemblée pour venir à toi. Je jure que tous ces peuples te seront donnés comme l’ornement duquel tu seras à jamais revêtue : tes déserts et tes solitudes, et toutes tes terres qui sont maintenant désolées seront trop étroites pour le grand nombre de tes habitans, et les enfans qui te naîtront dans les années de ta stérilité te diront : La place est trop petite, écarte les frontières, et fais-nous place pour habiter. Alors tu diras en toi-même : Qui est-ce qui m’a donné cette abondance d’enfans, moi qui n’enfantois plus, qui étois stérile, transportée et captive ? et qui est-ce qui me les a nourris, moi qui étois délaissée sans secours ? D’où sont donc venus tous ceux-ci ? Et le Seigneur te dira : Voici, j’ai fait paroître ma puissance sur les gentils, et j’ai élevé mon étendard sur les peuples, et ils t’apporteront des enfans dans leurs bras et dans leurs seins ; les rois et les reines seront tes nourriciers, ils t’adoreront le visage contre terre, et baiseront la poussière de tes pieds ; et tu connoîtras que je suis le Seigneur, et que ceux qui espèrent en moi ne seront jamais confondus ; car qui peut ôter la proie à celui qui est fort et puissant ? Mais encore même qu’on la lui pût ôter, rien ne pourra empêcher que je ne sauve tes enfans, et que je ne perde tes ennemis, et tout le monde reconnoîtra que je suis le Seigneur ton sauveur, et le puissant rédempteur de Jacob. » — L : « Le Seigneur dit ces choses : Quel est ce libelle de divorce par lequel j’ai répudié la synagogue ? et pourquoi l’ai-je livrée entre les mains de vos ennemis ? n’est-ce pas pour ses impiétés et pour ses crimes que je l’ai répudiée ? Car je suis venu et personne ne m’a reçu ; j’ai appelé et personne n’a écouté : est-ce que mon bras est accourci et que je n’ai pas la puissance de sauver ? C’est pour cela que je ferai paroître les marques de ma colère… : je couvrirai les cieux de ténèbres et les cacherai sous des voiles. Le Seigneur m’a donné une langue bien instruite, afin que je sache consoler par ma parole celui qui est dans la tristesse. Il m’a rendu attentif à ses discours, et je l’ai écouté comme un maître (en disciple). Le Seigneur m’a révélé ses volontés et je n’y ai point été rebelle. J’ai livré mon corps aux coups et mes joues aux outrages ; j’ai abandonné mon visage aux ignominies et aux crachats ; mais le Seigneur m’a soutenu, et c’est pourquoi je n’ai point été confondu. Celui qui me justifie est avec moi : qui osera m’accuser ? qui se lèvera pour disputer contre moi, et pour m’accuser de péché, Dieu étant lui-même mon protecteur ? Tous les hommes passeront et seront consommés par le temps ; que ceux qui craignent Dieu écoutent donc les paroles de son serviteur ; que celui qui languit dans les ténèbres mette sa confiance au Seigneur. Mais pour vous vous ne faites qu’embraser la colère de Dieu sur vous, vous marchez sur les brasiers et entre les flammes que vous-mêmes avez allumées : c’est ma main qui a fait venir ces maux sur vous ; vous périrez dans les douleurs. » — li : « Écoutez-moi, vous qui suivez la justice et qui cherchez le Seigneur ; regardez à la pierre d’où vous êtes taillés, et à la citerne d’où vous êtes tirés. Regardez à Abraham votre père, et à Sara qui vous a enfantés : voyez qu’il étoit seul et sans enfant quand je l’ai appelé et que je lui ai donné une postérité si abondante : voyez combien de bénédictions j’ai répandues sur Sion, et de combien de grâces et de consolations je l’ai comblée. Considérez toutes ces choses, mon peuple, et rendez-vous attentif à mes paroles, car une loi sortira de moi, et un jugement qui sera la lumière des gentils. » — Amos, viii : Le prophète ayant fait un dénombrement des péchés d’Israël, dit que Dieu a juré d’en faire la vengeance. Dit ainsi : « En ce jour-là, dit le Seigneur, je ferai coucher le soleil à midi, et je couvrirai la terre de ténèbres dans le jour de lumière, je changerai vos fêtes solennelles en pleurs, et tous vos cantiques en plaintes. Vous serez tous dans la tristesse et dans les souffrances, etje mettrai cette nation en une désolation pareille à celle de la mort d’un fils unique ; et ces derniers temps seront des temps d’amertume : car voici, les jours viennent, dit le Seigneur, que j’enverrai sur cette terre la famine, la faim, non pas la faim et la soif de pain et d’eau, mais la faim et la soif d’ouïr les paroles de la part du Seigneur. Ils iront errans d’une mer jusqu’à l’autre, et se porteront d’aquilon en orient ; ils tourneront de toutes parts en cherchant qui leur annonce la parole du Seigneur, et ils n’en trouverent point. Et leurs vierges et leurs jeunes hommes périront en cette soif, eux qui ont suivi les idoles de Samarie, qui ont juré par le Dieu adoré en Dan, et qui ont suivi le culte de Bersabée ; ils tomberont et ne se relèveront jamais de leur chute. » — Amos, iii, 2 : « De toutes les nations de la terre, je n’ai reconnu que vous pour être mon peuple. » — Daniel, xii, 7, ayant décrit toute l’étendue du règne du Messie, dit : « Toutes ces choses s’accompliront lorsque la dispersion du peuple d’Israël sera accomplie. » — Aggée, ii, 4 : « Vous qui, comparant cette seconde maison à la gloire le la première, la méprisez, prenez courage, dit le Seigneur, à vous Zorobabel, et à vous, Jésus grand prêtre, et à vous, tout le peuple de la terre, et ne cessez point d’y travailler ; car je suis avec vous, dit le Seigneur des armées ; la promesse subsiste, que j’ai faite quand je vous ai retirés d’Égypte ; mon esprit est au milieu de vous. Ne perdez point espérance, car le Seigneur des armées dit ainsi : Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, et la mer et la terre ferme (façon de parler pour marquer un changement grand et extraordinaire) ; et j’ébranlerai toutes les nations. Et alors viendra celui qui est désiré par tous les gentils, et je remplirai cette maison de gloire, dit le Seigneur. L’argent et l’or sont à moi, dit le Seigneur (c’est-à-dire que ce n’est pas de cela que je veux être honoré : comme il est dit ailleurs : Toutes les bêtes des champs sont à moi : à quoi sert de me les offrir en sacrifice ?) ; la gloire de ce nouveau temple sera bien plus grande que la gloire du premier, dit le Seigneur des armées ; et j’établirai ma maison en ce lieu-ci, dit le Seigneur. » — « …[23] En Horeb, au jour où vous y étiez assemblés, et que vous dîtes : Que le Seigneur ne parle plus lui-même à nous, et que nous ne voyions plus ce feu, de peur que nous ne mourions. Et le Seigneur me dit : Leur prière est juste : je sur susciterai un prophète tel que vous du milieu de leurs frères, dans la bouche duquel je mettrai mes paroles : et il leur dira toutes les choses que je lui aurai ordonnées ; et il arrivera que quiconque n’obéira point aux paroles qu’il lui portera en mon nom, j’en ferai moi-même le jugement. » — Genèse, xlix : « Vous, Juda, vous serez loué de vos frères, et vainqueur de vos ennemis ; les enfans de votre père vous adoreront. Juda, faon de lion, vous êtes monté à la proie, ô mon fils ! et vous êtes couché comme un lion, et comme une lionnesse qui s’éveillera. Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le législateur d’entre ses pieds, jusqu’à ce que Silo vienne ; et les nations s’assembleront à lui pour lui obéir. »

54. —

55. — Après que bien des gens sont venus devant, il est venu enfin Jésus-Christ, dire[24] : « Me voici, et voici le temps. Ce que les prophètes ont dit devoir avenir dans la suite des temps, je vous dis que mes apôtres le vont faire. Les juifs vont être rebutés, Hiérusalem sera bientôt détruite : et les païens vont entrer dans la connoissance de Dieu. Mes apôtres le vont faire après que vous aurez tué l’héritier de la vigne. »

Et puis les apôtres ont dit aux juifs : « Vous allez être maudits (Celsus s’en moquoit) ; » et aux païens : « Vous allez entrer dans la connoissance de Dieu. » Et cela est arrivé alors.

56. — Il est non-seulement impossible, mais inutile de connoître Dieu sans Jésus-Christ. Ils ne s’en sont pas éloignés, mais approchés ; ils ne se sont pas abaissés, mais… Quo quisquam optimus est, pessimus, si hoc ipsum, quod optimus est, adscribat sibi.

57. — Preuves de Jésus-Christ. Pourquoi le livre de Ruth conservé. Pourquoi l’histoire de Thamar.

58. — Les juifs, en éprouvant s’il étoit Dieu, ont montré qu’il étoit homme.

59. — Pourquoi Jésus-Christ n’est-il pas venu d’une manière visible, au lieu de tirer sa preuve des prophéties précédentes ? Pourquoi s’est-il fait prédire en figures ?

60. — Sur ce que Josèphe ni Tacite et les autres historiens n’ont point parlé de Jésus-Christ. Tant s’en faut que cela fasse contre, qu’au contraire cela fait pour. Car il est certain que Jésus-Christ a été, et que sa religion a fait grand bruit, et que ces gens-là ne l’ignoroient pas, et qu’ainsi il est visible qu’ils ne l’ont celé qu’à dessein ; ou qu’ils en ont parlé, et qu’on l’a ou supprimé ou changé.

61. — Vocation des gentils par Jésus-Christ. Ruine des juifs et des païens par Jésus-Christ.

62. — Si le diable favorisoit la doctrine qui le détruit, il seroit divisé, comme disoit Jésus-Christ. Si Dieu favorisoit la doctrine qui détruit l’Église, il seroit divisé : Omne regnum divisum[25], etc. Car Jésus-Christ agissoit contre le diable, et détruisoit son empire sur les cœurs, dont l’exorcisme est la figure, pour établir le royaume de Dieu, Et ainsi il ajoute : In digito Dei, etc., regnum Dei ad vos, etc.

63. — Omnis Juaæa regio, et Jerosolomytæ universi, et baptizabantur[26]. A cause de toutes les conditions d’hommes qui y venoient. Des pierres peuvent être enfans d’Abraham[27].

Si on seconnoissoit, Dieu guériroit et pardonneroit.

Ne convertantur, et sanem eos, et dimittantur eis peccata[28].

Jésus-Christ n’a jamais condamné sans ouïr. A Judas : Amice, ad quid venisti ? A celui qui n’avoit pas la robe nuptiale, de même.

64. — Concupiscence de la chair, concupiscence des yeux, orgueil, etc. Il y a trois ordres de choses : la chair, l’esprit, la volonté, Les charnels sont les riches, les rois. Ils ont pour objet le corps. Les curieux et savans : ils ont pour objet l’esprit. Les sages : ils ont pour objet la justice. Dieu doit régner sur tout, et tout se rapporter à lui. Dans les choses de la chair règne proprement la concupiscence ; dans les spirituelles, la curiosité proprement ; dans la sagesse, l’orgueil proprement. Ce n’est pas qu’on ne puisse être glorieux pour les biens ou pour les connoissances, mais ce n’est pas le lieu de l’orgueil ; car en accordant à un homme qu’il est savant, on ne laissera pas de le convaincre qu’il a tort d’être superbe. Le lieu propre à la superbe est la sagesse : car on ne peut accorder à un homme qu’il s’est rendu sage, et qu’il a tort d’être glorieux ; car cela est de justice. Aussi Dieu seul donne la sagesse : et c’est pourquoi : Qui gloriatur in Domino glorietur[29].

65. — Soumission, et usage de la raison ; en quoi consiste le vrai christianisme.

66. — Impiété, de ne pas croire l’eucharistie, sur ce qu’on ne la voit pas.

67. — C’est une chose si visible, qu’il faut aimer un seul Dieu, qu’il ne faut point de miracle pour le prouver.

Bel état de l’Église, quand elle n’est plus soutenue que de Dieu !

68. — Cette religion si grande en miracles (saints Pères irréprochables ; savans et grands ; témoins, martyrs, rois ; David, établi, Isaïe, prince du sang), si grande en science, après avoir étalé tous ses miracles et toute sa sagesse, elle réprouve tout cela, et dit qu’elle n’a ni sagesse ni signes, mais la croix et la folie. Car ceux qui par ces signes et cette sagesse ont mérité votre créance, et qui vous ont prouvé leur caractère, vous déclarent que rien de tout cela ne peut nous changer, et nous rendre capables de connoître et aimer Dieu, que la vertu de la folie de la croix, sans sagesse ni signes ; et point ces signes sans cette vertu. Ainsi notre religion est folle, en regardant à la cause effective, et sage en regardant à la sagesse qui y prépare.

69. — Que l’Écriture a deux sens, que Jésus-Christ et les apôtres ont donnés, dont voici les preuves : 1° Preuve par l’Écriture même ; 2° preuves par les rabbins ; Moïse Maymonide dit qu’elle a deux faces, et que les prophéties n’ont prophétisé que Jésus-Christ ; 3° preuves par la cabale ; 4° preuves par l’interprétation mystique que les rabbins mêmes donnent à l’Écriture ; 5° preuves par les principes des rabbins, qu’il y a deux sens. Qu’il y a deux avènemens, glorieux et abject, du Messie, selon leur mérite ; que les prophètes n’ont prophétisé que du Messie. La loi n’est pas éternelle, mais doit changer au Messie. Qu’alors on ne se souviendra plus de la mer Rouge ; que les juifs et les gentils seront mêlés.

70. — Les mouvemens de grâce, la dureté de cœur ; les circonstances extérieures.

71. — Différence entre le dîner et le souper.

En Dieu la parole ne diffère pas de l’intention, car il est véritable ; ni la parole de l’effet, car il est puissant ; ni les moyens de l’effet, car il est sage. Bern., ult. sermo in Missam.

Augustin, V, de Civ., 10 : Cette règle est générale. Dieu peut tout, hormis les choses lesquelles s’il les pouvoit il ne seroit pas tout-puissant, comme mourir, être trompé et mentir, etc.

Plusieurs évangélistes pour la confirmation de la vérité ; leur dissemblance utile.

Eucharistie après la Cène. Vérité après figure. Ruine de Jérusalem figure de la ruine du monde, quarante ans après la mort de Jésus-Christ[30]. « Je ne sais pas[31] : » comme homme, ou comme légat. Jésus-Christ condamné par les juifs et les gentils. Les juifs et gentils figurés par les deux fils : Aug., de Civ., XX, 29.

72. — (20 V) Les figures de l’Évangile pour l’état de l’âme malade sont des corps malades ; mais parce qu’un corps ne peut être assez malade pour le bien exprimer, il en a fallu plusieurs. Ainsi il y a le sourd, le muet, l’aveugle, le paralytique, le Lazare mort, le possédé. Tout cela ensemble est dans l’âme malade.

73. — Elle est toute le corps de Jésus-Christ, en son patois, mais il ne peut dire qu’elle est tout le corps de Jésus-Christ. L’union de deux choses sans changement ne fait point qu’on puisse dire que l’une devient l’autre. Ainsi l’âme unie au corps, le feu au bois, sans changement. Mais il faut changement qui fasse que la forme de l’une devienne la forme de l’autre : ainsi l’union du Verbe à l’homme. Parce que mon corps sans mon âme ne feroit pas le corps d’un homme : mon âme, unie à quelque matière que ce soit, fera mon corps. Il me distingue la condition nécessaire d’avec la condition suffisante : l’union est nécessaire, mais non suffisante. Le bras gauche n’est pas le droit. L’impénétrabilité est une propriété des corps. Identité de numéro au regard du même temps exige l’identité de la matière. Ainsi si Dieu unissoit mon âme à un corps à la Chine, le même corps, idem numero, seroit à la Chine. La même rivière qui coule là est idem numero que celle qui coule en même temps à la Chine.

74. — Fascination. Somnum suum[32]. Figura hujus mundi[33].

L’eucharistie. Comedes panem tuum[34]. Panem nostrum[35].

Inimici Dei terram lingent[36]. Les pécheurs lèchent la terre, c’est-à-dire aiment les plaisirs terrestres.

Singularis ego sum donec transeam[37]. Jésus-Christ avant sa mort étoit presque seul de martyr.

75. — Les deux raisons contraires. Il faut commencer par là : sans cela on n’entend rien, et tout est hérétique. Et même, à la fin de chaque vérité, il faut ajouter qu’on se souvient de la vérité opposée.

76. — Canoniques. Les hérétiques, au commencement de l’Église, servent à prouver les canoniques.

77. — Dieu (et les apôtres), prévoyant que les semences d’orgueil feroient naître les hérésies, et ne voulant pas leur donner occasion de naître par des termes propres, a mis dans l’Écriture et les prières de l’Église des mots et des sentences contraires pour produire leurs fruits dans le temps. De même qu’il donne dans la morale la charité, qui produit des fruits contre la concupiscence. Celui qui sait la volonté de son maître sera battu de plus de coups, à cause du pouvoir qu’il a par la connoissance. Qui justus est justificetur[38], à cause du pouvoir qu’il a par la justice. A celui qui a le plus reçu sera le plus grand compte demandé à cause du pouvoir qu’il a par le secours.

78. — République. La république chrétienne, et même judaïque, n’a eu que Dieu pour maître, comme remarque Philon juif, De la monarchie. Quand ils combattoient, ce n’étoit que pour Dieu ; ils n’espéroient principalement que de Dieu ; ils ne considéraient leurs villes que comme étant à Dieu, et les conservoient pour Dieu. I Paralip., xix, 13.

79. — La victoire sur la mort[39]. Que sert à l’homme de gagner tout le monde, s’il perd son âme[40] ? Qui veut garder son âme, la perdra[41].

Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l’accomplir[42]. Les agneaux n’ôtoient point les péchés du monde, mais je suis l’agneau qui ôte les péchés[43]. Moïse ne vous a point donné le pain du ciel[44]. Moïse ne vous a point tirés de captivité, et ne vous a point rendus véritablement libres[45].

80. — Saint Augustin a dit formellement que les forces seroient ôtées au péché. Mais c’est par hasard qu’il l’a dit ; car il pouvoit arriver que l’occasion de le dire ne s’offrît pas. Mais ses principes font voir que l’occasion s’en présentant, il étoit impossible qu’il ne le dît, ou qu’il dît rien de contraire. C’est donc plus d’être forcé à le dire l’occasion s’en offrant, que de l’avoir dit l’occasion s’étant offerte ; l’un étant de nécessité, l’autre de hasard. Mais les deux sont tout ce qu’on peu demander.

81. — Quand Auguste eut appris qu’entre les enfans qu’Hérode avoit fait mourir, au-dessous de l’âge de deux ans, étoit son propre fils, il dit qu’il étoit meilleur d’être le pourceau d’Hérode que son fils. Macrob., Saturn., livre II, 4.

82. — Ordre. Voir ce qu’il y a de clair dans tout l’état des juifs, et d’incontestable.

83. — Eh quoi ! Ne dites-vous pas vous-même que le ciel et les oiseaux prouvent Dieu ? — Non. — Et votre religion ne le dit-elle pas ? — Non. Car encore que cela est vrai en un sens pour quelques âmes à qui Dieu donne cette lumière, néanmoins cela est faux à l’égard de la plupart.

84. — Nihil tam absurde dici potest quod non dicatur ab aliquo philosophorum. Cic., de Divin.

85. — Est et non est sera-t-il reçu dans la foi, aussi bien que dans les miracles ?

Quand saint Xavier fait des miracles… !

Miracles continuels, faux.

86. — Toujours les hommes ont parlé vrai de Dieu, ou le vrai Dieu a parlé aux hommes.

Les deux fondemens : l’un intérieur, l’autre extérieur ; la grâce, les miracles ; tous deux surnaturels.

87. — Judith. Enfin Dieu parle dans les dernières oppressions. Si le refroidissement de la charité laisse l’Église presque sans vrais adorateurs, les miracles en exciteront. C’est un des derniers effets de la grâce.

S’il se faisoit un miracle aux Jésuites !.

Quand le miracle trompe l’attente de ceux en présence desquels il arrive, et qu’il y a disproportion entre l’état de leur foi et l’instrument du miracle, alors il doit les porter à changer. Mais vous, autrement. Il y auroit autant de raison à dire que si l’eucharistie ressuscitoit un mort, il faudroit se rendre calviniste que demeurer catholique. Mais quand il couronne l’attente, et que ceux qui ont espéré que Dieu béniroit les remèdes se voient guéris sans remèdes…

88. — Sur le miracle. Comme Dieu n’a pas rendu de famille plus heureuse, il faut aussi qu’il n’en trouve point de plus reconnoissante.

89. — Roi, tyran. J’aurai aussi mes pensées de derrière la tête. Je prendrai garde à chaque voyage.

90. — Venise. Quel avantage en tirerez-vous, sinon du besoin qu’en ont les princes, et de l’horreur qu’en ont les peuples ? S’ils vous avoient demandés, et que pour l’obtenir ils eussent imploré l’assistance des princes chrétiens, vous pourriez faire valoir cette recherche. Mais que durant cinquante ans tous les princes se soient employés inutilement, et qu’il ait fallu en aussi pressant besoin pour l’obtenir…


fin de l’appendice aux pensées et du premier volume.
  1. Nombres, xi, 29.
  2. II Mach., ii, 2.
  3. Indication de deux passages d’Eusèbe. Pascal cite la première phrase dans la traduction latine, et la seconde dans le texte même.
  4. Matth., xii, 30.
  5. Marc, ix, 39.
  6. Ps. cxi, 4.
  7. Eccles, iv, 13.
  8. Pugio fidei, par Raymond Martin.
  9. Jean, vii, 49.
  10. Matt., xii, 39.
  11. Dan., iii, 94.
  12. Exode, ii, 11-14.
  13. Jean, iv, 23.
  14. Jean, i, 29.
  15. I Tim., iv, 3.
  16. I Cor., vii.
  17. I Cor., vii, 35.
  18. Matth., I xxiv, 34.
  19. Jérém., xxxi, 34.
  20. Joël, ii, 28.
  21. Jérém., xxxi, 34.
  22. Is, xlv, 4.
  23. Deut., xviii, 16.
  24. Marc, xii, 6.
  25. Luc, xi, 17.
  26. Marc, i
  27. Matth., iii.
  28. 3 Marc, iv, 12 ; Is., vi, 10.
  29. I Cor., i, 31, d’après Jér., ix, 24.
  30. Matth., xxiv.
  31. Ibid., 36.
  32. Ps. lxxv, 6.
  33. I Cor., vii, 31.
  34. Deut., viii, 9.
  35. Luc, xi, 3.
  36. Ps. lxxi, 9.
  37. Ps. cxi, 10.
  38. Apoc., xxii, 11.
  39. I Cor., xv, 57.
  40. Luc, ix, 25.
  41. Luc, ix, 24.
  42. Matth., v, 17.
  43. Jean, i, 29.
  44. Jean, vi, 32.
  45. Jean, viii, 36.