Œuvres complètes de Béranger/Nabuchodonosor
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NABUCHODONOSOR
Puiser dans la Bible est de mode :
Prenons-y le sujet d’une ode.
Je chante un roi devenu bœuf ;
Aux anciens le trait parut neuf. (bis.)
Sur-tout la cour en fut aux anges ;
Et les brocanteurs de louanges
Répétaient sur les harpes d’or :
Gloire à Nabuchodonosor !
Le roi beugle, eh ! vivent les cornes !
Sire, quittez ces regards mornes,
Lui disaient les amis du lieu ;
En Égypte vous seriez Dieu.
Pour fouler aux pieds le vulgaire,
Homme ou bœuf, il n’importe guère.
Répétons sur nos harpes d’or :
Gloire à Nabuchodonosor !
Le roi se fit à son étable ;
À sa manière il tenait table,
Et crut régner en buvant frais.
Les sots lui prêtaient d’heureux traits.
On lit dans une dédicace,
Qu’en latin il citait Horace.
Répétons sur nos harpes d’or :
Gloire à Nabuchodonosor !
Un journal écrit par des cuistres
Annonce qu’avec ses ministres
Tel jour le prince a travaillé
Sans dormir, quoiqu’il ait bâillé.
La cour s’écrie : Ô temps prospère !
Ce n’est point un roi, c’est un père.
Répétons sur nos harpes d’or :
Gloire à Nabuchodonosor !
Il hume tout l’encens des mages,
Mais paie un peu cher leurs hommages :
Prêtres et grands veulent d’un coup
Rendre au peuple bât et licou.
Même, si l’histoire en est crue,
Le roi s’attelle à leur charrue.
Répétons sur nos harpes d’or :
Gloire à Nabuchodonosor !
Le peuple indigné prend un maître
D’autre espèce, pire peut-être.
Vite les courtisans ingrats
Du roi déchu font un bœuf gras ;
Et sans remords le clergé même
S’en régale tout le carême.
Répétons sur nos harpes d’or :
Gloire à Nabuchodonosor !
Bardes que la cassette inspire,
Tragiques à mourir de rire,
Traitez mon sujet, il plaira ;
La censure le permettra.
Oui, parfumeurs de la couronne,
La Bible à quelque chose est bonne.
Répétons sur nos harpes d’or :
Gloire à Nabuchodonosor !
Air noté dans Musique des chansons de Béranger :
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