Veille encore, ô lampe fidèle
Que trop peu d’huile vient nourrir !
Sur les accents d’une immortelle
Laisse mes regards s’attendrir.
De l’amour que sa lyre implore,
Tu le sais, j’ai subi la loi.
Veille, ma lampe, veille encore :
Je lis les vers de Dufresnoy.
Son livre est plein d’un doux mystère,
Plein d’un bonheur de peu d’instants ;
Il rend à mon lit solitaire
Tous les songes de mon printemps.
Les dieux qu’au bel âge on adore
Voudraient-ils revoler vers moi ?
Veille, ma lampe, veille encore :
Je lis les vers de Dufresnoy.
Si, comme Sapho qu’elle égale,
Elle eût, en proie à deux penchants,
Des Amours ardente rivale,
Aux Grâces consacré ses chants,
Parny, près d’une Éléonore,
Ne l’aurait pu voir sans effroi.
Veille, ma lampe, veille encore :
Je lis les vers de Dufresnoy.
Combien a pleuré sur nos armes
Son noble cœur de gloire épris !
De n’être pour rien dans ses larmes
L’Amour alors parut surpris.
Jamais au pays qu’elle honore
Sa lyre n’a manqué de foi.
Veille, ma lampe, veille encore :
Je lis les vers de Dufresnoy.
Aux chants du nord on fait hommage
Des lauriers du Pinde avilis ;
Mais de leur gloire sois l’image,
Toi, ma lampe, toi qui pâlis.
À ton déclin je vois l’aurore
Triompher de l’ombre et de toi ;
Tu meurs, et je relis encore
Les vers charmants de Dufresnoy.