Lise à l’oreille
Me conseille ;
Cet oracle me dit tout bas :
Chantez, monsieur, n’écrivez pas. (bis.)
Un doux emploi pourrait vous plaire,
Me dit Lise ; mais songez bien,
Songez bien au poids du salaire,
Même chez un vrai citoyen. (bis.)
Rester pauvre vous est facile,
Quand l’Amour, afin de l’user,
Vient remonter ce luth fragile
Que Thémis a voulu briser.
Lise à l’oreille
Me conseille ;
Cet oracle me dit tout bas :
Chantez, monsieur, n’écrivez pas.
Dans l’emploi qu’un ami vous offre,
Vous n’oseriez plus, vieil enfant,
Célébrer au bruit de son coffre
Les droits que sa vertu défend.
Vous croiriez voir à chaque rime
Les sots, doublement satisfaits,
De vos chansons lui faire un crime,
Vous en faire un de ses bienfaits.
Lise à l’oreille
Me conseille ;
Cet oracle me dit tout bas :
Chantez, monsieur, n’écrivez pas.
Craignant alors la malveillance,
Vous ririez moins de ce baron,
Courtier de la Sainte-Alliance,
Qui des rois s’est fait le patron.
Dans les fonds de peur d’une crise,
Il veut que les Grecs soient déçus[1] ;
Pour avoir l’endos de Moïse,
On fait banqueroute à Jésus.
Lise à l’oreille
Me conseille ;
Cet oracle me dit tout bas :
Chantez, monsieur, n’écrivez pas.
Votre muse en deviendrait folle,
Et croirait flatter en disant
Que sur la droite du pactole
Intrigue et ruse vont puisant ;
Tandis qu’une noble industrie
Puise à gauche, et de toute part[2]
Reverse à flots sur la patrie
Un or dont le pauvre a sa part.
Lise à l’oreille
Me conseille ;
Cet oracle me dit tout bas :
Chantez, monsieur, n’écrivez pas.
Ainsi mon oracle m’inspire,
Puis ajoute ce dernier point :
Des distances l’amour peut rire ;
L’amitié n’en supporte point.
Riche de votre indépendance,
Chez Laffitte toujours fêté,
En trinquant avec l’opulence
Vous boirez à l’égalité.
Lise à l’oreille
Me conseille ;
Cet oracle me dit tout bas :
Chantez, monsieur, n’écrivez pas.
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