Œuvres complètes de Béranger/Les Clefs du Paradis
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LES CLEFS DU PARADIS
Saint Pierre perdit l’autre jour
Les clefs du céleste séjour.
(L’histoire est vraiment singulière !)
C’est Margot qui, passant par là,
Dans son gousset les lui vola.
« Je vais, Margot,
« Passer pour un nigaud ;
« Rendez-moi mes clefs, » disait saint Pierre.
Margoton, sans perdre de temps,
Ouvre le ciel à deux battants.
(L’histoire est vraiment singulière !)
Dévots fieffés, pécheurs maudits,
Entrent ensemble en paradis.
« Je vais, Margot,
« Passer pour un nigaud ;
« Rendez-moi mes clefs, » disait saint Pierre.
On voit arriver en chantant
Un turc, un juif, un protestant ;
(L’histoire est vraiment singulière !)
Puis un pape, l’honneur du corps,
Qui, sans Margot, restait dehors.
« Je vais, Margot,
« Passer pour un nigaud ;
« Rendez-moi mes clefs, » disait saint Pierre.
Des jésuites, que Margoton
Voit à regret dans ce canton,
(L’histoire est vraiment singulière !)
Sans bruit, à force d’avancer,
Près des anges vont se placer.
« Je vais, Margot,
« Passer pour un nigaud ;
« Rendez-moi mes clefs, » disait saint Pierre.
En vain un fou crie, en entrant,
Que Dieu doit être intolérant ;
(L’histoire est vraiment singulière !)
Satan lui-même est bienvenu :
La belle en fait un saint cornu.
« Je vais, Margot,
« Passer pour un nigaud ;
« Rendez-moi mes clefs, » disait saint Pierre.
Dieu, qui pardonne à Lucifer,
Par décret supprime l’enfer.
(L’histoire est vraiment singulière !)
La douceur va tout convertir :
On n’aura personne à rôtir.
« Je vais, Margot,
« Passer pour un nigaud ;
« Rendez-moi mes clefs, » disait saint Pierre.
Le paradis devient gaillard,
Et Pierre en veut avoir sa part.
(L’histoire est vraiment singulière !)
Pour venger ceux qu’il a damnés,
On lui ferme la porte au nez.
« Je vais, Margot,
« Passer pour un nigaud ;
« Rendez-moi mes clefs, » disait saint Pierre.
Air noté dans Musique des chansons de Béranger :
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