L’alouette à peine éveillée
Chante l’aurore d’un beau jour ;
Suis le chasseur sous la feuillée,
Laitière ; il parlera d’amour.
Dans la rosée allons, ma chère,
Cueillir pour toi fleurs du printemps.
— Non, beau chasseur, je crains ma mère.
Je ne veux pas perdre mon temps.
Ta mère et sa chèvre fidèle
Sont loin derrière ce coteau.
Écoute une chanson nouvelle
Qui vient des dames du château.
Fille qui la peut faire entendre
Doit fixer les plus inconstants.
— Chasseur, j’en sais une aussi tendre.
Je ne veux pas perdre mon temps.
Pour la dire apprends l’aventure
Du spectre d’un baron jaloux,
Entraînant à sa sépulture
La beauté dont il fut l’époux.
Ce récit, quand la nuit est noire,
Fait frissonner les assistants.
— Chasseur, je connais cette histoire.
Je ne veux pas perdre mon temps.
Je puis t’enseigner des prières
Pour charmer la fureur des loups,
Ou pour conjurer des sorcières
L’œil malfaisant tourné vers nous.
Crains qu’une vieille, en sa misère,
Ne jette un sort sur ton printemps.
— Chasseur, n’ai-je pas un rosaire ?
Je ne veux pas perdre mon temps.
Eh bien ! vois cette croix qui brille ;
Compte ses rubis précieux.
Sur le sein d’une jeune fille
Elle attirerait tous les yeux.
Prends-la malgré ce qu’elle coûte ;
Mais songe au prix que j’en attends !
— Qu’elle est belle ! ah ! je vous écoute.
Ce n’est pas là perdre mon temps.