Venez tous, passants, venez lire
L’épitaphe que je me fais.
J’ai chanté l’amoureux délire,
Le vin, la France et ses hauts faits.
J’ai plaint les peuples qu’on abuse ;
J’ai chansonné les gens du roi :
Béranger m’appelait sa muse. (bis.)
Pauvres pécheurs, priez pour moi ! (bis.)
Priez pour moi, priez pour moi !
Grâce à moi, qu’il rendit moins folle,
D’être gueux il se consolait,
Lui qui des muses de l’école
N’avait jamais sucé le lait.
Il grelottait dans sa coquille
Quand d’un luth je lui fis l’octroi.
De fleurs j’ai garni sa mandille.
Pauvres pécheurs, priez pour moi !
Priez pour moi, priez pour moi !
Je l’ai rendu cher au courage,
Dont il adoucit le malheur.
En amour il fut mon ouvrage ;
J’ai pipé pour cet oiseleur.
À lui plus d’un cœur vint se rendre,
Mais les oiseaux en feront foi :
J’ai fourni la glu pour les prendre.
Pauvres pécheurs, priez pour moi !
Priez pour moi, priez pour moi !
Un serpent… (Dieu ! de mot rappelle
Marchangy qui rampa vingt ans !)
Un serpent, qui fait peau nouvelle
Dès que brille un nouveau printemps,
Fond sur nous, triomphe et nous livre
Aux fers dont on pare la loi.
Sans liberté je ne peux vivre.
Pauvres pécheurs, priez pour moi !
Priez pour moi, priez pour moi !
Malgré l’éloquence sublime
De Dupin, qui pour nous parla,
N’ayant pu mordre sur la lime,
Le hideux serpent l’avala.
Or je trépasse, et, mieux instruite,
Je vois l’enfer avec effroi :
Hier Satan s’est fait jésuite.
Pauvres pécheurs, priez pour moi !
Priez pour moi, priez pour moi !
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