Œuvres complètes de Béranger/À Antoine Arnault
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À ANTOINE ARNAULT
Je viens d’ Montmartre avec ma bête
Pour fêter ce maître malin,
Et n’ crains point qu’au milieu d’ la fête
Un bon mot m’ renvoie au moulin.
On dit qu’avec plus d’un génie
Antoin’ prend plaisir à cela.
Nous qui n’ somm’s pas d’ l’académie,
Souhaitons-lui d’ ces p’tits plaisirs-là.
Il n’ s’en tient pas à des saillies ;
Dans plus d’un genre il est heureux.
J’ sais mêm’ qu’il fait des tragédies
Quand il n’est pas trop paresseux[1].
De la Merpomène idolâtre,
Qu’il fass’ mourir par-ci par-là.
Nous qui n’somm’s pas d’z héros d’théâtre,
Souhaitons-lui d’ ces p’tits plaisirs-là.
On m’assur’ qu’il vient d’ faire un livre
Où c’ qu’y a du bon, je l’ crois bien.
C’ docteur-là nous enseigne à vivre
Par la bouch’ d’un arbre ou d’un chien.
À messieurs les polichinelles[2]
Il dit : Vous en voulez, en v’là.
Nous, qui n’ tenons pas les ficelles,
Souhaitons-lui d’ ces p’tits plaisirs-là.
À la cour il s’ moqu’rait, je l’ gage,
Mêm’ de messieurs les chambellans.
De c’ pays n’ayant point l’ langage,
Il vant’ la paix aux conquérants.
À d’ grands seigneurs qui n’ sont pas minces,
Sans ramper, toujours il parla.
Nous, qu’on n’a pas encor faits princes,
Souhaitons-lui d’ ces p’tits plaisirs-là.
Mais, quoiqu’ malin, z’il est bon homme ;
D’mandez à sa fille, à ses fils.
Ah ! qu’il soit toujours aimé comme
Il aime ses nombreux amis !
Que l’secret d’son bonheur suprême
Reste à c’te gross’ maman que v’là.
Nous qui sommes d’ ceux qu’Antoine aime,
Souhaitons-lui d’ ces vrais plaisirs-là.
Nota. on trouvera peut-être que cette chanson, comme beaucoup d’autres des miennes, était peu digne de voir le jour. En effet, je ne la livre à l’impression que parce qu’elle m’offre l’occasion de payer un tribut d’éloges à l’un de nos littérateurs les plus distingués. Je regrette qu’elle ne soit pas meilleure, et surtout que le ton qui y règne ne m’ait pas permis d’y faire entrer l’expression de ma reconnaissance particulière pour l’homme excellent dont l’amitié me fut si longtemps utile, et me sera toujours précieuse. (1815.)
Air noté dans Musique des chansons de Béranger :
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