Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 121

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 135-136).

FABLE CXXI.

LE LION MOURANT.


Un vieux lion disoit un jour :
Mon fils, vous jouirez bientôt de ma couronne ;
Ma vie est en danger, chacun vous fait sa cour :
Quand un roi dépérit l’univers l’abandonne.
Je vais vous parler sans détour ;
Écoutez des avis que mon amour vous donne.
J’eus grand tort de choisir pour ministre un renard ;
J’ai découvert, et par malheur trop tard,
Ses projets, ses complots, ses lâches artifices.
Ah, si le scélérat m’eût dit la vérité,
Je n’aurois pas fait d’injustice,
Et j’aurois la douceur de mourir regretté.
Effrayez ses pareils, que d’un traître il subisse
Le supplice.
Mon fils, pour réparer tous les maux qu’il a faits,

Pour rendre votre règne heureux autant qu’auguste,
Et rétablir l’ordre dans nos forêts,
Soyez tout à la fois sévère, bon et juste ;
N’appelez au conseil que le vrai citoyen,
Et donnez-lui le beau droit de vous dire
Dans tous les cas : Vous faites mal ou bien.
Pour assurer la gloire où votre cœur aspire,
Et que pour vous, hélas ! en mourant je désire,
Il vous reste encor un moyen :
Bannissez sans retour, même avant que j’expire,
Tous ces animaux malfaisans,
Ces loups avides et méchans,
Singes, renards toujours prêts à tromper les grands,
Et vous verrez bientôt refleurir votre empire.