Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 085

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 96).

FABLE LXXXV.

L’OISEAU DE PASSAGE ET LES PIGEONS.


Pauvres petits ! où fuyez-vous ?
Demande en débarquant un oiseau de passage
À nombre de pigeons errans sur le rivage
Des hommes, des cruels nous évitons les coups,
Dit la troupe affligée, en son touchant langage ;
À la fuite, à la mort on nous condamne tous.
Par notre constance éternelle,
Des amans, des époux nous étions le modèle ;
Mais, hélas ! aujourd’hui, les plus tendres accens
Ne sont pour ces cœurs durs que sots gémissemens ;
Nous sommes poursuivis en tous lieux, à toute heure.
Bien d’autres animaux, à deux pieds comme nous,
Presque aussi doux,
Sont chassés, sont forcés de quitter leur demeure.
Pour Jean lapin, il faut qu’il meure ;
On assure qu’il est proscrit.
Le nouveau débarqué reprit :
Quelques bêtes, au moins, restent dans la contrée ?
Toute espèce à jamais n’en est pas séparée ?
Non, disent les pigeons : on garde en ces climats
Tigres, loups et renards, singes, taupes et rats,
De plus tous les oiseaux de proie.
Mes amis, dit le voyageur,
Voyez-vous ce vaisseau ? sa voile se déploie ;
Allons, suivez-moi tous, je repars de grand cœur :
Cherchons au loin la paix, la verdure et la joie :
Au pays des méchans il n’est point de bonheur.