Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 056

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 63-64).

FABLE LVI.

LE CONSEIL DES RENARDS.


Depuis une semaine entière.
Un roi lion restoit au lit ;
J’entends qu’il gardoit sa tanière.
Docteur à longue oreille ordonnance prescrit
Pour son mal, que d’abord il crut imaginaire ;
Puis d’expliquer sa volonté dernière
Bientôt après il l’avertit.
Sur cet événement courtisans raisonnèrent ;
À tout hasard ils intriguèrent.
Ce lion jeune encor, pensoient quelques-uns d’eux,
Peut très-bien se tirer d’affaire.
D’autres disoient : ses maux trop dangereux
Font croire que jamais il ne deviendra vieux ;
Ainsi nous pouvons tout, sans craindre sa colère.
Au fond d’un bois, fin renard assembla
Ses confrères et cabala.
Le roi, mes chers amis, leur dit-il, est malade
Je vous conseille donc, en loyal camarade,
D’aller féliciter son digne successeur.
Décrions du mourant le règne despotique
Ses ministres, ses mœurs, sa fausse politique,
Et de l’autre vantons les talens et le cœur.
Exaltons avec art son goût patriotique ;
Paroissons de lui seul attendre le bonheur.
Les premiers à louer sont les premiers à plaire ;
C’est le plus sûr moyen d’obtenir du crédit :
Au coupable projet chacun d’eux applaudit.
Caché par un buisson, un bœuf les entendit,

Un bœuf du bon vieux temps, qui tenoit de son père
Grand respect pour son maître, et cœur droit et sincère,
Scélérats, cria-t-il, et si le roi guérit ?
Broutez, broutez l’insipide fougère,
Réplique l’orateur et calmez votre esprit :
S’il en revient, nous dirons le contraire.