Librairie de L. Hachette et Cie (p. 224-227).

LXXXIV

LE MAUVAIS RICHE ET LE PAUVRE LAZARE.



« Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de lin. »

Armand. Qu’est-ce que c’est, pourpre ?

Grand’mère. C’est une étoffe très-rare, très-belle et très-précieuse, qu’on tissait avec des filaments de certains coquillages. Notre-Seigneur indique par là que ce riche portait des vêtements magnifiques.

« Chaque jour, dit Notre-Seigneur, ce riche faisait des repas splendides et il vivait dans la mollesse et le plaisir.

« Et il y avait aussi un mendiant nommé Lazare, lequel était couché à la porte du riche et il était couvert d’ulcères. »

Le mauvais riche et le pauvre Lazare
Le mauvais riche et le pauvre Lazare


Jeanne. Est-ce que c’était l’ami de Notre-Seigneur, le frère de Marthe et de Marie-Madeleine ?

Grand’mère. Non, puisque l’ami de Notre-Seigneur était riche et que celui-ci était un pauvre mendiant.

Armand. Qu’est-ce que c’est ulcère ?

Grand’mère. Un ulcère est une plaie profonde qui ronge les chairs.

« Le pauvre Lazare désirait se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche, et personne ne lui en donnait ; mais les chiens venaient lui lécher ses plaies.

« Or, il arriva que le mendiant mourut, et il fut porté par les Anges dans le sein d’Abraham. »

Valentine. Comment, dans le sein d’Abraham ?

Grand’mère. C’est-à-dire dans le Royaume de Dieu, pour être éternellement heureux.

« Le riche mourut aussi et il fut enseveli dans l’enfer.

« Comme il était dans les tourments, il leva les yeux et il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. Et jetant un cri, il dit : « Abraham, mon Père, ayez pitié de moi, et envoyez-moi Lazare, afin qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau pour rafraîchir ma langue, car je souffre horriblement dans cette flamme. »

« Et Abraham lui répondit : « Mon fils, souviens-toi que, pendant ta vie, tu as reçu les biens, et Lazare, pendant la sienne, a reçu les maux ; et maintenant il est consolé et toi tu souffres.

« De plus, un grand abîme existe entre nous et toi, de sorte que ceux qui voudraient passer d’ici à toi, ou revenir ici de l’endroit où tu es, ne le pourraient pas. »

« Et le riche dit encore : « Mon Père, je vous prie du moins d’envoyer Lazare dans la maison où j’ai cinq frères, afin qu’il leur dise ces choses et qu’ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de tourment. »

« Et Abraham répondit : « Ils ont Moïse et les Prophètes ; qu’ils les écoutent. »

« Le riche reprit : « Non, mon Père ; mais si quelqu’un des morts va vers eux, ils feront pénitence. »

« Mais Abraham lui dit : « S’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes, quelqu’un des morts ressusciterait qu’ils ne le croiraient pas non plus. »

Madeleine. Cette parabole est terrible, Grand’mère.

Grand’mère. Oui, chère enfant, terrible pour les riches qui emploient mal leurs richesses, comme il y en a malheureusement tant. Remarquez bien que Notre-Seigneur ne dit pas que le riche fût méchant, injuste, colère, etc., mais seulement qu’il était vêtu de vêtements magnifiques, qu’il faisait des repas splendides, qu’il vivait dans la mollesse et les plaisirs. Il n’insultait pas Lazare, il ne le chassait pas ; seulement il n’y pensait pas, il ne le secourait pas. C’est pour cette vie opulente, indolente et inutile, c’est pour cette indifférence de la misère de Lazare, que le mauvais riche a été précipité en enfer.

Et que de riches ne voit-on pas, qui vivent dans l’opulence et qui ne donnent pas même le quart de leur superflu aux pauvres et aux bonnes œuvres ; qui n’ont jamais d’argent quand on leur en demande pour une bonne œuvre, et qui, après vous avoir refusé une pièce d’or, ou même d’argent, vont en dépenser dix et vingt pour un vêtement, un meuble, une fête, une partie de cartes ou de plaisir !

Pauvres gens ! Ils croient amasser du bonheur et ils se préparent des tourments affreux et éternels ! Pour une vie misérable de soixante ou quatre-vingts ans au plus, qu’ils passent dans les jouissances du corps, ils se condamnent à une éternité de souffrances !

Remarquez aussi, mes enfants, comme Notre-Seigneur dit clairement qu’on souffre par le feu en enfer. Le riche se plaint de souffrir cruellement par les flammes, il demande avec instance une goutte d’eau pour rafraîchir sa langue. Et cette goutte d’eau lui est refusée ; et Abraham lui rappelle que dans le monde il a vécu dans l’abondance et qu’il doit expier son opulence égoïste. Et Abraham lui refuse aussi d’avertir ses frères, parce qu’ils ont assez de moyens de connaître la vérité, et que, lorsque cette vérité n’est pas reçue ni connue, malgré toutes les preuves que nous en a données le bon Dieu, la résurrection d’un mort ne la ferait même pas admettre. Et, en effet, quand Notre-Seigneur a ressuscité Lazare en plein jour et sous les yeux des Juifs, comme vous le verrez plus loin, les Juifs sont restés incrédules.

Notre-Seigneur continua de parler en public, et il convertissait beaucoup de monde ; et chacun disait : « Quand le Christ viendra, fera-t-il plus de miracles que n’en fait cet homme ? »

Les Pharisiens entendaient tous les discours qu’on tenait sur Jésus ; ils savaient tous les miracles qu’il faisait et l’admiration qu’il inspirait. Ils étaient de plus en plus jaloux et irrités, et ils avaient décidé entre eux de le faire mourir, mais qu’il fallait chercher une occasion pour avoir l’air de le condamner avec justice.