Librairie de L. Hachette et Cie (p. 128-132).

XLV

PARABOLE DE L’IVRAIE.



« Le Royaume du Ciel est semblable à un père de famille qui avait semé du bon grain dans son champ. Mais pendant que les hommes dormaient, l’ennemi vint, sema de l’ivraie au milieu du bon grain, et s’en alla. »

Armand. Qu’est-ce que c’est, de l’ivraie ?

Grand’mère. L’ivraie est une mauvaise herbe qui vient assez ordinairement dans le blé et qui rend le pain malsain et mauvais ; on la détruit le plus possible à force de labourer et de fumer la terre. L’ivraie de la parabole poussa donc en même temps que le bon grain. Alors les serviteurs du père de famille vinrent lui dire : « Seigneur, n’avez-vous pas semé du bon grain dans votre champ ? D’où vient que l’on y trouve de l’ivraie ? »

Le maître leur dit :

« C’est l’homme ennemi qui a fait cela ! »

Les serviteurs lui dirent :

« Voulez-vous que nous allions l’arracher ?

— Non, répondit-il, de peur qu’en arrachant l’ivraie, vous n’arrachiez aussi le bon grain. Laissez croître l’un et l’autre. Et au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : « Cueillez d’abord l’ivraie et liez-la en gerbes pour la brûler. Et recueillez le blé dans mon grenier. »

Notre-Seigneur leur dit encore quelques paraboles, et quand il eut fini de parler, il congédia le peuple et rentra dans la maison. Les disciples, s’approchant de Jésus, lui dirent : « Maître, expliquez-nous la parabole de l’ivraie semée dans le champ. »

Henriette. Ils n’avaient donc pas beaucoup d’esprit, les disciples ; ils ne comprenaient jamais rien.

Grand’mère. En effet, les Apôtres étaient des gens grossiers et ignorants ; c’est la miséricorde et la grâce de Notre-Seigneur qui les a changés au jour de la Pentecôte, quand le Saint-Esprit est descendu sur eux, comme vous le verrez plus tard. Jésus leur répondit :

« Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’Homme. Le champ, c’est le monde. Le bon grain, ce sont les enfants du Royaume de Dieu, les bons. L’ivraie, ce sont les enfants du malin esprit, du démon, ce sont les méchants. L’ennemi qui a semé l’ivraie, c’est le démon. Le temps de la moisson, c’est la fin du monde ou la mort. Et les moissonneurs, ce sont les Anges. Et ce que le maître du champ a fait pour l’ivraie et le bon grain, ce qui se passe quand on arrache l’ivraie et qu’on la brûle dans le feu, se passera de même à la fin du monde. Le Fils de l’Homme enverra ses Anges ; ils enlèveront de son Royaume tout ce qu’il y a de mauvais et les gens qui commettent l’iniquité ; et ils les jetteront dans la fournaise ardente, c’est-à-dire l’enfer. C’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents. Et les justes, les bons, brilleront comme le soleil dans le Royaume de leur père, c’est-à-dire dans le Ciel. »

Valentine. Grand’mère, d’abord, qu’est-ce que c’est, commettre l’iniquité ?

Grand’mère. C’est vivre méchamment, désobéissant au bon Dieu, n’ayant pas de charité pour les hommes, pas d’amour pour le bon Dieu, enfin c’est être méchant et ennemi de Dieu.

Valentine. Et pourquoi Notre-Seigneur appelle-t-il l’enfer une fournaise ardente, et pourquoi dit-il qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents ?

Grand’mère. Il appelle l’enfer fournaise ardente parce que dans l’enfer on brûle d’un feu si terrible que rien ne peut nous donner une idée de cette souffrance. Et les damnés qui brûlent de ce feu éprouvent de telles douleurs qu’ils pleurent et qu’ils grincent des dents. Ils pleurent de désespoir d’avoir mérité une punition si horrible ; ils pleurent de rage de ne pouvoir échapper à la justice du Dieu qu’ils ont offensé et méprisé toute leur vie, tandis qu’il leur eût été si facile d’obéir aux commandements de ce Dieu bon et aimant et qui ne demandait que leur bonheur. Ils pleurent de regret de ne pouvoir jamais, jamais, jouir du bonheur du Paradis et de rester toujours, éternellement, livrés au méchant démon qui rit de leurs souffrances et de leurs larmes. Voilà pourquoi Notre-Seigneur dit, en parlant de l’enfer, qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents.

Élisabeth. Pauvres gens ! Ça fait de la peine de penser à leurs souffrances !

Grand’mère. Certainement, c’est affreux ; et c’est pourquoi nous devons prier beaucoup pour ne pas mériter le sort de ces âmes coupables. Il faut même prendre garde, par des fautes légères et de la négligence, de tomber dans ces mêmes flammes qu’on appelle alors le Purgatoire ; nous ne pouvons prier pour les damnés, puisque leur sort est irrévocable, mais nous pouvons et nous devons prier pour les pauvres âmes du purgatoire qui implorent notre pitié.

Henriette. Comment peuvent-elles nous implorer et nous entendre ?

Grand’mère. Nous n’en savons rien : nous savons seulement que le bon Dieu, pour les consoler, leur fait connaître ce que nous faisons pour elles ; de même qu’il fait connaître à la sainte Vierge, aux Saints et aux Anges du paradis toutes les prières que nous leur adressons.

Louis. Et les âmes qui sont en enfer nous entendent-elles ?

Grand’mère. Non, mon enfant ; elles sont tout à fait séparées de nous et en dehors de ce qu’on appelle la Communion des Saints, c’est-à-dire de l’union qui existe entre toutes les âmes fidèles au bon Dieu, soit dans le Ciel, soit ici-bas sur la terre, soit au purgatoire. Comme c’est beau de penser que tous les amis du bon Dieu ne forment ainsi qu’une seule famille, dont tous les membres s’aiment tendrement et sont unis entre eux ! Les démons et les damnés sont seuls exclus de ce bonheur. Ils ne sont plus de la famille.

Armand. Qu’est-ce que cela veut dire, damné ?

Grand’mère. Cela veut dire condamné au feu éternel de l’enfer. On est damné quand on a le malheur de mourir en état de péché mortel. Vous le voyez, mes enfants, le péché mortel est une chose bien abominable, puisqu’il mène droit en enfer et prive pour toujours de la vue du bon Dieu. Il vaut mieux mourir que de le commettre.

Notre-Seigneur ajoute à l’explication qu’il a donnée aux Apôtres :

« Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre. »

Ensuite il dit encore plusieurs paraboles ou comparaisons pour expliquer le Royaume du Ciel ; en voici une que vous pourrez comprendre facilement.