Librairie de L. Hachette et Cie (p. 93-96).

XXXII

SUITE DU SERMON SUR LA MONTAGNE.



Jésus dit encore :

« Vous savez qu’il a été dit à vos pères : Vous ne jurerez pas contre la vérité ; et moi je vous dis : Ne jurez pas du tout, ni par le Ciel, qui est le trône de Dieu, ni par la terre, qui est son marchepied, ni par Jérusalem, parce que c’est la ville du grand Roi. Ne jurez pas non plus sur votre tête parce que vous ne pouvez en rendre un seul cheveu, blanc ou noir. Mais contentez-vous de dire : « Oui, cela est, » ou bien : « Cela n’est pas. » Ce qu’on dit de plus vient du mauvais, de l’esprit de mensonge.

« Vous savez encore qu’il a été dit : « Œil pour œil, dent pour dent… »

Jacques. Comment, œil pour œil et dent pour dent ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire que dans la loi ancienne, la vengeance n’était pas aussi formellement défendue que dans la loi nouvelle ; que si on vous crevait un œil, il était permis de crever aussi l’œil de son ennemi ; que s’il vous arrachait une dent, on pouvait lui rendre la pareille ; en un mot, qu’on pouvait rendre le mal qu’on vous faisait.

Jésus donnait un conseil bien différent ; car il a dit :

« Ne résistez pas aux méchants. Si quelqu’un vous frappe la joue droite, tendez-lui encore la joue gauche. Et si quelqu’un veut vous prendre votre habit, donnez-lui encore votre manteau. Et si quelqu’un veut vous forcer à faire mille pas avec lui, faites-en encore deux mille. »

Madeleine. Est-on réellement obligé de faire tout cela ?

Grand’mère. Non ; ce sont de simples conseils. L’esprit de ce conseil, sa véritable signification, est de supporter les injures avec patience ; c’est un conseil et non un ordre, un précepte.

Madeleine. Et comment distinguer un conseil d’un précepte ?

Grand’mère. C’est l’Église qui le fait comprendre et qui en décide.

Notre-Seigneur continue :

« On vous a dit aussi :

« Aimez votre prochain et haïssez vos ennemis. Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis ; faites du bien à ceux qui vous haïssent ; priez pour ceux qui vous calomnient et qui vous persécutent.

« Afin que vous fassiez comme votre Père qui est au Ciel, qui fait briller le soleil pour les méchants comme pour les bons, qui envoie les biens de la terre aux mauvais comme aux bons.

« Car si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense pouvez-vous espérer ? Et si vous ne saluez que vos frères, quel mérite avez-vous de plus que les païens ?

« Soyez donc parfaits comme votre Père Céleste est parfait. »

Valentine. Qu’est-ce que c’est, les païens ?

Grand’mère. Les païens sont des gens qui ne savent pas qu’il y a un Dieu, qui ne connaissent pas notre Dieu ; mais comme ils sentent bien qu’ils ne se sont pas créés eux-mêmes, que quelqu’un de plus puissant qu’eux a dû les créer et créer la terre et tout ce qui existe, ils se sont fait des dieux, ou plutôt des images de faux dieux, qu’ils invoquent et qu’ils honorent à la place du vrai Dieu ; c’est pourquoi on les a appelés païens ou idolâtres, parce que ces faux dieux s’appelaient idoles.

Henriette. Grand’mère, Jésus a dit que nous soyons parfaits comme le bon Dieu. Nous ne pouvons pas être parfaits comme lui, puisque nous ne sommes pas des dieux.

Grand’mère. Non, certainement, nous ne pouvons pas être parfaits, comme le bon Dieu, mais nous pouvons et nous devons essayer de devenir parfaits, en faisant toujours tout pour le bon Dieu, tout pour lui plaire, et en prenant Jésus pour modèle.

Jésus dit encore :

« Prenez garde à ne pas faire vos bonnes œuvres devant les hommes pour qu’on vous voie et qu’on vous admire ; car vous ne recevrez pas de récompense de votre Père qui est dans les Cieux.

« Quand donc vous faites l’aumône, que votre main gauche ne sache pas ce que fait votre main droite… »

Louis. Comment ? les mains ne savent pas ce qu’on fait, puisqu’elles n’ont pas de tête pour penser !

Grand’mère. C’est encore une manière de dire qu’il faut cacher ses bonnes œuvres, pour que personne, pas même nos meilleurs amis, ne puissent les connaître.

Petit-Louis. Pourquoi donc ?

Grand’mère. Parce que, dit Jésus, si vous avez votre récompense dans ce monde par la bonne opinion qu’on aura de vous, votre Père qui est dans les cieux ne vous donnera plus aucune récompense.