Librairie de L. Hachette et Cie (p. 310-313).

CXVI

JUDAS FAIT SAISIR JÉSUS.



Cependant le traître Judas approchait. L’agonie de Notre-Seigneur avait duré environ trois heures, et il était minuit.

Judas fait saisir Jésus.
Judas fait saisir Jésus.


Calme et paisible, Jésus, le Rédempteur des hommes, s’avança une dernière fois vers les Apôtres.

« Vous pouvez maintenant vous reposer et dormir, leur dit-il avec une sorte de tristesse amère. Voici que celui qui doit me livrer est proche. »

Les Apôtres se levèrent effrayés, et au même instant, Judas, accompagné des soldats du Temple et d’une foule armée, entra dans le jardin ; ils étaient plus de cinq cents hommes. Judas avait donné aux juifs ce signal pour reconnaître Jésus : « Celui que j’embrasserai, c’est Jésus de Nazareth. Saisissez-le et garrottez-le avec soin. »

Jacques. Oh ! le méchant Judas ! Comme je l’aurais puni si j’avais été là !

Grand’mère. Le bon Dieu l’a puni bien plus terriblement que tu n’aurais pu le faire, mon enfant ! Tu verras cela tout à l’heure.

« Maître, dit-il à Jésus en s’approchant de lui avec un respect hypocrite, je vous salue. » Et il l’embrassa.

« Mon ami, lui dit Jésus avec bonté, qu’es-tu venu faire ? Quoi, Judas, tu trahis le Fils de l’Homme par un baiser ! »

Puis il s’avança au-devant de la troupe venue pour le prendre et leur dit :

« Qui cherchez-vous ? »

Ils s’écrièrent : « Jésus de Nazareth !

— C’est moi ! » dit le Christ.

Et à cette seule parole, ils reculèrent tous frappés de terreur et tombèrent à la renverse.

Petit-Louis. Bravo ! c’est bien fait ! j’espère que le bon Jésus va tous les tuer.

Grand’mère : Le bon Jésus leur permit de se relever sans avoir aucun mal ; il a voulu être bon et miséricordieux jusqu’à la fin, et donner à ces malheureux pour lesquels il allait souffrir et mourir, le temps de se repentir et de pleurer leur crime. En les renversant par une seule parole, il voulut une dernière fois faire voir à ses bourreaux et au monde quelle était sa puissance et que c’était bien volontairement qu’il s’abandonnait entre les mains cruelles des Juifs.

Marie-Thérèse. Mais j’espère bien que ces méchants hommes ont eu peur et qu’ils n’ont plus osé toucher au bon Jésus.

Grand’mère. Ces méchants, comme tu les appelles très-justement, au lieu de reconnaître la puissance de la Divinité de Notre-Seigneur, furent plus furieux encore ; ils se relevèrent, se jetèrent sur Jésus, le garrottèrent fortement avec des cordes, l’accablèrent d’injures et de coups, le firent sortir du jardin des Oliviers et le conduisirent chez le Grand Prêtre Anne. Pendant ce temps, Caïphe, qui était cette année souverain pontife, rassemblait dans son palais le grand Conseil des Prêtres.

Les Apôtres, qui avaient négligé, comme vous avez vu, de se fortifier par la prière, s’enfuirent lâchement devant les Juifs. Saint Pierre seul voulut résister un moment, et tirant une épée, il coupa l’oreille d’un soldat nommé Malchus. Jésus toucha l’oreille et la guérit immédiatement.

Et il dit à Pierre :

« Remets ton épée dans le fourreau ; ne dois-je pas boire tout entier le calice que m’a préparé mon Père ? »

Valentine. Quel calice Jésus devait-il boire ?

Grand’mère. Le calice de sa Passion et de sa mort. Ce qu’on appelle ici boire le calice, c’est recevoir et accepter avec résignation les peines, les humiliations, les souffrances de toutes sortes que nous envoie le bon Dieu.

Saint Pierre se sauva donc avec les autres Apôtres, mais il suivit de loin son divin Maître jusqu’au péristyle ou vestibule du palais de Caïphe.

Saint Jean vint bientôt l’y rejoindre et comme il était connu de l’esclave qui gardait la porte du palais, il fit entrer Pierre avec lui, et tous deux, se mêlant à la foule des soldats romains, s’approchèrent du foyer allumé au milieu de la cour.