Librairie de L. Hachette et Cie (p. 283-288).

CVII

DISCOURS DE JÉSUS SUR LES SCRIBES ET LES PHARISIENS.



Notre-Seigneur dit à ses disciples et à la foule qui l’entourait :

« Les Scribes et les Pharisiens ont succédé à Moïse, et ils ont reçu l’autorité pour vous enseigner la loi. Faites donc ce qu’ils vous disent, mais ne faites pas ce qu’ils font ; car ils disent ce qu’il faut faire, mais ils ne le font pas. Ils préparent des fardeaux pesants, et ils les mettent sur les épaules des hommes, et eux-mêmes ne veulent pas remuer ces fardeaux du bout des doigts. »

Jeanne. Pourquoi mettent-ils des fardeaux sur les épaules des hommes ? Quels fardeaux mettent-ils ?

Grand’mère. Notre-Seigneur veut dire qu’ils leur ordonnent de faire des choses trop difficiles et dont ils ne voudraient pas seulement essayer.

Valentine. Quelles choses ?

Grand’mère. Des prières trop longues, des jeûnes trop fatigants, des pénitences trop dures ; c’est que Notre-Seigneur appelle des fardeaux trop pesants. Il continua à leur reprocher leur dureté et leur orgueil, en disant :

« Ils font leurs actions pour être vus des hommes et pour être applaudis. Ils aiment à avoir les premières places dans les repas et à être assis au premier rang dans les assemblées ; à être salués dans les places publiques et à être appelés Maîtres. Mais vous, ne vous faites pas appeler maîtres, parce que vous n’avez qu’un seul Maître qui est le Christ, qu’un seul Père qui est dans le Ciel.

« Celui qui est le plus grand parmi vous sera votre serviteur ; car quiconque s’élève sera abaissé, et quiconque s’abaisse sera élevé. »

Élisabeth. Comment le plus grand peut-il être le serviteur, puisque c’est lui qui doit commander ?

Grand’mère. Notre-Seigneur veut nous donner par là une leçon d’humilité, et nous faire comprendre que les grands ne doivent pas être fiers ni orgueilleux de la position que Dieu leur a donnée, puisque lui, notre Dieu et notre Maître, se fait le serviteur de ses disciples et qu’il s’abaisse jusqu’à leur laver les pieds, comme vous le verrez plus tard.

« Malheur à vous, ajoute Notre-Seigneur, malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le Royaume des Cieux ! »

Henriette. Comment ferment-ils le Ciel ?

Grand’mère. En leur rendant par leur sévérité la pratique de la loi si difficile, qu’ils en dégoûtent les hommes au lieu de leur en donner le désir.

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui dévorez les maisons des veuves, tout en faisant de longues prières ! »

Louis. Comment peuvent-ils dévorer les maisons des veuves ?

Grand’mère, souriant. Jésus-Christ ne veut pas dire qu’ils mangent les maisons, mais qu’ils ruinent les veuves en les séduisant par leur hypocrisie et en se faisant donner tout ce qu’elles possèdent.

Armand. Et pourquoi les veuves et pas les autres ?

Grand’mère. Parce que les veuves n’ayant plus de conseiller, de protecteur, et ne connaissant rien aux affaires, sont plus faciles à tromper et à séduire.

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui entreprenez des voyages sans fin pour convertir un homme ; et lorsque vous avez réussi à lui faire croire ce que vous croyez vous-même, vous le rendez digne de l’enfer, deux fois plus que vous ne l’êtes vous-mêmes. »

Élisabeth. Mais comment cela se peut-il, Grand’mère ? c’est très-bien de se donner tant de mal pour convertir quelqu’un.

Grand’mère. Oui, c’est très-bien quand on le fait par esprit de charité, d’amour de Dieu et des hommes. Mais les Pharisiens le faisaient comme le font aujourd’hui les protestants, par orgueil, pour se vanter d’avoir converti un homme à leur religion. Et quand cet homme voulait vivre comme le lui ordonnait l’ancienne loi, ceux qui l’avaient converti lui donnaient de si mauvais exemples que cet homme devenait bien plus coupable qu’il ne l’avait été avant d’avoir connu la loi.

Valentine. Comment pouvait-il devenir plus coupable ?

Grand’mère. Parce que, avant de connaître la loi, il faisait le mal sans le savoir, et qu’après, il offensait Dieu sachant qu’il l’offensait, avec cette hypocrisie que les Pharisiens pratiquaient en toutes circonstances.

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui obéissez à la loi en de petites choses et qui négligez ce qu’il y a de plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la foi ! C’est là ce qu’il faut observer, sans négliger les petites choses !

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui nettoyez le dehors de la coupe et du vase, et qui laissez le dedans plein de souillures ! Nettoyez d’abord le dedans et vous nettoierez ensuite le dehors. »

Jacques. Comment ! Ils laissaient le dedans de leurs vases tout sale ? c’est dégoûtant !

Grand’mère, souriant. Non ; Notre-Seigneur parle au figuré.

Marie-Thérèse. Qu’est-ce que c’est, au figuré ?

Grand’mère. Au figuré, veut dire en image, en comparaison ; il compare le cœur et l’âme des Pharisiens à des coupes et à des vases sales en dedans et propres en dehors ; ce qui veut dire que leurs cœurs sont pleins de mauvais sentiments, de haine, d’orgueil, d’avarice, etc., et ils paraissent par leurs discours et leurs actions extérieures, être remplis de sentiments de piété, d’humilité, de pénitence, de justice. C’est ce que veut dire Notre-Seigneur en les comparant à des vases sales au dedans et propres au dehors.

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des sépulcres blanchis ; les dehors paraissent beaux aux yeux des hommes, et le dedans est plein d’ossements affreux et de corruption ! Ainsi au dehors, vous paraissez justes aux yeux des hommes, mais au dedans, vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité ! »

C’est la même comparaison que fait Notre-Seigneur sous une forme différente.

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites ; vous élevez des monuments aux Prophètes, vous ornez les tombeaux des justes, et vous dites : « Si nous eussions vécu du temps de nos pères, nous n’eussions pas répandu avec eux le sang des Prophètes. » Ainsi vous dites vous-mêmes que vous êtes les enfants de ceux qui ont versé le sang des Prophètes, et vous achevez de combler la mesure d’iniquité de vos pères, en faisant pis que vos pères ! Serpents, race de vipères, comment éviterez-vous d’être condamnés au feu de l’enfer ?

« C’est pourquoi je vais vous envoyer des Prophètes, des Sages et des Docteurs… »

Jeanne. Et où Notre-Seigneur les trouvera-t-il, puisque les Juifs sont tous méchants ?

Grand’mère. Ils étaient tout trouvés, puisque Notre-Seigneur veut parler de ses Apôtres.

Notre-Seigneur ajoute :

« Vous tuerez les uns, vous sacrifierez les autres ; il y en aura que vous frapperez de fouets dans vos synagogues ; vous les poursuivrez de ville en ville, afin que tout le sang répandu sur la terre retombe sur vous.

« Jérusalem, Jérusalem, qui tues les Prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes ! Et tu ne l’as pas voulu ! Et le temps approche où ta demeure sera déserte et abandonnée ! »

Henri. Quand donc Notre-Seigneur a-t-il voulu les rassembler ?

Grand’mère. Toutes les fois qu’il est venu leur prêcher la vérité, qu’il a fait des miracles pour leur démontrer qu’il était le Messie promis et attendu, le Fils de Dieu, le Sauveur des hommes. Ils n’ont jamais voulu croire ni à ses paroles, ni à ses miracles, ni à sa Divinité. Et le temps de leur punition étant proche, Notre-Seigneur les avertit une seconde fois.

Louis. Comme Notre-Seigneur leur parle durement !

Grand’mère. Il ne leur parle pas durement, mais fortement. La charité est aussi sévère pour flétrir le mal, que douce et bonne pour reconnaître le bien. La charité qui ne déteste pas le mal, n’est pas la vraie charité chrétienne. C’est de l’indifférence, c’est de la lâcheté, c’est de la fausse bonté.