Évangéline (trad. Poullin)/Épilogue

Traduction par M. Poullin.
Librairie nationale d’éducation et de récréation (p. 109-110).

ÉPILOGUE



L ’antique forêt, avec ses pins au feuillage sonore et ses sapins aux longues barbes de mousse, subsiste toujours ; mais à son ombre habite une race nouvelle avec d’autres mœurs et un langage différent.

Bien loin de là, les deux fiancés reposent côte à côte, sous une tombe sans nom, dans un coin d’un humble cimetière.

Autour d’eux, des milliers de cœurs palpitent, alors que les leurs se reposent pour toujours ; des milliers d’esprits souffrent, alors que les leurs sont en paix ; des milliers de bras travaillent, quand les leurs ont cessé leur tâche ; des milliers de pieds se fatiguent, quand les leurs ont terminé leur voyage.

Cependant là-bas, sur les rivages du brumeux Océan, demeurent quelques paysans acadiens, dont les pères sont revenus d’exil, pour mourir dans leur pays natal. Dans la cabane du pêcheur, on entend, comme autrefois, le bruit du rouet et du métier à tisser ; les jeunes filles portent toujours le bonnet normand et les jupes fabriquées au pays ; et, le soir, au coin du feu, elles redisent la touchante histoire d’Évangéline, pendant que la grande voix de l’Océan mugit du fond des cavernes rocheuses qui bordent le rivage, et mêle ses accents au gémissement plaintif et inconsolé de la forêt…