Études sur l’Italie, suite
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IV.


À M. Ingres.




Maître au savant pinceau, toi dont la pureté
Dans l’odalisque nue as peint la chasteté,
Et qui, rendant les traits d’une tête que j’aime,
As semblé défier la nature elle-même,
Tant ce front vénérable et plein de majesté
Du grand crayon d’Urbin a la naïveté !
Combien de fois j’ai vu surgir en ma pensée
Ton Iliade armée et sa sœur l’Odyssée,
Belles filles de Grèce, à l’œil calme et serein,
Assises aux genoux de leur père divin !
Apelle, Alighieri, Virgile, cour sublime !
Demi-dieux du passé que ta palette anime,
Convives du nectar au splendide festin,
D’un air religieux se tenant par la main !
Tandis que, comme un roi qui règne sur sa ville,
Présidant de son trône à l’auguste concile,
L’aveugle, couronné d’un laurier radieux,
Est le centre éclatant où tendent tous les yeux ;
Et pourtant l’on m’a dit qu’au printemps de ta vie,
Sous le soleil romain, doutant de ton génie,

Tu vis les hommes froids dédaigner tes tableaux,
Et tu voulus alors jeter là tes pinceaux,
Disant avec douleur, et pourtant sans murmure :
Je me suis donc trompé ! Je laisse la peinture !…
Tu ne t’es pas trompé, non, fils de Raphaël,
Si l’artiste divin doit réfléchir le ciel,
Si l’art fut toujours saint, et si son bras sévère
A toujours de son temple écarté le vulgaire ;
Tu ne t’es pas trompé, car, dès les temps anciens,
La foule a ses plaisirs, et l’artiste les siens.


Tout ce qui dans ses flancs porte un cœur de poète,
Et qui reçut d’en haut la mission secrète,
Sur tes chefs-d’œuvre purs, inspirés par les cieux,
Attache avec respect et son âme et ses yeux ;
Et te nomme le maître à l’art franc et sincère,
Le peintre de Virgile et le peintre d’Homère.



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