Étude sur la convention de Genève pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne (1864 et 1868)/Introduction

ÉTUDE
SUR LA
CONVENTION
DE GENÈVE.


INTRODUCTION.

LE NOUVEAU DROIT DE LA GUERRE.


L’humanité, dans sa marche ascendante vers un idéal social, tend à asseoir de plus en plus sa constitution sur le respect du droit. Aucun critère du progrès n’est plus infaillible que l’idée juridique ; plus elle s’épure, plus le règne de la force va s’affaiblissant. Tandis qu’au contraire « plus l’homme approche de la brute, plus il est porté à vider ses différends par les armes[1]. » Dans son évolution au travers de l’état sauvage, de la barbarie et de la civilisation, il s’est élevé peu à peu à une plus saine notion de sa nature intellectuelle et morale, secouant graduellement le joug de ses instincts brutaux. En apprenant à se respecter lui-même, il apprend à respecter son semblable et à recourir de moins en moins contre lui, sans nécessité, à des moyens matériels de contrainte. Tant que ceux-ci prévalent, l’œuvre civilisatrice n’est point achevée.

Appréciant à ce point de vue l’état actuel des peuples policés, on constate sans peine que la civilisation du dix-neuvième siècle est supérieure à celle des siècles précédents, car jamais la vie humaine ne fut mieux protégée. Jamais son inviolabilité n’a été proclamée aussi haut, jamais il n’a été fait en sa faveur autant et de si généreux efforts.

Ne nous vantons pas trop cependant de nos récentes conquêtes. Si nous avons fait un pas en avant, nous sommes encore bien loin du but. Si nous trouvons matière à nous enorgueillir en nous comparant à nos devanciers, nous devons reconnaître que notre mérite n’est que relatif et que la perfection absolue est encore au delà de notre portée. Il est vrai que l’on travaille énergiquement à déraciner la barbarie et à faire disparaître ses derniers vestiges, mais elle a la vie dure et, quoiqu’elle ait déjà perdu bien du terrain, elle n’est pas vaincue. Nous n’en citerons qu’un seul exemple qui se rattache directement à l’objet de ce livre.

La guerre, qui éclate encore si fréquemment, même au foyer de la civilisation la plus avancée, la guerre est l’expression la plus terrible, la plus saisissante de ce préjugé barbare et aussi ancien que le monde, en vertu duquel

La raison du plus fort est toujours la meilleure.

Ce fléau date de loin et ne semble pas près de disparaître, quoique la cognée ait été mise à la racine de l’arbre. Il est rare aujourd’hui que l’opinion publique le considère autrement que comme une honte pour l’humanité, et il est impossible de ne pas voir là un heureux symptôme pour l’avenir ; néanmoins il n’est point encore devenu un fait exceptionnel et ceux qui président aux destinées des peuples ne le leur épargnent pas. Il faut pourtant être juste. Les chefs des nations sont parfois les instruments dont la Providence se sert pour l’accomplissement de ses desseins, et il leur est donné moins qu’à d’autres, peut-être, de pouvoir s’affranchir des traditions et des influences de tout genre, qui agissent sur l’esprit de l’homme à son insu.

Si la guerre n’a pas disparu, toutefois elle n’est point restée ce qu’elle était jadis. Sans parler de ses procédés qui se sont maintes fois transformés, ses coutumes ont subi des changements non moins remarquables. L’opinion, qu’on se faisait des droits des belligérants, s’est considérablement modifiée en Europe depuis un siècle[2]. L’emploi illimité de la force, qui autrefois était admis sans conteste, a reçu un rude échec le jour où l’on a discerné et proclamé l’existence d’un droit naturel que l’homme ne saurait violer impunément. Un frein a été dès lors imposé aux combattants, et c’est en le resserrant petit à petit que les jurisconsultes ont soumis le métier des armes à tout un code de l’honneur, qui constitue une partie importante du droit des gens. Les premiers pas de cette science furent un peu hésitants et son influence salutaire s’est exercée avec lenteur ; néanmoins elle a déjà contribué à dépouiller la guerre de bien des atrocités. Les progrès de la théorie et ceux de la pratique n’ont pas marché en cette matière d’un pas égal ; les vieilles habitudes se sont montrées bien puissantes sur les soldats, comme les vieux préjugés sur les écrivains, et c’est à travers beaucoup d’oscillations que l’adoucissement des mœurs guerrières s’est accompli. Les définitions multiples et profondément dissemblables que l’on a données de la guerre expliquent ces divergences d’opinion et de conduite ; il est aisé de comprendre que selon qu’on lui assigne pour but de détruire l’ennemi, de le dépouiller ou seulement de lui arracher un consentement, les mêmes rigueurs ne sont point nécessaires, ni par conséquent légitimes.

De nos jours l’on ne considère plus la guerre que comme un mal inévitable ; comme la seule manière de vider un différend international. Le but d’une guerre juste, disait déjà Vattel, c’est « de se procurer par la force une justice que l’on ne peut obtenir autrement[3]. » Mais cette conception n’était guère commune de son temps. Admise généralement aujourd’hui, elle exige une révision scrupuleuse des règles du droit, en ce qui concerne les moyens licites ou illicites de nuire à l’ennemi. Il faut faire cesser le désaccord qui existe entre plusieurs d’entre elles et les délicatesses croissantes de la conscience publique. Il faut compléter la liste de proscription dressée contre certains usages par les générations qui nous ont précédés, et inscrire, à la suite de ceux que réprouve le droit naturel, ceux qui engendrent pour les belligérants des souffrances sans lesquelles leur but avoué pourrait être aussi facilement atteint.

Ce qui en effet caractérise essentiellement la jurisprudence internationale de notre époque, c’est qu’elle ne s’appuie pas seulement sur le droit naturel, trop longtemps confondu avec le droit des gens, mais qu’elle fait aussi entrer en ligne de compte les exigences bien autrement nombreuses de la morale proprement dite. Elle veut que les combattants observent les uns envers les autres tous les égards compatibles avec le droit de légitime défense. Elle condamne ainsi toute une série de pratiques odieuses, exercées longtemps sans scrupule, et qui constituent des infractions patentes à la loi morale. Tels sont le pillage et les atteintes de tout genre à la propriété privée en dehors des dégâts résultant de la lutte elle-même, la violation de la foi jurée, l’empoisonnement de l’armée ennemie, l’assassinat de ses chefs, le massacre des prisonniers ou des populations inoffensives et bien d’autres méfaits que l’on voudrait pouvoir reléguer aux premiers âges de l’histoire, mais dont, hélas ! la trace humiliante pour l’humanité a franchi le seuil du dix-neuvième siècle. La logique plaidait, il est vrai, en faveur de cette conduite, lorsqu’on partait du principe qu’on doit faire à son ennemi le plus de mal possible, que tous les moyens sont bons pour cela, et qu’un droit illimité est acquis par le vainqueur sur la personne et sur la propriété du vaincu. Or tel était l’ancien droit[4]. On était loin alors d’assimiler la guerre à ces combats singuliers où les champions rivalisaient de courtoisie et de loyauté.

Parmi les circonstances qui contribuèrent à faire prévaloir des maximes plus douces et plus humaines, on s’accorde à reconnaître que l’établissement des armées permanentes eut une influence prépondérante, en raison des facilités qu’elles offrirent pour discipliner les soldats[5]. Mais, si cette cause fut la première, elle ne fut pas la seule. Nous avons déjà fait remarquer, ailleurs que notre siècle a été témoin d’une recrudescence de l’esprit de charité et de merveilles enfantées par la bienfaisance sous son inspiration. Nous avons dit aussi que la compassion pour les victimes de la guerre avait eu des motifs spéciaux pour se réveiller, et signalé à ce propos les nombreuses sociétés de secours en faveur des militaires blessés auxquelles elle a donné naissance. Eh bien, la métamorphose subie par le droit des gens se rattache aux mêmes origines.[6]

L’idée de la fraternité, introduite dans le monde par le christianisme, n’a jamais conquis autant d’adeptes en aussi peu de temps que depuis la révolution française, et jamais surtout les droits qui en découlent n’ont été plus hautement ni plus énergiquement revendiqués. Déjà « on a formulé le droit civil, le droit criminel et une partie du droit politique issus de cette révolution ; il s’agit aujourd’hui, dit M. Villiaumé, d’en dégager le droit des gens nouveau, qui n’est encore que dans l’intuition et les aspirations des peuples et des gouvernements de bonne foi[7]. » — « Dominés par l’esprit de cité, de race ou de croyance, les peuples anciens n’ont jamais admis, ni même compris l’idée de l’humanité indépendante des circonstances de lieu, de temps, de climat, de religion ou d’éducation. Mais heureusement cette grande idée de l’unité du genre humain tend chaque jour à entrer dans le domaine des faits[8]. » — « Elle a été féconde en heureuses conséquences aussi bien pour le droit public en temps de paix, que pour le droit des gens en temps de guerre. L’abolition du droit d’aubaine et du droit de naufrage, par exemple, a marché de pair avec l’immunité de la propriété privée dans les conflits internationaux[9]. »

La multiplication des rapports des peuples entre eux y a puissamment contribué. En échangeant sur une échelle rapidement croissante leurs idées et leurs produits, ils ont senti toujours mieux que leurs intérêts sont solidaires. Impressionnés par la commotion économique que la guerre engendre et qui jette la perturbation dans tous les rouages de la société, ils ont cherché à restreindre ses ravages et ses maux de tout genre. Ils y ont notamment introduit un heureux tempérament, en mettant hors de cause les personnes qui ne portent pas les armes. Actuellement, la guerre est considérée, suivant l’expression de Portalis[10], comme une relation d’État à État et non d’individu à individu, en sorte que les armées seules, qui sont les instruments dont l’État se sert pour soutenir ses prétentions, en subissent les conséquences immédiates[11]. Lors même que deux nations sont en guerre, les individus dont elles se composent ne se considèrent plus comme des ennemis personnels. « Il me semble, disait Richard Cobden, que dorénavant les guerres offriront plutôt le caractère d’un duel entre deux gouvernements et dépouilleront leur ancien caractère de querelle entre deux peuples[12]. »

L’excès de la guerre a provoqué aussi pour sa part une réaction philanthropique. On a senti vivement le prix de la vie humaine après une longue série de colossales et sanglantes immolations.

Enfin, avec les moyens d’information et de publicité dont la presse dispose aujourd’hui, il n’est pas un épisode des batailles qui lui échappe et qui ne soit connu de tout le monde. Les populations entières sont comme présentes sur le théâtre du combat. Si elles admirent le courage des héros, elles entendent aussi les cris déchirants des victimes et assistent à d’horribles spectacles. Depuis qu’on a dévoilé dans ce tableau les côtés sombres, dont on ne parlait guère jadis, la gloire des vainqueurs ne fait plus oublier le prix auquel elle s’achète.

Voilà assurément plus de motifs qu’il n’en fallait pour que l’on songeât à atténuer les maux de la guerre, en assignant à celle-ci un rôle plus noble qu’autrefois et en réprimant ses excès dans la mesure du possible. « Honte et malheur, s’écrie le maréchal Marmont, à tous ceux qui n’honorent pas le soldat, ou qui ne font pas tous leurs efforts pour améliorer et adoucir son existence[13]. »

« Le mouvement qui porte les nations vers un mutuel rapprochement a été tellement accéléré depuis un demi-siècle, qu’on serait tenté de croire qu’il ne date que de cette époque[14]. » Toutefois il ne faut pas se fier à cette apparence. La réforme du droit des gens en particulier, comme toutes les réformes, a eu ses précurseurs. Nous en découvrons le germe, par exemple, dans cette phrase de Grotius : « Les choses conformes au droit proprement ainsi nommé, ne sont pas toujours permises à tous égards, car la charité envers le prochain défend souvent d’user de ce droit rigoureux[15]. » Vattel à son tour écrivait : « Réduits à la fâcheuse nécessité de poursuivre notre droit par la force des armes, ne dépouillons point la charité qui nous lie à tout le genre humain[16]. »

On connaît la phrase célèbre de Montesquieu, précieusement recueillie par les partisans des idées nouvelles : « Le droit des gens est fondé sur le principe que les nations doivent se faire dans la paix le plus de bien et dans la guerre le moins de mal qu’il soit possible[17]. »

Mais, « c’est de nos jours seulement, et après avoir flotté longtemps entre plusieurs systèmes contraires, que le droit de guerre s’est assis enfin sur les principes d’humanité et de respect de l’espèce humaine. Les nations civilisées admettent la guerre comme un état de choses forcé, comme un mal inévitable, qui ne doit pas dépasser les limites de la stricte nécessité. La guerre, qui arme les hommes les uns contre les autres, n’a pas pour but la destruction de l’ennemi. La raison et l’humanité, comme le propre intérêt des nations, ont consacré cette maxime fondamentale : Ne causez pas plus de mal à votre ennemi, pendant la guerre même, que la nécessité de le ramener à la raison ne l’exige[18]. »

Il nous paraît important d’établir d’une façon irrécusable, que telle est aujourd’hui la doctrine régnante. C’est pour cela que nous venons de le faire en citant textuellement l’opinion de divers auteurs, et que nous reproduirons encore quelques fragments empruntés à des publications récentes.

« Croire que tous les liens d’humanité sont rompus entre les nations qui se font la guerre, est une erreur odieuse, » a dit le général Costa de Beauregard[19].

Selon M. Vergé, « si la guerre éclate, bien qu’interrompant tous les rapports de droit, elle n’interrompt pas les rapports moraux ; elle autorise tout ce qui peut mener au but, mais elle n’autorise rien de ce qui le dépasse, ou même de ce qui n’est pas absolument indispensable[20]. »

« Le droit naturel, selon un écrivain espagnol distingué, nous autorise à employer tous les moyens en notre pouvoir de vaincre l’ennemi, mais la morale réprouve ceux qui seraient injustes et l’honneur défend ceux qui ne seraient pas loyaux[21]. »

Le même auteur déclare que s’il reste dans la pratique de la guerre des actes barbares, ils ont du moins disparu de la théorie. « Aujourd’hui il n’y a pas d’auteur qui ne restreigne le droit de la guerre aux limites de la morale et, quoique quelques-uns l’interprètent encore avec trop d’indulgence, sur le fond même de la question il n’y a pas, il ne peut y avoir de doute. Puisque la guerre n’est pour les nations que l’usage du droit naturel de la défense, elles ne peuvent l’exercer que dans la forme permise par la morale aux individus[22]. »

« Si la fin que l’on croit bonne ne peut être atteinte que par de mauvais moyens, cela ne prouve autre chose, sinon qu’on s’est trompé sur sa qualité[23]. »

Un dernier témoignage plus important encore que ceux qui précèdent, car il émane d’une source officielle, est l’opinion du général russe Milutine, ministre de la guerre. « Si la guerre est un mal inévitable, pense-t-il, on doit cependant chercher à en diminuer les cruautés autant que possible... Les parties belligérantes ne doivent tolérer que les calamités qui sont impérieusement nécessitées par la guerre. Toute souffrance et tout dommage, qui n’auraient pas pour seul résultat d’affaiblir l’ennemi, n’ont aucune raison d’être et ne doivent être admis d’aucune manière[24]. »

C’est à l’observation fidèle de ces nobles maximes que le vénérable général Dufour, ancien commandant en chef de l’armée suisse, doit l’immense popularité dont il jouit dans son pays. La modération et l’humanité qui dictèrent sa conduite pendant la guerre du Sonderbund lui valurent l’admiration et la reconnaissance de toute une nation. Quoiqu’il s’agît d’une guerre intestine, c’est-à-dire d’une de celles où l’on garde ordinairement le moins de ménagements envers son adversaire, on n’eut à déplorer aucun excès ; il est vrai qu’elle ne se prolongea pas longtemps et qu’il y eut peu de sang versé, mais cela même fut dû à la sagesse et à la prudence de celui qui dirigeait les opérations militaires et qui était bien résolu à n’user de rigueur qu’à la dernière extrémité. Cet exemple méritait d’être rappelé à l’appui des théories qui prévalent maintenant, ne fût-ce que pour montrer qu’un homme de guerre peut devoir autant de lauriers à sa clémence qu’à ses exploits[25].

Si nous avons accumulé des preuves de l’introduction de certains adoucissements dans le droit de la guerre, c’est qu’on l’a niée. Au souvenir de quelques épisodes des guerres contemporaines M. Leroy-Beaulieu, pénétré d’une légitime indi­gnation, a écrit ce qui suit :

« La guerre est un fait social, une sorte de juridiction internationale, une procédure sui generis, que des règles précises doivent régir. Or, nous avons toujours vu les juridictions et les procédures se modifier avec le temps, s’adoucir et s’humaniser ; seule la guerre a maintenu sa sévérité et sa rigueur antiques. Tandis que le droit civil et le droit criminel se modifiaient sans cesse dans un sens plus philanthropique, le droit de la guerre restait tel qu’il avait toujours été ; au dix-neuvième siècle il est encore ce qu’il était au moyen âge. Aucun effort international n’a été tenté pour en éliminer tous ces abus, toutes ces iniquités que la férocité païenne ou la barbarie féodale y avaient introduits. Ce jus belli infinitum, ce droit de pillage et de destruction, si la conscience publique les repousse, si les chefs d’États et les généraux les désavouent d’ordinaire et n’en usent que rarement, n’en existent pas moins en principe et leur existence nous est manifestée par une foule de faits… Tandis que la conscience proteste, nos chancelleries répondent avec placidité : C’est le droit de la guerre[26]. »

Les abus regrettables que cite l’auteur à l’appui de sa thèse, peuvent être vrais, nous ne les contestons pas, mais sa conclusion nous semble entachée d’exagération. C’est à tort, selon nous, qu’il se montre aussi sévère et aussi absolu dans son appréciation. Il est incontestable, que même à la guerre, notre conduite est moins barbare que celle de nos aïeux ; il y a telle cruauté devant laquelle ils trouvaient naturel de ne pas reculer et dont tout soldat rougirait aujourd’hui, et si l’on ose encore se permettre certains actes répréhensibles, qui tombent sous le coup de la loi morale, du moins ils deviennent de plus en plus rares à mesure que la conscience publique s’éclaire, à mesure que le droit véritable reprend son empire.

M.  Leroy-Beaulieu, dans le passage que nous avons reproduit, fait toucher au doigt le côté faible du droit des gens. Comme il n’a jamais reposé que sur des usages traditionnels, qui se modifient peu à peu sans jamais être formellement abolis, l’on a jusqu’à un certain point la faculté de se prévaloir du vague dont il est enveloppé pour se mettre en contravention avec l’esprit de son temps ; et c’est ainsi que les chancelleries ont pu se disculper de faits révoltants, qui ont paru tels à M.  Leroy-Beaulieu et à bien d’autres, en disant : C’est le droit de la guerre.

Il est donc urgent que ce droit soit fixé ; qu’il se formule dans un texte ayant force de loi, dont les dispositions soient précises, et qui s’harmonise avec les théories philanthropiques en honneur aujourd’hui. Entrer dans cette voie ce serait faire un pas décisif et ceux qui s’y engageraient les premiers auraient bien mérité de l’humanité.

M.  Leroy-Beaulieu le sent comme nous, mais nous ne pouvons nous associer à ses regrets de ce qu’aucun effort international n’a encore été tenté dans ce sens. Il n’ignore pas du reste, car il en parle lui-même, les trois occasions successives dans lesquelles les Puissances européennes se sont concertées pour diminuer autant que possible les maux de la guerre. Elles se sont attachées chaque fois, il est vrai, à un point spécial, mais elles ont du moins assuré ainsi le triomphe du progrès en l’établissant solidement dans quelques postes avancés. Jusqu’à présent on avait vu parfois les chefs ennemis convenir par cartels de certains tempéraments à la rigueur excessive du droit régnant, mais la portée de ces arrangements ne dépassait pas les occasions qui les avaient fait naître ; ils n’avaient de valeur que pour un temps ou dans des lieux déterminés. Il en est tout autrement des conventions internationales des 16 avril 1856, 22 août 1864-20 octobre 1868 et 4/16 novembre 1868. Elles constituent de véritables traités, signés, non plus par des commandants d’armées en vue de leurs intérêts immédiats, mais par des gouvernements désireux de se donner réciproquement un gage de modération, pour le cas où des conflits surgiraient entre eux. Leur existence creuse un abîme entre le passé et l’avenir, quant à l’efficacité du droit des gens pour atténuer les calamités de la guerre. Il suffira dorénavant d’un trait de plume pour bannir du jour au lendemain les pratiques vieillies que naguère des siècles suffisaient à peine à faire abandonner.

Ainsi à la gloire d’avoir modifié profondément la philosophie du droit en le rendant solidaire de la morale, notre époque a joint celle d’avoir créé de véritables lois de la guerre.

Nous venons de rappeler les dates de ces lois qui ont pour but de protéger, la première les biens des belligérants, les deux autres leurs personnes.

L’une d’elles, la convention de Genève, conclue le 22 août 1864 et complétée le 20 octobre 1868, se rapporte aux égards dus aux militaires blessés. Elle a été de notre part l’objet d’une étude approfondie qui forme la matière du présent ouvrage.

La convention signée à Saint-Pétersbourg le 4/16 novembre 1868 concerne aussi le sort des blessés, mais elle l’envisage sous un tout autre aspect. Elle est plutôt préventive, en ce sens qu’elle interdit certains projectiles dont l’emploi occasionne, à ceux qui en sont atteints, des souffrances inutiles. Dictée par les mêmes mobiles que la convention de Genève, elle doit trouver place à ses côtés ; aussi lui avons-nous consacré quelques pages à la suite de notre travail.

Quant à la déclaration de Paris du 16 avril 1856, elle s’écarte sensiblement des deux précédentes, puisqu’elle n’est relative qu’à l’abolition de la course dans les guerres maritimes.

Ce fut par l’initiative de la France que le congrès réuni pour mettre un terme à la guerre d’Orient fut nanti de cette question et décida ce qui suit :

« 1o La course est et demeure abolie ;

« 2o Le pavillon neutre couvre la marchandise ennemie, à l’exception de la contrebande de guerre ;

« 3o La marchandise neutre, à l’exception de la contrebande de guerre, n’est pas saisissable sous pavillon ennemi ;

« 4o Les blocus, pour être obligatoires, doivent être effectifs, c’est-à-dire maintenus par une force suffisante pour interdire réellement l’accès du littoral à l’ennemi. »

Si l’on se reporte aux interminables contestations auxquelles le droit maritime a donné lieu, on ne peut que se féliciter de le voir ainsi fixé dans quelques-unes de ses parties. Si l’on songe aussi à ce qu’a été le fléau de la piraterie, déchaîné légalement sur les mers en temps de guerre, il faut se réjouir de sa condamnation. Mais les bienfaits qui doivent résulter de l’acte de 1856 sont encore incertains et incomplets. Incertains, car toutes les puissances maritimes n’y ont pas souscrit ; les États-Unis d’Amérique, entre autres, ont refusé d’y adhérer et se sont par conséquent réservé la liberté d’agir à leur convenance. Incomplets, car c’était le cas ou jamais de proclamer que, dans la guerre maritime, on respecterait la propriété privée quelle qu’elle fût, comme l’usage s’en était déjà établi pour la guerre terrestre ; or on a reculé devant une semblable déclaration de principes et l’on a continué à admettre que la marchandise ennemie, sous pavillon ennemi, serait de bonne prise. Les critiques dont, à cet égard, le congrès de Paris a été l’objet, sont parfaitement justifiées, et nous ne serions pas surpris qu’avant peu on se vît dans la nécessité de reviser ses décisions, pour y introduire le principe de la liberté complète du commerce sur mer comme sur terre. Ce qui s’est passé en 1866 nous en fait concevoir l’espérance. Les belligérants d’alors, l’Italie, l’Autriche et la Prusse, ont tous annoncé spontanément que, sous condition de réciprocité, ils respecteraient les navires marchands de l’ennemi, et ils se sont effectivement abstenus de les capturer. L’Italie avait même inscrit antérieurement cette déclaration dans une loi du 2 avril 1865 ; de telle sorte qu’elle a dans ce pays un caractère de permanence, et se trouve exister par avance pour toute guerre nouvelle qui surgirait. Si seulement de semblables dispositions législatives étaient inscrites dans les codes des diverses nations, elles équivaudraient à une convention internationale. Le bon exemple donné par l’Italie nous semble devoir être contagieux, en attendant que le traité de 1856 reçoive les améliorations dont il a besoin.

Nous voudrions terminer cet aperçu sur le droit de la guerre en concluant de ses récents progrès et de son état actuel à l’avenir qui l’attend, mais il convient d’être très-circonspect en cette matière, car l’horizon de l’histoire et de la science est singulièrement borné. Ce que nous voyons réalisé aujourd’hui, par exemple, ces traités dont nous venons de parler, était considéré par Martens comme une utopie. Voici en effet ce qu’il écrivait en 1796 : « L’accord des peuples sur certains principes fixes, sur les changements dans la manière de se conduire réciproquement, serait une chose très-désirable… Mais que tous les peuples de l’Europe se réunissent jamais pour convenir de stipulations générales et positives sur l’ensemble du droit des nations, ou pour signer une déclaration du droit des gens dictée par l’un d’eux, et qu’ainsi ils s’accordent sur un code de droit des gens, voilà ce qui me paraît dénué de toute vraisemblance… Pour remplir le but proposé, une telle déclaration de droit des gens doit tendre à l’abolition de coutumes, soit injustes, soit inconvenantes, à la fixation de principes litigieux du droit des gens universel et à l’introduction de nouvelles règles de conduite conformes au bien-être des nations. Les matériaux pour tout ceci ne manquent pas, mais des difficultés presque insurmontables forment un obstacle entre l’idée et l’exécution, entre les cabinets d’étude et ceux des souverains.[27] »,

Martens n’osa pourtant pas se montrer trop péremptoire dans ses prédictions ; il avoua qu’il pouvait bien se tromper[28] ; et ce n’est qu’avec des réserves analogues que l’on doit hasarder de nouvelles hypothèses.

Pour le moment la voie à suivre semble toute tracée ; elle est jalonnée par les conventions de Paris, de Genève et de Saint-Pétersbourg. C’est apparemment dans cette direction que l’on va s’efforcer de dresser une barrière contre le déchaînement de la fureur et de la cupidité des combattants ; il faut creuser le fossé assez profond, élever le retranchement assez haut pour que la guerre n’engendre que le minimum de maux compatible avec son existence. En se fortifiant tantôt sur un point, tantôt sur un autre, on finira par établir une ligne continue de défense qui humanisera la guerre autant que possible. Pour parler sans figure, les traités spéciaux destinés à atténuer les horreurs de la guerre iront vraisemblablement en se multipliant, ceux qui existent déjà en appelleront d’autres, soit pour les perfectionner, soit pour en combler les lacunes, et ainsi la législation internationale reflétera toujours mieux les mœurs contemporaines. Peut-être même en viendra-t-on à une codification générale du droit guerrier.

Une chose pourrait nuire à la réalisation de ce programme, mais personne assurément ne le regretterait. Ce serait la suppression de la guerre elle-même. Nous avons dit qu’elle n’était plus envisagée que comme un pis aller, comme une chose à laquelle on se résignait, à défaut d’un moyen meilleur et plus humain pour faire valoir ses droits. On s’accorde, en principe du moins, à admettre que s’il existait une juridiction internationale, armée d’une force matérielle ou d’une autorité morale suffisante pour se faire respecter, la guerre n’aurait plus sa raison d’être. Eh bien, cette supposition devient de jour en jour moins chimérique et ce tribunal a déjà fonctionné. N’avons-nous pas vu des conflits internationaux conciliés par des arbitrages souverains ? N’avons-nous pas vu des velléités belliqueuses domptées par l’opinion publique ? Ce sont là des tendances, des faits d’une haute signification.

Le Congrès de Paris, en 1856, a émis le vœu qu’à l’avenir, les États entre lesquels s’élèverait un dissentiment sérieux, eussent recours, autant que les circonstances le permettraient, aux bons offices d’une puissance amie, avant d’en appeler à la force brutale, et ce vœu a déjà été exaucé à plusieurs reprises. Sans doute un jugement arbitral ne fait parfois qu’ajourner la crise, mais c’est déjà quelque chose, et d’ailleurs, suivant la nature des griefs, il suffit souvent pour rétablir la bonne harmonie.

En tous cas, il est plus sage de s’en rapporter aux parties adverses du soin de choisir leurs arbitres dans chaque cas particulier, que d’instituer à priori, si tant est que l’on pût y parvenir, un tribunal permanent et souverain qui, chargé de prononcer dans les procès où le droit des gens serait invoqué de part et d’autre, aurait à sa disposition toutes les baïonnettes de l’Europe pour assurer l’exécution de ses jugements. On se soumet d’autant plus volontiers à des décisions arbitrales qu’elles ne s’imposent pas par la force et ne sont pas suspectes de partialité. Au contraire, les arrêts d’une Cour suprême, où les gouvernements se trouveraient exposés à être à la fois juges et parties dans leur propre cause, pourraient ne pas présenter toutes les garanties d’équité désirables, et si l’on voulait les faire respecter contre le gré des intéressés, on n’aboutirait qu’à transformer en une guerre générale celle qui sans cela eût été localisée et eût présenté relativement peu de gravité.

L’inconvénient qu’il y aurait à s’en tenir au système de l’arbitrage, serait de rendre la tentative de conciliation facultative, tandis qu’une juridiction préexistante à des conflits futurs, évoquant d’office à elle toutes les contestations naissantes, nul ne pourrait s’y soustraire. Mais cette considération n’est pas à mettre en balance avec celles qui précèdent. C’est ici d’ailleurs que l’opinion publique aurait un rôle à remplir pour rendre moralement, sinon légalement, le recours aux arbitres obligatoire. Déjà elle sait se faire écouter, déjà elle influe puissamment sur la marche des événements et leur imprime, pour autant que cela dépend d’elle, des allures pacifiques. Tout annonce qu’elle continuera à suivre cette pente et à intervenir de plus en plus dans les querelles de peuple à peuple, pour imposer, son véto à l’effusion du sang. Nous en avons pour garants non-seulement la tendance des esprits, mais encore la propagande active qui se fait de toute part pour hâter l’avènement du règne de la paix, en vantant aux hommes ses bienfaits et en leur inspirant l’horreur de la guerre. Naguères, les premiers champions de cette belle cause étaient peu écoutés, mais il n’en est pas de même de leurs successeurs. Les sociétés de la paix, et notamment la Ligue internationale de la paix, dont un économiste éminent, M. Frédéric Passy, se fait le digne interprète, sont en pleine prospérité ; elles recrutent des adhérents par milliers et leur influence déjà sensible dans les conseils des souverains ne peut que s’étendre et grandir toujours davantage. L’avenir leur appartient. « La guerre, dit M. Vergé, était l’état normal des populations anciennes, comme la paix semble devoir être l’état normal des nations modernes[29]. »

On a assimilé la guerre à un duel, mais il est une institution qui a fait son temps et avec laquelle elle a de bien plus grandes analogies : c’est le combat judiciaire. Quand la procédure criminelle adopta cet usage, « l’idée du droit et celle de la justice furent effacées ; la force matérielle régna seule et fit la justice et le droit. Chacun plaçait son appui dans sa force et dans son adresse, on recourait non point aux juges mais aux armes[30]. »

En vérité, si l’on ne savait de quoi parle l’auteur que nous venons de citer, on pourrait s’y tromper. Et la ressemblance n’est pas moins frappante lorsqu’on poursuit la comparaison, car, « après avoir admis le combat judiciaire comme un moyen de preuve, on en avait subordonné l’usage à quelques formes régulières qui devaient à certains égards en tempérer l’abus ; ce qui fait dire à Montesquieu, que les hommes, au fond raisonnables, mettent sous des règles leurs préjugés mêmes[31].

Ce simple rapprochement ne donne-t-il pas à réfléchir ? Nous le livrons aux méditations de nos lecteurs.



  1. Villiaumé, l’Esprit de la guerre, 291.
  2. Cauchy, du Respect de la propriété privée dans la guerre maritime, 38.
  3. Vattel, le Droit des gens, liv. III, chap. viii, § 136.
  4. Wheaton, Élém. de dr. intern., II, 2. — Heffter, Droit intern. public de l’Europe, § 119.
  5. Martens, Précis du dr. des gens moderne de l’Europe, § 270. — Wheaton, Prog. du d. des g, I, 213. — Cauchy, ouvrage cité, 29.
  6. Moynier et Appia, la Guerre et la Charité.
  7. Villiaumé, ouvrage cité, 8.
  8. Vergé, Introd. à Martens, IX et XXIV.
  9. Cauchy, ouvrage cité, 28. — Wheaton, Prog. du dr. des g., I, 89.
  10. Discours du 14 floréal an VIII.
  11. Bluntschli, Das moderne Völkerrecht. — Vergé, ouvrage cité, XLII.
  12. Lettre au prés. de la ch. de com. de Manchester, 8 nov. 1856 ; voir Cauchy, ouvrage cité, 120.
  13. Marmont, Esprit des institutions militaires, 195.
  14. Vergé, ouvrage cité, I et II.
  15. Grotius, le Droit de la guerre et de la paix, liv. III, ch. l, §4, n° 5.
  16. Vattel, ouvrage cité, liv. III, ch. viii, § 158.
  17. Esprit des lois, liv. I, ch. iii.
  18. Heffter, ouvrage cité, § 119.
  19. Mélanges tirés d’un portefeuille militaire, II, 5.
  20. Vergé, ouvrage cité, XLII.
  21. Landa, El Derecho de la guerra, 89.
  22. Landa, ouvrage cité, 37.
  23. Villiaumé, ouvrage cité, 54.
  24. Office du 4 mai 1868.
  25. Nos lecteurs nous sauront gré, nous l’espérons, de mettre sous leurs yeux le texte même (inédit) des instructions données par le général Dufour aux troupes placées sous ses ordres. On verra jusqu’à quel point elles concordent avec les théories du droit moderne.

    Recommandations sur la conduite à tenir envers les habitants et les troupes, envoyées aux commandants de l’armée fédérale en novembre 1847.

    Faire tout son possible pour éviter les conflits sans résultat entre les troupes et les habitants.

    Engager les troupes de la manière la plus instante à se conduire avec modération et à ne pas se livrer aux mauvais traitements qui ne feraient qu’irriter une population qu’il faut plutôt tâcher de ramener par la douceur, pour avoir moins d’ennemis à combattre et arriver à une plus prompte solution. En particulier, avec les otages qu’on pourrait être dans la nécessité de prendre, redoubler d’égards et les faire bien traiter au quartier général ; que rien ne manque à leurs besoins.

    Empêcher à tout prix la violation des églises et des établissements religieux, pour faire disparaître, si possible, le caractère confessionnel qu’on s’efforce de donner à cette guerre ; pousser l’attention jusqu’à ne point loger de troupes dans ces établissements et y poser des sauvegardes.

    Mettre aussi des sauvegardes pour faire respecter les propriétés des magistrats et fonctionnaires publics.

    Si une troupe (ennemie) est repoussée, faire soigner ses blessés comme les nôtres mêmes et avoir pour eux tous les égards dus au malheur.

    Désarmer les prisonniers, mais ne leur faire aucun mal, ni leur adresser aucune injure. Les traiter au contraire aussi bien que possible pour les désabuser. Les laisser rentrer chez eux s’ils s’engagent sur l’honneur à poser leurs uniformes et à ne pas reprendre les armes.

    S’il s’exerce des violences, que ce ne soit pas de notre côté, et qu’on n’ait rien de pareil à nous reprocher ; s’il doit y en avoir, que tout l’odieux en pèse sur le parti op­posé. Point de représailles de ce genre ; elles ne peuvent que gâter notre cause.

    Après un combat, retenir la fureur du soldat, épargner les vaincus. Rien ne fait plus d’honneur à une troupe vic­torieuse, et, dans une guerre civile, rien ne dispose davan­tage le parti opposé à la soumission. Rien, au contraire, ne l’exaspère et ne le pousse aux derniers termes de la ré­sistance, comme une conduite opposée. Il faut, quelque fort qu’on soit, redouter le désespoir de son ennemi.

    Enfin, nous n’aurons tous qu’à nous féliciter après la lutte, de n’avoir jamais perdu de vue qu’elle est entre con­fédérés, et d’avoir écouté la voix de la commisération à leur égard.

    P. S. Que les chefs supérieurs s’attachent à inculquer ces principes à leurs subordonnés ; et ceux-ci aux officiers in­férieurs pour que de là ils passent aux soldats et servent de règle à l’armée tout entière. Elle doit tout faire pour prouver au monde qu’elle n’est pas une réunion de barbares.

    Fait au quartier général de Berne, le 4 novembre 1847.

    Le général commandant en chef,
    Signé : G. H. Dufour.------
  26. Leroy-Beaulieu, de l’Atténuation des maux de la guerre, 25 à 27.
  27. De Martens, ouvrage cité, 12 et 14.
  28. De Martens, ouvrage cité, 20.
  29. Vergé, ouvrage cité, VIII.
  30. Faustin Hélie, Traité de l’instruction criminelle, I. I, ch. vi, § 57.
  31. Fauslin Hélie, ouvrage cité, liv. I, ch. vii, § 65.