Étude sur la côte et les dunes du Médoc/II/3

III. OBSERVATIONS SUR LA VEGETATION DANS LES DUNES. LE PIN MARITIME. VÉGÉTAUX INTRODUITS.


Principales espèces de la flore

Bien que peu variée en raison de l’uniforme pauvreté du sol, la flore des dunes renferme cependant un certain nombre d’espaces, mime abstraction faite des végétaux introduits. Nous ne donnerons pas la liste complète de toutes ces plantes, avec leurs caractères botaniques. Cette liste serait fastidieuse et peut se trouver d’ailleurs dans les ouvrages spéciaux de botanique. Nous allons énumérer seulement les espèces spontanées qui sont caractéristiques de la région ou qui y jouent un rôle quelconque, puis les espèces subspontanées et en voie d’acclimatation, en examinant les conditions de végétation des unes et des autres.

Plantes herbacées. — Les plantes spontanées herbacées se rencontrent surtout prés de la mer, dans les lèdes littorales, parce qu’elles y trouvent plus d’humidité souterraine ou atmosphérique qu’ailleurs et qu’elles n’y sont pas étouffées par le couvert des bois comme sur la plupart des dunes. Ce n’est guère que sur les garde-feu et dans les grandes lèdes de Grayan, de Montalivet et du Flamand qu’on en rencontre. Ce sont des herbes, graminées pour la plupart, entre autres un pâturin (Poa loliacea) appelé vulgairement pelon et très abondant. Ces graminées entrent pour une maigre part dans la nourriture du bétail qu’on envoie paître sur les sables.

Prés de la côte, on voit d’abord le gourbet (psamma arenaria, appelé autrefois calamagrostis arenaria ou arundo arenaria Linn. et confondu avec l'elymus arenarius du littoral de la Manche). C’est, après le pin maritime, la plante providentielle des dunes. Elle ne se plaît que dans les sables mouvants ; aussi n’en trouve-t-on que quelques rares touffes isolées dans la partie orientale des dunes. Elle supporte les vents les plus violents, les sécheresses les plus longues, les gelées les plus vives. Ses feuilles filiformes, groupées en touffes, à limbe très étroit enroulé sur lui-même, lui donnent l’aspect d'un jonc très fin. Mais en été, des épis très denses, portés sur de longues hampes, émergent des feuilles. Sur les nœuds des tiges enfouis dans le sol naissent des racines adventives qui, en se fortifiant, forment des stolons, lesquels produisent ensuite de loin en loin de nouvelles touffes de tiges et de feuilles. La facilité de production de ces racines adventives permet au gourbet de végéter dans les sables mouvants. À mesure que les tisses sont ensablées, leurs nœuds émettent successivement des racines qui remplacent celles trop profondément enterrées, les tiges s’allongent et la plante monte ainsi en même temps que le sol où elle vit. Les sujets les plus prospères sont ceux qui sont souvent arrosés par le sable que pousse le vent et qui se rajeunissent constamment par leurs parties supérieures. C’est sur cette particularité d’enracinement et cette aptitude à la végétation dans un sol mouvant qu’est basée l’utilisation du gourbet pour les travaux des dunes. Sur les parties de sable blanc qu’on veut fixer ou sur lesquelles on veut accumuler les sables que re- jette la mer, on plante des touffes composées de 2 à 4 pieds. Elles sont d’une reprise presque assurée, pourvu que les tiges principales aient au moins deux nœuds aptes à émettre des racines. Plus les touffes sont rapprochées, mieux évidemment elles retiennent le sable. Il paraît que le gourbet a été utilisé sur les sables dès le xiiie siècle à Bayonne.

À côté du gourbet dans les sables mouvants, et plus commun que lui sur tous les sables nus, se rencontre le carex arenaria qui ressemble au chien-dent et est appelé bérole dans le pays. Cette cypéracée fixe aussi très bien les sables, car chaque plant émet de nombreux stolons qui, partant de la souche-mère comme centre avec la régularité des rayons d’une étoile, se prolongent jusqu’à 5m de distance, en donnant naissance tous les 15 ou 20 centimètres à un plant appelé à devenir souche-mère à son tour. Il en résulte un véritable feutrage de racines qui affermit tout à fait le sable. Cependant ce carex, moins grand que le gourbet et d’un maniement moins facile, n’est pas utilisé dans les travaux des dunes.

Au gourbet et au carex, principalement sur la dune littorale, est souvent mêlé un chien-dent très vigoureux, l'agropyrum junceum.

Sur la dune littorale et dans les lèdes très proches de la mer, on trouve aussi à côté des plantes précédentes : un liseron à tige rameuse, à fleurs blanches marquées de rose, le convolvultis soldanella ; la roquette de mer (cakile maritimum), crucifère qui se réensemence tous les ans par d’abondantes graines très dures ; une euphorbe (euphorbia paralias) ; la bugrane champêtre (ononis campestris) ; enfin une ombellifère bizarre qui a tous les dehors d’un chardon et qui pourrait fournir des motifs intéressants de décoration sculpturale. Elle a un capitule ovoïde de fleurs violacées épineuses, des feuilles charnues d’un bleu glauque, palmatilobées, froncées et bordées de piquants acérés, c’est le panicaut maritime (Eryngium maritimum). Les gens du pays appellent cette plante chou marin à cause de la lointaine analogie de ses feuilles charnues avec celles du chou, et c’est à tort que certains auteurs attribuent cette dénomination soit au cakile, soit au convolvulus précités. La racine du panicaut, mucilagineuse et sucrée, est comestible. Sous bois, jusqu’au bord oriental des dunes, on trouve le panicaut champêtre (e. campestre).


Inflorescence du panicaut

Dans les lèdes de la côte comprises entre la dune littorale et la forêt de pins, se voient d’abondantes touffes d’armoise maritime (artemisia maritima) et des touffes plus nombreuses encore d’immortelles (helichrysum stœchas) aux fleurettes d’or et aux fortes senteurs, aussi le gaillet des sables (galium arenarium). Dans la partie orientale des dunes on trouve quelques pieds de douce-amère (solanum dulcamara) et de bouillon-blanc (verbascum album). De-ci de-là, dans des lèdes à sol humide, poussent des touffes de jonc (juncus maritima) et même quelques roseaux (phragmites). Enfin, sous bois, un peu partout le mélampyre des prés (melampyrum pratense) nommé herbe aux vaches dans le pays. Les plantes que nous venons d’énumérer se rencontrent sur toute la côte médocaine. À Soulac on trouve de plus, dans les lèdes ou sur les dunes voisines de la plage : le dianthus gallicus de Pers. (ou arenarius L.), charmant petit œillet dont les fleurs roses embaument délicieusement ; la bugrane jaune (ononis natrix) et une giroflée à fleurs lilas (mathiola sinuata) sans doute importées ; une grande centaurée (centaurea aspera) ; en forêt l’asperge sauvage (asparagus officinalis), très recherchée par les habitants du pays qui la trouvent plus parfumée que l’asperge cultivée ; plusieurs orchidées ; enfin, hors bois et en petit nombre, la pomme épineuse (datura stramonium) et une curieuse papavéracée à fleur jaune et à capsule en forme de silique extrêmement longue, le glaucium lateum (pavot cornu).

Les fougères sont rares à cause de l’absence d’endroits humides. La fougère à l’aigle (pteris aquilina) est abondante dans les bois de chênes et de pins du Petit Mont et du Grand Mont d’Hourtin et du Mont de Carcans ; mais, hors de là, on ne la trouve que dans un petit coin isolé de la forêt d’Hourtin, au lieu dit précisément les Fougères (zone littorale en face du 40e kilomètre), et dans quelques parties de la forêt de Soulac. On voit aussi dans les dunes le polypode commun (polypodium vulgare). La belle osmonde royale (osmunda regalis) n’existe, à notre connaissance, qu’au Petit Mont d’Hourtin, au bord des marais du Pelous.

Arbustes. — Parmi les arbustes et arbrisseaux spontanés, la première place appartient au genêt à balai (sarothamnus vulgaris). Il est répandu dans toutes les dunes, depuis leur limite orientale jusqu’aux sables de la dune littorale, tantôt maigre et languissant sous le couvert des grands arbres, tantôt vigoureux et verdoyant dans les fourrés de jeunes pins ou dans les lèdes nues. Il se propage abondamment et facilement par semis naturels, aussi envahit-il rapidement les garde-feu et les chemins, ses racines s’enfoncent très vite dans le sable et a une grande profondeur. C’est un auxiliaire important des travaux de fixation des dunes à cause de l’abondance et de la germination certaine de sa semence et de sa croissance rapide. L’ajonc d’Europe (ulex europæus), jaugue en patois, employé aussi dans ces mêmes travaux, est dans les dunes moins répandu que le genêt. Sa végétation est plus lente et la réussite de ses semis moins facile. Il se trouve sous bois et hors forêt dans les grandes lèdes rases, soit proches, soit éloignées de la mer. Ses jeunes pousses hachées forment un excellent fourrage, trop peu employé. Dans les grandes lèdes qui touchent à la lande, sur le bord oriental de la région des dunes, on en rencontre une plus petite espèce, l’ajonc nain (u. nanus), dont le rôle est d’ailleurs insignifiant.

À côté des deux grandes papilionacées précédentes et composant avec elles la flore arbustive des grandes lèdes rases et des sous-bois de forêt, croît la bruyère à balai (erica scoparia), la brande, comme on dit en Médoc. Elle est très abondante dans les lèdes non boisées et dans certaines pineraies claires. Elle vit en mélange bien plutôt avec l’ajonc qu’avec le genêt. Beaucoup moins belle comme plante, malgré sa grande taille, que ses congénères du climat méditerranéen, cette bruyère n’est guère employée que pour la confection de balais grossiers et pour le chauffage. Le genre erica est encore représenté dans la région par deux autres espèces, e. cinerea et e. tetralix (bruyères cendrée et quaternée) qui restent très petites et dont l’habitat se réduit à peu près aux grandes lèdes de la partie orientale des dunes. On trouve aussi, mais en très petit nombre, la bruyère commune (calluna vulgaris).

Dans toute la région, sauf sur les bords mêmes de l’océan, abonde le ciste à feuilles de sauge (cistus salviæfolius), qui forme en mai ou juin de jolies corbeilles de fleurs blanches à cœur d’or. C’est le seul ciste des dunes. Sont très répandus aussi le genêt d’Angleterre (genista anglica), minuscule arbrisseau épineux, et le saule rampant (salix repens), avec sa variété argentée (s. argentea Sm.) ; ils viennent jusque dans les lèdes littorales entre la plage et les premiers pins et y forment souvent des buissons hauts de 0m35 à peine, très denses, continus, qui immobilisent complètement les sables.

Le saule marceau (salix caprea), appelé saudine dans le pays, n’existe que par pieds isolés, peu nombreux.

Les ronces (rubus fructicosus) sont rares, sauf à Soulac.

On rencontre abondants à Soulac et rares dans le reste des dunes : le daphné garou (daphne gnidium) ou saint-bois, les chèvrefeuilles des bois et commun (loniceræ periclymenum et caprifolium), et le lierre (hedera helix) ; enfin, exclusivement à Soulac : le troëne commun (ligustrum vulgare) qui forme, en forêt, par places, des fourrés impénétrables, le cornouiller sanguin (cornus sanguinea), l’épine noire (prunus spinosa), l'aubépine monogyne (cratægus monogyna), et le nerprun alaterne (rhamnuns alaternus), ces quatre espèces par pieds isolés peu nombreux ; enfin, seulement dans la zone littorale, le raisin de mer (ephedra vulgaris), qui y forme par places d’épais tapis.

Au Mont de Carcans, dune ancienne, croît spontanément l'arbousier commun (arbutus unedo). Les sujets de l’espèce qu’on rencontre dans les dunes modernes d’Hourtin (aux Phares, à Balbise, à Grandmont) et à Soulac, n’y sont que subspontanés, ayant été récemment apportés par l’homme. Ils y végètent encore plus lentement que ne le comporte le tempérament de l’espèce, à cause de l’extrême pauvreté du sol, et sont de reprise très difficile par plantation. Ils ne paraissent pas se reproduire par semences. Avec les fruits, appelés arbouses, on fait une confiture assez bonne, pourvu qu’elle soit très sucrée. Le houx (ilex aquifolium) et le fragon ou petit houx (ruscus aculeatus) se rencontrent dans les Monts d’Hourtin et de Carcans et à Soulac, ainsi que la bourdaine (frangula vulgaris) que les Oiseaux commencent à propager un peu de côtés et d’autres et jusque sous les grands pins de la forêt d’Hourtin.


Arbres. — L’arbre par excellence de la flore spontanée des dunes est le pin maritime (pinus pinaster, Soland ou maritima, Lam.) Nommons-le ici seulement pour mémoire, car il mérite une étude spéciale que nous ferons plus loin. C’est l’unique résineux des dunes, presque l’unique arbre, les grands feuillus y étant rares.

De ces derniers, les plus répandus sont les chênes et parmi ceux-ci se place en première ligne le chêne vert ou yeuse (quercus ilex). Encore n’est-il que disséminé, sauf dans les bois de Soulac et du Verdon, où le sol meilleur que dans les autres dunes lui permet de se développer assez activement et de devenir même envahissant aux dépens du pin maritime. Le Verdon renferme un beau spécimen de cette espèce. Avant d’entrer dans le bourg, sur une dune, à droite de la route qui vient de la gare, on voit un beau chêne vert de proportions larges et harmonieuses. Il paraît bifurqué dès la base ; en réalité, ses deux troncs, mesurant respectivement 2m95 et 1m90 de tour, sont deux branches principales émises par un fût unique primitif, actuellement enseveli dans le sable d’au moins 4m. Sa hauteur au-dessus du sol actuel est de 15m ; la circonférence de sa cime atteint 66m. Son âge est d’environ 150 ans. Il a donc été témoin de l’envahissement du Verdon par les sables et de leur fixation par les soins du « citoyen Brémontier ». En 1879, un ouragan lui cassa une maîtresse branche avec laquelle on fit 65 gros fagots.

Un autre bel yeuse se trouve au Moutchic (forêt domaniale de Lacanau) au haut de la dune sur laquelle est bâtie la maison de l’agent forestier, et devant la maison même. Son fût a une circonférence de 2m65 à hauteur d’homme et une longueur de 5m. La hauteur totale de l’arbre est de 12m, son feuillage couvre une surface circulaire de 45m de tour.

On voit enfin de vieux et beaux chênes verts dans les Monts d’Hourtin et Carcans mélangés à des chênes pédoncules et à des chênes tauzins (q. pedonculala et tozza) non moins beaux au point de vue artistique et qui paraissent leurs contemporains. Tous ces arbres, dont l‘âge est d’environ 150 ou 180 ans, sont les représentants de l’ancienne forêt de Cartignac, lambeau elle-même de l’antique forêt de Lesparre, toutes deux décrites dans de vieilles chroniques dont nous avons précédemment donné des extraits.

Dans les forêts de Soulac et du Verdon, ce même mélange d’yeuses, de pédonculés et de tauzins se retrouve sur les fonds à sol frais qui n’ont pas été recouverts d’une couche de sable trop épaisse. La aussi, ces chênes sont les restes d’anciens bois que nous avons vus figurés sur les anciennes cartes et mentionnés dans les vieux titres, de ces « bois taillis » et « bois de haute fustaye » que divers habitants du pays tenaient à fief, entre Soulac et le Verdon, de l’abbaye de Ste-Croix de Bordeaux. (Terriers de cette abbaye, reconnaissances faites en 1776 et 1779). Les chênes compris notamment entre la voie ferrée du Médoc et le garde-feu du Sémaphore (forêt domaniale de Soulac), près de la dune recouvrant l’ancien prieuré de St-Nicolas de Graves sont les descendants de cette futaie de chênes que signale l’inventaire de la sirie de Lesparre au xvie siècle et que ce titre estimait alors 800 écus. En Médoc, le nom patois du chêne est quace (du latin quercus), et l’on appelle chêne blanc le pédonculé et le rouvre, et chêne noir le tauzin. Les quelques autres arbres feuillus spontanés que l’on peut rencontrer dans les régions des dunes, sont seulement : le peuplier noir (populus nigra) et sa variété pyramidale (p. d’Italie, p. nigra pyramidalis) ; l'orme champêtre avec sa variété subéreuse (ulmus campestris et suberosa) qui ne croissent spontanés qu’à Soulac dans quelques lèdes boisées à sol relativement frais ; le poirier sauvage (pirus communis), espèce représentée par quelques individus isolés crus dans les Monts d’Hourtin et de Carcans, ou semés par les oiseaux dans quelques lèdes de la forêt d’Hourtin ; le bouleau verruqueux (betula verrucosa) et l'aune glutineux (alnus glutinosa) qui ne se trouvent que dans ces mêmes Monts au bord des marais ou dans les marais eux- mêmes.

Arbres subspontanés. — Nous avons nommé toutes les essences ligneuses et les principales espèces herbacées des dunes qui y sont spontanées, c’est-à-dire celles qui y croissent d’elles-mêmes par drageons et rejets ou au moyen de leurs semences jetées par les vents ou portées par les oiseaux. Après doivent être placées les espèces subspontanées, c’est-à-dire qui, importées par l’homme à une date relativement récente, se sont naturalisées et se reproduisent nettement d’elles-mêmes dans les sables. Ces espèces sont au nombre de deux seulement : le robinier faux-acacia (robinia pseudo-acacia), vulgairement appelé acacia tout court, et l’ailanthe ou vernis du japon (ailanthus glandulosa). L’acacia, américain d’origine, déjà tout à fait naturalisé en France, s’est aussi très vite naturalisé dans les sables où il se reproduit par semences ou par drageons. Il est assez abondant à Soulac dans certains des bouquets de feuillus qui se trouvent au milieu des pins. Dans les autres dunes, on ne le trouve plus qu’en deux ou trois endroits, comme à Grandmont, où il a été récemment planté. Bien moins répandu, mais drageonnant avec plus de vigueur peut-être, sur les quelques points où il se trouve, est l’ailanthe, importé de Chine. On l’a planté auprès de quelques maisons de préposés ou sur des garde-feu. Les plants sont devenus des arbres de bonne végétation qui tout autour d’eux se multiplient par des rejets très vigoureux, surtout après recépage. Au carrefour des garde-feu de la Maison de Grave, forêt domaniale de Soulac, on peut voir un massif très dense de beaux rejets d’ailanthe qui a exclu tous autres végétaux des quelques mètres carrés de terrain qu’il occupe et paraît devoir s’étendre aux dépens du peuplement contigu. Placé trop près des puits, comme au Mourey, par exemple, cet arbre a le grave inconvénient d’en rendre l’eau mauvaise au goût et même dangereuse à la santé, soit par ses feuilles et fleurs qui y tombent, soit par ses racines qui passent dans les fissures des parois en maçonnerie ou en bois des puits. Le suc résineux contenu dans ses fleurs, ses feuilles, ses pousses et ses racines, est non seulement d’odeur très désagréable, mais encore très toxique, au moins pour les oiseaux de basse-cour. Son bois a, paraît-il, l’avantage de fournir des échalas d’une durée au moins de 3 ans, inférieure à celle des piquets d’acacia, mais supérieure à celle des carrassons de pins, tous étant injectés au sulfate de cuivre. Sa naturalisation dans les sables permettrait alors de l’y propager et d’en tirer un revenu rémunérateur en l’exploitant en taillis pour la fabrication des échalas. Son rendement serait bien supérieur à celui du pin à cause de sa croissance plus rapide et de sa faculté de rejeter de souche, la première étant d’ailleurs la conséquence de la seconde. Des expériences sont entreprises à ce sujet prés de Soulac.

Champignons. — Nous verrons, en étudiant le pin maritime, quels sont les cryptogames parasites végétant dans les dunes. Disons seulement ici qu’on y rencontre trois principales espèces de champignons comestibles, toutes des agarics : l’agaric élevé ou cocherelle (a. procerus) qui se montre surtout à Soulac, l’agaric délicieux (a. deliciosus), catalan dans la localité, à suc rouge, à cassure rouge verdissant ensuite, et le vidau, autre agaric spécial aux sables, qu’à notre connaissance les flores mycétologiques ne signalent pas et qui paraît être une russule (sous-genre des agarics). La fausse-oronge (a. muscarius) se trouve aussi dans les dunes.



Répartition de la flore

Ainsi que cela a été sommairement indiqué tout à l’heure, beaucoup de plantes des dunes ont chacune leur aire d’habitation propre, et leur répartition sur l’étendue des sables mérite d’être relevée.

Il faut d’abord remarquer la différence entre la flore des dunes de Soulac et celles du reste de la région ; certaines espèces sont spéciales à la première : l’œillet de France, la bugrane jaune, la stramoine, l’aubépine, le cornouiller, l’alaterne, le troène, le peuplier noir, l’ormeau ; d’autres, comme le daphné, le robinier, lui sont presque exclusives, au moins en bon état de végétation. La raison en est que le sol de Soulac est meilleur et bien moins aride que celui des autres dunes. Seul il offre à certaines plantes habituées à un terrain relativement riche et frais, canne la bugrane, le troène, l’ormeau, un terrain sinon très favorable, du moins suffisant. D’autre part, certaines essences d’arbres, le robinier notamment, ont été introduites à Soulac plutôt qu’ailleurs, parce que le sol y était plus qu’ailleurs apte à leur propagation. Encore doit-on observer que les végétaux ligneux spéciaux à la flore soulacaise se rencontrent uniquement dans les fonds où une couche peu épaisse de sable recouvre le sol primitif fertile, où, par conséquent, l’ensemble du terrain présente plus d’éléments nutritifs et d’humidité que dans les autres parties de la contrée. Quelques-unes de ces plantes pourraient bien. même provenir par semences ou par rejets des anciennes plantes qui étaient installées sur le sol primitif aujourd’hui ensablé. Le fait paraît certain pour quelques pieds de vigne sauvage qu’on trouve en forêt domaniale de Soulac, dans la parcelle de feuillus située entre le garde-feu du Sémaphore et la voie ferrée du Médoc. Il y avait la autrefois des jardins ; des ceps qui s’y trouvaient n’ont pas été trop ensablés où se sont d’eux-mêmes marcottés, et ils se retrouvent maintenant dans les plants redevenus sauvages que nous voyons grimper aux arbres de la forêt.

Les chênes pédonculés, tauzins et yeuses de la forêt de Soulac et des Monts d’Hourtin et de Carcans présentent, nous l’avons dit, le même fait de perpétuation de forêts anciennes, préexistantes aux dunes. À Soulac, le chêne vert s’est propagé beaucoup, bien plus que ses congénères, à cause de son tempérament rustique qui lui permet de supporter les fortes chaleurs de l’été, même sur un sol pauvre et aride. Il se répand sur des sables où il n’avait jamais existé auparavant. Du côté du Verdon, ainsi que nous l’avons signalé, il est nettement envahissant et tend à éliminer le pin maritime. Cette substitution d’essence s’explique, parce que le chêne vert croit aisément sous le couvert léger des pins et d’autant plus que ceux-ci sont plus grands et plus espacés ; il y forme par places d’épais fourrés. Dans ces fourrés, les semis naturels des pins ne lèvent pas ou, s’ils y parviennent, les jeunes résineux périssent vite étouffés sous le feuillage épais et persistant de l’yeuse. Les grands pins abattus, on n’aura donc plus qu’un taillis de chêne vert. Tant que ce taillis sera clairiéré, le pin se reproduira dans les clairières ; mais si ces clairières sont remplies par le feuillu, la substitution d’essence sera complète. Le sylviculteur doit donc là, s’il veut maintenir le mélange des pins et des chênes, savoir conduire son peuplement. Il devra notamment, lors de l’exploitation des grands pins et de la production des semis, éclaircir fortement les feuillus pour permettre aux graines de lever, puis aux jeunes pins de croître et de prendre leur essor. Dans les parcelles des dunes soulacaises où les feuillus sont purs ou presque sans mélange de résineux, ils forment des arbres dont les plus âgés sont trapus, très branchus et courts de fût ; parmi, se trouvent des gaules et des perches souvent peu droites, appelées à les remplacer, mais en petit nombre ; des morts-bois, tels que troènes, ronces, ajoncs, couvrent le sol et constituent des fourrés impénétrables qui empêcheront sûrement, si on ne les détruit, la régénération par semis naturel des grands arbres feuillus. Dans les Monts d’Hourtin, les trois espèces de chênes sont en proportion presque égale, la plupart sont d’âge avancé (150 à 200 ans) également trapus et pourvus d’une puissante ramure. Les jeunes brins sont rares, bien trop pour le remplacement futur des vieux arbres. En mélange avec les chênes se trouvent, suivant les endroits, des bouleaux ou des pins maritimes. Le sous-bois est constitué par d’épais fourrés d’ajoncs, de bruyères, de ronces et de houx, ou par d’abondantes fougères.

Au Mont de Carcans, la forme des arbres et la composition du peuplement sont semblables. Dans le sous-bois, plus clair peut-être, figure l’arbousier, qui n’est spontané nulle part ailleurs. Rappelons encore ici que ces Monts sont des dunes anciennes, dont le sable a été fertilisé par l’humus accumulé depuis des siècles et s’imprègne de l’eau des marais ou des étangs contigus.

Tout au bord de ceux-ci et ne faisant partie qu’accidentellement, pour ainsi dire, de la flore des dunes, sont l’aune et l’osmonde royale, qui ne supporteraient pas autrement la sécheresse habituelle du sable.

La distribution de tous ces végétaux dans les diverses parties des dunes dépend donc du terrain, de ses qualités chimiques et de ses propriétés physiques.

Il est une autre répartition des plantes des dunes à envisager, celle qui les divise pour tout le Médoc en deux grandes catégories : plantes littorales croissant tout au bord de la mer, et plantes qui s’en tiennent toujours à une certaine distance. Les premières sont presque exclusivement herbacées ; la dune littorale et les lèdes non boisées adjacentes constituent à elles seules leur habitat. Ce sont : le gourbet, le panicaut, le liseron soldanelle, la roquette de mer, l’immortelle, etc. Si quelques végétaux arbustifs croissent à côté d’elles, ils n’affrontent pas la dune littorale, se cantonnent dans la lède contiguë, et encore leur préférence pour ce voisinage de l’océan n’est-elle due peut-être qu’à l’absence d’arbres et de couvert en ces endroits, puisqu’on peut les retrouver sur les lèdes de la région orientale des dunes et même là où la lande commence ; tels sont le genêt d’Angleterre et le saule rampant. Franchement indifférent par contre est le carex des sables, qui pousse ses stolons rayonnants aussi bien sur les plages de l’étang d’Hourtin que sur celles de la mer. Dans les plantes de la seconde catégorie, celles qui ne peuvent croître qu’à quelque distance du rivage maritime, sont tous les arbres et les principaux arbustes que nous avons nommés ; cependant le genêt à balai et la grande bruyère s’avancent encore assez prés de la dune littorale, intermédiaires entre les arbres proprement dits des grandes dunes et les herbes de la plage. Ainsi, de même qu’en descendant des hauts sommets des montagnes vers les vallées, on ne trouve d’abord que les herbes des pâturages alpestres, puis de petits arbrisseaux rampants, ensuite des arbustes. puis des arbres rabougris, buissonnants et tortueux, puis enfin seulement les grands arbres droits de la forêt ; de même, en quittant la plage de l’océan et pénétrant dans les dunes, on observe successivement et suivant la même gradation, les plantes herbacées de la dune littorale d’abord, ensuite les saules rampants et les genêts minuscules des lèdes contiguës, ensuite des buissons de bruyères et de genêts à balai, puis les premiers pins tordus et tourmentés, puis enfin seulement derrière, les grands pins droits de la foret.

Ici, ce n’est plus la question de sol qui agit comme dans les distributions de la flore que nous examinions tout à l’heure ; ce sont : le vent, ainsi que dans la montagne, et de plus les effluves salines et le sable mouvant, qui régissent cette distribution des végétaux générale sur toute la côte.

Quant au groupement des essences forestières, sur les dunes, il est facile à établir, après ce que nous avons dit. Le pin maritime est à l’état pur presque dans toutes les forets. Dans la partie des bois domaniaux et particuliers située entre Soulac et le Verdon, et la seulement pour toutes les dunes du Médoc, il forme la majorité du peuplement, en mélange avec divers feuillus. La proportion des essences y serait la suivante (en millièmes), d’après nos observations :

pin maritime . . . . . . . 960

chêne vert. . . . . . . . . 36

chêne pédonculé . . . . . . 8

chêne tauzin . . . . . . . . 3

robinier faux-acacia . . . . 2,4

orme . . . . . . . . . . . 0.5

peuplier noir . . . . . . . 0,1



Le pin maritime

Le pin maritime a été étudié de très près et en détail aux points de vue botanique, sylvicole et industriel par les maîtres de la science forestière et par divers auteurs fort compétents, aux écrits desquels nous renvoyons le lecteur désireux d’amples renseignements qui n’entrent pas dans le cadre de notre modeste étude. (Mathieu, Flore forestière ; Lorentz et Parade, Culture des bois ; Lorentz, Notice sur le pin maritime, Annales forestières, 1842 ; Ed. Blanc, Étude sur le résinage, Revue des Eaux et Forêts, 1885 ; L. Boppe, Cours de technologie forestière, 1887). Nous ne dirons ici que l’indispensable, en y ajoutant quelques observations personnelles.

Port. — Le pin maritime est un des grands arbres de France. Son aspect est monotone et plutôt triste, non pas de la tristesse obscure et glacée des pays septentrionaux, mais de cette tristesse spéciale aux régions méridionales et qu’engendre l’uniformité d’un terrain brûlé par un soleil toujours ardent sous un ciel toujours bleu. Il n’a ni la majesté du sapin, ni la puissance olympienne du chêne, ni la forte élégance du hêtre ; il n’a même pas l’originalité de la silhouette du pin parasol, ni l’agrément d’une écorce vivement colorée comme le pin sylvestre. S’il parvient à un âge avancé et se développe sans entraves, alors seulement acquiert-il un certain cachet de grandeur en même temps que d’originalité, lorsque sa base déformée et enflée sous l’action du gemmage, est sillonnée de nombreuses quarres. C’est, parmi le grand peuple des arbres, un modeste prolétaire auquel l’homme, son cruel exploiteur, fait suer sang et eau.

Son fût droit, se maintenant assez haut cylindrique, est revêtu d’un rhytidome épais, gerçuré profondément, d’un noir gris ou violacé. La ramification verticillaire est très régulière et supporte des frondaisons également réparties par toute la cime. Les feuilles sont longues (10 à 20 et même 25 centimètres), réunies à leur base deux par deux dans une très petite gaine écailleuse ; elles sont épaisses, luisantes et soyeuses, d’un vert franc, qui paraît foncé dans l’ombre, mais clair au soleil ou à côté du feuillage glauque du pin sylvestre. Elles durent 3 ans et tombent à la fin de la 3e année, exceptionnellement pendant la 4e. De là résulte, chez le pin maritime comme chez ses congénères, un groupe. ment des feuilles variable avec l’âge de l’arbre. Sur les jeunes pins, dont la croissance est rapide et fournit annuellement de longues pousses, les aiguilles plantées autour des tiges crues pendant l’année courante et les deux précédentes forment des plumets ou faisceaux longs et denses ; les entrenœuds plus âgés sont dégarnis d’aiguilles. Sur les arbres déjà âgés, à pousses annuelles très réduites, les plumets ont disparu et les aiguilles sont portées au bout des ramules en houppettes assez denses. C’est un indice certain de dépérissement et de mon prochaine, lorsqu’on voit sur un pin maritime ces houppettes diminuer de nombre et s’éclaircir. Dans le feuillage, faisant tache sombre à l’aisselle des branchettes, s’aperçoivent les cônes, verts s’ils sont jeunes, roux et bruns lorsqu’ils arrivent à maturité.

Le pin, dans sa jeunesse, a un profil conique, mais non point aigu comme le sapin ou l’épicéa ; lorsqu’il arrive à maturité, sa cime ne devient pas nettement tabulaire comme chez le roi des Vosges, mais seulement irrégulière ; des branches disparaissent, des rameaux latéraux s’allongent plus que d’autres, et l’harmonie de forme première du houppier est détruite.




Enracinement. — L’enracinement du pin maritime est très développé, à la fois traçant et pivotant. « On a vu quelquefois des souches de pin maritime s’accroître après l’exploitation de l’arbre et l’on a constaté, comme pour le sapin, qu’elles se trouvaient soudées par les racines avec celles de pins réservés dans le voisinage. » (Mathieu). L’extension de ses racines traçantes et pivotantes permet au pin maritime de résister victorieusement, malgré la nature du sol, aux vents violents qui règnent sur les dunes. Les chablis sont très rares dans les forêts de ces régions, malgré l’impétuosité de certains coups de vent. Ce fait est remarquable.


Fructification. — La floraison est monoïque. Les cônes mûrissent à l’automne de la seconde année et la graine se disséminé naturellement au printemps de l’année suivante. D’expériences faites par nous, il résulte que les cônes renferment en moyenne 144 graines chacun. Suivant Mathieu et Bagneris, le kilogramme de ces graines désailées en contient 22 000, et il en faut 13 300 pour le litre qui pèse 598 gr. Des expériences faites par d’autres forestiers (E. Buffault) ont donné des chiffres un peu différents : 18600 au kilogramme et 11200 au litre. L’hectolitre pèse 60 kilogrammes.

« La fertilité de cet arbre est extraordinaire. Il porte fruit presque tous les ans et dès l’âge de ta à 15 ans, quelquefois, plus jeune. Néanmoins, pour être sûr de la bonté des graines, il convient de ne les cueillir que sur des arbres plus âgés. » (Lorentz et Parade). Vers l’âge de 25 ans, la fructification devient très abondante à peu prés tous les ans. À tel point qu’il se forme constamment sous les grands “arbres un sous-bois très dense de jeunes pins, qui périt à la longue sous le couvert, mais se renouvelle sans cesse. À tel point aussi que l’on peut faire des coupes à blanc étoc sur des surfaces considérables (200 hect. et plus) sans craindre de compromettre la régénération et que trois ou quatre ans après cette coupe des fourrés de jeunes pins très bien venants, presque sans vides, remplacent la vieille futaie abattue. (Nombreux exemples dans les forêts de l’État et dans les forêts particulières du Flamand et de Soulac). Cette même abondance de fructification permet à bien des lèdes littorales des forêts de l’État de se boiser peu à peu d’elles-mêmes et aux bois particuliers et communaux traités par la méthode du jardinage de se perpétuer par les voies naturelles.

La graine conserve sa faculté germinative 3 ou 4 ans. Mise en terre, elle peut lever au bout de 15 jours, comme aussi faire attendre longtemps sa germination, surtout dans le sable ordinairement sec des dunes. On ne doit donc pas s’étonner dans l’année qui suit un tenais de ne pas avoir une réussite complète, surtout si les pluies ont été rares ;il est a peu prés sûr que beaucoup de graines qui ne se seront pas trouvées dans les conditions nécessaires à leur germination lèveront les années suivantes qui seront plus propices. Dans les dunes, les semis doivent se faire, soit à la fin de l’automne, soit à l’époque de la dissémination naturelle qui est le printemps ou la fin de l‘hiver (du 15 février au 15 avril). Cette dernière époque est préférable, comme d’ailleurs pour toutes les graines résineuses en général.

Tempérament. — « Le jeune plant est très robuste et tout abri un peu prolongé lui est nuisible », disent Lorentz et Parade. Ils ajoutent que cependant dans les sables brûlants des dunes de Gascogne, il est nécessaire de l‘ombrager les premières années. Nécessaire est trop dire à notre avis, utile serait juste. On peut voir en maints endroits, sur des garde—feu, sur les plages de l‘étang d’Hourtin, dans des vides, de jeunes pins, semés par le vent ou les oiseaux, prospérer très bien en plein découvert, au milieu même de sables blancs. Mais il n‘est pas douteux qu’un certain abri lui soit très profitable en le défendant des ardeurs parfois extrêmes du soleil de Gascogne. qu’accroit encore la réverbération des sables. C’est en partie pour ce motif que dans les ensemencements on a mêlé et on mêle encore le genêt et l’ajonc au pin. Un forestier a dit, avec raison du reste, que le genêt est l’allié du pin s. Dans une coupe rase, par exemple partout où le genêt abonde, le pin abonde aussi. Les jeunes résineux croissent parmi les touffes du genêt, filent entre les branches qui les soutiennent, prennent rapidement l’avance sur lui et bientôt, se constituant en fourrés complets, étouffent sous leur brillante végétation l‘arbuste qui les a protégés pendant leurs premières années. Le couvert très léger que donnent les pins de place convenablement espacés est également très favorable au jeune semis ; il réalise le ni trop ni trop peu nécessaire.

Si le jeune pin vient sous un couvert épais, et c’est le cas du sous-bois que l‘on trouve sous presque toutes les futaies qui sont éloignées de leur terme d’exploitabilité, et par suite assez denses, ce jeune pina une croissance extrêmement lente ;il reste petit, grêle, tortueux, souvent traînant, perd sa flèche terminale, se forme avec des branches latérales très courtes une petite cime en boule, irrégulière, puis finalement sèche sur pied. Si on le découvre assez tôt pour qu’il ne meure pas et reprenne de la vigueur, ce qui est rare, il grandit, mais ne fait jamais un arbre droit et beau ; sa constitution est viciée.

Il est à noter qu’on voit très peu d’arbres tarés ou tordus dans les forêts de pin maritime à l’inverse de celles de pins sylvestres, et que les premières ne présentent jamais le vilain aspect qu’ont les secondes dans leur jeunesse. La raison en est sans doute dans la rapidité de croissance bien supérieure du pin maritime, qui rend plus difficile la formation des défauts et plus facile et plus rapide l’élimination des sujets viciés.

Plantation. — Généralement, on n’a pas à planter le pin maritime ; l’abondance et la facile germination de ses graines rend le semis plus économique et plus productif que la plantation, outre que l’ensemencement naturel assure à lui seul la régénération des pineraies. Dans le département des Landes, on y a recours pour avoir plus vite des bois susceptibles de supporter le pâturage. On plante alors en motte des sujets âgés de 5 et 8 ans. À titre de renseignement, nous avons fait exécuter quelques essais dans les dunes domaniales du Flamand et d’Hourtin. On a planté en motte et à racines nues des sujets de 3 à 5 ans environ. Tous ceux plantés à racines nues, ou pour le moins les 9/10 d’entre eux, ont séché ; seuls les sujets plantés en motte ont réussi. L’expérience est à reprendre, mais nous doutons fort que la plantation du pin maritime soit un mode efficace et pratique de repeuplement des sables, à cause de la sécheresse de ceux-ci.

Croissance. — La croissance du pin maritime est « remarquablement prompte ». Dans la forêt domaniale du Flamand, à 500 mètres de la mer, on trouve des pins de 10 ans ayant des pousses terminales de 0m80 de longueur. Quelquefois ils développent deux verticilles par an. Pour les arbres d’âge moyen, on admet qu’en général leur circonférence croît de 0m02 dans les dunes et 0m025 dans la lande. Leur âge serait donc donné par le quotient de la division du nombre de centimètres de la circonférence par 2 ou 2,5 suivant le cas.

Terrain. — Le pin maritime est « essentiellement silicicole ». Les terrains calcaires le repoussent et il s’y empoisonne, au sens exact du mot, par une trop forte absorption de chaux (MM. Fliche et Grandeau). Il s’accommode de façon vraiment remarquable des terrains les plus pauvres et les plus arides, comme le sable des dunes de Carcans. Il prospère assurément davantage sur un sol riche et pourvu d’humus, mais sa frugalité est, en somme, merveilleuse.

Lorentz et Parade disent que « les terrains compacts et marécageux lui sont contraires. » Cependant on voit fréquemment des pins maritimes dans les marais qui bordent les dunes du Médoc et ils sont de végétation passable.

Bois. — Le bois est rouge brun plus ou moins clair au cœur, avec une zone d’aubier blanc jaunâtre qui devient grise lorsque l’arbre a léché sur pied ou que le bois débité a été exposé à l’humidité. Les couches annuelles sont épaisses et très apparentes. Celles de l’aubier augmentent en nombre avec l’âge de l’arbre (Mathieu). Le grain du bois est grossier, poreux et lâche dans le bois de printemps, plus dans le bois d’automne. Les canaux résinifères se montrent sous forme de traits assez gros, colorés en rouge brun foncé et répandus dans le bois ; ils sont très nombreux dans le sens longitudinal, rares dans le sens radial suivant les rayons médullaires.

Le bois du pin maritime est, comme qualité, inférieur à celui du sapin, de l’épicéa et du pin sylvestre. Les charpentiers et menuisiers lui préfèrent le pin du Nord pour les solivages et les planchers, sauf quand ceux-ci doivent reposer sur le sol, le pin maritime ayant alors plus de durée. On distingue aussi entre le pin venu sur les sables des dunes et celui venu sur les graves du Médoc, le premier, paraît-il, se pique facilement, tandis que le second est beaucoup plus durable. Néanmoins le pin maritime des dunes est assez employé comme bois d’œuvre. Lorsqu’il est bien veiné et qu’on le vernit simplement en lui laissant sa couleur naturelle, il fait de fort jolie menuiserie.

Dans le pays, on affirme que, pour avoir de la durée et échapper à la vermoulure, le pin doit être coupé hors le temps des deux sèves de printemps et d’août et en lune jeune ou tendre ; on prétend même qu’il faut éviter de l’abattre lorsque souffle le vent d’ouest. Le bois gemmé est plus durable que le non gemmé, comme nous l’expliquerons tout à l’heure. Les bois en grume abandonnés sur le parterre des coupes mettent environ 8 ans à pourrir ; ils durent davantage lors. . qu’ils proviennent d’arbres crus près de la mer, où la lenteur de leur végétation et l’abondance de la résine leur a donné un tissu moins grossier et un grain plus résistant.

Le pin maritime fournit un combustible agréable qui brûle avec une flamme claire en dégageant une vive chaleur, mais qui n’est pas soutenue. Son écorce seule (non son bois) éclate en brûlant. Il donne un charbon léger.

Gemmage. — Les canaux résinifères sont des sortes de tubes ou manchons formés de cellules qui déversent dans la cavité qu’elles enveloppent l’oléorésine qu’elles sécrètent. Ces cellules sont bien plus petites que celles du parenchyme ambiant ; leur membrane est mince » colorée en jaune ou en brun par la résine ; elles renferment du proto-plasma et un noyau, et se propagent par division. Quand la sécrétion est très abondante, la résine remplit tous les vaisseaux du bois et se répand dans les tissus environnants, auxquels elle donne une couleur foncée avec la dureté et la transparence de la corne. C’est ce qu’on appelle le bois gras (Ed. Blanc).

Cette formation de bois gras, très fréquente chez les pins d’Alep, laricio et sylvestre, l’est moins chez le pin maritime. Elle s’y rencontre surtout dans les nœuds ou tronçons de branche encastrés dans le bons formé après la chute de la branche.

C’est sur la forme et la disposition des organes sécréteurs de la résine chez le pin maritime qu’est fondé le mode de gemmage de cette essence. Les canaux longitudinaux étant les plus nombreux et, parmi eux, ceux récemment formés, c’est-à-dire appartenant aux couches les plus externes du bois, renfermant l’oléorésine la plus fluide et la plus abondante, ce sont ces derniers qu’il y a intérêt à atteindre le plus possible. De là se déduit la forme de l’entaille ou quarre, au moyen de laquelle on tranche les canaux sécréteurs et dont le rendement est proportionnel à ses dimensions, surtout à sa largeur et à sa profondeur. Ces dimensions ont pour limite la nécessité de sauvegarder la vie de l’arbre lorsqu’on a affaire à un pin gemmé à vie, ou de ne pas trop diminuer son équarrissage dans tous les cas. « L’expérience a démontré qu’un pin maritime peut, dans le midi de la France, vivre longtemps en portant, à partir de l’âge de 30 ans, une… quarre de 0m10 de largeur et de 0m01 de profondeur. » (Ed. Blanc). La profondeur pourrait, sans endommager la santé de l’arbre, à notre avis, être augmentée de 0m0025. L’État, dans ses forêts, n’applique le gemmage à vie aux pins de place que lorsqu’ils ont atteint 1m10 de tour à hauteur d’homme. C’est peut-être un excès de prudence. Les particuliers les gemment à partir de 0m90, ce qui est un abus. On pourrait sans doute commencer à 1m, circonférence qui correspond à peu près à 30 ans d’âge pour la dune. Il est bon de laisser reposer le pin à vie, surtout au début, en suspendant périodiquement le gommage pendant 1, 2 ou 3 ans, après plusieurs « années de travail. « Un résinage bien conduit peut durer 150 ans et même plus, surtout si, dans les premiers temps, alors que le pin était encore faible, on a en la précaution de lui donner une année de repos après chaque période d’extraction de 7-8 ans. » (Mathieu). L’aménagement des forêts domaniales du Médoc soumet les pins à vie à un repos de 7 ans entre chaque période de gemmage de 5 ans.

Dans le gemmage à mort ou à fin perdu, qui s’applique aux pins qu’on veut abattre, on n’a pas à ménager l’arbre. Aussi le saigne-t-on sans précaution pour lui faire suer le plus possible dans un court espace de temps (4 ans environ).

Dans les dunes, il faut environ 120 arbres de 60 ans, gemmés à mort pour faire une barrique de résine (225kg) par an. Des pins gommés à vie entre 60 et 80 ans peuvent fournir environ chacun 1kg500 de gemme par an. Des pins de 70 à 90 ans gemmés à mort peuvent donner chacun une production annuelle de 5kg de résine. Mathieu dit : « Un pin vigoureux et isolé peut produire annuellement jusqu’à 20−40 kg de matière première ; en massif ce chiffre ne s’élève pas à plus de 4−6 kilog. » L’air et la lumière sont nécessaires à la production résineuse qui est proportionnelle à la quantité de ces deux éléments, absolument comme ils sont nécessaires à la production de toutes les oléorésines, gemmes, etc., et aussi du liège.

Quel est l’effet du gemmage sur le pin maritime ?

Le gemmage ralentit la croissance des arbres et les épuise à la longue ; nous soulignons à la longue, car le pin maritime supporte remarquablement le résinage, qui ne lui est pas si dommageable au point de vue physiologique qu’on serait porté à le croire. Ainsi les coupes de la forêt d’Hourtin, gemmées à mort de 1892 à 1897 pour être exploitées à blanc étoc en fin de période, sont peuplées de pins âgés de 50 ans ; ces arbres, malgré 4 années d’un gemmage intensif commencé en 1892 et 4 ou 5 quarres ayant enlevé presque toute l’écorce, sont aujourd’hui encore très vigoureux et ont la cime très verdoyante.

Par suite du ralentissement de croissance, les couches annuelles deviennent plus étroites, mais la proportion du bois de printemps, lâche et poreux, diminue, tandis que celle du bois d’automne, plus serré, augmente. Le grain du bois devient donc moins grossier et plus dur. En outre, le résinage détermine du centre à la circonférence du fût un courant de térébenthine qui imprègne l’aubier de résine et le rend de meilleure qualité et plus résistant à la corruption. De plus encore, la paroi de la quarre se lignifie, s’imprègne de résine et sur une certaine épaisseur devient semblable au bois de cœur. Le bois gemmé est donc plus résineux, plus lourd, plus dur, plus résistant, plus durable et d’un pouvoir calorique plus grand que le bois non gemmé. Ces avantages du bois gemmé, bien qu’affirmés par les habitants du pays, ont été contestés. Aussi l’Admon forestière fit-elle l’expérience en 1874 sur des planches de palissade de la côte du Flamand. On mit dans cette palissade des planches de 3 catégories : les unes tirées du pied des arbres gemmés, c’est-à-dire de la partie même où étaient ouvertes les quarres ; les autres tirées du haut du fût de ces arbres, c’est-a-dire de la partie supérieure aux quarres ; d’autres enfin extraites d’arbres non gemmés. Les premières planches durèrent 7 et 8 ans, les secondes 6 à 7 ans seulement et les troisièmes ne dépassèrent pas 6 ans. L’expérience a donc tourné tout à l’avantage du bois gemmé, comme c’était à prévoir. Elle a du reste été confirmée maintes fois, non plus officiellement, mais par la pratique, dans les constructions de maisons, de hangars, de bateaux, de clôtures. Quand, par exemple, on voudra pour tenir l’angle d’une clôture un solide piquet de pin, on le prendra dans le pied d’un arbre gemmé. Aujourd’hui l’Administration forestière exige toujours que les bois de pin qu’elle emploie comme matériaux proviennent d’arbres gemmés.

Mais, si le gemmage améliore ainsi le bois, il n’est pas sans inconvénients. Nous avons dit qu’il ralentit la croissance des arbres. De plus, bien que les ourles de bois nouveau qui encadrent la quarre arrivent, en se développant, à la recouvrir entièrement, il n’y a jamais adhérence entre ce bois nouveau et l’ancien qui forme le fond de la quarre. Par suite, lorsqu’on veut tirer du bois d’œuvre d’un pin gemmé, il faut que l’équarrissage enlève toutes les couches de bois formées par-dessus les premières quarres, ou bien la pièce, n’étant plus homogène, a une élasticité et une résistance bien moindre. C’est donc ou une diminution de volume, ou une dépréciation de qualité. Mais l’on ne peut dire, comme l’avance le Cours de Culture, que le tronc de l’arbre gemmé « devient tortueux la plupart du temps, et impropre, par conséquent, à tout usage de quelque importance. » (page 143). L’erreur de cette assertion sera démontrée par ce que nous dirons du débit des bois dans les dunes.

En résumé, le gemmage, au point de vue physiologique, entrave un peu le développement de l’arbre. Au point de vue technologique, le seul important, il donne de bonne heure au bois des qualités qu’il n’acquerrait que difficilement et à un âge très avancé. Mais il limite le volume de bois d’œuvre de l’arbre aux dimensions que cet arbre avait aux débuts du résinage.

Mortalités, champignons parasites. — Le pin maritime a dans l’ordre animal quelques ennemis, ainsi que nous le verrons au chapitre suivant, mais ils ne lui font pas pour le moment grand mal. Autrement dangereux sont d’autres agents de destruction qui appartiennent au monde cryptogamique.

La principale maladie dont ils affectent le pin maritime et qu’on nomme la maladie du rond en Sologne, produit ce qu’on appelle en Gascogne les mortalités ou séquées. Les pins qui en sont atteints commencent par perdre une partie de leur feuillage qui devient plus clair et cessent aussitôt de donner de la résine, s’ils sont gemmés ; puis le feuillage restant jaunit, le bois sèche rapidement ; l’écorce, alors minée en dessous par des insectes et attaquée à l’extérieur par les oiseaux qui cherchent ces insectes, se détache par grandes plaques, en même temps que les feuilles tombent tout à fait ; souvent même celles-ci pendent encore aux ramules que le fût de l’arbre est complètement écorcé et sec. Du pin verdoyant il ne reste plus qu’un squelette décharné. Cette mort de l’arbre est rapide et souvent en été 8 jours suffisent à un pin maritime sain d’apparence pour périr et se dépouiller complètement. Les arbres voisins des premiers atteints dépérissent à leur tour, la maladie gagne et fait tache d’huile, agrandissant et arrondissant la place .de' mortalité. Tantôt le mal s’arrête de lui-même brusquement, après avoir tué quelques arbres seulement ou n’avoir même atteint qu’un ou deux pins, tantôt au contraire il s’étend sur des surfaces assez considérables. Parfois, chose curieuse, au milieu d’une mortalité un ou deux arbres résistent et restent debout pleins de vigueur à côté de leurs voisins perdus. La maladie ne se confine pas dans le sol, car toutes les mortalités se repeuplent d’elles-mêmes par les graines tombées des arbres avant leur mort et les jeunes pins qui remplacent ceux-ci croissent vigoureusement et sont indemnes. Lorsqu’une mortalité se déclare, toutes les plantes qui se trouvent sur le sol autour du premier pin ou des premiers pins attaqués, herbes, genêts, petits pins, etc., toutes ces plantes sèchent aussitôt. Le terrain semble empoisonné et tout ce qu’il porte périt. Puis bientôt la mortalité s’étend attaquant les pins environnants, avec les herbes et les arbustes voisins, et en même temps la vie revient sur le premier point attaqué, l’herbe reverdit, les mort-bois y repoussent, de jeunes pins y croissent et la végétation reprend possession du terrain d’où la maladie venait de la chasser.

Le feu développe beaucoup la maladie du rond ; presque toujours elle prend naissance sur les places où des feux ont été allumés. Cependant cela n’est pas absolu, et s’il est vrai qu’en Sologne, selon M. le Cte de Tristan, « les feux d’ouvriers sont la cause la plus fréquente, sinon la seule, » qui détermine la maladie, il n’en est pas de même tout à fait dans les dunes. Dans cette région, beaucoup de séquées naissent en des endroits où il n’a pas été allumé de feu, quelquefois les incendies mêmes ne provoquent point de mortalité parmi les arbres qu’ils ont épargnés. En résumé, pour les dunes, toutes les mortalités ne naissent pas sur des places à feu, mais généralement les feux provoquent des mortalités.

La maladie du rond a été étudiée par divers savants (MM. Seurrat de la Boulaye, Prillieux, de Tristan, Duchalais, Société des agriculteurs de France). Ses causes et son processus sont aujourd’hui parfaitement connus. Elle est due uniquement à un champignon parasite de la famille des discomycètes, le Rhizina undulata, Fries. Ce saprophyte se développe dans le bois de l’arbre atteint, puis dans l’écorce. De celle-ci il émet au dehors des cordons rhizomorphiques qui se propagent dans le sol et vont contaminer les racines des arbres voisins, lesquels, envahis par le champignon, périssent à leur tour.

Le remède employé contre la maladie du rond consiste avant tout à abattre les arbres des qu’ils paraissent souffrir, puis, si le mal semble devoir s’étendre, à ouvrir un fossé continu dont on entoure la parcelle atteinte de manière à l’isoler du reste du peuplement. Ce procédé. usité depuis longtemps dans la région du pin maritime, est justifié par l’étude faite du champignon parasite, puisque le fossé a pour effet d’interrompre la communication des racines et par suite la propagation des filaments rhizomorphiques du mycélium. Pour ce motif, la profondeur du fossé est sa dimension principale ; elle doit être d’au moins 0m50, car il faut que toutes les racines traçantes des arbres soient tranchées ; la largeur importe peu. Dans les forêts de l’État, en Médoc. on donne aux fossés de mortalités 0m60 de profondeur, autant de largeur à la gueule et 0m20 au plafond ; ils coûtent 0fr.072 le mètre courant. Dans les bois communaux et particuliers, on se contente de fossereaux de 0m50 ou 0m60 de profondeur et d’une largeur uniforme de 0m25 environ, égale à celle de la bêche qui sert à les ouvrir ; conséquemment leurs parois sont verticales, et c’est un défaut. car elles sont sujettes à de fréquents éboulements qui bouchent le fossé et diminuent d’autant son efficacité. Il faut que les sables extraits du fossé soient rejetés sur le terrain circonscrit par lui, afin de ne pas risquer de contaminer le surplus du peuplement. La surface entourée par le fossé isolateur ne doit pas comprendre seulement la place sur laquelle les pins présentent les signes de la maladie, elle doit être plus vaste et embrasser, en plus de la mortalité même, la bande de terrain sur laquelle les arbres, bien que paraissant encore sains, peuvent être déjà attaqués par le parasite. Cette bande ne peut être déterminée qu’au jugé. Il vaut mieux la prendre trop large que trop réduite et exposer au mal quelques pins encore indemnes, plutôt que de voir la mortalité dépasser le fossé. Dans les dunes, il convient de tracer le fossé isolateur à 8 et même 10 mètres des pins reconnus malades.

Il est essentiel d’abattre les pins attaqués par le champignon, non seulement quand ils meurent, mais même avant et des qu’ils présentent des symptômes de dépérissement. Souvent l’abatage des arbres malades suffit à arrêter les séquées et rend un fossé inutile. Dans les forêts domaniales, on fait soigneusement procéder à cet abatage par les gardes ou les adjudicataires des coupes suivant les cas et cette précaution rend les grandes mortalités assez rares. Il n’en est pas de même dans certaines forêts des communes et des particuliers, où les mêmes soins ne sont pas pris.

Suivant M. Duchalais, ancien conservateur des Forêts, « il est indispensable de compléter le premier travail par un traitement au sulfate de cuivre à l’aide d’une solution contenant 10 kg. de sulfate dissous dans 100 litres d’eau… Les parois du fossé devront être arrosées de ce liquide, à raison d’un litre par mètre courant, et la même opération serait en même temps pratiquée sur une bande de 0m50 de large, tangente intérieurement au fossé et au préalable bien nettoyée de toute végétation. Dans ces conditions, le mal serait arrêté et toute trace de mycélium détruite. » (Rapport sur la maladie ronde des pins maritimes en Sologne. Comité central agricole de la Sologne, 1893). M. Duchalais recommande en plus l’exploitation complète avec arrachage de souches de tous les pins existant sur la parcelle contaminée.

Toutes ces opérations sont excellentes assurément, mais nous répétons que, dans les dunes, on peut se contenter d’abattre les pins dépérissants et, si la mortalité s’étend malgré cela, de la circonscrire par un fossé isolateur ouvert comme il a été dit plus haut. La plupart du temps ces mesures suffisent pour arrêter le développement du parasite.

Dans les Landes on emploie aussi, pour combattre la maladie du rond, un procédé qui consiste à enlever aux arbres que l’on croit atteints ou susceptibles de l’être, un anneau entier d’écorce à hauteur d’homme. L’opération se fait avec un ciseau ou une gouge ; on enlève toute l’écorce, de manière à interrompre toute communication entre les deux parties que sépare l’anneau circulaire ainsi creusé. La largeur de cet anneau importe peu. Il faut, bien entendu, ne pas blesser le liber ni la couche cambiale. Les résultats fournis par cette méthode dans les landes sont très discutables, et son efficacité, qui paraît fort douteuse, n’est pas à comparer avec celle du fossé. Ce procédé n’est guère pratiqué en Médoc.

Le Rhizina n’est pas le seul champignon parasite du pin maritime. Cette essence, suivant M. Raymond Brunet, en a d’autres qui appartiennent aux familles des urédinées, des basidiomycètes et des hystériacées. Les urédinées sont le peridermium pini, variété corticala (rouille du pin) dont on préviendrait le développement en arrachant dans les bois de pins tous les pieds de séneçon (senecio) et de dompte-venin (vincetoxicum), et le cœonia pinitorquum, contre lequel on ne connaît point encore de remède. La famille des basidiomycètes est représentée par l’agaricus melleus, les polyporus annones et vaporarius et le trametes pini. On combat les trois premiers par l’abatage des pins contaminés et l’ouverture d’un fossé de protection ; ils contribueraient avec le rhizina undulala à déterminer les mortalités. Le trametes pini ne se développe que sur les plaies faites aux arbres et atteignant le bois parfait ; on devra donc éviter de lésionner celui-ci pour prévenir l’invasion du parasite. Quant aux hystériacées, elles ne comprennent qu’une seule espèce, l’hysterium pinastri, qui s’installe sur les aiguilles et que l’on combat victorieusement au moyen de la bouillie bordelaise.

Les séquées détruisent un nombre assez grand de pins, sans cependant causer de dévastations, principalement dans les bois de l’État, ou on lutte activement contre la maladie. Ajoutons que si le parasitisme du rhizina et autres cryptogames similaires est la principale cause des séquées de pins maritimes, elle n’en est pas la seule, et que les chaleurs torrides de certains étés (tels ceux de 1893 et 1895) suffisent souvent à faire périr bon nombre d’arbres. Pendant les trois années 1893, 1894 et 1895, il a été abattu, sur 4059 hectares des forêts domaniales d’Hourtin et du Flamand, 2630 pins morts, ce qui donne un peu plus d’un par 2 hectares et par an.

Nous avons quelquefois trouvé dans les dunes des rameaux de pins ramassés en touffe courte et semblables aux balais de sorciers du sapin des Vosges. Nous n’avons jamais remarqué par contre sur les troncs, ni sur les branches, d’excroissance en forme de chaudron. Ces rares balais de sorciers sont-ils dus à 1'Œcidium elatinum ?

Traitement, éclaircies. — Le mode de traitement à appliquer au pin maritime est déterminé par la nature des produits qu’on en veut tirer et varie suivant ces produits. Dam les dunes, on cherche avant 3tout la résine et en second lieu seulement le bois. Delà se déduisent les dispositions à adapter pour l’exploitation des forêts des dunes, dispositions qui favoriseront le gemmage, et les seules que nous examinerons dans cette étude. La base en sera l’éclaircie. Quant à la façon de procéder à la régénération, c’est-à-dire au remplacement des vieux arbres par les jeunes, elle variera suivant l’étendue de la forêt et les besoins du propriétaire. Ou bien on fera une coupe a blanc étoc, abattant ensemble toute une parcelle de vieux bois pour laisser croître à leur place les jeunes semis produits naturellement pendant les dernières années, et, dans ce cas, la forêt se trouvera divisée en coupes Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/233 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/234 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/235 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/236 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/237 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/238 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/239 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/240 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/241 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/242 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/243 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/244 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/245 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/246 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/247 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/248


Sentier sous bois
(zone littorale de Soulac)

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sur l’autre et soudées entre elles. À 2m50 au-dessus du sol, ce fût se bifurque en deux grosses branches que couronne une cime ovale de frondaisons très vigoureuses.