Étude sur la côte et les dunes du Médoc/II

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IIe PARTIE. — LE LITTORAL ACTUEL.

I. ASPECT ET LIMITES ACTUELS DE LA CÔTE ET DES DUNES

Aspect actuel

La région des dunes est monotone dans son ensemble, c'est sa caractéristique ; mais cette monotonie, loin d'exclure l'intérêt, prête à toute cette contrée une originalité très marquée.

L’abord des dunes en Médoc, du côté de l’est, se présente avec des nuances un peu différentes suivant les localités.

Lorsque le voyageur, se rendant à Hourtin, prend à la gare de Lesparre le Chemin de fer Économique, il parcourt 22 kilomètres sur une vaste plaine qui n’offre partout à son œil attristé que des bois de pins ou des landes rases entremêlés de quelques pauvres vignes et de maigres champs de mais. Dès la mi-chemin cependant apparaissent à l’ouest des hauteurs boisées qui profilent sur l'horizon leurs crêtes à sinuosités arrondies ; on croirait la montagne et l’on ne soupçonnerait pas l'océan tout proche derrière. Ce sont les dunes.

D’Hourtin, on peut y arriver, soit par terre en suivant la route de Vendays, puis le chemin vicinal de Cartignac, soit par eau en traversant en yole ou en pinasse l'étang d’Hourtin et Camus. Ce dernier moyen est le moins usité, mais le plus pittoresque. Une belle route ombragée mène du bourg à l’étang, dans lequel elle se prolonge en jetée jusqu’à un petit embarcadère. De là, le paysage apparaît saisissant dans sa simplicité grandiose. Le lac s'étend à perte de vue vers le sud ; au nord, il se continue en des marais pleins de roseaux. Ses flots limpides reflètent le pur azur du ciel. Devant le spectateur, au delà d'une bonne lieue d’eau, règne du nord au sud la chaîne ondulée des dunes. Ses pins la revêtent d’un vert sombre qui passe au bleu dans le lointain. Elle plonge dans l’étang par une pente rapide que marquent par places des taches de sable blanc. Tout cela paraît absolument désert et fait songer à quelque contrée mystérieuse et inexplorée.

La traversée du lac effectuée, on aborde sur une plage de sable fin au pied du versant est de la dernière chaîne des dunes et l’on pénètre en forêt. Celle-ci est une futaie de beaux pins, bien droits, ordinairement plus âgés et plus nombreux sur les hauteurs que dans les lèdes, futaie silencieuse, où le chant des oiseaux est rare. Un tapis brun d’aiguilles sèches couvre le sol. Par endroits, un sous-bois très abondant de jeunes pins grêles végète sous le couvert des grands arbres ; ailleurs ce sont des ajoncs, qui dressent leurs raides rameaux épineux, ou des genêts dont au printemps les gerbes fleuries retombent en cascades d’or. Cela continue longtemps ainsi sur les sommets et dans les fonds, sur les pentes et dans les lèdes ; la pineraie couvre uniformément d’immenses étendues de sables sans se différencier autrement que par la dimension et l’espacement de ses arbres. Le terrain est extrêmement accidenté, surtout près de l’étang ; d’étroits et profonds vallons succèdent aux sommets élevés et les versants sont souvent si abrupts qu’on croirait à des précipices. Ces sommets sont disposés en séries de trois ou quatre chaînes parallèles à la côte. Des sentiers montueux, des chemins pénibles à suivre sur le sable mouvant tournent et circulent parmi les mouvements du terrain. De loin en loin, les garde-feu, larges allées rectilignes, interrompent le massif et ouvrent des échappées de vue sur ces curieuses collines de poussière si heureusement boisées. Quelques dunes très élevées permettent d’embrasser le panorama de la contrée : à l’ouest, l’océan immense ; au nord, au sud, tout le long de la côte, les vertes cimes des pins étalant leur manteau sur la région montueuse des sables ; à l’est, aux pieds du spectateur, le grand lac et les marais, puis au delà le plat pays s’étendant à perte de vue avec ses pignadas et ses landes rases, du milieu desquelles surgissent les quelques clochers des bourgs voisins ; au premier rang est celui d’Hourtin accompagné de ses grands ormeaux.

Poursuivant jusqu’à la mer, on remarque après un certain parcours que plus on en approche, plus le terrain s’égalise, atténue ses accidents, pour n’être plus qu’une sorte de grande plaine ondulée. En même temps, les pins deviennent courts, tortueux, touffus. On ne les voit bientôt plus que comme des arbustes à ramure irrégulière, confuse, dont les troncs tourmentés rampent sur le sol, parmi les aiguilles sèches. Couchés sous les efforts continuels du vent, ces troncs semblent d’énormes reptiles aux écailles rugueuses, qui déroulent leurs puissants anneaux sous le feuillage et redressent ensuite leur tête branchue d’hydre inoffensive. Puis ces arbustes deviennent buissons, s’éparpillent et s’isolent dans la lède littorale. On arrive sur celle-ci au sortir du bois, et l’on est tout d’abord frappé par l’aspect étrange


L′Étang d'Hourtin vu de la dune du Petit Mont.

d’un énorme amas de sable blanc d’une dizaine de mètres de hauteur

qui court du nord au sud, cachant la mer, et dont le sommet affecte une horizontalité parfaite. C’est la dune littorale, qui reçoit les apports sableux de la mer et protège la végétation installée à l’est. La lède qui la précède est garnie de minuscules arbrisseaux et d’herbes diverses, surtout d’immortelles dont les acres senteurs se mêlent à la brise saline. On gravit le talus abrupt de la dune littorale et, de sa plateforme, tout à l’impression de la majesté de l’océan, on domine la plage de sable fin où les lames s’étalent sans relâche.

Si l’on descend sur la plage et que l’on jouisse d’une chaude journée où le soleil luit sans ombre dans le ciel pur, on peut remarquer, en regardant soit au nord, soit au sud, qu’au loin vers l’horizon, le sable de la plage cesse tout à coup et fait place à l’eau bleue de la mer. Il semble que les flots couvrent là-bas le sable ou que la rive fait une brusque rentrée dans les terres. Mais si vous avancez vers le nord ou vers le sud, le phénomène marche avec vous et, sur la côte absolument rectiligne, vous n’atteindrez jamais cette eau bleue qui recule et qui suit. C’est un effet de mirage qui se produit ici, absolument comme au Sahara. Il est d’autant plus apparent que la mer plus basse fait la plage plus large. On peut l’observer même sur la plate-forme nue de la dune littorale, où il est plus bizarre encore.

Pour avoir un autre aspect des dunes, passons en Bas-Médoc et allons à Vendays. Le paysage de cette plaine presque parfaitement horizontale est à la fois très simple et très agréable. Les éléments qui le constituent se placent en quelque sorte eu un seul plan, on pourrait dire sur une seule ligne : des vignes et des prairies verdoyantes, des champs de mats jaunissant à l’automne,- de petits bois de chênes ou de pins à peine élevés au-dessus de l’horizon et dessinant sur le ciel un profil légèrement ondulé qu’interrompt par endroits un long pin à ta cime ajourée ; de-ci de-là, quelques petites maisons très blanches, propres, avec une toiture plate de tuiles rouges et jaunâtres, ayant un figuier tortueux adossé à leur pignon ; parfois un vieux moulin, bas, coiffé d’un toit pointu de planches grises, offrant au vent ses quatre bras maigres privés de leurs toiles. Ce peu de choses donne une impression de calme et d’attrait indéfinissable qui repose l’œil et l’esprit.

À Vendays, l’on prend une route qui fait de nombreux détours dans la campagne, puis à l’un de ses coudes, tout à coup, l’horizon apparaît vers l’ouest par une ligne ondulée de collines boisées : les dunes. Le paysage se continue, mais plus désert, et la route devient petit chemin. Près de Bumet, vignes, maisons et champs disparaissent, et ce n’est plus que la lande broussailleuse et herbue avec des boqueteaux. Puis le chemin se perd au bord d’un cours d’eau de très modeste apparence, qui roule un peu d’eau paisible au milieu de marécages et que nous passons à gué. Ici, un souvenir du passé. C’est le fleuve Anchise que nous traversons, et nous sommes près de l’endroit où le port du même nom s’ouvrait jadis à de nombreux esquifs. Quantum mutatus ! Nous traversons alors la vaste lède plate du Mourey, où les moutons tondent l’herbe rase, respectant seulement les bruyères et les ajoncs. À droite et à gauche, sur cette plaine, sont posées des dunes isolées, en forme de cônes très aplatis, avancées vers le pays comme les avant-postes des sables naguère envahisseurs. Au delà s’élèvent d’autres dunes, mais elles en chaîne continue. Toutes sont couvertes de la même futaie de pins que nous voyions tout à l’heure à Hourtin, mais le sous-bois, soit de pins, soit de genêts ou d’ajoncs, y est rare. Parfois, sur la fin de l’été, dans les lèdes, de petites bruyères égaient de leurs minuscules clochettes roses la monotonie de cet ensemble.


Lède du Mourey et piquey de Bumet
(vus du sud)

Après avoir franchi la chaîne de dunes et quelques collines secon- daires, nous arrivons sur une autre grande lède plate, où les arbres courts et tourmentés font le plus souvent place à des fourrés impénétrables de bruyères et d’ajoncs, ou même à l’herbe seule. Au delà encore s’élève une nouvelle ligne de dunes peu élevées, plutôt des trucs, et très imparfaitement boisés. Après, nous retrouvons la lède garnie d’immortelles et la dune littorale d’où nous pouvons à nouveau contempler l’océan, spectacle toujours pareil et toujours attachant.

Plus variée et plus gaie est la région de Soulac et de la Pointe de Grave. La visite de cette fin des terres s’impose à qui veut bien connaître le littoral médocain et elle est peut-être plus agréable que toute autre pour le simple touriste. Celui qui, sortant de Talais, prend la grande route du Verdon, se trouve dans uue vaste plaine où les marais de l’ancien estuaire fluvial ont fait place à des prairies coupées de larges fossés bordés de tamarix. Les eaux de la Gironde ne s’aperçoivent plus qu’au loin, à droite, au pied des coteaux bleuissants de Saintonge. La chaîne des dunes forme à gauche un long cordon de forêt qu’interrompent les sables blancs de Grayan, puis qui reprend au-devant du voyageur par les dunes de Soulac, dont une dernière, plus haute, porte le sémaphore de Grave et vient mourir au bord du fleuve, tout contre la blanche flèche de l’église du Verdon. Passant bientôt le chenal de Talais sur un pont de pierre, jadis limite de juridiction entre le seigneur de Lesparre et le prieur de Soulac, le voyageur traverse le Jeune Soulac, né de l’invasion des dunes. La route le conduit jusqu’au pied de celles-ci, puis par un coude prononcé le mène au milieu des maisons basses du Vieux Soulac qui échappèrent tout juste aux sables dévastateurs. Laissant Soulac à gauche, il longe les dunes jusqu’au Verdon, contournant sur sa droite les prairies et les anciens marais salants de la palu de Soulac. Le Verdon, joli petit village de pêcheurs, est assis au bord d’une grande rade où de nombreux bateaux font escale. De la gare du chemin de fer un petit tramway mène rapidement à la Pointe de Grave. Il contourne l’anse sablonneuse de la Chambrette, traverse la forêt de l’État sous un ravissant tunnel de verdure et passe au pied du fort qui défend l’entrée de la Gironde.

À la Pointe sont les premiers grands travaux de défense exécutés par le service maritime. Une jetée formée de gros blocs Juxtaposés prolonge un peu en mer l’extrémité du continent. Son aspect tait songer aux constructions des Cyclopes. Les vagues s’y brisent furieusement en l’aspergeant d’écume. Par un jour de tempête, le spectacle est magnifique. En face, à 6 kilomètres, sur l’autre rive de l’estuaire girondin aux eaux trop souvent boueuses, sont rangées les riches villas de Royan et de Pontaillac, auxquelles fait suite la ligne des forêts et des dunes blanches de la Coubre. De la Pointe, redescendant au sud le long du rivage maritime, le touriste trouve 14 épis de maçonnerie qui protègent la côte des attaques de la mer. À sept kilomètres au large, il voit la blanche tour de Cordouan qu’il ne soupçonnerait pas tout d’abord posée sur un lambeau du continent. La côte est entièrement sablonneuse ; de petites dunes fort irrégulières, mal plantées de gourbets épars, arrivent jusque sur la plage en pentes abruptes que rongent les vagues. Plus loin au sud, on aperçoit à 1500m en mer une bouée qui marque l’extrémité des rochers de St-Nicolas. Ces rochers ne découvrent qu’aux basses mers d’équinoxe. Ils forment par leur ensemble une sorte de plate-forme extrêmement découpée, fissurée et crevassée, mais dont la partie supérieure affleure à un même plan horizontal. Au delà se trouve l’anse des Huttes, où la côte est comme blindée par les remarquables ouvrages de défense dont nous avons exposé l’historique en l’empruntant à la magistrale Géographie d’Élisée Reclus. Ces ouvrages ajoutent beaucoup au pittoresque de cet endroit du littoral. Une digue hérissée de grosses pierres court parallèlement au rivage, offrant une résistance victorieuse à l’assaut des lames écumantes. Derrière elle, vers son milieu, se dresse une sorte de grande pyramide tronquée qui semble le tombeau de quelque géant des temps antiques.

Au sud le brise-mer se continue vers Soulac par une série de digues et d’épis.

L’anse des Huttes est dominée par une dune à pente abrupte vers la mer, qui porte sur sa crête une tour carrée noire d’aspect étrange. Cette tour sert de balise et se trouve au bord de la forêt qui couvre les dunes de Soulac et du Verdon. De sa base on voit, vers l’est, à l’extrémité d’une large allée, le sémaphore de S’-Nicolas juché sur un sommet élevé. Du Sémaphore, la vue est admirable. On découvre le large estuaire de la Gironde et les palus du Bas-Médoc ; au nord, les coteaux de Saintonge avec les blanches constructions de Royan ; à l’ouest, Cordouan au milieu des flots azurés. Aux pieds du spectateur, la forêt déroule sur un terrain accidenté ses vertes frondaisons, et au sud les toits rouges de Soulac émergent de la verdure.

La partie de forêt voisine de la Tour noire et du Sémaphore est la plus jolie de toutes les dunes du Médoc. Loin d’être la pineraie sombre et triste des grandes dunes d’Hourtin et Carcans, elle semble plutôt un parc qui offre, au printemps, de ravissantes promenades. Les chênes verts et blancs y sont mélangés en abondance aux pins. Des acacias chargés de grappes de fleurs blanches égaient la verdure des grands arbres et parfument la brise. En sous-bois : les genêts aux gerbes d’or et les troènes aux thyrses blancs, parmi lesquels des lianes de chèvre- feuille épanouissent leurs fleurs rosées aux délicates senteurs. De nombreux rossignols apportent la poésie de leurs trilles et ajoutent le plaisir de l’ouïe au plaisir des yeux. De grands garde-feu plantés d’une double ligne de chênes, d’acacias et de frênes, permettent de circuler aisément dans ce coin de dunes favorisé de la Nature et embelli par l’homme.

Au sud, entouré de bois, est Soulac construisant activement ses coquettes villas sur l’emplacement même de la cité disparue, auprès de la basilique dont les murailles antiques et sévères contrastent curieusement avec les gaies couleurs et les ornements des habitations nouvelles.

Le soir, au coucher du soleil, allez vous asseoir au pied de ce monument des âges écoulés, sur les ruines du monastère. Isolez-vous des bruits de la ville pour n’écouter que la grande voix de l’océan et le bruissement du vent dans la pignada voisine. Songez aux


Le brise-mer et les épis des Cantines et Soulac.

cataclysmes qui ont affecté cette terre depuis le commencement des

siècles, songez seulement aux transformations physiques et aux révolutions sociales dont les pierres qui vous entourent ont été les témoins muets et impassibles. Vous aurez là un beau sujet de méditations.

Altitudes. — Voici l’altitude des principaux points du littoral au-dessus du niveau moyen de la mer :

Base du phare de Grave 4m75 ; dune littorale près de l’épi de St-Nicolas de Grave 7m35 ; dune littorale à la Tour noire 20m ; dune du Sémaphore 32m ; chenal du Conseiller, qui serpente dans les palus de Soulac et du Verdon, 2m70 (5 000m de longueur); chenal de Neyran 2m06 ; Neyran 4m ; la Runde (palu de Talais) 0m20 ; dune littorale à la Négade 12m ; signal de Grayan (dune de Labiau) 39m ; dune de la Moulineyre 35m ; dune de la Canillouse 33m ; digue des marais du Guâ 3m ; dune du Mourey 43m ; le Deyre vers Quayrchours 8m ; signal de Vendays (dune du Berger) 46m ; sources du Deyre 24m80 ; dune du Lièvre 53m ; le Flamand 18m ; Mont des Aubes 64m (vue magnifique sur la lande, les dunes et la mer); dunes de Lirangeon (garde-feu central d’Hourtin) 68m ; truc de la Hourcade 83m ; dune de Gréchas 63m ; base du phare d’Hourtin 33m40 ; dune du Barin de Haut (Carcans) 70m ; dune littorale du Flamand à Carcans 10 à 13m ; étang d’Hourtin et Carcans 15m.




Situation actuelle du littoral


Quelle est la situation du littoral vis-à-vis des agents de modification dont nous avons constaté les effets et examiné le mode d’action ?

Depuis 1889 environ, les empiétements de la mer sur la terre sont arrêtés. Une tendance à de nouveaux envahissements ne s’est guère manifestée qu’au début de l’année 1895 et uniquement sur les rives océanique et fluviale de l’extrême pointe du Médoc. Faut-il en déduire que le déplacement des rivages est terminé et ne continuera plus ? Assurément non, et l’on ne peut faire que des hypothèses plus ou moins plausibles sur le sort réservé par l’avenir à ces rivages.

L’érosion marine se manifeste d’une façon bien plus caractérisée que l’affaissement et son action parait prépondérante,

La côte gasconne est frappée par le courant de Rennell qui va de l’ouest vers l’est (Féret, Statistique de la Gironde). D’après Monnier (Rapport sur le bassin d’Arcachon, Annales maritimes, i S37 ), les lames de fond du golfe de Gascogne venant du nord-ouest frappent obliquement le rivage et se décomposent en deux forces, l’une perpendiculaire qui amoncelle les sables, l’autre qui les pousse vers le sud. D’ailleurs, c’est un fait d’expérience que les courants marins littoraux qui charrient les sables vont du nord au sud, et il paraît qu’actuellement plus on va vers le sud, plus les apports sableux sont abondants. Ce dernier lait pourrait tenir à ce que ces courants arénifères sont également agents de corrosion sur plusieurs points de la côte. Ils l’étaient avant 1889 sur le rivage du Médoc, ils le sont encore aujourd’hui à !a passe d’Arcachon. Se chargeant ainsi en route de nouveaux matériaux, ils en ont davantage à déposer au sud vers l’extrémité de leur course.

II 3 été dit précédemment que les quantités de sable rejetées constamment par la mer sont essentiellement variables. Nous en avons trouvé une preuve certaine en étudiant la venue de ces apports sableux et en relevant à des époques successives le profil de la dune littorale sur les mêmes points. Nous avons fait les constatations ci-après :

Les apports sableux varient sur un même point suivant les époques. Ainsi au kilomètre 42,750, ils ont été ; 39"^ d’octobre 1893 à juin 1894, 7"= de juin 1894 à mai 1895, 26"= de mai 1895 à mars 1896; et au kilomètre 35i3:l,l ^û’"^ d’octobre 1893 à avril 1894, 3°" d’avril 18943 mai 1895, i?""^ de mai 1895 à janvier 1896.

Les apports sableux varient au même moment sur divers points de la côte. Ainsi d’octobre 1893 â juin 1894 ils étaient de 24°"^ au kilo- mètre 42,500, de 39°= au kilomètre 42,730, et de 2"" au kilomètre 43 ; de mai 1895 à janvier 1896 ils étaient de 30"^ au kilomètre 35,180, de 10mc aux kilomètres 35,272 et 35,304, et de 17"’’ au kilomètre 35,333.

Les apports sont plus abondants en hiver qu’en été à cause des tempêtes.

De 1893 à 1896, par mètre courant et en moyenne, la dune littorale du Flamand et d’Hourtin a reçu ; i"’’330 par mois et i5™’^96i par an. Le maximum par mois a été de S""^50o au kilomètre 42,250 de 1895 à 1896 et le minimum par mois de o""’250 au kilomètre 43 de i8q3 à 1894.

Il est à noter que sur la côte du Médoc l’apport sableux parait s’étendre vers le nord. Avant 1889, la mer ne rejetait pas de sable sur les rivages de Grayan, de Vensac et de Montalivet. Ce n’est qu’au sud du point kilométrique 20,500 (charrin des Frayres, ancienne embouchure de l’Anchise) que les sables étaient apportés. Or, depuis 1889 ou 1890, on reconnaît de légers apports sur les plages de Montalivet, et chaque année on constate que ces apports commencent un peu plus au nord que l’année précédente.

Les seuls faits d’érosion marine qui aient été connus depuis 18S9 sur la côte médocaine, abstraction faite du rivage de Soulac, ont consisté en un affouillement de la plage sablonneuse et la mise à nu du sol primitif, bancs d’alios, de tourbe et d’argile, sur une hauteur verticale masinia de 2"’50. Ces corrosions ont été produites par de grandes marées que poussait un vent violent, et qui ont atteint, grâce àcette circonstance spéciale, une puissance exceptionnelle. Les malin es les plus furies ont été celles de février et novembre 1893, janvier ei février 1895. Lors de cette dernière, un gros tronc de chêne qui se trou- vait sur la plage en face du kilomètre 38 (côte d’Hourtin) a été porté à deux kilomrtres et demi au nord et moulé jusqu’à mi-hauteur de la dune littorale. Mais, nous le répétons, ces corrosions ne sont guère que locales et accidentelles, les parties affouillées se comblent ensuite des sables qu’apportent les marées suivantes et, de fait, la limite euire la terre et les eaux n’a pas varié sensiblement depuis quelques années.

Nous avons fait exception tout à l’heure pour les rivages de Soulac et de la Poiute de Grave. C’est qu’en effet la proximité de l’embou- chure de la Gironde et de la passe de Grave, avec la complexité de courants qui en résulte, les met dans une situation spéciale. M. Goudineau a exposé de magistrale façon, daos ses savantes brochures sur la Navigabilité de la Gironde, la nature et le mode d’action de ces courants. Disons seulement que l’un d’eux va du S.-O. vers le fleuve par la passe de Grave entre le platin de Cordouan et l’extrémité du Médoc et se bifurque en arrivant dans l’embouchure de la Gironde; que la passe de Grave est divisée elle-même en deux passes d’inégale importance par un banc de sable parallèle à la cote ; que ce banc, va- riant de position selon les vents et les saisons, provoque la corrosion du rivage quand il s’en rapproche en y appuyant les courants litto- raux; qu’t enfin il se manifeste déjà au sud du banc des Olives un 1 nouveau courant littoral qui deviendra par le contact longitudinal » de la côte et par l’extension de la différence d’amplitude entre les 1 passes nord et sud de la Gironde, l’agent principal des grandes, ter-

> ribles et désastreuses corrosions océaniques du xx’ siècle, et l’ins-

> trument actif des redoutables érosions et envahissements de la rive 1 gauche, > (J. Goudineau, Dernier appel, 1896.)

Les côtes océanique et fluviale de l’extrême lîas-Médoc sont, en effet, très menacées par les flots, bien plus incomparablement que les rives du reste du pays, qui sont fixes et calmes pour le momenl. Pendant ces dernières années, dans l’anse des Huttes, le saljlc n’est pas revenu en été s’accumuler contre le brise-mer, comme cela avait lieu auparavant. Les lames décapaient sans cesse cet ouvrage. Depuis plusieurs années aussi, le fleuve ronge sa rive gauche, notamment vers By et au Verdon. Enfin, lesmalines de janvier et février 1895 ont fait de plus grands dégâts encore : le pied de la dune littorale à Soulac a été corrodé sur prés de 30" de largeur et 2000"° de longueur ; les épis des Huttes ont été tournés par les vagues et déchaussés à leur racine; du côté du fleuve, la dls^oie en clavnnnnges de la ChambreUe, haute de 3°, a été complètement emportée, la ligne des wagonnctsde Pointe de Grave coupée par trois fois, malgré des reculs successifs, et les eaux avancent maintenact dans l’anse de 60™ au delà de leur limite précédente ; enfin les mattcs de Taiais, St-Vivîen, etc., ont été partiellement inondées et les récoltes fortement endommagées.

Seuls les dL-ux kilomètres de côte qui s’étendcnl au sud du ponton de Soulac sont non seulement respectés par les flots, mais reçoivent encore d’abondants apports de sable et sont le siège d’un altcrrisseraenl considérable qui fail saillie en mer. Ces apports et cet aiterrisscmcnt sont dus à un banc de sable qui depuis quinze ans voyage, paraît-il, le long de la côte allant du sud au nord. Ce banc, dont nous avons déjà parlé (P. I, chap. 11), fait actuellcmeni corps avec les récifc sous-marins ditsiawcou rochers des 0/<Vw. On les a parfois confondus et c’est à tort. Le banc rocheux des Olives, proprement dit, existe depuis un temps immémorial, exactement depuis l’ouverture par la mer de la passe de Grave, et les vieilles cartes le donnent à la place qu’il occupe aujourd’hui.’ La masse sableuse dont nous parlons se Irouvant depuis plusieurs anni^cs sur cet ancien platin des Olives, il en résulte que les deux kilomètres de côte au sud de Soulac et les bains des Olives se trouvent prott’gés contre les courants marins de l’ouest et reçoivent même beaucoup de sable arraché sans doute par ces courants à cette masse sableuse. Mais celle-ci progresse vers le nord, ainsi que le promontoire dessiné eo cet endroit par la côte (nous avons constaté qu’ils ont avancé de 500" au moins de 1893 à 189Ô) et quand, ayant quitté le platin des Olives, elle aura dépassé et ne protégera plus Soulac, qu’adviendra-t-il ? Peut-être la réalisation des appréhensions pessimistes de M. Goudineau. Pour garandr Soulac de façon sûre, i ! faudrait relier les rochers des Olives à la côte par un barrage. Ce barrage fermerait le chenal qui se creuse en cet endroit et y assurerait, par l ’accumulation des sables, la formation d’un atterrisscmeot protecteur. Quant aux dunes, aucun danger, aucune menace même de danger n’existe plus et de ce côté-Ià, au moins, le Médocain peut vaquer à ses affaires en pleine séoirilé. Cet élément envahisseur est, à l’heure actuelle, complètement maîtrisé, 79 pour 100 des sables du Médocsont boisés ; les 31% restant, petites dunes et lèdes de Soulac, Grayan et Vcnsac, sont suffisamment fixés par des herbes ou des arbrisseaux ; encore y fait-on tous les ans des semis de pins de plus en plus étendus ou la culture de la vigne. C’est seulement dans le cas de dénudalion du sol par suite d’incendie ou de violente tempête que des excavations et des mouvements de sâblc pourraient se produire, raaîs ces dégradations accidentelles seraient vite arrêtées et réparées.

Origine des noms de lieux

Les noms de lieux que l’on rencontre en parcourant le littoral médocain, et notamment ceux des dunes, sont généralement la traduction de l’état, soit ancien, soit actuel, de la contrée à laquelle ils s’appliquent ou le souvenir de quelque circonstance la concernant. « Les mots représentent des choses », a-t-on dit. Rien n’est plus vrai, et les dénominations de la région des dunes ont toutes une signification intéressante, mais qu’il n’est pas, à la vérité, toujours facile de retrouver.

Grave vient du bas-latin grava, forêt ; Grayan parait avoir la même origine. L’étymologie la plus plausible de Soulac est le celtique soul, chaume, chaumière, et l’article pluriel ac du même dialecte, lieu des chaumières ; de même Queyrac, lieu des pierres, du radical queyr (aliàs cair ou chir) amas de rochers ou de pierres pyramidal (grec Xepàç, amas de cailloux) ; Valeyrac ou Baleyrac, lieu fortifié, de balir, fortification, et ac, même article pluriel. Nous avons déjà donné, pour le besoin de la narration, ces étymologies dans la première partie de ce travail, ainsi que celles de Jau, d’ Artigue-Extremeyre, de Cordouan, de Lillan, de Naujac.

La pointe de la Négade est la pointe de la noyée, un gurp est un trou, un gouffre (de gurges, profondeurs?) creusé dans de l’argile. L’anse du Gurp, ouverte en effet profondément dans un terrain argileux, est appelée aussi port des Anglais et anse d’Auglemar en mémoire du débarquement de Talbot. Un autre souvenir des Anglais subsiste dans la dénomination de Garliou ou Gartieii qu’on trouve un peu partout, notamment dans les forCts de Soulac et de Carcans, et qui nous semble dérivée de l’anglais garden, jardin. Elle était appliquée à des lieux ordinairement frais, où l’on parquait le bétail qui y trouvait des abreuvoirs (Soulac) ou un abri (Carcans). Nous avons vu de même, dans la lande de Vendays, Gardenvideau, jardin de Videau.

Beaucoup de noms des dunes ont été tirés de leur forme, de leur position, des plantes qui y croissaient, etc. Ainsi, au nord de Soulac, les dunes du rocher doivent cette appellation au voisinage du rocher de St-Nicolas et les dunes de Lestor aux bois de Lestor qu’elles recouvrent. Dans la commune de Vensac, le nom de la Canillouse, dans la région du Flamand, ceux du Mourey, de Jauguette , de Hagnot dérivent des termes patois : canilhe, chenille, moure, mûre de ronce, jaugue ajonc épineux, hagne, fange (cf. avec sphagnum). Le Pin sec s’explique de lui-même, comme, dans les dunes d’Hourtin, les Genêts, Dans ces mêmes dunes, on trouve : les Bahines, de bahine ou baïne, dépression circulaire ou allongée sur une plage (l’augmentatif baïnasse existe dans les dunes de Carcans) ; les Places, lèdes spacieuses ; la Hourcude, haute dune à deux sommets, de hourcut, fourchu. Les dunes de Bernadon et de Bernos (Lacanau) rappellent le bern, c’est-à-dire le vergue ou aune qui croissait sans doute à leur pied. Même origine pour le nom de la dune de Labernade (Flamand).

Souvent les dénominations rappellent les nombreux marécages ou petits étangs que renfermait la région des dunes et les troupeaux sauvages qui erraient dans ses maigres pâturages. Telles sont : la Claire (Cla ou claire en gascon petit étang) dans la commune du Verdon ; le Junca (où poussent des joncs) dans les dunes du Flamand ; le crohot des brochets, le crohot des poulains, le crohot des guits (canards sauvages) (crohot creux), les barins (barin ou bareng lède inondée, pacage dans un bas-fond, même mot que barrenc entonnoir rocheux dans les Pyrénées), le patagala (où croît le patagaou ou nénuphar), la lède du Sigoura (de sigorre, roseaux, bauge), etc., dans les dunes d’Hourtin ; le crohot des cavalles, dans celles de Carcans ; l’escours de l’anguille (escours, défilé, lède étroite entre deux dunes) dans les dunes de Lacanau. Les noms de crohot de France et de Bret (dunes d’Hourtin) rappelleraient que les cantons qu’ils désignent étaient habités ou parcourus l’un par les troupeaux d’un pâtre appelé France, l’autre par le bétail d’un gardeur du village de Bret. Peut-être Bret a-t-il d’autres étymologies plus plausibles ; c’est un vieux mot qui désigne un arbre servant de limite. D’autre part, nous avons trouvé souvent dans les documents des premiers travaux des dunes Aubret au lieu de Bret, et le terme d’Hairay ou d’Irai appliqué à un canton voisin de celui d’Aubret ; or, d’après le patois local, un aubret est un bœuf sous poil blanc et noir, et un hairay est un poulain de deux à trois ans. Ce serait donc un souvenir des anciens troupeaux des dunes. Aubret est une corruption d’aubert, qui est lui-même une mauvaise orthographe du terme français aubère, lequel désigne un cheval ou bœuf de poil mélangé rouge et blanc (d’albus, Littré).

D’autres désignations sont empruntées à des navires ou à des barques de pêche tombes à la côte, et fournissent la preuve que les naufrages y étaient jadis fréquents. C’est là l’origine des lieux dits de St-Nicolas (côte de Vendays), de la Malicieuse et de la Gracieuse (dunes d’Hourtin). De même le Truc sucré (côte d’Hourtin) est ainsi appelé, parce qu’un bâtiment chargé de sucre s’échoua auprès.

L’étymologie de Gréchas (forêt d’Hourtin) paraît être le terme local grèche (ou greyche), graisse, appliqué à une lède très herbue où le bétail s’engraissait. Celle de la Redonnette est l’adjectif gascon (et catalan) redoun, rond, arrondi. Le nom de la Gemme fut donné à une partie de la même forêt où se trouvait un four à distiller la résine et celui de la Sippe à une lède de la forêt de Carcans où étaient déposés des os de sèche (sippe eu patois). Le nom de Balbise, appliqué à la partie de la forêt d’Hourtin voisine de l’étang ou s’ouvrait le boucaut qui autrefois reliait cet étang à la mer, nous paraît venir du grec βαλβις, (entrée, commencement). Cet endroit était bien, en effet, l’entrée du chenal par où passaient alors les navires grecs ou phéniciens qui quittaient le port de Louvergne pour prendre la mer.

Quelle est l’origine du nom des Olives que portent la côte et le banc de récifs voisins de Soulac et que conserve encore la partie de la nouvelle ville bâtie au nord de la mer et dite bains des Olives ? La carte de Blaw (1650) appelle le rivage maritime devant Soulac Coste de Soulac ou de Olivet et marque en mer au S.-O. de Soulac les rochers des Olivet. Cette désignation ne nous paraît pas ancienne et nous ne croyons pas que les documents antérieurs au xvie siècle en fassent mention. Cette modernité tendrait à confirmer l’explication, bien que peu satisfaisante, de ceux qui attribuent celle dénomination au naufrage en ce lieu d’un navire chargé d’olives. Nous venons de voir que semblables faits donnent l’étymologie de plusieurs noms de dunes. Il est inadmissible, en tous cas, de dire que l’olivier était jadis cultivé sur la côte soulacaise. Cet arbre n’aurait pu y prospérer qu’au moins avec des hivers très doux. Or, jamais le climat girondin n’a pu être modifié au cours des temps historiques au point de remplir cette condition, et l’on ne trouve non plus trace de cette culture, ni dans les écrits des anciens auteurs, ni dans les traditions locales.

Un terme d’étymologie bien obscure est celui de truc ; dans le pays de Born et de Marsan on dit tuc, le diminutif tuquelet s’y emploie aussi ; nous n’avons pu encore découvrir l’étymologie de ces dénominations. Par contre poujeau (poujol, puyol en Languedoc ; pueg, poig, puoi, en provençal ; putx, puig, en catalan ; poggio, en italien ; pué, peu, en Berry) ; poujeau est un diminutif du français puy, qui vient lui-même du latin podium (tertre), lequel dérive du grec πόδιον (base), dont le radical est πους, ποδός (Littré). Piquey, qui désigne, comme poujeau, une dune isolée, conique, s’explique de lui-même (piquet).

Quant au mot dune, voici ce qu’en dit encore Littré : « Espagn. et ital. duna, du latin dunum, en grec δουνιον, mots signifiant hauteur et donnés comme celtiques par les auteurs anciens ; ils existent encore dans le celtique moderne : kymri, irlandais et gaël, dun, tertre ; bas-bret. tun, colline. » (Dictionnaire, page 1251).

Du Scandinave brâk, goudron, est venu brai, résidu de distillation de la résine, ainsi que barras, résine impure (M. Broilliard, Revue des Eaux et Forêts, 1896).

L’étymologie de Charrin, canal d’écoulement dans les dunes, paraît obscure. Le mot arabe chourhun, qui signifie abîme, a donné chourun dans le Dauphiné avec le même sens ; n’aurait-il pu former aussi charrin avec une signification un peu déviée. Ce serait alors un autre souvenir des Sarrasins.

Talais, nom du village, autrefois Thalles, Thallas, pourrait aussi piquer la curiosité du chercheur. Étant donné l'existence, dans l’antiquité, de forêts sur cette partie de la presqu’île médulienne, ne serait-on pas en droit de rapprocher ce mot du terme gascon talh, taille, droit à la coupe du bois, ou taillis ?


II. SOL ET CLIMAT

Sol


Nature et composition. — Abstraction faite évidemment de la couche superficielle où se trouve installée la végétation, le sable de la généralité des dunes est presque exclusivement formé de grains de quartz hyalin blanc légèrement colorés par des sels de fer et autres. Ces grains sont arrondis et leur diamètre varie de 0mm30 à 1mm, mais la plupart (environ 83 %) ont un diamètre de 0mm40 à 0mm50. (MM. Baudrimont et Delbos, Étude sur les différents sols de la Gironde). La densité de ce sable est de 2,625, à très peu près celle du quartz (2,650).

On y trouve un peu de lydienne et de fer oxydulé. Suivant M. Delesse (Lithologie du fond des mers), il ne renferme pas plus de 0,3 pour 100 de calcaire sous forme de débris de coquilles. Encore, cette minime proportion décroît-elle à mesure qu’on s’éloigne de la plage. La matière organique y est également rare et n'est bien appréciable que dans le sol de lèdes autrefois marécageuses, 1 kilog. de sable renferme en moyenne 0g05 d’azote.

Dans le sable d’une dune voisine de la gare d’Arcachon, MM. Baudrimont et Delbos ont trouvé :

humidité 0,5500

matières combustibles ! azote 0,03500

complément 1,1125

fer sesquioxydé 0,3160

chaux, magnésie, acide phosphorique,

potasse, soude, manganèse. . . . 0,5200

sable siliceux 97,7540

et produits solubles pour 1000 parties pondérables :

Matières organiques combustibles et volatiles 0,6020

Matières minérales 0,0480

0,6500 Le sable tie la partie supérieure de la dune est donc mcïtleur que celui de la partie inférieure.

M. F. Vassilièrc, dans son ctudesur les dunes girondines, rapporte des analyses iniércssantcs dont nous extrayons le tableau ci-dessous:


  • ..„„.„.


Humidito

à IIO"


Mi.iére


Aiote


Sil[ce fl table



P«,a..e Soude


Chau.


M>-




V-


"/« 


■■/<-


°/™



7« 



■■/"


°/-


Smble de mer (Soulici


11,600


14,000


0,092


754,600


0,147


0,065


14,97<^



4,480


Sable de le lie (Soulic)


0,710


4.75°


traces


gl!4,ooQ


0,130


o,i(io


0,5110



9,350


S.ble de dune (L^k’I


1,500


traces


0,140


995.3 ’5


o..â5


0,110


i|?5o


0,410



<le P’Q ld6.:Da.p<..cc>


115,000


791.300


+. i-w


71.730


0.750


1.350


3.600


1,970



130,000


754.300


4. 35’^


103,390


0,870


1,650


3.7JO


l.SlO




Par oppaailion : |


Sdl normal


1 110,000



0,500



1,000


Ï.OOO


io,ooo


0,375


1


Oo peut sV-lonncr qu’un sol sî pauvre en éléments nutritifs puisse alimenter la végétation qui le revùl et spécialement des massifs de pins maritimes dont les cendres contiennent 35 à 40 % de chaux et 15 à 20 % de potasse. MM. Grandeau et Henry pensent que « la dis-

> sérainatioa extraordinaire de ces déments, qui forment, pour ainsi

> dire, une couche infioiment mince autour de chaque molécule

> de sable, jointe à la grande mobilité du sol, qui permet aux plus

> petites racines de se développer àleurais;:, supplée, en quelque I sorte, à l’insuffisance des principes, » (Annales de la station agrono- mique de l’Est, 187S, p. 364, le sol des landes et des dunes).

Propriétés physiques. — L’c.YtrOmc mobilité du sable des dunes est la conséquence de sa composilion et de sa forme. D’elles aussi et de sa couleur blanc -j au tiâtrc découlent ses propriétés physiques.

II reflète la lumière avec une intensité telle que la vue peut en être incuromodée. Son aptitude à réchauffera eut et au refroidissement est très grandi’ ; aussi les rosées y sont-elles fréquentes et abondantes, mais elles se dissipent facilement sous l’influence d’un peu de vent ou de soleil, ctde ce fait n’ont souvent pas grande influence sur la végéta- tion. Les gelées se produisent non moins souvent pour le même motif et font de ce terrain un sol froid, tandis que les terres à humus, dont, à l’inverse du sable, l’indice de réfraction est faible, sont moins exposées à ces accidents et se trouvent plus favorables à la vie des plantes. Le sable conduit mal la chaleur; eu été, tandis que la surface a une température de plus de 60° et ne permet pas d’y marcher pieds nus, la masse, à o’" 30 de profondeur, reste à peu prés stationnaire entre 10" et 15".

À légard de l’eau de pluie, ce terrain se comporte d’une façon analogue. Il ne se’ laisse pas péni>lrer de suite et ne filtre pas immédiatement, comme on se l’imagine d’ordinaire. Nous avons constaté dans la lède de Contaut qu’après des pluies abondantes ayant duré jusqu’à quarante huit heures, le sable n’était mouillé qu’à la surface sur une épaisseur de 0m10 à peine. Ce fait explique comment, avant le boisement des dunes, l’eau s’accumulait dans les lèdes et bas-fonds au Leu de filtrer dans le sol . Cependant son état de division lui donne en définitive une perméabilité supérieure à celle des terres ; aussi les engrais, scis minéraux solubles, sont-ils entrainés complètement, au bout de peu de temps, sans avoir produit tout leur effet utile.

Mais, une fois saturé d’eau, le sable la perd difficilement, à cause de la ténuité de ses grains et des résistances moléculaires dont ils sont le siège.

Les sables ne sont d’ailleurs jamais absolument secs, même dans leur partie supérieure, « Quelque mobiles que soient les sables, écrit M. de Vasselot de Régné (Notice sur les dunes delà Coahre), quelle que soit la température de la surface, en y introduisant la main à une légère profondeur, on rencontre toujours une humidité très sensible, et cette humidité augmente de densité en raison de l’altitude ; par suite, le sommet de ces montagnes est plus lié, plus com- pacte que les sables de leurs bases. » Il ajoute que la présence de cette humidité tient à deux causes ; la condensation par rosées et gelées de la vapeur d’eau de l’air ; la capillarité qui amène dans la masse sableuse les eaux du sol souterraines ou superficielles (nappes d’eau, marais, étangs littoraux), dans lesquelles les dunes trempent par leur base.

Aujourd’hui, l’eau ne se trouve guère dans les sables qu’à une profondeur de 2°, 2’°50 pour les plus basses lède.-i. Pour les dunes, la profondeur de cette nappe aquifère s’augmente énormément et plus ou moins suivant la hauteur des dunes. Elle n’est pas horizontale, mais suit à peu près un plan incliné qui va du niveau des marais et étangs littoraux (moyenne de 15 mètres d’altitude) au niveau de la mer.

De l’étude du sol des dunes, nous déduirons donc, avec M. F. Vassilière, ses caractéristiques au point de vue cultural :

« 1° Insuffisance notoire des trois éléments minéraux les plus indispensables : acide phosphorique, potasse et chaux ;

» 2° Insuffisance non moins marquée d’azote partout où la matière organique fait défaut…

» 3° Importance du rôle que doivent prendre dans l’enrichissement du sol en matières minérales et même en azote les aiguilles de pin. » (Les dunes girondines, p, 16).


Différences locales. — Si de l’examen général du sable des dunes, l’on passe à la visite spéciale du terrain des diverses régions du littoral médocain, on ne constatera que des différences peu profondes. Ces différences ne modifient en rien les caractères généraux donnés tout à l’heure et qui font du sable un sol sec, froid et très pauvre en éléments nutritifs.

On remarquera d’abord que le sable des dunes de Soulac est légèrement gris, fin, et renferme un peu de mica et de fer en grains noirs avec quelques minuscules débris de coquilles ; que celui des dunes d’Hourtin et Carcans est plutôt jaunâtre, un peu plus gros, sans mica ni coquilles, et ne contient que très peu de fer. Le dernier est le plus aride du Médoc. Le premier présente une fertilité relative et nourrit une bien plus grande variété d’essences ligneuses ou herbacées. Cette différence tient, d’une part, à ce que les dunes soulacaises peu élevées reposent sur un terrain autrefois à l’état de culture et de marais, où les racines des végétaux parviennent à trouver de l’eau et des matériaux de nutrition, et que l’érosion marine a mêlé au sable des parcelles désagrégées du sol primitif sous-jacent ; d’autre part, à ce que les dunes d’Hourtin et de Carcans proviennent de sables charriés de loin par la mer, par conséquent nettoyés de parties désagrégeables, et accumulés en masse considérable à l’entrée d’un ancien golfe marin dont le fond ne peut être atteint par les racines des plantes de la surface des sables.

Parfois, les fortes marées rejettent sur les rives du Bas-Médoc et notamment de Soulac un sable violacé formé de petits grains bruns, rouges ou violets de quartz et de fer oxydulé magnétique (13,5 %). On y trouverait même 1,3 % de calcaire (M. Delesse).

On peut observer encore que le sol de la forêt de Carcans et de la partie sud de la forêt d’Hourtin est très sec, très peu enherbé ; que les garde-feu y sont naturellement propres et presque toujours à sable blanc ; qu’au contraire, dans la forêt du Flamand, l’herbe est abondante, pousse drue dans certains endroits où l’on voit aussi des touffes vigoureuses de roseaux, que les garde-feu y sont rapidement envahis par la végétation herbacée et arbustive, qu’enfin le sol y semble généralement moins sec que dans les dunes voisines du sud. Cela s’explique par ce fait que les sables du Flamand ont une faible épaisseur verticale et recouvrent un sol primitif abiotique ou argileux sur lequel existe une vaste nappe d’eau, celle qui suinte à la côte. Rappelons d’ailleurs qu’au xviie siècle cette région portait le nom significatif de quartier aux fontaines. À Carcans et à Hourtin, ce sous-sol et cette nappe aquifère manquent ; les sables reposent sur un fond de golfe et ont une épaisseur verticale considérable.

Le sable paraît avoir la propriété de conserver mieux que les autres terrains les bois qui y sont enfouis. Cela tient sans doute à sa siccité habituelle, et à ce qu’il n’y a jamais d’alternatives d’eaux stagnantes et de sécheresse. Pour la même raison, la matière organique s’y décompose lentement. Le chêne y dure très longtemps. Il y a des poteaux de cette essence qui depuis 50 ans marquent des limites de lèdes et sont encore bons. D’expériences faites, il résulte que les quets de genêt vert pourrissent vite, que ceux de genêt sec se conservent au contraire très longtemps.



Climat


« Le Climat, dit M. F. Vassilière en parlant de la région des dunes, loin de modifier avantageusement les caractères extrêmes du sol, en accentue au contraire les défauts pour le plus grand nombre des cultures. »

Alors que le climat girondin est doux, égal, agréable, bien qu’un peu pluvieux, celui des dunes s’en éloigne dans une certaine mesure et se différencie par des pluies abondantes, surtout en octobre et novembre, par des gelées plus fréquentes en hiver, et par des chaleurs plus fortes en été.

Pluie. — Les observations météorologiques faites dans la région des dunes par des préposés des forêts et des phares, sous la direction de M. G. Rayet, fournissent des chiffres dont nous allons donner les plus intéressants pour préciser les caractères du climat des dunes en Médoc.

Hauteur de pluie tombée dans les dunes du Médoc :

de juin 1890 à mai 1891 — 656mm, période très sèche.

— 1891 — 1891 — 774mm, période sèche.

— 1891 — 1893 — 772mm, printemps 1893 très sec.

— 1893 — 1894 — 817mm, période un peu pluvieuse (automne).

— 1894 — 189S — 584mm, période très sèche (automne).

La moyenne de la Gironde a été de 661mm par an pour cette même série d’années (Observatoire de Floirac).

La quantité de pluie tombée croit du nord au sud, avec cette exception que Soulac en reçoit un peu moins que la pointe extrême de Grave. Ainsi, pour ces 5 périodes de juin 1890 à mai 1895, elle a été :

au phare de Grave 733mm

à Soulac 664mm

à St-Nicolas .... 738mm

à Grandmont. . . . 767mm

au Moutchic 770mm

et cet accroissement du nord au sud se continue dans les Landes et les Basses-Pyrénées ; l'on a, par exemple, 915mm à l’étang de Cazaux, 1101mm à Biarritz (de 1893 à 1895). Le rapport de la quantité de pluie à la Pointe de Grave et à Cazaux, est de 0,80 en moyenne.

Il tombe plus de pluie à l'est des dunes, dans les stations qu’elles abritent des vents de l’ouest, que sur les bords mêmes de la mer exposés à ces vents. On a eu ainsi de juin 1890 à mai 1895 :

à l'est ( Grandmont 767mm , . . ( Soulac 664mm

des dunes Le Moutchic 770mm St-Nicolas 738mm

sur les bords de l’océan les Phares d’Hourtin 686mm

Cette différence atteint en moyenne 94mm pour les dunes de Gascogne et pour cette même période.


Température. — Observations thermométriques. Températures moyennes minima et maxima :


ANNEES


PHARE DE GRAVE


LE PORGE («)


Minima


Maxima


Moyenne annuelle


Minima


Maxima


Moyenne

annuelle


1892 — 1893

1893 — 1894

1894 — 1895



9»i5 9,26

7,83


I7î93 X7»58 16,09


i3ï54 13*42 11,96


7»i5

7i36 6,30


19,97

I9»33 18,14


13,56

13,35 12,17

De juin 1892 à mai 1893, les températures extrêmes ont été : au phare de Grave, — 8°,4 le 2 février 1895 et + 39°,2 le 16 août 1892 ; au Porge, — 9°,0 le 2 février 1895 et + 42°,2 le 16 août 1892.

Le nombre de jours de gelée s'est trouvé : au Phare de Grave, de 22 en 1892-93, de 20 en 1893-94, de 41 en 1894-95 ; au Porge, de 41 en 1892-93, de 49 en 1893-94, de 66 en 1894-95 ; il a été de 42 en moyenne pour la Gironde de juin 1892 à mai 1895 (Floirac).

La Pointe de Grave est moins exposée aux gelées que les autres stations de la région ; le voisinage immédiat. de l’océan empêche les gelées tardives ou hâtives de l’automne et du printemps. Il gèle moins sur la bordure orientale des dunes qu’au bord de la mer et que dans la lande voisine. Les écarts de température en chaleur ou en froid sont moindres en forêt que dans les dunes non boisées et dans la lande rase voisine.

Il est à noter que les gelées blanches en Médoc sont très généralement suivies de pluie ou tout au moins de temps brumeux.

(i) Le Porge, village situé dans la lande, à l'est et près des dunes, entre Lacanau et Arcachon.

Les brouillards secs non suivis de pluie sont très fréquents au printemps et au début de l’été.

La neige est rare dans les dunes ; quand il en tombe, c’est en petite quantité et elle ne tait jamais de dégâts aux arbres des forêts. Le givre est à peu près inconnu.

En été, la température est parfois torride, au point de griller les jeunes pins et les morts-bois, surtout ceux qui sont à découvert. Sous les grands pins la chaleur est étouffante et cette particularité tient moins au manque de courant d’air qu’aux émanations résineuses qui imprègnent l’atmosphère et concentrent la chaleur obscure rayonnée par le sol.

C’est pendant ces mêmes chaudes journées que s’entendent par toute la forêt les craquements des pommes de pin ouvTant leurs écailles au soleil.


Vents. — Les vents de sud-ouest et de nord-ouest sont de beaucoup les vents dominants. Ils soufflent souvent en tempête, sont chauds et pluvieux. Les vents de nord et d’est, secs et froids, n’ont jamais, quelle qu’elle soit, une intensité comparable à celle qu’atteignent les premiers. Généralement, plus les vents d’ouest sont violents, moins ils durent. Pendant les beaux jours, le vent étant modéré, « suit le soleil », c’est-à-dire qu’il souffle le matin de l’est, passe au sud au milieu de la journée, puis à l’ouest avec le soleil couchant.

Dans les dunes, le vent n’a guère d’autre action que de faire voler le sable de la plage, de la dune littorale et des parties nues. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’il renverse les arbres. Lorsqu’il souffle violemment du large au moment des grandes marées, c’est alors que les lames rongent la côte et que l’érosion marine produit ses plus grands effets.


Orages. — Les orages semblent plus fréquents dans les dunes qu’ailleurs. Ils vont généralement de l’ouest à l’est. La foudre frappe très souvent les pins, et, les orages passant presque toujours au-dessus des mêmes endroits, le tonnerre tombe ordinairement sur les mêmes points de la forêt et y fait périr les pins par bouquets. On a remarqué que le tonnerre ne tombe, en général, ni sur les sommets les plus élevés, ni dans les fonds, mais sur des dunes intermédiaires ou sur les versants des hautes dunes. Pareille observation a été faite dans les sapinières des Vosges, où la foudre frappe sur les pentes à une distance du sommet égale environ au tiers de la hauteur de la montagne ou colline. Mais les orages à grêle sont rares. Les forêts des dunes, ainsi qu’il a été remarqué pour les grands massifs boisés, surtout résineux, les forêts des dunes écartent les orages à grêle et préservent de ce fléau les terres situées à l’est sur une zone large de 10 et même 20 kilomètres. Le relief des dunes doit d’ailleurs avoir une grande part dans cette action préservatrice. Rappelons aussi qu’en général. pour le département de la Gironde, les orages se dirigent de l’océan sur Bordeaux en remontant le fleuve ou en suivant la ligne d’Arcachon à Bordeaux. L’océan joue naturellement un rôle considérable dans la production et le passage des orages sur la région. Ainsi, lorsque le matin après un lever de soleil serein, le brouillard se répand venant de l’est pour se perdre ensuite à l’ouest sur la mer, celle-ci, disent les gens du pays, « n’en veut pas et le rejette le soir en orage. » Les périodes d’orages et de mauvais temps sont souvent précédées de journées pendant lesquelles la mer est très agitée, malgré un ciel serein et une atmosphère très calme.




III. OBSERVATIONS SUR LA VEGETATION DANS LES DUNES. LE PIN MARITIME. VÉGÉTAUX INTRODUITS.


Principales espèces de la flore

Bien que peu variée en raison de l’uniforme pauvreté du sol, la flore des dunes renferme cependant un certain nombre d’espaces, mime abstraction faite des végétaux introduits. Nous ne donnerons pas la liste complète de toutes ces plantes, avec leurs caractères botaniques. Cette liste serait fastidieuse et peut se trouver d’ailleurs dans les ouvrages spéciaux de botanique. Nous allons énumérer seulement les espèces spontanées qui sont caractéristiques de la région ou qui y jouent un rôle quelconque, puis les espèces subspontanées et en voie d’acclimatation, en examinant les conditions de végétation des unes et des autres.

Plantes herbacées. — Les plantes spontanées herbacées se rencontrent surtout prés de la mer, dans les lèdes littorales, parce qu’elles y trouvent plus d’humidité souterraine ou atmosphérique qu’ailleurs et qu’elles n’y sont pas étouffées par le couvert des bois comme sur la plupart des dunes. Ce n’est guère que sur les garde-feu et dans les grandes lèdes de Grayan, de Montalivet et du Flamand qu’on en rencontre. Ce sont des herbes, graminées pour la plupart, entre autres un pâturin (Poa loliacea) appelé vulgairement pelon et très abondant. Ces graminées entrent pour une maigre part dans la nourriture du bétail qu’on envoie paître sur les sables.

Prés de la côte, on voit d’abord le gourbet (psamma arenaria, appelé autrefois calamagrostis arenaria ou arundo arenaria Linn. et confondu avec l'elymus arenarius du littoral de la Manche). C’est, après le pin maritime, la plante providentielle des dunes. Elle ne se plaît que dans les sables mouvants ; aussi n’en trouve-t-on que quelques rares touffes isolées dans la partie orientale des dunes. Elle supporte les vents les plus violents, les sécheresses les plus longues, les gelées les plus vives. Ses feuilles filiformes, groupées en touffes, à limbe très étroit enroulé sur lui-même, lui donnent l’aspect d'un jonc très fin. Mais en été, des épis très denses, portés sur de longues hampes, émergent des feuilles. Sur les nœuds des tiges enfouis dans le sol naissent des racines adventives qui, en se fortifiant, forment des stolons, lesquels produisent ensuite de loin en loin de nouvelles touffes de tiges et de feuilles. La facilité de production de ces racines adventives permet au gourbet de végéter dans les sables mouvants. À mesure que les tisses sont ensablées, leurs nœuds émettent successivement des racines qui remplacent celles trop profondément enterrées, les tiges s’allongent et la plante monte ainsi en même temps que le sol où elle vit. Les sujets les plus prospères sont ceux qui sont souvent arrosés par le sable que pousse le vent et qui se rajeunissent constamment par leurs parties supérieures. C’est sur cette particularité d’enracinement et cette aptitude à la végétation dans un sol mouvant qu’est basée l’utilisation du gourbet pour les travaux des dunes. Sur les parties de sable blanc qu’on veut fixer ou sur lesquelles on veut accumuler les sables que re- jette la mer, on plante des touffes composées de 2 à 4 pieds. Elles sont d’une reprise presque assurée, pourvu que les tiges principales aient au moins deux nœuds aptes à émettre des racines. Plus les touffes sont rapprochées, mieux évidemment elles retiennent le sable. Il paraît que le gourbet a été utilisé sur les sables dès le xiiie siècle à Bayonne.

À côté du gourbet dans les sables mouvants, et plus commun que lui sur tous les sables nus, se rencontre le carex arenaria qui ressemble au chien-dent et est appelé bérole dans le pays. Cette cypéracée fixe aussi très bien les sables, car chaque plant émet de nombreux stolons qui, partant de la souche-mère comme centre avec la régularité des rayons d’une étoile, se prolongent jusqu’à 5m de distance, en donnant naissance tous les 15 ou 20 centimètres à un plant appelé à devenir souche-mère à son tour. Il en résulte un véritable feutrage de racines qui affermit tout à fait le sable. Cependant ce carex, moins grand que le gourbet et d’un maniement moins facile, n’est pas utilisé dans les travaux des dunes.

Au gourbet et au carex, principalement sur la dune littorale, est souvent mêlé un chien-dent très vigoureux, l'agropyrum junceum.

Sur la dune littorale et dans les lèdes très proches de la mer, on trouve aussi à côté des plantes précédentes : un liseron à tige rameuse, à fleurs blanches marquées de rose, le convolvultis soldanella ; la roquette de mer (cakile maritimum), crucifère qui se réensemence tous les ans par d’abondantes graines très dures ; une euphorbe (euphorbia paralias) ; la bugrane champêtre (ononis campestris) ; enfin une ombellifère bizarre qui a tous les dehors d’un chardon et qui pourrait fournir des motifs intéressants de décoration sculpturale. Elle a un capitule ovoïde de fleurs violacées épineuses, des feuilles charnues d’un bleu glauque, palmatilobées, froncées et bordées de piquants acérés, c’est le panicaut maritime (Eryngium maritimum). Les gens du pays appellent cette plante chou marin à cause de la lointaine analogie de ses feuilles charnues avec celles du chou, et c’est à tort que certains auteurs attribuent cette dénomination soit au cakile, soit au convolvulus précités. La racine du panicaut, mucilagineuse et sucrée, est comestible. Sous bois, jusqu’au bord oriental des dunes, on trouve le panicaut champêtre (e. campestre).


Inflorescence du panicaut

Dans les lèdes de la côte comprises entre la dune littorale et la forêt de pins, se voient d’abondantes touffes d’armoise maritime (artemisia maritima) et des touffes plus nombreuses encore d’immortelles (helichrysum stœchas) aux fleurettes d’or et aux fortes senteurs, aussi le gaillet des sables (galium arenarium). Dans la partie orientale des dunes on trouve quelques pieds de douce-amère (solanum dulcamara) et de bouillon-blanc (verbascum album). De-ci de-là, dans des lèdes à sol humide, poussent des touffes de jonc (juncus maritima) et même quelques roseaux (phragmites). Enfin, sous bois, un peu partout le mélampyre des prés (melampyrum pratense) nommé herbe aux vaches dans le pays. Les plantes que nous venons d’énumérer se rencontrent sur toute la côte médocaine. À Soulac on trouve de plus, dans les lèdes ou sur les dunes voisines de la plage : le dianthus gallicus de Pers. (ou arenarius L.), charmant petit œillet dont les fleurs roses embaument délicieusement ; la bugrane jaune (ononis natrix) et une giroflée à fleurs lilas (mathiola sinuata) sans doute importées ; une grande centaurée (centaurea aspera) ; en forêt l’asperge sauvage (asparagus officinalis), très recherchée par les habitants du pays qui la trouvent plus parfumée que l’asperge cultivée ; plusieurs orchidées ; enfin, hors bois et en petit nombre, la pomme épineuse (datura stramonium) et une curieuse papavéracée à fleur jaune et à capsule en forme de silique extrêmement longue, le glaucium lateum (pavot cornu).

Les fougères sont rares à cause de l’absence d’endroits humides. La fougère à l’aigle (pteris aquilina) est abondante dans les bois de chênes et de pins du Petit Mont et du Grand Mont d’Hourtin et du Mont de Carcans ; mais, hors de là, on ne la trouve que dans un petit coin isolé de la forêt d’Hourtin, au lieu dit précisément les Fougères (zone littorale en face du 40e kilomètre), et dans quelques parties de la forêt de Soulac. On voit aussi dans les dunes le polypode commun (polypodium vulgare). La belle osmonde royale (osmunda regalis) n’existe, à notre connaissance, qu’au Petit Mont d’Hourtin, au bord des marais du Pelous.

Arbustes. — Parmi les arbustes et arbrisseaux spontanés, la première place appartient au genêt à balai (sarothamnus vulgaris). Il est répandu dans toutes les dunes, depuis leur limite orientale jusqu’aux sables de la dune littorale, tantôt maigre et languissant sous le couvert des grands arbres, tantôt vigoureux et verdoyant dans les fourrés de jeunes pins ou dans les lèdes nues. Il se propage abondamment et facilement par semis naturels, aussi envahit-il rapidement les garde-feu et les chemins, ses racines s’enfoncent très vite dans le sable et a une grande profondeur. C’est un auxiliaire important des travaux de fixation des dunes à cause de l’abondance et de la germination certaine de sa semence et de sa croissance rapide. L’ajonc d’Europe (ulex europæus), jaugue en patois, employé aussi dans ces mêmes travaux, est dans les dunes moins répandu que le genêt. Sa végétation est plus lente et la réussite de ses semis moins facile. Il se trouve sous bois et hors forêt dans les grandes lèdes rases, soit proches, soit éloignées de la mer. Ses jeunes pousses hachées forment un excellent fourrage, trop peu employé. Dans les grandes lèdes qui touchent à la lande, sur le bord oriental de la région des dunes, on en rencontre une plus petite espèce, l’ajonc nain (u. nanus), dont le rôle est d’ailleurs insignifiant.

À côté des deux grandes papilionacées précédentes et composant avec elles la flore arbustive des grandes lèdes rases et des sous-bois de forêt, croît la bruyère à balai (erica scoparia), la brande, comme on dit en Médoc. Elle est très abondante dans les lèdes non boisées et dans certaines pineraies claires. Elle vit en mélange bien plutôt avec l’ajonc qu’avec le genêt. Beaucoup moins belle comme plante, malgré sa grande taille, que ses congénères du climat méditerranéen, cette bruyère n’est guère employée que pour la confection de balais grossiers et pour le chauffage. Le genre erica est encore représenté dans la région par deux autres espèces, e. cinerea et e. tetralix (bruyères cendrée et quaternée) qui restent très petites et dont l’habitat se réduit à peu près aux grandes lèdes de la partie orientale des dunes. On trouve aussi, mais en très petit nombre, la bruyère commune (calluna vulgaris).

Dans toute la région, sauf sur les bords mêmes de l’océan, abonde le ciste à feuilles de sauge (cistus salviæfolius), qui forme en mai ou juin de jolies corbeilles de fleurs blanches à cœur d’or. C’est le seul ciste des dunes. Sont très répandus aussi le genêt d’Angleterre (genista anglica), minuscule arbrisseau épineux, et le saule rampant (salix repens), avec sa variété argentée (s. argentea Sm.) ; ils viennent jusque dans les lèdes littorales entre la plage et les premiers pins et y forment souvent des buissons hauts de 0m35 à peine, très denses, continus, qui immobilisent complètement les sables.

Le saule marceau (salix caprea), appelé saudine dans le pays, n’existe que par pieds isolés, peu nombreux.

Les ronces (rubus fructicosus) sont rares, sauf à Soulac.

On rencontre abondants à Soulac et rares dans le reste des dunes : le daphné garou (daphne gnidium) ou saint-bois, les chèvrefeuilles des bois et commun (loniceræ periclymenum et caprifolium), et le lierre (hedera helix) ; enfin, exclusivement à Soulac : le troëne commun (ligustrum vulgare) qui forme, en forêt, par places, des fourrés impénétrables, le cornouiller sanguin (cornus sanguinea), l’épine noire (prunus spinosa), l'aubépine monogyne (cratægus monogyna), et le nerprun alaterne (rhamnuns alaternus), ces quatre espèces par pieds isolés peu nombreux ; enfin, seulement dans la zone littorale, le raisin de mer (ephedra vulgaris), qui y forme par places d’épais tapis.

Au Mont de Carcans, dune ancienne, croît spontanément l'arbousier commun (arbutus unedo). Les sujets de l’espèce qu’on rencontre dans les dunes modernes d’Hourtin (aux Phares, à Balbise, à Grandmont) et à Soulac, n’y sont que subspontanés, ayant été récemment apportés par l’homme. Ils y végètent encore plus lentement que ne le comporte le tempérament de l’espèce, à cause de l’extrême pauvreté du sol, et sont de reprise très difficile par plantation. Ils ne paraissent pas se reproduire par semences. Avec les fruits, appelés arbouses, on fait une confiture assez bonne, pourvu qu’elle soit très sucrée. Le houx (ilex aquifolium) et le fragon ou petit houx (ruscus aculeatus) se rencontrent dans les Monts d’Hourtin et de Carcans et à Soulac, ainsi que la bourdaine (frangula vulgaris) que les Oiseaux commencent à propager un peu de côtés et d’autres et jusque sous les grands pins de la forêt d’Hourtin.


Arbres. — L’arbre par excellence de la flore spontanée des dunes est le pin maritime (pinus pinaster, Soland ou maritima, Lam.) Nommons-le ici seulement pour mémoire, car il mérite une étude spéciale que nous ferons plus loin. C’est l’unique résineux des dunes, presque l’unique arbre, les grands feuillus y étant rares.

De ces derniers, les plus répandus sont les chênes et parmi ceux-ci se place en première ligne le chêne vert ou yeuse (quercus ilex). Encore n’est-il que disséminé, sauf dans les bois de Soulac et du Verdon, où le sol meilleur que dans les autres dunes lui permet de se développer assez activement et de devenir même envahissant aux dépens du pin maritime. Le Verdon renferme un beau spécimen de cette espèce. Avant d’entrer dans le bourg, sur une dune, à droite de la route qui vient de la gare, on voit un beau chêne vert de proportions larges et harmonieuses. Il paraît bifurqué dès la base ; en réalité, ses deux troncs, mesurant respectivement 2m95 et 1m90 de tour, sont deux branches principales émises par un fût unique primitif, actuellement enseveli dans le sable d’au moins 4m. Sa hauteur au-dessus du sol actuel est de 15m ; la circonférence de sa cime atteint 66m. Son âge est d’environ 150 ans. Il a donc été témoin de l’envahissement du Verdon par les sables et de leur fixation par les soins du « citoyen Brémontier ». En 1879, un ouragan lui cassa une maîtresse branche avec laquelle on fit 65 gros fagots.

Un autre bel yeuse se trouve au Moutchic (forêt domaniale de Lacanau) au haut de la dune sur laquelle est bâtie la maison de l’agent forestier, et devant la maison même. Son fût a une circonférence de 2m65 à hauteur d’homme et une longueur de 5m. La hauteur totale de l’arbre est de 12m, son feuillage couvre une surface circulaire de 45m de tour.

On voit enfin de vieux et beaux chênes verts dans les Monts d’Hourtin et Carcans mélangés à des chênes pédoncules et à des chênes tauzins (q. pedonculala et tozza) non moins beaux au point de vue artistique et qui paraissent leurs contemporains. Tous ces arbres, dont l‘âge est d’environ 150 ou 180 ans, sont les représentants de l’ancienne forêt de Cartignac, lambeau elle-même de l’antique forêt de Lesparre, toutes deux décrites dans de vieilles chroniques dont nous avons précédemment donné des extraits.

Dans les forêts de Soulac et du Verdon, ce même mélange d’yeuses, de pédonculés et de tauzins se retrouve sur les fonds à sol frais qui n’ont pas été recouverts d’une couche de sable trop épaisse. La aussi, ces chênes sont les restes d’anciens bois que nous avons vus figurés sur les anciennes cartes et mentionnés dans les vieux titres, de ces « bois taillis » et « bois de haute fustaye » que divers habitants du pays tenaient à fief, entre Soulac et le Verdon, de l’abbaye de Ste-Croix de Bordeaux. (Terriers de cette abbaye, reconnaissances faites en 1776 et 1779). Les chênes compris notamment entre la voie ferrée du Médoc et le garde-feu du Sémaphore (forêt domaniale de Soulac), près de la dune recouvrant l’ancien prieuré de St-Nicolas de Graves sont les descendants de cette futaie de chênes que signale l’inventaire de la sirie de Lesparre au xvie siècle et que ce titre estimait alors 800 écus. En Médoc, le nom patois du chêne est quace (du latin quercus), et l’on appelle chêne blanc le pédonculé et le rouvre, et chêne noir le tauzin. Les quelques autres arbres feuillus spontanés que l’on peut rencontrer dans les régions des dunes, sont seulement : le peuplier noir (populus nigra) et sa variété pyramidale (p. d’Italie, p. nigra pyramidalis) ; l'orme champêtre avec sa variété subéreuse (ulmus campestris et suberosa) qui ne croissent spontanés qu’à Soulac dans quelques lèdes boisées à sol relativement frais ; le poirier sauvage (pirus communis), espèce représentée par quelques individus isolés crus dans les Monts d’Hourtin et de Carcans, ou semés par les oiseaux dans quelques lèdes de la forêt d’Hourtin ; le bouleau verruqueux (betula verrucosa) et l'aune glutineux (alnus glutinosa) qui ne se trouvent que dans ces mêmes Monts au bord des marais ou dans les marais eux- mêmes.

Arbres subspontanés. — Nous avons nommé toutes les essences ligneuses et les principales espèces herbacées des dunes qui y sont spontanées, c’est-à-dire celles qui y croissent d’elles-mêmes par drageons et rejets ou au moyen de leurs semences jetées par les vents ou portées par les oiseaux. Après doivent être placées les espèces subspontanées, c’est-à-dire qui, importées par l’homme à une date relativement récente, se sont naturalisées et se reproduisent nettement d’elles-mêmes dans les sables. Ces espèces sont au nombre de deux seulement : le robinier faux-acacia (robinia pseudo-acacia), vulgairement appelé acacia tout court, et l’ailanthe ou vernis du japon (ailanthus glandulosa). L’acacia, américain d’origine, déjà tout à fait naturalisé en France, s’est aussi très vite naturalisé dans les sables où il se reproduit par semences ou par drageons. Il est assez abondant à Soulac dans certains des bouquets de feuillus qui se trouvent au milieu des pins. Dans les autres dunes, on ne le trouve plus qu’en deux ou trois endroits, comme à Grandmont, où il a été récemment planté. Bien moins répandu, mais drageonnant avec plus de vigueur peut-être, sur les quelques points où il se trouve, est l’ailanthe, importé de Chine. On l’a planté auprès de quelques maisons de préposés ou sur des garde-feu. Les plants sont devenus des arbres de bonne végétation qui tout autour d’eux se multiplient par des rejets très vigoureux, surtout après recépage. Au carrefour des garde-feu de la Maison de Grave, forêt domaniale de Soulac, on peut voir un massif très dense de beaux rejets d’ailanthe qui a exclu tous autres végétaux des quelques mètres carrés de terrain qu’il occupe et paraît devoir s’étendre aux dépens du peuplement contigu. Placé trop près des puits, comme au Mourey, par exemple, cet arbre a le grave inconvénient d’en rendre l’eau mauvaise au goût et même dangereuse à la santé, soit par ses feuilles et fleurs qui y tombent, soit par ses racines qui passent dans les fissures des parois en maçonnerie ou en bois des puits. Le suc résineux contenu dans ses fleurs, ses feuilles, ses pousses et ses racines, est non seulement d’odeur très désagréable, mais encore très toxique, au moins pour les oiseaux de basse-cour. Son bois a, paraît-il, l’avantage de fournir des échalas d’une durée au moins de 3 ans, inférieure à celle des piquets d’acacia, mais supérieure à celle des carrassons de pins, tous étant injectés au sulfate de cuivre. Sa naturalisation dans les sables permettrait alors de l’y propager et d’en tirer un revenu rémunérateur en l’exploitant en taillis pour la fabrication des échalas. Son rendement serait bien supérieur à celui du pin à cause de sa croissance plus rapide et de sa faculté de rejeter de souche, la première étant d’ailleurs la conséquence de la seconde. Des expériences sont entreprises à ce sujet prés de Soulac.

Champignons. — Nous verrons, en étudiant le pin maritime, quels sont les cryptogames parasites végétant dans les dunes. Disons seulement ici qu’on y rencontre trois principales espèces de champignons comestibles, toutes des agarics : l’agaric élevé ou cocherelle (a. procerus) qui se montre surtout à Soulac, l’agaric délicieux (a. deliciosus), catalan dans la localité, à suc rouge, à cassure rouge verdissant ensuite, et le vidau, autre agaric spécial aux sables, qu’à notre connaissance les flores mycétologiques ne signalent pas et qui paraît être une russule (sous-genre des agarics). La fausse-oronge (a. muscarius) se trouve aussi dans les dunes.



Répartition de la flore

Ainsi que cela a été sommairement indiqué tout à l’heure, beaucoup de plantes des dunes ont chacune leur aire d’habitation propre, et leur répartition sur l’étendue des sables mérite d’être relevée.

Il faut d’abord remarquer la différence entre la flore des dunes de Soulac et celles du reste de la région ; certaines espèces sont spéciales à la première : l’œillet de France, la bugrane jaune, la stramoine, l’aubépine, le cornouiller, l’alaterne, le troène, le peuplier noir, l’ormeau ; d’autres, comme le daphné, le robinier, lui sont presque exclusives, au moins en bon état de végétation. La raison en est que le sol de Soulac est meilleur et bien moins aride que celui des autres dunes. Seul il offre à certaines plantes habituées à un terrain relativement riche et frais, canne la bugrane, le troène, l’ormeau, un terrain sinon très favorable, du moins suffisant. D’autre part, certaines essences d’arbres, le robinier notamment, ont été introduites à Soulac plutôt qu’ailleurs, parce que le sol y était plus qu’ailleurs apte à leur propagation. Encore doit-on observer que les végétaux ligneux spéciaux à la flore soulacaise se rencontrent uniquement dans les fonds où une couche peu épaisse de sable recouvre le sol primitif fertile, où, par conséquent, l’ensemble du terrain présente plus d’éléments nutritifs et d’humidité que dans les autres parties de la contrée. Quelques-unes de ces plantes pourraient bien. même provenir par semences ou par rejets des anciennes plantes qui étaient installées sur le sol primitif aujourd’hui ensablé. Le fait paraît certain pour quelques pieds de vigne sauvage qu’on trouve en forêt domaniale de Soulac, dans la parcelle de feuillus située entre le garde-feu du Sémaphore et la voie ferrée du Médoc. Il y avait la autrefois des jardins ; des ceps qui s’y trouvaient n’ont pas été trop ensablés où se sont d’eux-mêmes marcottés, et ils se retrouvent maintenant dans les plants redevenus sauvages que nous voyons grimper aux arbres de la forêt.

Les chênes pédonculés, tauzins et yeuses de la forêt de Soulac et des Monts d’Hourtin et de Carcans présentent, nous l’avons dit, le même fait de perpétuation de forêts anciennes, préexistantes aux dunes. À Soulac, le chêne vert s’est propagé beaucoup, bien plus que ses congénères, à cause de son tempérament rustique qui lui permet de supporter les fortes chaleurs de l’été, même sur un sol pauvre et aride. Il se répand sur des sables où il n’avait jamais existé auparavant. Du côté du Verdon, ainsi que nous l’avons signalé, il est nettement envahissant et tend à éliminer le pin maritime. Cette substitution d’essence s’explique, parce que le chêne vert croit aisément sous le couvert léger des pins et d’autant plus que ceux-ci sont plus grands et plus espacés ; il y forme par places d’épais fourrés. Dans ces fourrés, les semis naturels des pins ne lèvent pas ou, s’ils y parviennent, les jeunes résineux périssent vite étouffés sous le feuillage épais et persistant de l’yeuse. Les grands pins abattus, on n’aura donc plus qu’un taillis de chêne vert. Tant que ce taillis sera clairiéré, le pin se reproduira dans les clairières ; mais si ces clairières sont remplies par le feuillu, la substitution d’essence sera complète. Le sylviculteur doit donc là, s’il veut maintenir le mélange des pins et des chênes, savoir conduire son peuplement. Il devra notamment, lors de l’exploitation des grands pins et de la production des semis, éclaircir fortement les feuillus pour permettre aux graines de lever, puis aux jeunes pins de croître et de prendre leur essor. Dans les parcelles des dunes soulacaises où les feuillus sont purs ou presque sans mélange de résineux, ils forment des arbres dont les plus âgés sont trapus, très branchus et courts de fût ; parmi, se trouvent des gaules et des perches souvent peu droites, appelées à les remplacer, mais en petit nombre ; des morts-bois, tels que troènes, ronces, ajoncs, couvrent le sol et constituent des fourrés impénétrables qui empêcheront sûrement, si on ne les détruit, la régénération par semis naturel des grands arbres feuillus. Dans les Monts d’Hourtin, les trois espèces de chênes sont en proportion presque égale, la plupart sont d’âge avancé (150 à 200 ans) également trapus et pourvus d’une puissante ramure. Les jeunes brins sont rares, bien trop pour le remplacement futur des vieux arbres. En mélange avec les chênes se trouvent, suivant les endroits, des bouleaux ou des pins maritimes. Le sous-bois est constitué par d’épais fourrés d’ajoncs, de bruyères, de ronces et de houx, ou par d’abondantes fougères.

Au Mont de Carcans, la forme des arbres et la composition du peuplement sont semblables. Dans le sous-bois, plus clair peut-être, figure l’arbousier, qui n’est spontané nulle part ailleurs. Rappelons encore ici que ces Monts sont des dunes anciennes, dont le sable a été fertilisé par l’humus accumulé depuis des siècles et s’imprègne de l’eau des marais ou des étangs contigus.

Tout au bord de ceux-ci et ne faisant partie qu’accidentellement, pour ainsi dire, de la flore des dunes, sont l’aune et l’osmonde royale, qui ne supporteraient pas autrement la sécheresse habituelle du sable.

La distribution de tous ces végétaux dans les diverses parties des dunes dépend donc du terrain, de ses qualités chimiques et de ses propriétés physiques.

Il est une autre répartition des plantes des dunes à envisager, celle qui les divise pour tout le Médoc en deux grandes catégories : plantes littorales croissant tout au bord de la mer, et plantes qui s’en tiennent toujours à une certaine distance. Les premières sont presque exclusivement herbacées ; la dune littorale et les lèdes non boisées adjacentes constituent à elles seules leur habitat. Ce sont : le gourbet, le panicaut, le liseron soldanelle, la roquette de mer, l’immortelle, etc. Si quelques végétaux arbustifs croissent à côté d’elles, ils n’affrontent pas la dune littorale, se cantonnent dans la lède contiguë, et encore leur préférence pour ce voisinage de l’océan n’est-elle due peut-être qu’à l’absence d’arbres et de couvert en ces endroits, puisqu’on peut les retrouver sur les lèdes de la région orientale des dunes et même là où la lande commence ; tels sont le genêt d’Angleterre et le saule rampant. Franchement indifférent par contre est le carex des sables, qui pousse ses stolons rayonnants aussi bien sur les plages de l’étang d’Hourtin que sur celles de la mer. Dans les plantes de la seconde catégorie, celles qui ne peuvent croître qu’à quelque distance du rivage maritime, sont tous les arbres et les principaux arbustes que nous avons nommés ; cependant le genêt à balai et la grande bruyère s’avancent encore assez prés de la dune littorale, intermédiaires entre les arbres proprement dits des grandes dunes et les herbes de la plage. Ainsi, de même qu’en descendant des hauts sommets des montagnes vers les vallées, on ne trouve d’abord que les herbes des pâturages alpestres, puis de petits arbrisseaux rampants, ensuite des arbustes. puis des arbres rabougris, buissonnants et tortueux, puis enfin seulement les grands arbres droits de la forêt ; de même, en quittant la plage de l’océan et pénétrant dans les dunes, on observe successivement et suivant la même gradation, les plantes herbacées de la dune littorale d’abord, ensuite les saules rampants et les genêts minuscules des lèdes contiguës, ensuite des buissons de bruyères et de genêts à balai, puis les premiers pins tordus et tourmentés, puis enfin seulement derrière, les grands pins droits de la foret.

Ici, ce n’est plus la question de sol qui agit comme dans les distributions de la flore que nous examinions tout à l’heure ; ce sont : le vent, ainsi que dans la montagne, et de plus les effluves salines et le sable mouvant, qui régissent cette distribution des végétaux générale sur toute la côte.

Quant au groupement des essences forestières, sur les dunes, il est facile à établir, après ce que nous avons dit. Le pin maritime est à l’état pur presque dans toutes les forets. Dans la partie des bois domaniaux et particuliers située entre Soulac et le Verdon, et la seulement pour toutes les dunes du Médoc, il forme la majorité du peuplement, en mélange avec divers feuillus. La proportion des essences y serait la suivante (en millièmes), d’après nos observations :

pin maritime . . . . . . . 960

chêne vert. . . . . . . . . 36

chêne pédonculé . . . . . . 8

chêne tauzin . . . . . . . . 3

robinier faux-acacia . . . . 2,4

orme . . . . . . . . . . . 0.5

peuplier noir . . . . . . . 0,1



Le pin maritime

Le pin maritime a été étudié de très près et en détail aux points de vue botanique, sylvicole et industriel par les maîtres de la science forestière et par divers auteurs fort compétents, aux écrits desquels nous renvoyons le lecteur désireux d’amples renseignements qui n’entrent pas dans le cadre de notre modeste étude. (Mathieu, Flore forestière ; Lorentz et Parade, Culture des bois ; Lorentz, Notice sur le pin maritime, Annales forestières, 1842 ; Ed. Blanc, Étude sur le résinage, Revue des Eaux et Forêts, 1885 ; L. Boppe, Cours de technologie forestière, 1887). Nous ne dirons ici que l’indispensable, en y ajoutant quelques observations personnelles.

Port. — Le pin maritime est un des grands arbres de France. Son aspect est monotone et plutôt triste, non pas de la tristesse obscure et glacée des pays septentrionaux, mais de cette tristesse spéciale aux régions méridionales et qu’engendre l’uniformité d’un terrain brûlé par un soleil toujours ardent sous un ciel toujours bleu. Il n’a ni la majesté du sapin, ni la puissance olympienne du chêne, ni la forte élégance du hêtre ; il n’a même pas l’originalité de la silhouette du pin parasol, ni l’agrément d’une écorce vivement colorée comme le pin sylvestre. S’il parvient à un âge avancé et se développe sans entraves, alors seulement acquiert-il un certain cachet de grandeur en même temps que d’originalité, lorsque sa base déformée et enflée sous l’action du gemmage, est sillonnée de nombreuses quarres. C’est, parmi le grand peuple des arbres, un modeste prolétaire auquel l’homme, son cruel exploiteur, fait suer sang et eau.

Son fût droit, se maintenant assez haut cylindrique, est revêtu d’un rhytidome épais, gerçuré profondément, d’un noir gris ou violacé. La ramification verticillaire est très régulière et supporte des frondaisons également réparties par toute la cime. Les feuilles sont longues (10 à 20 et même 25 centimètres), réunies à leur base deux par deux dans une très petite gaine écailleuse ; elles sont épaisses, luisantes et soyeuses, d’un vert franc, qui paraît foncé dans l’ombre, mais clair au soleil ou à côté du feuillage glauque du pin sylvestre. Elles durent 3 ans et tombent à la fin de la 3e année, exceptionnellement pendant la 4e. De là résulte, chez le pin maritime comme chez ses congénères, un groupe. ment des feuilles variable avec l’âge de l’arbre. Sur les jeunes pins, dont la croissance est rapide et fournit annuellement de longues pousses, les aiguilles plantées autour des tiges crues pendant l’année courante et les deux précédentes forment des plumets ou faisceaux longs et denses ; les entrenœuds plus âgés sont dégarnis d’aiguilles. Sur les arbres déjà âgés, à pousses annuelles très réduites, les plumets ont disparu et les aiguilles sont portées au bout des ramules en houppettes assez denses. C’est un indice certain de dépérissement et de mon prochaine, lorsqu’on voit sur un pin maritime ces houppettes diminuer de nombre et s’éclaircir. Dans le feuillage, faisant tache sombre à l’aisselle des branchettes, s’aperçoivent les cônes, verts s’ils sont jeunes, roux et bruns lorsqu’ils arrivent à maturité.

Le pin, dans sa jeunesse, a un profil conique, mais non point aigu comme le sapin ou l’épicéa ; lorsqu’il arrive à maturité, sa cime ne devient pas nettement tabulaire comme chez le roi des Vosges, mais seulement irrégulière ; des branches disparaissent, des rameaux latéraux s’allongent plus que d’autres, et l’harmonie de forme première du houppier est détruite.




Enracinement. — L’enracinement du pin maritime est très développé, à la fois traçant et pivotant. « On a vu quelquefois des souches de pin maritime s’accroître après l’exploitation de l’arbre et l’on a constaté, comme pour le sapin, qu’elles se trouvaient soudées par les racines avec celles de pins réservés dans le voisinage. » (Mathieu). L’extension de ses racines traçantes et pivotantes permet au pin maritime de résister victorieusement, malgré la nature du sol, aux vents violents qui règnent sur les dunes. Les chablis sont très rares dans les forêts de ces régions, malgré l’impétuosité de certains coups de vent. Ce fait est remarquable.


Fructification. — La floraison est monoïque. Les cônes mûrissent à l’automne de la seconde année et la graine se disséminé naturellement au printemps de l’année suivante. D’expériences faites par nous, il résulte que les cônes renferment en moyenne 144 graines chacun. Suivant Mathieu et Bagneris, le kilogramme de ces graines désailées en contient 22 000, et il en faut 13 300 pour le litre qui pèse 598 gr. Des expériences faites par d’autres forestiers (E. Buffault) ont donné des chiffres un peu différents : 18600 au kilogramme et 11200 au litre. L’hectolitre pèse 60 kilogrammes.

« La fertilité de cet arbre est extraordinaire. Il porte fruit presque tous les ans et dès l’âge de ta à 15 ans, quelquefois, plus jeune. Néanmoins, pour être sûr de la bonté des graines, il convient de ne les cueillir que sur des arbres plus âgés. » (Lorentz et Parade). Vers l’âge de 25 ans, la fructification devient très abondante à peu prés tous les ans. À tel point qu’il se forme constamment sous les grands “arbres un sous-bois très dense de jeunes pins, qui périt à la longue sous le couvert, mais se renouvelle sans cesse. À tel point aussi que l’on peut faire des coupes à blanc étoc sur des surfaces considérables (200 hect. et plus) sans craindre de compromettre la régénération et que trois ou quatre ans après cette coupe des fourrés de jeunes pins très bien venants, presque sans vides, remplacent la vieille futaie abattue. (Nombreux exemples dans les forêts de l’État et dans les forêts particulières du Flamand et de Soulac). Cette même abondance de fructification permet à bien des lèdes littorales des forêts de l’État de se boiser peu à peu d’elles-mêmes et aux bois particuliers et communaux traités par la méthode du jardinage de se perpétuer par les voies naturelles.

La graine conserve sa faculté germinative 3 ou 4 ans. Mise en terre, elle peut lever au bout de 15 jours, comme aussi faire attendre longtemps sa germination, surtout dans le sable ordinairement sec des dunes. On ne doit donc pas s’étonner dans l’année qui suit un tenais de ne pas avoir une réussite complète, surtout si les pluies ont été rares ;il est a peu prés sûr que beaucoup de graines qui ne se seront pas trouvées dans les conditions nécessaires à leur germination lèveront les années suivantes qui seront plus propices. Dans les dunes, les semis doivent se faire, soit à la fin de l’automne, soit à l’époque de la dissémination naturelle qui est le printemps ou la fin de l‘hiver (du 15 février au 15 avril). Cette dernière époque est préférable, comme d’ailleurs pour toutes les graines résineuses en général.

Tempérament. — « Le jeune plant est très robuste et tout abri un peu prolongé lui est nuisible », disent Lorentz et Parade. Ils ajoutent que cependant dans les sables brûlants des dunes de Gascogne, il est nécessaire de l‘ombrager les premières années. Nécessaire est trop dire à notre avis, utile serait juste. On peut voir en maints endroits, sur des garde—feu, sur les plages de l‘étang d’Hourtin, dans des vides, de jeunes pins, semés par le vent ou les oiseaux, prospérer très bien en plein découvert, au milieu même de sables blancs. Mais il n‘est pas douteux qu’un certain abri lui soit très profitable en le défendant des ardeurs parfois extrêmes du soleil de Gascogne. qu’accroit encore la réverbération des sables. C’est en partie pour ce motif que dans les ensemencements on a mêlé et on mêle encore le genêt et l’ajonc au pin. Un forestier a dit, avec raison du reste, que le genêt est l’allié du pin s. Dans une coupe rase, par exemple partout où le genêt abonde, le pin abonde aussi. Les jeunes résineux croissent parmi les touffes du genêt, filent entre les branches qui les soutiennent, prennent rapidement l’avance sur lui et bientôt, se constituant en fourrés complets, étouffent sous leur brillante végétation l‘arbuste qui les a protégés pendant leurs premières années. Le couvert très léger que donnent les pins de place convenablement espacés est également très favorable au jeune semis ; il réalise le ni trop ni trop peu nécessaire.

Si le jeune pin vient sous un couvert épais, et c’est le cas du sous-bois que l‘on trouve sous presque toutes les futaies qui sont éloignées de leur terme d’exploitabilité, et par suite assez denses, ce jeune pina une croissance extrêmement lente ;il reste petit, grêle, tortueux, souvent traînant, perd sa flèche terminale, se forme avec des branches latérales très courtes une petite cime en boule, irrégulière, puis finalement sèche sur pied. Si on le découvre assez tôt pour qu’il ne meure pas et reprenne de la vigueur, ce qui est rare, il grandit, mais ne fait jamais un arbre droit et beau ; sa constitution est viciée.

Il est à noter qu’on voit très peu d’arbres tarés ou tordus dans les forêts de pin maritime à l’inverse de celles de pins sylvestres, et que les premières ne présentent jamais le vilain aspect qu’ont les secondes dans leur jeunesse. La raison en est sans doute dans la rapidité de croissance bien supérieure du pin maritime, qui rend plus difficile la formation des défauts et plus facile et plus rapide l’élimination des sujets viciés.

Plantation. — Généralement, on n’a pas à planter le pin maritime ; l’abondance et la facile germination de ses graines rend le semis plus économique et plus productif que la plantation, outre que l’ensemencement naturel assure à lui seul la régénération des pineraies. Dans le département des Landes, on y a recours pour avoir plus vite des bois susceptibles de supporter le pâturage. On plante alors en motte des sujets âgés de 5 et 8 ans. À titre de renseignement, nous avons fait exécuter quelques essais dans les dunes domaniales du Flamand et d’Hourtin. On a planté en motte et à racines nues des sujets de 3 à 5 ans environ. Tous ceux plantés à racines nues, ou pour le moins les 9/10 d’entre eux, ont séché ; seuls les sujets plantés en motte ont réussi. L’expérience est à reprendre, mais nous doutons fort que la plantation du pin maritime soit un mode efficace et pratique de repeuplement des sables, à cause de la sécheresse de ceux-ci.

Croissance. — La croissance du pin maritime est « remarquablement prompte ». Dans la forêt domaniale du Flamand, à 500 mètres de la mer, on trouve des pins de 10 ans ayant des pousses terminales de 0m80 de longueur. Quelquefois ils développent deux verticilles par an. Pour les arbres d’âge moyen, on admet qu’en général leur circonférence croît de 0m02 dans les dunes et 0m025 dans la lande. Leur âge serait donc donné par le quotient de la division du nombre de centimètres de la circonférence par 2 ou 2,5 suivant le cas.

Terrain. — Le pin maritime est « essentiellement silicicole ». Les terrains calcaires le repoussent et il s’y empoisonne, au sens exact du mot, par une trop forte absorption de chaux (MM. Fliche et Grandeau). Il s’accommode de façon vraiment remarquable des terrains les plus pauvres et les plus arides, comme le sable des dunes de Carcans. Il prospère assurément davantage sur un sol riche et pourvu d’humus, mais sa frugalité est, en somme, merveilleuse.

Lorentz et Parade disent que « les terrains compacts et marécageux lui sont contraires. » Cependant on voit fréquemment des pins maritimes dans les marais qui bordent les dunes du Médoc et ils sont de végétation passable.

Bois. — Le bois est rouge brun plus ou moins clair au cœur, avec une zone d’aubier blanc jaunâtre qui devient grise lorsque l’arbre a léché sur pied ou que le bois débité a été exposé à l’humidité. Les couches annuelles sont épaisses et très apparentes. Celles de l’aubier augmentent en nombre avec l’âge de l’arbre (Mathieu). Le grain du bois est grossier, poreux et lâche dans le bois de printemps, plus dans le bois d’automne. Les canaux résinifères se montrent sous forme de traits assez gros, colorés en rouge brun foncé et répandus dans le bois ; ils sont très nombreux dans le sens longitudinal, rares dans le sens radial suivant les rayons médullaires.

Le bois du pin maritime est, comme qualité, inférieur à celui du sapin, de l’épicéa et du pin sylvestre. Les charpentiers et menuisiers lui préfèrent le pin du Nord pour les solivages et les planchers, sauf quand ceux-ci doivent reposer sur le sol, le pin maritime ayant alors plus de durée. On distingue aussi entre le pin venu sur les sables des dunes et celui venu sur les graves du Médoc, le premier, paraît-il, se pique facilement, tandis que le second est beaucoup plus durable. Néanmoins le pin maritime des dunes est assez employé comme bois d’œuvre. Lorsqu’il est bien veiné et qu’on le vernit simplement en lui laissant sa couleur naturelle, il fait de fort jolie menuiserie.

Dans le pays, on affirme que, pour avoir de la durée et échapper à la vermoulure, le pin doit être coupé hors le temps des deux sèves de printemps et d’août et en lune jeune ou tendre ; on prétend même qu’il faut éviter de l’abattre lorsque souffle le vent d’ouest. Le bois gemmé est plus durable que le non gemmé, comme nous l’expliquerons tout à l’heure. Les bois en grume abandonnés sur le parterre des coupes mettent environ 8 ans à pourrir ; ils durent davantage lors. . qu’ils proviennent d’arbres crus près de la mer, où la lenteur de leur végétation et l’abondance de la résine leur a donné un tissu moins grossier et un grain plus résistant.

Le pin maritime fournit un combustible agréable qui brûle avec une flamme claire en dégageant une vive chaleur, mais qui n’est pas soutenue. Son écorce seule (non son bois) éclate en brûlant. Il donne un charbon léger.

Gemmage. — Les canaux résinifères sont des sortes de tubes ou manchons formés de cellules qui déversent dans la cavité qu’elles enveloppent l’oléorésine qu’elles sécrètent. Ces cellules sont bien plus petites que celles du parenchyme ambiant ; leur membrane est mince » colorée en jaune ou en brun par la résine ; elles renferment du proto-plasma et un noyau, et se propagent par division. Quand la sécrétion est très abondante, la résine remplit tous les vaisseaux du bois et se répand dans les tissus environnants, auxquels elle donne une couleur foncée avec la dureté et la transparence de la corne. C’est ce qu’on appelle le bois gras (Ed. Blanc).

Cette formation de bois gras, très fréquente chez les pins d’Alep, laricio et sylvestre, l’est moins chez le pin maritime. Elle s’y rencontre surtout dans les nœuds ou tronçons de branche encastrés dans le bons formé après la chute de la branche.

C’est sur la forme et la disposition des organes sécréteurs de la résine chez le pin maritime qu’est fondé le mode de gemmage de cette essence. Les canaux longitudinaux étant les plus nombreux et, parmi eux, ceux récemment formés, c’est-à-dire appartenant aux couches les plus externes du bois, renfermant l’oléorésine la plus fluide et la plus abondante, ce sont ces derniers qu’il y a intérêt à atteindre le plus possible. De là se déduit la forme de l’entaille ou quarre, au moyen de laquelle on tranche les canaux sécréteurs et dont le rendement est proportionnel à ses dimensions, surtout à sa largeur et à sa profondeur. Ces dimensions ont pour limite la nécessité de sauvegarder la vie de l’arbre lorsqu’on a affaire à un pin gemmé à vie, ou de ne pas trop diminuer son équarrissage dans tous les cas. « L’expérience a démontré qu’un pin maritime peut, dans le midi de la France, vivre longtemps en portant, à partir de l’âge de 30 ans, une… quarre de 0m10 de largeur et de 0m01 de profondeur. » (Ed. Blanc). La profondeur pourrait, sans endommager la santé de l’arbre, à notre avis, être augmentée de 0m0025. L’État, dans ses forêts, n’applique le gemmage à vie aux pins de place que lorsqu’ils ont atteint 1m10 de tour à hauteur d’homme. C’est peut-être un excès de prudence. Les particuliers les gemment à partir de 0m90, ce qui est un abus. On pourrait sans doute commencer à 1m, circonférence qui correspond à peu près à 30 ans d’âge pour la dune. Il est bon de laisser reposer le pin à vie, surtout au début, en suspendant périodiquement le gommage pendant 1, 2 ou 3 ans, après plusieurs « années de travail. « Un résinage bien conduit peut durer 150 ans et même plus, surtout si, dans les premiers temps, alors que le pin était encore faible, on a en la précaution de lui donner une année de repos après chaque période d’extraction de 7-8 ans. » (Mathieu). L’aménagement des forêts domaniales du Médoc soumet les pins à vie à un repos de 7 ans entre chaque période de gemmage de 5 ans.

Dans le gemmage à mort ou à fin perdu, qui s’applique aux pins qu’on veut abattre, on n’a pas à ménager l’arbre. Aussi le saigne-t-on sans précaution pour lui faire suer le plus possible dans un court espace de temps (4 ans environ).

Dans les dunes, il faut environ 120 arbres de 60 ans, gemmés à mort pour faire une barrique de résine (225kg) par an. Des pins gommés à vie entre 60 et 80 ans peuvent fournir environ chacun 1kg500 de gemme par an. Des pins de 70 à 90 ans gemmés à mort peuvent donner chacun une production annuelle de 5kg de résine. Mathieu dit : « Un pin vigoureux et isolé peut produire annuellement jusqu’à 20−40 kg de matière première ; en massif ce chiffre ne s’élève pas à plus de 4−6 kilog. » L’air et la lumière sont nécessaires à la production résineuse qui est proportionnelle à la quantité de ces deux éléments, absolument comme ils sont nécessaires à la production de toutes les oléorésines, gemmes, etc., et aussi du liège.

Quel est l’effet du gemmage sur le pin maritime ?

Le gemmage ralentit la croissance des arbres et les épuise à la longue ; nous soulignons à la longue, car le pin maritime supporte remarquablement le résinage, qui ne lui est pas si dommageable au point de vue physiologique qu’on serait porté à le croire. Ainsi les coupes de la forêt d’Hourtin, gemmées à mort de 1892 à 1897 pour être exploitées à blanc étoc en fin de période, sont peuplées de pins âgés de 50 ans ; ces arbres, malgré 4 années d’un gemmage intensif commencé en 1892 et 4 ou 5 quarres ayant enlevé presque toute l’écorce, sont aujourd’hui encore très vigoureux et ont la cime très verdoyante.

Par suite du ralentissement de croissance, les couches annuelles deviennent plus étroites, mais la proportion du bois de printemps, lâche et poreux, diminue, tandis que celle du bois d’automne, plus serré, augmente. Le grain du bois devient donc moins grossier et plus dur. En outre, le résinage détermine du centre à la circonférence du fût un courant de térébenthine qui imprègne l’aubier de résine et le rend de meilleure qualité et plus résistant à la corruption. De plus encore, la paroi de la quarre se lignifie, s’imprègne de résine et sur une certaine épaisseur devient semblable au bois de cœur. Le bois gemmé est donc plus résineux, plus lourd, plus dur, plus résistant, plus durable et d’un pouvoir calorique plus grand que le bois non gemmé. Ces avantages du bois gemmé, bien qu’affirmés par les habitants du pays, ont été contestés. Aussi l’Admon forestière fit-elle l’expérience en 1874 sur des planches de palissade de la côte du Flamand. On mit dans cette palissade des planches de 3 catégories : les unes tirées du pied des arbres gemmés, c’est-à-dire de la partie même où étaient ouvertes les quarres ; les autres tirées du haut du fût de ces arbres, c’est-a-dire de la partie supérieure aux quarres ; d’autres enfin extraites d’arbres non gemmés. Les premières planches durèrent 7 et 8 ans, les secondes 6 à 7 ans seulement et les troisièmes ne dépassèrent pas 6 ans. L’expérience a donc tourné tout à l’avantage du bois gemmé, comme c’était à prévoir. Elle a du reste été confirmée maintes fois, non plus officiellement, mais par la pratique, dans les constructions de maisons, de hangars, de bateaux, de clôtures. Quand, par exemple, on voudra pour tenir l’angle d’une clôture un solide piquet de pin, on le prendra dans le pied d’un arbre gemmé. Aujourd’hui l’Administration forestière exige toujours que les bois de pin qu’elle emploie comme matériaux proviennent d’arbres gemmés.

Mais, si le gemmage améliore ainsi le bois, il n’est pas sans inconvénients. Nous avons dit qu’il ralentit la croissance des arbres. De plus, bien que les ourles de bois nouveau qui encadrent la quarre arrivent, en se développant, à la recouvrir entièrement, il n’y a jamais adhérence entre ce bois nouveau et l’ancien qui forme le fond de la quarre. Par suite, lorsqu’on veut tirer du bois d’œuvre d’un pin gemmé, il faut que l’équarrissage enlève toutes les couches de bois formées par-dessus les premières quarres, ou bien la pièce, n’étant plus homogène, a une élasticité et une résistance bien moindre. C’est donc ou une diminution de volume, ou une dépréciation de qualité. Mais l’on ne peut dire, comme l’avance le Cours de Culture, que le tronc de l’arbre gemmé « devient tortueux la plupart du temps, et impropre, par conséquent, à tout usage de quelque importance. » (page 143). L’erreur de cette assertion sera démontrée par ce que nous dirons du débit des bois dans les dunes.

En résumé, le gemmage, au point de vue physiologique, entrave un peu le développement de l’arbre. Au point de vue technologique, le seul important, il donne de bonne heure au bois des qualités qu’il n’acquerrait que difficilement et à un âge très avancé. Mais il limite le volume de bois d’œuvre de l’arbre aux dimensions que cet arbre avait aux débuts du résinage.

Mortalités, champignons parasites. — Le pin maritime a dans l’ordre animal quelques ennemis, ainsi que nous le verrons au chapitre suivant, mais ils ne lui font pas pour le moment grand mal. Autrement dangereux sont d’autres agents de destruction qui appartiennent au monde cryptogamique.

La principale maladie dont ils affectent le pin maritime et qu’on nomme la maladie du rond en Sologne, produit ce qu’on appelle en Gascogne les mortalités ou séquées. Les pins qui en sont atteints commencent par perdre une partie de leur feuillage qui devient plus clair et cessent aussitôt de donner de la résine, s’ils sont gemmés ; puis le feuillage restant jaunit, le bois sèche rapidement ; l’écorce, alors minée en dessous par des insectes et attaquée à l’extérieur par les oiseaux qui cherchent ces insectes, se détache par grandes plaques, en même temps que les feuilles tombent tout à fait ; souvent même celles-ci pendent encore aux ramules que le fût de l’arbre est complètement écorcé et sec. Du pin verdoyant il ne reste plus qu’un squelette décharné. Cette mort de l’arbre est rapide et souvent en été 8 jours suffisent à un pin maritime sain d’apparence pour périr et se dépouiller complètement. Les arbres voisins des premiers atteints dépérissent à leur tour, la maladie gagne et fait tache d’huile, agrandissant et arrondissant la place .de' mortalité. Tantôt le mal s’arrête de lui-même brusquement, après avoir tué quelques arbres seulement ou n’avoir même atteint qu’un ou deux pins, tantôt au contraire il s’étend sur des surfaces assez considérables. Parfois, chose curieuse, au milieu d’une mortalité un ou deux arbres résistent et restent debout pleins de vigueur à côté de leurs voisins perdus. La maladie ne se confine pas dans le sol, car toutes les mortalités se repeuplent d’elles-mêmes par les graines tombées des arbres avant leur mort et les jeunes pins qui remplacent ceux-ci croissent vigoureusement et sont indemnes. Lorsqu’une mortalité se déclare, toutes les plantes qui se trouvent sur le sol autour du premier pin ou des premiers pins attaqués, herbes, genêts, petits pins, etc., toutes ces plantes sèchent aussitôt. Le terrain semble empoisonné et tout ce qu’il porte périt. Puis bientôt la mortalité s’étend attaquant les pins environnants, avec les herbes et les arbustes voisins, et en même temps la vie revient sur le premier point attaqué, l’herbe reverdit, les mort-bois y repoussent, de jeunes pins y croissent et la végétation reprend possession du terrain d’où la maladie venait de la chasser.

Le feu développe beaucoup la maladie du rond ; presque toujours elle prend naissance sur les places où des feux ont été allumés. Cependant cela n’est pas absolu, et s’il est vrai qu’en Sologne, selon M. le Cte de Tristan, « les feux d’ouvriers sont la cause la plus fréquente, sinon la seule, » qui détermine la maladie, il n’en est pas de même tout à fait dans les dunes. Dans cette région, beaucoup de séquées naissent en des endroits où il n’a pas été allumé de feu, quelquefois les incendies mêmes ne provoquent point de mortalité parmi les arbres qu’ils ont épargnés. En résumé, pour les dunes, toutes les mortalités ne naissent pas sur des places à feu, mais généralement les feux provoquent des mortalités.

La maladie du rond a été étudiée par divers savants (MM. Seurrat de la Boulaye, Prillieux, de Tristan, Duchalais, Société des agriculteurs de France). Ses causes et son processus sont aujourd’hui parfaitement connus. Elle est due uniquement à un champignon parasite de la famille des discomycètes, le Rhizina undulata, Fries. Ce saprophyte se développe dans le bois de l’arbre atteint, puis dans l’écorce. De celle-ci il émet au dehors des cordons rhizomorphiques qui se propagent dans le sol et vont contaminer les racines des arbres voisins, lesquels, envahis par le champignon, périssent à leur tour.

Le remède employé contre la maladie du rond consiste avant tout à abattre les arbres des qu’ils paraissent souffrir, puis, si le mal semble devoir s’étendre, à ouvrir un fossé continu dont on entoure la parcelle atteinte de manière à l’isoler du reste du peuplement. Ce procédé. usité depuis longtemps dans la région du pin maritime, est justifié par l’étude faite du champignon parasite, puisque le fossé a pour effet d’interrompre la communication des racines et par suite la propagation des filaments rhizomorphiques du mycélium. Pour ce motif, la profondeur du fossé est sa dimension principale ; elle doit être d’au moins 0m50, car il faut que toutes les racines traçantes des arbres soient tranchées ; la largeur importe peu. Dans les forêts de l’État, en Médoc. on donne aux fossés de mortalités 0m60 de profondeur, autant de largeur à la gueule et 0m20 au plafond ; ils coûtent 0fr.072 le mètre courant. Dans les bois communaux et particuliers, on se contente de fossereaux de 0m50 ou 0m60 de profondeur et d’une largeur uniforme de 0m25 environ, égale à celle de la bêche qui sert à les ouvrir ; conséquemment leurs parois sont verticales, et c’est un défaut. car elles sont sujettes à de fréquents éboulements qui bouchent le fossé et diminuent d’autant son efficacité. Il faut que les sables extraits du fossé soient rejetés sur le terrain circonscrit par lui, afin de ne pas risquer de contaminer le surplus du peuplement. La surface entourée par le fossé isolateur ne doit pas comprendre seulement la place sur laquelle les pins présentent les signes de la maladie, elle doit être plus vaste et embrasser, en plus de la mortalité même, la bande de terrain sur laquelle les arbres, bien que paraissant encore sains, peuvent être déjà attaqués par le parasite. Cette bande ne peut être déterminée qu’au jugé. Il vaut mieux la prendre trop large que trop réduite et exposer au mal quelques pins encore indemnes, plutôt que de voir la mortalité dépasser le fossé. Dans les dunes, il convient de tracer le fossé isolateur à 8 et même 10 mètres des pins reconnus malades.

Il est essentiel d’abattre les pins attaqués par le champignon, non seulement quand ils meurent, mais même avant et des qu’ils présentent des symptômes de dépérissement. Souvent l’abatage des arbres malades suffit à arrêter les séquées et rend un fossé inutile. Dans les forêts domaniales, on fait soigneusement procéder à cet abatage par les gardes ou les adjudicataires des coupes suivant les cas et cette précaution rend les grandes mortalités assez rares. Il n’en est pas de même dans certaines forêts des communes et des particuliers, où les mêmes soins ne sont pas pris.

Suivant M. Duchalais, ancien conservateur des Forêts, « il est indispensable de compléter le premier travail par un traitement au sulfate de cuivre à l’aide d’une solution contenant 10 kg. de sulfate dissous dans 100 litres d’eau… Les parois du fossé devront être arrosées de ce liquide, à raison d’un litre par mètre courant, et la même opération serait en même temps pratiquée sur une bande de 0m50 de large, tangente intérieurement au fossé et au préalable bien nettoyée de toute végétation. Dans ces conditions, le mal serait arrêté et toute trace de mycélium détruite. » (Rapport sur la maladie ronde des pins maritimes en Sologne. Comité central agricole de la Sologne, 1893). M. Duchalais recommande en plus l’exploitation complète avec arrachage de souches de tous les pins existant sur la parcelle contaminée.

Toutes ces opérations sont excellentes assurément, mais nous répétons que, dans les dunes, on peut se contenter d’abattre les pins dépérissants et, si la mortalité s’étend malgré cela, de la circonscrire par un fossé isolateur ouvert comme il a été dit plus haut. La plupart du temps ces mesures suffisent pour arrêter le développement du parasite.

Dans les Landes on emploie aussi, pour combattre la maladie du rond, un procédé qui consiste à enlever aux arbres que l’on croit atteints ou susceptibles de l’être, un anneau entier d’écorce à hauteur d’homme. L’opération se fait avec un ciseau ou une gouge ; on enlève toute l’écorce, de manière à interrompre toute communication entre les deux parties que sépare l’anneau circulaire ainsi creusé. La largeur de cet anneau importe peu. Il faut, bien entendu, ne pas blesser le liber ni la couche cambiale. Les résultats fournis par cette méthode dans les landes sont très discutables, et son efficacité, qui paraît fort douteuse, n’est pas à comparer avec celle du fossé. Ce procédé n’est guère pratiqué en Médoc.

Le Rhizina n’est pas le seul champignon parasite du pin maritime. Cette essence, suivant M. Raymond Brunet, en a d’autres qui appartiennent aux familles des urédinées, des basidiomycètes et des hystériacées. Les urédinées sont le peridermium pini, variété corticala (rouille du pin) dont on préviendrait le développement en arrachant dans les bois de pins tous les pieds de séneçon (senecio) et de dompte-venin (vincetoxicum), et le cœonia pinitorquum, contre lequel on ne connaît point encore de remède. La famille des basidiomycètes est représentée par l’agaricus melleus, les polyporus annones et vaporarius et le trametes pini. On combat les trois premiers par l’abatage des pins contaminés et l’ouverture d’un fossé de protection ; ils contribueraient avec le rhizina undulala à déterminer les mortalités. Le trametes pini ne se développe que sur les plaies faites aux arbres et atteignant le bois parfait ; on devra donc éviter de lésionner celui-ci pour prévenir l’invasion du parasite. Quant aux hystériacées, elles ne comprennent qu’une seule espèce, l’hysterium pinastri, qui s’installe sur les aiguilles et que l’on combat victorieusement au moyen de la bouillie bordelaise.

Les séquées détruisent un nombre assez grand de pins, sans cependant causer de dévastations, principalement dans les bois de l’État, ou on lutte activement contre la maladie. Ajoutons que si le parasitisme du rhizina et autres cryptogames similaires est la principale cause des séquées de pins maritimes, elle n’en est pas la seule, et que les chaleurs torrides de certains étés (tels ceux de 1893 et 1895) suffisent souvent à faire périr bon nombre d’arbres. Pendant les trois années 1893, 1894 et 1895, il a été abattu, sur 4059 hectares des forêts domaniales d’Hourtin et du Flamand, 2630 pins morts, ce qui donne un peu plus d’un par 2 hectares et par an.

Nous avons quelquefois trouvé dans les dunes des rameaux de pins ramassés en touffe courte et semblables aux balais de sorciers du sapin des Vosges. Nous n’avons jamais remarqué par contre sur les troncs, ni sur les branches, d’excroissance en forme de chaudron. Ces rares balais de sorciers sont-ils dus à 1'Œcidium elatinum ?

Traitement, éclaircies. — Le mode de traitement à appliquer au pin maritime est déterminé par la nature des produits qu’on en veut tirer et varie suivant ces produits. Dam les dunes, on cherche avant 3tout la résine et en second lieu seulement le bois. Delà se déduisent les dispositions à adapter pour l’exploitation des forêts des dunes, dispositions qui favoriseront le gemmage, et les seules que nous examinerons dans cette étude. La base en sera l’éclaircie. Quant à la façon de procéder à la régénération, c’est-à-dire au remplacement des vieux arbres par les jeunes, elle variera suivant l’étendue de la forêt et les besoins du propriétaire. Ou bien on fera une coupe a blanc étoc, abattant ensemble toute une parcelle de vieux bois pour laisser croître à leur place les jeunes semis produits naturellement pendant les dernières années, et, dans ce cas, la forêt se trouvera divisée en coupes Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/233 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/234 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/235 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/236 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/237 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/238 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/239 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/240 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/241 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/242 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/243 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/244 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/245 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/246 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/247 Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/248


Sentier sous bois
(zone littorale de Soulac)

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sur l’autre et soudées entre elles. À 2m50 au-dessus du sol, ce fût se bifurque en deux grosses branches que couronne une cime ovale de frondaisons très vigoureuses.