PoèmesImprimerie de l’Œuvre (p. 3-4).
Le blé  ►


Étude de nuages


De façon ou d’autre, la lumière s’est adaptée, pour poursuivre son chemin, au milieu épais qu’elle doit traverser ; c’est qu’elle en a tout d’abord subi la loi propre ; et il est bien probable que cette adaptation première lui permet, non d’éviter tous les chocs, mais d’y résister ; non d’échapper à tous les mouvements des particules à travers lesquelles elle voyage, mais de s’harmoniser à ces mouvements, de les respecter et d’en être respectée ; le rayon qui traverse le nuage n’est pas ainsi un étranger qui passe au plus vite, fuyant le danger : il a pris corps au passage dans la nuée ardente qui voile et révèle le soleil ; il en a été un moment l’âme splendide ; et, quand un reflet de pourpre s’allonge dans la plaine et gravit le coteau, ce n’est pas seulement un dernier regard du soleil qui s’en va, c’est aussi une pénétrante et mélancolique caresse de la nuée occidentale à l’horizon ami dont le souffle naissant du soir veut la séparer.

Voici, à mi-hauteur du ciel, un beau nuage dans un ciel pur. Le soleil va se coucher. Le nuage est blanc. À mesure que le soleil baisse, le nuage se revêt d’or ; puis il passe lentement au rouge, puis à une sorte de marron, puis à une sorte de violet, jusqu’à ce qu’il apparaisse noir et comme déchiqueté, dépouillé à la fois de tout éclat et de la forme admirable et douce dont cet éclat l’enveloppait…

Mais, au-dessus du nuage que vous regardiez tout à l’heure, voyez cet autre. Quand le soleil allait se coucher et de ses rayons rasait la plaine, le nuage trop haut restait sombre ; mais, à mesure que le soleil descend et que ses rayons, au lieu d’aller vers l’Orient dans leur course horizontale, se retirent lentement et frappent les hauteurs du ciel, le nuage, à peine atteint d’abord par la clarté, se nuance d’un gris roux, puis passe au marron, puis au rouge, puis se dore et s’illumine, jusqu’à ce qu’enfin sa blancheur légère semble s’élever plus haut encore dans les espaces supérieurs.