État des revenus du collège du Puy en 1792
ÉTAT DES REVENUS DU COLLÈGE DU PUY
en 1792.
Au moment où l’État fait pour l’instruction publique les plus grands sacrifices, réforme les programmes, élève sur tous les points du territoire des lycées et des écoles des deux sexes, il n’est pas inutile, ce nous semble, de jeter un regard sur le passé, d’étudier l’histoire de nos établissements scientifiques d’autrefois, et de rechercher quelles ressources étaient affectées à leur entretien et à leur fonctionnement.
Détenteur d’un document concernant le collège du Puy, document que nous nous proposons de déposer aux archives municipales de notre cité, nous avons cru devoir le publier en entier dans cette Revue, et nos concitoyens pourront, en le parcourant, y puiser des détails curieux sur les revenus attribués à cet établissement et sur les charges qui lui incombaient à l’époque de la Révolution.
Nous possédions déjà l’histoire de notre vieux collège due à la plume de M. Joseph Denais[1]. Cette monographie, écrite à l’aide de nombreuses pièces tirées de nos archives départementales, offre un vif intérêt et constitue un important travail.
Cet écrivain a analysé un acte de 1790, à peu près analogue au nôtre : mais il regrette que cet acte soit brusquement interrompu ou moment où allaient être énumérés, sommairement ou en détail, les volumes que renfermait alors la bibliothèque publique annexée au collège ; et, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, notre document, postérieur de deux ans à celui mentionné par M. Denais, comble les lacunes de l’acte précédente et nous fournit de précieuses indications.
Nous croyons être utile aux amis de notre histoire locale en livrant à l’impression l’état des revenus du collège du Puy en 1792, dressé par les officiers municipaux de cette ville et signé par eux, ce qui en établit l’authenticité.
Le collège du Puy a été fondé aux frais des habitans de cette ville par traité fait avec les ci-devant Jésuites, le 7 novembre 1588, confirmé par lettres-patentes du 30 avril 1767.
N. B. — La communauté des habitans de la ville du Puy accorda d’abord aux Jésuites un logement provisoire avec une pension de quatre mille livres par an. Ensuite elle acquit la propriété d’un quartier entouré de plusieurs rues, appelé l’Isle-du-Chambon, ainsi que les maisons comprimes audit quartier. Elle y fit construire, à ses frais et dépens, l’église et les bâtiments ci-après désignés et remit le tout aux Jésuites, exempt de charges du passé et de l’avenir et de tous droits d’amortissement et d’indemnités. La ville a continué de payer aux Jésuites une pension annuelle de mille livres jusqu’à ce que le collège ait été suffisamment doté par la réunion des bénéfices dont il est aussi parlé ci-après.
1o Les batimens qui composent la maison du collège sont situés en la ville du Puy, sur un emplacement élevé, en bon air et dans une position avantageuse. Ils consistent en deux quarrés d’une vaste étendue, qui renferment, l’un une cour, et l’autre un jardin, propres aux exercices du manège, des armes, etc. On trouve dans les deux corps de logis des appartemens suffisans pour loger un Principal, un Sous-Principal, trois professeurs et cinq régens (plusieurs autres professeurs pourroient encor s’y loger aisément), trois salles pour les assemblées publiques et particulières ou pour les exercices littéraires, plusieurs autres salles pour les études et les classes, un vaisseau de bibliothèque, un dépôt d’archives, une cuisine, un office, un réfectoire, des caves et greniers, un fruitier, une boulangerie, un dortoir où peuvent loger environ 80 pensionnaires, une chapelle intérieure et enfin une église extérieure avec une sacristie attenante.
2o Le mobilier de ladite maison consiste en meubles affixes ; environ 80 lits, armoires, buffet, tables, bancs, chaises, tableaux, tapisseries, batterie de cuisine, vaisselle de caves, ustenciles de boulangerie, linges de lit et de table, une horloge neuve.
N. B. — Tout le mobilier des Jésuites ayant été vendu en 1762 (sic), d’après les édits et arrêts les concernant, c’est sur les épargnes des revenus annuels que le bureau d’administration a trouvé des ressources pour l’acquisition de tout le mobilier qui est actuellement au collège à l’usage des maîtres et des pensionnaires.
3o Le mobilier de la sacristie consiste en cinq calices avec leurs patennes, deux ciboires, un soleil ou ostensoir, trois encensoirs, trois lampes, dix chandeliers, un Christ, deux paires de burettes, le tout en argent, douze chandeliers d’asquémie, quelques autres en letton et six en bois doré : finalement les linges et ornemens nécessaires pour le service solennel et privé d’une église où il y a habituellement huit à dix prêtres.
4o La bibliothèque, qui est ouverte au public certains jours de la semaine, a été formée des épargnes faites sur les revenus du collège en 1784. Le roi l’honora du don de son portrait et, depuis, l’a enrichie d’un grand nombre de volumes[2]. Cet établissement utile en lui même est d’une nécessité indispensable dans ce département, plus dépourvu que tout autre de ressources en ce genre. Le catalogue des livres déposés dans les archives et dont le double est entre les mains du bibliothécaire, consiste en 380 volumes in-fo., 820 in-4o, 200 in-8 et 200 in-12, ce qui fait en tout 1600 volumes. Le bureau d’administration, lorsque ses moyens le lui permettoient, consacroit annuellement une somme de 1200 livres à l’augmentation de cette bibliothèque.
La ci-devant terre et seigneurie d’Ours est située à un quart de lieue de la ville du Puy et sert de rendez-vous de promenade pour les pensionnaires du collège. Elle consiste dans les objets suivans :
1o Un ancien château, presque tout en ruines, où loge un garde-bois, et dont la maison, où se fait l’instruction des jeunes filles du lieu d’Ours fait partie.
2o Un autre château, qui est en meilleur état, quoique aussi en vétusté, consistant en plusieurs chambres ou salles, une cuisine, un réfectoire, des caves et greniers, une chapelle, une cour, un jardin et deux colombiers.
3o Le mobilier de cette maison de campagne consiste en une batterie de cuisine des plus simples, en vaisselle de fayance et de terre pour les pensionnaires et en linges de table et de cuisine.
4o À la ci-devant terre et seigneurie d’Ours étoit annexée la justice haute, moyenne et basse sur le territoire d’Ours : mais cette justice a été supprimée par les décrets de l’Assemblée Constituante.
5o Une rente en directe jointe à celle de la rue de la Chaussade, dans la ville du Puy, avec droit de lods et ventes, laquelle calculée sur une liève terrière faite en 1733 se porte aux quantités suivantes :
Froment |
37 | cartons. |
Seigle |
55 | — |
Avoine |
128 | ras. |
Fèves |
1 | carton. |
Pois |
4 | — |
Total |
225 | mesures. |
À quoi il faut ajouter quelques menus suffrages.
N. B. — Le carton, mesure du Puy, pèse, un grain dans l’autre, de trente six à trente huit livres.
Le ras est le nom qu’on donne à la mesure d’avoine dont la contenance est la même que celle du froment ou du seigle.
Toutes les mesures différentes des lieux où le collège a des biens, ont été réduites, à peu de chose près, à celle du Puy.
6o La dîme, dans une partie du lieu d’Ours, laquelle, suivant les comptes rendus par le précédent Principal du collège, ayant été perçue en nature, s’est portée, année commune, en différens grains, à 72 mesures.
Cette dîme est supprimée.
7o Un domaine consistant en batimens propres à loger un fermier, grange, écuries, avant-cour, prés, dans l’un desquels est un petit verger, et champs ou terres labourables.
8o Le mobilier du domaine consiste en grains de différentes espèces, charrues, charrettes, jougs, outils aratoires et quelque argent, le tout remis aux précédens fermiers et dont le fermier actuel est chargé par son bail, pour le rendre à la fin d’icelui.
Les bénéfices unis au collège sont les ci-devant prieurés de Polignac, Solignac, Bains, Montregard, situés dans le département de la Haute-Loire ; Macheville, Colombier-le-Jeune et Veyrines, situés dans le département de l’Ardèche.
Les biens dépendans de ces différens bénéfices consistent dans des maisons ci-devant prieurales, situées dans les lieux de Polignac, Solignac, Bains, Montregard, Macheville, Colombier-le-Jeune et la Louvée, dont Veyrines est une annexe : des prés, des terres labourables, deux vignes à Macheville, deux corps de domaines, l’un au lieu de Sallette, paroisse de Montregard, et l’autre à Mussic, paroisse de Solignac ; et des rentes en directe avec droits de lods et ventes dans chacun desdits ci-devant prieurés et leurs dépendances.
À chacun de ces mêmes bénéfices étoient jointes des dîmes, qui en faisoient le revenu le plus considérable, mais qui ont été supprimées.
Les justices haute, moyenne et basse de Montregard et Macheville, ont été également supprimées, ainsi que les droits de patronage de douze prieurés-cures.
Tous les revenus, fonds et batimens dépendans desdits bénéfices, furent affermés par bail du 17 mai 1784, pour six années, moyennant le prix de 34 200 livres, savoir, pour
Postérieurement à la suppression des dîmes et par bail passé le 4 avril 1791, les revenus, fonds et bâtimens dépendans des mêmes bénéfices, ont été affermés pour trois années, moyennant pour chaque année les prix suivans :
Montregard |
856l | » | ||
Polignac. |
3 094 | » | ||
Solignac. | ||||
Bains. | ||||
Macheville. |
2 400 | » | ||
Veyrines. | ||||
Colombier-le-Jeune. | ||||
Ce qui fait pour le tout |
6 350l | » | ci 6 350l » |
Sur laquelle somme il convient de déduire le cinquième des rentes attachées à chaque bénéfice. Pour fixer ce cinquième, on a relevé le montant de chaque rente, avec le plus d’exactitude qu’il a été possible, et prenant chaque mesure sur le pied de quarante sols, on a formé le résultat qui suit :
Polignac. — Rente 385 mesures. Prix 770 l. Cinquième |
154l | »s | 838l | 16s | |
Solignac. — Rente 502 mesures. Prix 1004 l. Cinquième |
200 | 16 | |||
Bains. — Rente 155 mesures. Prix 310 l. Cinquième |
62 | » | |||
Montregard. — Rente 157 mesures. Prix 314 l. Cinquième |
62 | 16 | |||
Veyrines, Macheville et Colombier-le-Jeune. Les rentes n'ont pu être déterminées que par aperçu à 898 mesures, dont le prix est de 1 796 l. et le cinquième de cette somme est de |
359 | 4 | |||
Le montant du cinquième des rentes des différens prieurés est de 838 l. 16 sols, dont la déduction étant faite sur le prix actuel des baux, le revenu actuel desdits prieurés ne reste que pour la somme de 5 511 l. 4 s., ci |
5 511l | 04s |
1o Sur les domaines nationaux, un capital de 8 150 l., aux intérêts de |
162l | 12s |
2o Un autre capital de 3 762 l. 10 s., aux intérêts de |
75 | 5 |
3o Sur le ci-devant diocèse du Puy, un capital de |
180 | » |
4o Sur le ci-devant domaine de la ville de Paris, un capital de 5 000 l. aux intérêts de |
250 | » |
5o Autre capital de 1 500, aux intérêts de |
250 | » |
6o Divers capitaux sur particuliers qui s’élèvent à la somme totale de 7 794 l. aux intérêts de |
364 | 14 |
Total des rentes |
1 107l | 11s |
Sur quoi déduisant le cinquième étant de |
221l | 10s |
Le montant desdites rentes reste pour la somme de |
886l | 1s |
Ours |
2 296l | »s |
Bénéfices unis |
5 511 | 4 |
Rentes constituées |
886 | 1 |
Total des revenus actuels du collège du Puy |
8 693l | 5s |
1o Contribution mobiliaire, ci |
Mémoire. | |||
2o Contribution foncière, ci |
Mémoire. | |||
3o Rente à M. Monbel, sur quelques fonds à Polignac, année commune, déduction faite du cinquième |
5 l | » s | ||
4o Rente constituée au profit de la paroisse de
Montregard, au capital de 1 200 l., aux intérêts de 60 livres, pour acquit d’une mission de cinq ans en cinq ans, ci |
60 | » | ||
5o Rente constituée au profit de l’œuvre du Bouillon, au capital de 3 000 l., aux intérêts de 150 l., ci |
150 | » | ||
6o Par l’article 3 des lettres-patentes du 30 avril 1767, portant confirmation du collège du Puy, les honoraires du Principal, du Sous-Principal, des professeurs et régens ont été fixés de la manière suivante : |
||||
Au Principal |
1 200l | »s | ||
Au Sous-Principal et à chacun des professeurs de philosophie et de rhétorique, 1 000 l., ce qui fait pour les quatre |
4 000 | » | ||
Au régent de seconde |
800 | » | ||
Aux régens de troisième et de quatrième, 700 l. chacun, ci |
1 400 | » | ||
À ceux de cinquième et de sixième, 600 l. chacun, ci |
1 200 | » | ||
Le bureau d’administration ayant été formé en éxécution de l’édit du mois de février 1763, et étant entré en possession des biens qui avoient appartenu aux Jésuites, en éxécution des lettres-patentes du 30 avril 1767, fut déterminé, quelques années après son administration, par des considérationslocales, à porter les honoraires du Principal, du Sous-Principal, des professeurs et régens, aux sommes suivantes : |
||||
Principal |
2 000l | » | ||
Sous-Principal |
1 200 | » | ||
Professeur de philosophie donnant leçon au séminaire |
800 | » | ||
Professeur de rhétorique |
1 200 | » | ||
Régens de seconde |
1 000 | » | ||
— troisième |
900 | » | ||
— quatrième |
900 | » | ||
— cinquième |
800 | » | ||
— sixième |
800 | » | ||
7o Les honoraires des officiers du collège ont été fixés, savoir : |
||||
Au secrétaire du bureau |
200 | » | ||
Au bibliothécaire |
240 | » | ||
Au receveur |
800 | » | ||
8o Les gages des domestiques ont été fixés, savoir : au portier |
200 | » | ||
Au correcteur |
120 | » | ||
Au garde-bois d’Ours, 60 l. en argent et deux cartons seigle par mois, ce qui fait, année commune, pour le tout |
128 | » | ||
9o Les pensions actuelles de MM. les émérites sont : |
||||
À M. Pouderoux, ancien Principal |
400 | » | ||
À M. Malosse, ancien professeur de rhétorique |
400 | » | ||
À M. Portal, ancien professeur |
400 | » | ||
À M. Périer, ancien régent |
400 | » | ||
À M. Arnaud, ancien régent |
350 | » | ||
À M. Reynaud, ancien régent |
300 | » | ||
10o Entretien de la sacristie du collège, des bâtimens de ladite maison et de l’horloge, ci |
Mémoire. | |||
11o Frais d’impression, ci |
Mémoire.
| |||
12. Cérémonies ordinaires, telles que retraite des écoliers, fêtes annuelles, distribution des prix, etc., ci |
Mémoire. | |||
13o Réparations aux châteaux et batimens d’Ours, ci |
Mémoire. | |||
14o Grosses réparations aux maisons ci-devant prieurales de Polignac, Solignac, Bains, Montregard, la Louvée, Macheville, Colombier-le-Jeune, et fonds dépendans desdits ci-devant prieurés, ci |
Mémoire. | |||
15o Charges accidentelles, telles que frais de voyage, de messages, de procédures, de renouvellement de baux, ports de lettres, etc., ci |
Mémoire. | |||
16o Charges extraordinaires, telles que les cas fortuits, les indemnités prétendues par les fermiers, les
réjouissances publiques, les funérailles des personnes en place, etc., ci |
Mémoire. | |||
17o Les dettes exigibles ou prétendues telles par quelques particuliers, notamment par MM. Barthélemy,
avoué, Marnas de Montfaucon, Nogier et Sauzet, ci-devant fermiers, et Chappuis, aussi ci-devant fermier, ci |
Mémoire. |
Les charges tirées hors de lignes s’élèvent à la
somme de |
13 753l | »s | |
Les charges en mémoire exigent une somme qui soit au moins les deux tiers de la précédente |
9 169 | » | |
Total des charges |
22 922l | »s | |
Cependant les revenus actuels ne se portent qu’à la somme de |
8 693l | »s | |
Les charges excédent donc les revenus de la somme de |
14 229l | »s |
N. B. — Il résulte de ce tableau que le collège, par la suppression des dîmes, perd sur ses revenus la somme de 27 994 livres, chaque année : en sorte que, depuis cette suppression, le bureau d’administration auroit été embarrassé pour payer les honoraires, gages et pensions des personnes attachées audit collège, s’il ne se fût trouvé en caisse quelque somme provenue de ses épargnes : mais cette ressource étant aujourd’hui épuisée, il sera obligé désormais d’avoir recours à la caisse du district, de conformité aux décrets, afin de pouvoir continuer l’enseignement.
Entier cadet, off. mpal ; J.-B. Avit, off. mpal ;
Lepage, off. mpal.Vu par nous administrateurs composans le directoire du district du Puy, et envoyé copie certifiée au directoire du département, le 25 juillet 1792.
Johanni ; J.-L.-M. Liogier ; Marthory ; Gaubert,
sre en chef.
- ↑ Recherches historiques sur le collège du Puy en Velay, 1570-1791, par M. Joseph Denais. Paris. Dumoulin, 1876, in-8. (Extrait des Tablettes historiques du Velay, année 1875-1876.)
- ↑ Parmi les ouvrages dus à la munificence royale nous citerons les suivants :
Conciliorum omnium generalium et provincialium collectio regia. Parisiis, e
typogr. regia. 1644. 37 vol. in-fol.
Chaque volume, aux armes de France, est relié en veau fauve et doré sur tranches.
Opere del signor abate Pietro Metastasio. In Parigi, presso la vedova Hérissant 1780-1782. 12 vol. in-8o. Même reliure que le précédent, moins les armes de France sur les plats.
Histoire de la maison de Bourbon. par Désormeaux. Paris, imprim. roy. 1772-1788. 5 vol. in-4o.
Histoire naturelle générale et particulière… par Buffon. 1749-1783. 34 vol. in-4o.