Épitres (Horace, Leconte de Lisle)/I/13
Traduction Leconte de Lisle, 1873
Comme je te l’ai recommandé à ton départ,
souvent et longtemps, Vinius, remets ces volumes
cachetés à Augustus, s’il se porte bien, s’il est
content et enfin s’il les demande. Ne pèche pas
par trop de zèle pour moi ; ne donne pas, par
importunité, de haine contre mes écrits, et ne traite
pas brusquement mes affaires. Si, par hasard, la
charge de mes papiers te semble lourde, jette-la,
et dépose ton bât, plutôt que de la porter de mauvaise grâce à son adresse, de faire rire en rappelant
ton surnom paternel d’Asina et d’être la fable de
tous. Use de tes forces dans les pentes, les fleuves et
les fondrières ; et, dès que tu seras victorieusement arrivé, veille sur ton fardeau et ne porte point
mon rouleau de livres sous l’aisselle, comme un
campagnard son agneau, comme l’ivrognesse Pyrrhia les pelotons de laine dérobée, ou comme un
convive de la dernière classe ses sandales et son
bonnet. Ne conte pas à tout le monde que tu as
sué en portant des vers qui peuvent charmer les
yeux et les oreilles de Cæsar. Si on t’adresse mille
prières, sois ferme. Va, porte-toi bien, crains de
tomber et de casser ce qui t’est confié.