Épitres (Horace, Leconte de Lisle)/I/12

1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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Épitre XII. — À ICCIUS.


Si tu sais jouir des biens que tu recueilles, Iccius, sur les terres Siculiennes d’Agrippa, il n’appartient point à Jupiter de te prodiguer une plus grande abondance. Cesse tes plaintes. Il n’est point pauvre celui qui a de quoi vivre. Si ton estomac, ta poitrine et tes pieds sont en bon état, les richesses royales ne pourront ajouter rien de mieux à cela.

Si, par hasard, au milieu de tant de biens, tu vis d’herbes et d’ortie, sans boire de vin, tu vivras toujours de même, la Fortune dût-elle t’inonder de ses flots d’or : soit parce que la richesse ne change point la nature, soit parce que tu mets la vertu au-dessus de tout.

Nous nous étonnons que les troupeaux ravagent les champs et les moissons de Démocritus, pendant que son esprit vagabonde hors de son corps, lorsque toi, au milieu de la lèpre et de la contagion générale du gain, ne songeant à rien de vulgaire, tu as le souci des choses sublimes : quelles causes enchaînent la mer, d’où vient la douceur de l’année, si les étoiles errent et vagabondent d’elles-mêmes ou obéissent à un ordre, ce qui cache l’orbe obscurci de la Lune et le montre de nouveau, quelle volonté et quelle puissance produisent la concorde des choses opposées, si Empédoclès est en délire, ou Stertinius.

Mais, soit que tu manges des poissons, des poireaux ou des oignons, traite bien Pompéius Grosphus, et, s’il te demande quelque chose, fais-le volontiers. Grosphus ne te demandera rien que de juste et de raisonnable. Une provision d’amis est aisée à faire, quand tout manque aux hommes de bien.

Cependant, de peur que tu ignores où en est la fortune Romaine, le Cantabre a été dompté par le courage d’Agrippa, et l’Arménien par celui de Claudius Néro ; Phraatès a subi à genoux le joug et les lois de Cæsar, et l’Abondance dorée répand sa pleine corne de fruits sur l’Italia.