Épisodes, Sites et Sonnets/Sponsalia

Épisodes, Sites et SonnetsLéon Vanier (p. 61-65).

SPONSALIA

Dès la fauve clarté d’un midi nuptial,
Vers les parvis jonchés éclate un chant de fête
Sacrant l’avènement du jour initial
Où meurt tout un passé sur qui la nuit s’est faite.

Les hymnes triomphaux redits à pleine gorge
Se taisent et le soir qui saigne aux horizons
S’attriste du sanglot d’un rêve qu’on égorge,
Holocauste dernier aux vaines déraisons ;

La Noce foule et fane en la route bénie
Les fleurs d’un autre Avril qui fut une autre Vie
Morte à jamais avec ses affres ou sa joie ;

Et sur l’Escalier où le cortège se range,
D’un geste langoureux la Fiancée octroie
Sa main à l’anneau, lourd de quelque pierre étrange.

SPONSALIA

Sur la fête d’un soir d’aromates et d’Anges,
Porteurs de glaives d’or et de robes étranges
Qui flottent sur le ciel étoilant leurs lents plis
Mouillés par la rosée abondante des lis
Par qui s’embaume le silence des vallées,
Souffle l’aile d’un vol de plumes étalées…

Ce songe d’âme triste et lasse de la chair
Des corps charmants et des lèvres, par qui l’éclair
Ingénu du baiser propage ses délices,
Et de l’adieu fatal des blondes Bérénices

Dont les charmes sont les sourires enfantins
Et leurs parures de joyaux et leurs yeux teints
Du fard de quelque mode invincible et barbare
Mais dont toujours la Loi cruelle nous sépare !
Ce songe d’une Fête vague dans un soir
Empli d’ailes mouvant des parfums d’encensoir
Et d’Anges blancs, porteurs de palmes et d’épées,
Droits en l’étoilement de leurs robes drapées,
En ce cri d’Hosannah s’achève pour jamais…

L’écho vibre de tes paroles et tu mets
Entre mes mains tes mains à qui nul ne résiste
Pour qu’à tes doigts l’anneau d’argent où l’améthyste
Enchâsse son éclat vespéral et fané
Atteste l’éternel amour qui s’est donné
À toi, l’Élue, en ce rite d’Épithalame,
À toi qui veux de mon amour et sais mon âme
Et crois à ce serment qui pleure à tes genoux,
Épris de l’or mystérieux des bandeaux roux
De ton front parfumé d’un miel de chevelure
Où l’arôme des fleurs se mêle à la brûlure
Des blonds soleils sombres au delà de la Mer,
Et de ta bouche lasse encor d’un sort amer


Dont l’emblème à tes pieds séjourne avec ton ombre :
Ô soir à quel Destin ta fête nous dénombre !
Les myrtes nuptiaux ont jonché les parvis
Et l’ostensoir s’allume en diamants ravis
Aux trésors déterrés des Grottes prismatiques,
Et sur le haut vitrail planent les vols mystiques,
Courbant les lis frôlés du nu de leurs talons,
Des Anges vêtus d’or, porteurs de glaives longs
Au pommeau rehaussé par des perles bossues
Et de robes qu’un ciel d’Étoiles, aperçues
En leurs scintillements de clartés et d’exils
Et leurs gouttes de feux palpitants et subtils,
Par les trous dont le Temps a criblé les verrières,
Constelle de points d’or et pique de lumières.