Épîtres (Voltaire)/Épître 99

Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 10 (p. 391-392).


ÉPÎTRE XCIX.


À MONSIEUR DE CHABANON,
QUI, DANS UNE PIÈCE DE VERS, EXHORTAIT L’AUTEUR À QUITTER L’ÉTUDE DE LA MÉTAPHYSIQUE POUR LA POÉSIE.


27 auguste 1766.


Aimable amant de Polymnie,
Jouissez de cet âge heureux
Des voluptés et du génie[1] ;
Abandonnez-vous à leurs feux :
Ceux de mon âme appesantie
Ne sont qu’une cendre amortie,
Et je renonce à tous vos jeux.
La fleur de la saison passée
Par d’autres fleurs est remplacée.
Une sultane avec dépit,

Dans le vieux sérail délaissée,
Voit la jeune entrer dans le lit
Dont le grand-seigneur l’a chassée.
Lorsque Élie était décrépit,
Il s’enfuit, laissant son esprit
À son jeune élève Élisée,
Ma muse est de moi trop lassée ;
Elle me quitte, et vous chérit ;
Elle sera mieux caressée.



  1. Chabanon avait alors trente-six ans.