Éloge funèbre de saint Mélèce/Argument analytique


Traduction par Édouard Sommer.
Librairie de L. Hachette et Cie (p. 1-3).

ARGUMENT ANALYTIQUE

DE L’ÉLOGE FUNÈBRE DE SAINT MÉLÈCE


PAR SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE.




Saint Mélèce naquit dans la Mélitène, province de l’Arménie. L’an 357, il fut élu évêque de la ville de Sébaste, et il devint, en 361, patriarche d’Antioche. Les ariens triomphants le déposèrent ; Julien l’Apostat le remit en possession de son siége pour l’exiler peu de temps après ; Jovien le rappela en 363, mais Valens le bannit de nouveau l’année suivante. Enfin Gratien lui rendit son siége en 378, et il l’occupait paisiblement, lorsque, au mois de mai de l’an 381, l’empereur Théodose, voulant sanctionner le triomphe de la foi de Nicée sur l’hérésie d’Arius, convoqua à Constantinople un concile œcuménique, auquel se rendirent cent cinquante évêques.

Saint Mélèce, célèbre par sa piété et par les luttes qu’il avait soutenues contre les ariens, présida les premières séances du concile ; mais il mourut au bout de peu de temps, l’année même, de fatigue et de vieillesse, quelques jours après l’installation de saint Grégoire de Nazianze sur le siége archiépiscopal de Constantinople. On lui fit à Constantinople des funérailles magnifiques, auxquelles Théodose voulut assister, et pendant lesquelles plusieurs évêques prononcèrent successivement son oraison funèbre. Le discours de saint Grégoire de Nysse est le seul qui soit parvenu jusqu’à nous. Mais cinq ans plus tard, lorsque les restes de saint Mélèce furent transportés à Antioche pour être placés dans l’église même qu’il avait fait bâtir en l’honneur de saint Babylas, saint Jean Chrysostome prononça, en présence de la ville entière, un panégyrique qui nous a été conservé, et qu’on peut utilement rapprocher de celui de saint Grégoire de Nysse.

Les deux Églises d’Orient et d’Occident ont placé Mélèce parmi leurs saints.

Le discours de saint Grégoire de Nysse nous apprend peu de chose de la vie de saint Mélèce ; il est presque tout entier consacré à l’expression éloquente des regrets des évêques et de la désolation future de l’Église d’Antioche. Dans toute autre oraison funèbre, ce serait là un défaut capital, car on est porté à s’intéresser aux grands événements, sinon aux moindres particularités, de la vie de celui dont on entend prononcer l’éloge, et d’ailleurs le portrait de celui qui n’est plus, le récit de ses actions, sont la justification des regrets que l’orateur accorde à sa mémoire. Ici, au contraire, il faut louer saint Grégoire de cette réserve qui nous prive de détails précieux ; avant lui, le même jour, deux autres évêques avaient prononcé l’éloge du saint. Prenant la parole immédiatement après eux, saint Grégoire devait s’abstenir de recommencer l’histoire de sa vie ; il devait craindre de fatiguer ses auditeurs par la répétition inutile de choses aussi présentes à leur mémoire.

I. C’est au moment où l’Église est menacée par l’hérésie qu’elle perd son défenseur et son guide le plus sûr. À la joie qui régnait naguère dans une cérémonie touchante a succédé tout à coup une sombre tristesse.

II. Les Égyptiens, aux funérailles de Jacob, pleurèrent avec les enfants du patriarche ; que les chrétiens de Constantinople pleurent Mélèce avec leurs évêques.

III. Mélèce avait les vertus de Job ; jaloux du bonheur de l’Église, l’ennemi du genre humain n’a pas voulu la laisser jouir d’un chef si digne.

IV. L’orateur déplore le sort de l’Église d’Antioche, veuve de son pasteur. Antioche avait envoyé une arche d’alliance ; on lui rend un cercueil.

V. Tendresse de l’Église d’Antioche pour son évêque : le défenseur de la foi, persécuté par les hérétiques ariens, est obligé de fuir, elle lui reste cependant fidèle. Pureté et autorité de la parole de saint Mélèce.

VI. L’Église ne peut pas se consoler comme se consola jadis le peuple d’Israël, qui, perdant Élie, conservait Élisée. Aussi les lamentations de Jérémie ne donnent-elles encore qu’une faible idée des gémissements qui vont éclater de toutes parts, quand Antioche saura la funeste nouvelle. Mais cependant Mélèce n’est pas mort, il est toujours au milieu de ses frères, il intercède pour eux, et son âme, affranchie des liens du corps, voit Dieu face à face.

VII. Que ceux qui vont transporter le corps de Mélèce à Antioche consolent les fidèles affligés en leur répétant ce qu’ils ont entendu, en leur disant à quel spectacle imposant ils ont assisté, et avec quelle vénération les chrétiens se sont empressés autour des dépouilles du saint évêque.