Traduction par Pierre de Nolhac.
Garnier-Flammarion (p. 20-21).

VIII. — Si vous demandez où je suis née, puisque aujourd’hui la noblesse dépend avant tout du lieu où l’on a poussé ses premiers vagissements, je vous dirai que ce ne fut ni dans l’errante Délos, ni dans la mer aux mille plis, ni dans des grottes azurées, mais dans les Îles Fortunées où les récoltes se font sans semailles ni labour. Travail, vieillesse et maladie y sont inconnus ; on ne voit aux champs ni asphodèles, ni mauves, ni scilles, lupins ou fèves, ni autres plantes communes ; mais de tous côtés y réjouissent les yeux et les narines le moly, la panacée, le népenthès, la marjolaine, l’ambroisie, le lotus, la rose, la violette, l’hyacinthe, tout le jardin d’Adonis. Naissant dans de telles délices, je n’ai point salué la vie par des larmes, mais tout de suite j’ai ri à ma mère. Je n’envie point au puissant fils de Cronos sa chèvre nourricière, puisque je m’allaitai aux mamelles de deux nymphes très charmantes : l’Ivresse, fille de Bacchus, et l’Ignorance, fille de Pan. Reconnaissez-les ici, dans le groupe de mes compagnes. Je vais vous présenter celles-ci, mais, par ma foi, je ne les nommerai qu’en grec.