La Compagnie de Publication de la Revue Canadienne (p. 81-83).


XV


Cette jeune femme, qui avait été l’une des reines de l’élégance, eut alors à se plier à toutes les exigences d’une vie étroite et dépendante.

Levée avant le jour, tandis que ses enfants reposaient encore, elle allait entendre la messe à l’église Saint-Pierre. Toute la journée était employée aux soins domestiques ou à l’enseignement.

Le soir venu, Mme  Seton ouvrait son piano et faisait danser et chanter ses enfants : c’était sa seule récréation ; et, quand les petits étaient endormis, elle travaillait à leurs vêtements.

À la date du 2 octobre 1805, elle écrivait à Antonio Filicchi :

« Ma conscience me reproche réellement, mon cher Antonio, de ne vous avoir pas encore écrit à Boston, comme vous me l’aviez demandé. Pour vous dire la pure vérité, j’ai été si occupée à préparer des vêtements d’hiver pour mes enfants, que l’heure que je voulais employer à écrire au meilleur des frères a toujours été prise d’une manière ou d’une autre. Je travaille pourtant jusqu’à minuit, et quelquefois jusqu’à une heure du matin. Si vous pouviez imaginer quelle occupation c’est de raccommoder et retourner ces vieilleries, pour en faire quelque chose de bon. »

La fière nature d’Élisabeth se révoltait parfois contre les assujettissements et les humiliations de sa vie. C’était l’occasion d’une lutte d’autant plus méritoire qu’elle était plus obscure. Du reste, chaque jour ajoutait à sa paix, et la sainte communion lui était une source inépuisable de joie.

« Qu’elle est douce, écrivait-elle dans son journal, qu’elle est douce la présence de Jésus ; qu’elle a de consolations pour l’âme accablée, languissante ! elle apporte une soudaine paix ; elle est un baume à toute blessure. Ô céleste bonheur ! ô délices au delà de toute expression…

« Qui sera mon refuge maintenant ? C’est Jésus !… Jésus, que je trouve partout… jusque dans l’air que je respire. Oui, partout ; et dans ce sacrement, sur cet autel, aussi actuellement, aussi réellement présent que mon âme est présente à mon corps ; et aussi dans ce saint sacrifice, offert maintenant, chaque jour, comme il a été offert un jour sur le Calvaire. Miséricordieux Sauveur, rien se peut-il comparer à notre bonheur et à vos bienfaits ? Adoré Seigneur, augmentez ma foi, perfectionnez-la, couronnez-la. Elle est votre propre don ; et le plus cher de tous, le plus précieux ! Après m’avoir tirée de l’abîme, portée dans vos bras à votre bercail, gardez-moi dans vos doux pâturages et conduisez-moi vers la demeure éternelle. »

« Jésus est donc là, nous pouvons aller à Lui, le recevoir, il nous appartient ! Nous pourrions méditer cette pensée et l’approfondir pendant l’éternité, que nous n’en saisirions pas encore la réalité, si ce n’est par notre foi. Il est là ! pensée céleste, vérité certaine !…

« Disons sans cesse son nom d’amour, comme un ravissant murmure. Il nous gardera des bruits discordants qui se font autour de nous. Le reste ne se peut exprimer. L’harmonie du ciel commence pour nous quand le silence se fait sur tout ce qui est du monde, et que nous disons et redisons encore : « Jésus, Jésus, Jésus ! »

« Hélas ! combien l’appellent par son adorable nom, tandis qu’ils vont le chercher là où il ne réside pas ; ne voulant pas le reconnaître ici, sur son autel.

« Qui de nous, ayant goûté, ne fût-ce qu’une fois, combien le Seigneur est doux dans son sacrement et dans son véritable sanctuaire ; qui de nous, ayant trouvé le pain qui alimente son âme, la force qui soutient son travail, l’hostie de sa propitiation et de ses actions de grâces, son espérance, son refuge, pourrait penser sans angoisse à ce culte dépouillé, dépourvu de consolation, auquel sont réduits ceux qui ne connaissent pas le trésor de notre foi ? Triste culte, fondé sur des mots dont ils n’ont rien pris que l’ombre ; tandis que nous jouissons de la substance adorable, dans le plus intime de nos cœurs. Culte glacé, quand on le compare avec les délices de notre oblation de chaque jour, dans laquelle Jésus intercède pour nous ! »

« Ô mon âme, lorsque la nature infirme succombe, lorsque nous sommes lasse de nous-même, affaiblie de tous côtés, découragée par des rechutes continuelles, accablée de soucis et de tristesse, venons tout mettre à ses pieds avec suavité et douceur. Réconciliée, encouragée par celui qui le représente sur la terre, tremblante toutefois, et pénétrée du sentiment de nos imparfaites dispositions, approchons-nous de la source de toute grâce !… Adoration, gratitude, amour, joie, paix, contentement céleste ! »