Éléments de physiologie

Œuvres complètes de Diderot, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierIX (p. 235-440).
ÉLÉMENTS
DE
PHYSIOLOGIE
1774-1780
(inédit)

NOTICE PRÉLIMINAIRE


Le Rêve de d’Alembert (tome II) est l’exposé synthétique des idées que s’était formées Diderot sur la nature des êtres et sur l’essence même de la vie, par la lecture des œuvres des médecins de son temps, par ses conversations avec eux, par l’assiduité avec laquelle il avait suivi la plupart des cours scientifiques qui se faisaient alors. Il connaissait le mot de Descartes : « Si l’espèce humaine peut être perfectionnée, c’est dans la médecine qu’il faut en chercher les moyens. » On verra dans la Question d’anatomie et de physiologie, que nous publions à la suite de cette notice, combien il fut toujours préoccupé par ces sujets d’une si grande importance et à quels hommes il s’adressait pour obtenir des réponses catégoriques. Bordeu, Petit, n’étaient pas les premiers venus. Il avait parmi les collaborateurs de l’Encyclopédie d’autres savants d’une égale valeur. De plus il lisait la plume à la main tous les livres qui lui parvenaient, et il en tirait ce qui pouvait l’éclairer dans ses recherches. Ce sont ces notes, intitulées Éléments de physiologie, qui forment un volume in-4o de la collection des manuscrits de la bibliothèque de l’Ermitage, que nous publions aujourd’hui pour la première fois.

Elles sont certainement de dates et de provenances fort diverses. Nous croyons cependant qu’elles ont été réunies pendant le séjour de Diderot en Hollande et qu’elles ont subi seulement quelques additions pendant les dernières années de la vie du philosophe. Il y parle souvent en effet de la Hollande en disant : Ici ; cependant nous trouvons un passage où, après avoir parlé des ennuis de la vieillesse, et pour le vieillard lui-même et pour ses entours, il ajoute : « J’avais soixante-six ans quand j’écrivais cela. » Il y est en outre parlé de l’Histoire de la chirurgie de Peyrilhe, qui ne fut achevée qu’en 1780 ; on ne s’étonnera donc pas des dates 1774 et 1780 que nous réunissons sur le titre de ces Éléments.

Ce caractère de notes, prises au jour le jour et rassemblées à la hâte, fait de cet ouvrage tout autre chose qu’un traité didactique. Les répétitions y abondent. Il s’y glisse à chaque instant des réflexions personnelles. Diderot soulève des objections qu’il ne résout pas ; il se sert de formules abrégées, supprimant verbes, articles et tout ce qui allongerait son travail. Il lui suffit de poser des jalons. Le lecteur aura besoin sans doute de quelque complaisance pour le suivre, mais il aura le spectacle du Diderot assis, on nous permettra cette image, du Diderot cherchant à s’assimiler ses lectures et préparant le Diderot debout, le Diderot orateur comme tant de ses panégyristes et de ses ennemis se sont plu à nous le montrer.

Le manuscrit est précédé d’une Lettre qui accompagnait une rédaction nouvelle (et perdue) du Rêve de d’Alembert. On remarquera, dans cette lettre, une nouvelle affirmation des opinions de Diderot sur certains points de morale très-controversés, du genre de celui qui fait le sujet de l’Entretien d’un père avec ses enfants. La distinction qu’il établit entre la morale spéculative et la morale pratique ne devra point être négligée lorsqu’il s’agira de juger en lui le moraliste.

Nous devons aller au-devant du reproche qui nous sera peut-être fait de n’avoir pas, comme c’était de principe au siècle dernier et au commencement de celui-ci, fait subir à cet ouvrage un bout de toilette préalable avant de le présenter au public. Il nous a paru qu’il intéresserait davantage dans son laisser-aller, et qu’outre le mérite de donner l’état de la science physiologique à la fin du xviiie siècle, on serait heureux d’y trouver, dans une première et naïve expression, des vues sur les êtres contradictoires et sur les doctrines transformistes qui ont fait depuis lors le chemin que l’on sait.

Nous ne garantissons en aucune façon les chiffres, les théories ou même les faits relevés par Diderot. Il a dit ce qu’on croyait de son temps, et, dans les cas où il s’est trompé, c’est avec tout le monde. Et d’ailleurs, ce que nous avons corrigé des erreurs de nos devanciers, à quoi le devons-nous ? A l’emploi de plus en plus étendu et de mieux en mieux raisonné de la méthode expérimentale, que Diderot a tant contribué à faire triompher.

QUESTION D’ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

A MONSIEUR PETIT

Voici, monsieur et cher docteur, ce que je vous prie de faire pour moi.

Imaginez un grand fainéant de l’âge de vingt-cinq ans ; il n’a jamais rien fait, aussi a-t-il les formes extérieures de la proportion la plus rigoureuse, telles qu’elles se trouvaient au bout du crayon de Raphaël.

Ce fainéant-là songea un jour à prendre un état, et il se fit assommeur de grands chemins à la manière d’Hercule.

Le voilà donc s’armant de la massue. Je voudrais que vous me dissiez quelle altération est survenue dans son organisation extérieure, à partir des bras, qui ont fatigué les premiers, jusqu’à l’extrémité de son corps ou le bout de ses pieds, et que vous me marquassiez quelles sont les parties de son corps qui ont le plus et celles qui ont le moins souffert de son violent exercice. Vous irez donc des poignets aux bras, des bras aux épaules, au cou, à la tête, au dos, à la poitrine, aux reins, au bas-ventre, aux cuisses, aux jambes, aux pieds ; plus vous détaillerez, mieux cela sera. Un mot aussi des mouvements de l’âme sur les parties du visage, et de l’action des viscères intérieurs sur les parties extérieures.

Voilà le sujet de votre première lettre.

Quand ce fainéant-là eut été quelque temps assommeur de grands chemins, il se dégoûta de son métier, il aima les bons repas, il devint crapuleux, apoplectique. Mêmes questions : les progrès successifs de la longue crapule sur son organisation extérieure. Sujet de votre seconde lettre.

Ensuite il devint ou jaloux ou envieux. Je vous demande les progrès successifs de la passion sur son organisation extérieure.

A l’âge de quarante-cinq ou cinquante ans, soit par accident, soit par vice maladif, il devint boiteux ou bossu. En partant de sa jambe tortue ou de sa bosse, le centre de la difformité, comment les effets de cette difformité se sont-ils répandus sur toute sa personne ?

En conséquence, j’aurai par degrés successifs les effets d’une condition, d’une maladie, d’une passion et d’une difformité sur les organes extérieurs d’une figure originellement de la plus parfaite régularité.

Et puis, si vous avez encore un peu de courage, vous me direz un mot de la conformation extérieure propre à l’enfance, à l’adolescence, à l’âge viril, à la vieillesse et à la décrépitude.

En conséquence, j’aurai les matériaux d’un discours académique pour Pétersbourg, où je me proposerai de démontrer aux artistes qu’ils ont besoin d’une connaissance de l’anatomie beaucoup plus que superficielle, et qu’il n’y a presque aucune de leurs figures qui, regardée par un œil physiologique, ne fût remplie d’incorrections et de défauts.

Il faut, mon cher docteur, que vous vous prêtiez à cette corvée en ma faveur. Ne vous gênez ni pour l’ordre, ni pour le style, c’est mon affaire ; mais soyez si physiologiste, si savant, si détaillé que vous le voudrez. On ne saurait être trop long et trop minutieux sur ce sujet, tout y est important, les muscles, les rides, la peau, etc.

Vous vous doutez bien que n’ayant de l’anatomie et de la physiologie que la pauvre petite provision que l’on en prend au collége, ensuite chez Verdier[1], puis chez Mlle  Biheron[2], il est impossible que l’on ne reconnaisse pas le lion dans mon discours ; or, ce sera une occasion pour moi de dire un mot honnête du lion qui m’aura prêté sa griffe.

Et puis mettez-moi dans le cas de vous servir, et vous verrez comme je m’y emploierai. REPONSE DE M. PETIT, DOCTEUR EN MÉDECINE AU PROBLÈME PRÉCÉDENT

Il est vrai, monsieur, que les maladies du corps, ainsi que celles de l’âme, produisent des altérations sensibles dans la conformation de nos parties extérieures. Il est vrai que l’habitude de certains exercices produit le même effet ; il ne l’est pas moins que c’est à la physiologie à rechercher, à déterminer les causes de ces altérations, ce qu’elle ne saurait faire sans le secours de l’anatomie, mais je ne pense pas que l’étude profonde de cette dernière science soit nécessaire à ceux qui s’adonnent aux arts plastiques, ni qu’elle soit propre à perfectionner ces arts ; il suffît, à mon avis, pour remplir cet objet, de voir et d’observer avec attention.

Les bossus ont la tête grosse, les yeux vifs, la physionomie spirituelle et maligne, le tronc court, ramassé, décharné, les extrémités longues, grêles et faibles. L’anatomie nous fait voir que chez tous les bossus l’épine est plus ou moins courbée en devant, en arrière ou sur les côtés. La physiologie rend raison de ce qui se passe en eux, en disant que, par la courbure de l’épine, la moelle et les nerfs sont comprimés, que cette compression retarde la marche et l’influx de l’esprit vital vers les parties inférieures, lesquelles à cause de cela se nourrissent moins et restent grêles et faibles ; la même pression qui produit cet effet force l’esprit vital de s’arrêter plus longtemps et de s’amasser en plus grande quantité au-dessus de la torsion de l’épine, ce qui hâte le développement de la tête et lui fait prendre un degré d’accroissement plus prompt et plus rapide ; ce qui lui donne plus de volume, anime les yeux, caractérise la physionomie, etc. Si la pression est portée plus haut, les extrémités inférieures sont paralytiques et le cerveau accablé sous la masse de l’esprit qui le surcharge ne peut en faire une convenable répartition, d’où il arrive que certains bossus sont hébétés et que leur physionomie l’annonce.

Or je demande si, pour exceller dans les arts de peinture et de sculpture, il est nécessaire de savoir tout cela ? Il me semble que non. La simple observation de ce qui a lieu chez un bossu suffit pour faire sentir les différences qui se rencontrent entre la conformation de ses parties et celles des personnes bien faites. Les différences saisies seront-elles mieux ou plus facilement exprimées parce que la cause en sera connue de l’artiste ?

Je vous citerai un second exemple : un homme a perdu un bras, une jambe, un autre est boiteux. Le premier est gros et lourd ; en général, sa physionomie perd ce qu’elle avait de saillant et d’animé ; le second est ordinairement maigre, et son visage a quelque chose de singulier pour ne pas dire de comique et d’original, les gestes de cet homme ont le même caractère[3]. Pour rendre tout cela, un artiste n’a que faire de savoir que l’homme mutilé devient gras et pesant par la même raison que les gens oisifs et les grands mangeurs sont tels. Les sucs qui étaient employés à la nourriture du membre coupé, cessant d’avoir leur emploi, surabondent, surchargent et font ce que les médecins appellent pléthore, laquelle amène la pesanteur, etc. Quant au boiteux, les efforts qu’il fait sans cesse pour marcher droit lui font faire une grande dépense d’esprits, ce qui le rend maigre, et comme les hommes ne font guère d’efforts sans grimacer, les efforts des boiteux leur font mettre en jeu tous les muscles de leur visage, ce qui donne à ce visage une tournure ridicule, une expression comique. Mais encore une fois l’artiste n’en imitera pas plus exactement la nature quand il aura appris tout cela. Les artistes savent bien que la beauté n’est pas la même pour tous ; un enfant a une beauté qui lui est propre, l’adolescent a la sienne, celle de l’homme fait n’est pas la même, encore moins celle du vieillard ! Les femmes ont les genoux plus en dedans, les hanches plus larges, le bas des reins plus saillant, le ventre plus étendu, la poitrine plus élevée, mais plus courte, etc.

Les anatomistes développent les causes de toutes ces différences ; quand il serait possible de faire philosopher des artistes au point de connaître toutes ces causes, je suis sûr qu’ils n’en seraient pas des dessinateurs plus élégants et plus corrects.

Plus une partie agit et plus, par l’influence des sucs et leur action 244 RÉPONSE DE M. PETIT. sur les fibres, cette partie prend de volume en se fortifiant. Cela se fait presque toujours un peu aux dépens des autres parties, ce qui fait une double cause de disproportion entre les membres d’un même corps. Le fainéant, l’homme oisif en général est, toutes choses égales d’ailleurs, mieux et plus régulièrement conformé, parce que chez lui il n’y a pas de raison pour [que les sucs nourriciers se portent en plus grande abondance d’un côté que de l’autre. Si cependant une conformation régulière est si rare même chez ces sortes de personnes, c’est qu’en venant au monde, ils en ont apporté une vicieuse, laquelle est due à la mère, à sa manière de s’habiller, aux attitudes qu’elle s’est habituée de prendre, etc. ; c’est que ceux qui auraient en naissant le corps bien proportionné, ce qui est excessivement rare, perdraient bientôt cet avantage par l’effet du maillot, des corps baleinés, des attitudes, etc.

Si un homme travaille beaucoup de ses bras, il aura les mains grosses, le bras volumineux, le dos voûté, peu de ventre, les jambes grêles, etc. ; s’il marche, s’il danse, ses cuisses, ses jambes deviendront fort grosses ; s’il monte à cheval, il prendra du ventre, etc. ; ainsi la proportion changera en raison du genre de travail, de la conformation première, de l’attitude dans laquelle le travail se fera, etc. Je m’arrête : intelligenti pauca. Je crois vous en avoir assez dit pour vous faire sentir que la simple observation de ce qui se passe chez les hommes éclairera mieux un artiste que l’anatomie et la physiologie ne pourraient le faire. J’ai peut-être tort sur ce point, tu videbis ; moi je sais que j’ai grande raison de vous aimer, de vous estimer, de vous respecter.

Signé : A. Petit, D. M. P. Paris, 22 juillet 1771. REPONSE D'UN AUTRE MÉDECIN AU PROBLÈME PRECEDENT

Le problème que vous m’avez proposé, mon cher philosophe, est d’une solution bien plus difficile que vous ne l’avez imaginé ; non-seulement il surpasse mes connaissances anatomiques, mais encore je suis persuadé qu’il n’est pas actuellement d’anatomiste en état de le résoudre. Vous en serez convaincu comme moi lorsque je vous aurai dit que la théorie du développement de nos organes n’est pas encore faite ; d’où il résulte qu’on ne peut espérer de connaître les changements que les différents genres d’exercice sont capables d’opérer que par une opération longue et difficile et des dissections multipliées dirigées selon ces vues. Aucun anatomiste que je sache, au moins aucun de ceux qui ont écrit, ne se sont proposé cet objet dans leurs travaux.

Persuadé comme vous que rien n’importe plus au progrès de la peinture et de la sculpture que cette connaissance trop négligée, je crois que vous rendriez un service signalé à ces arts divins, si vous pouviez tourner de ce côté l’attention de ceux qui les exercent. Je leur présenterais sous deux aspects le problème que vous m’avez proposé.

Il est rare qu’un homme élevé jusqu’à vingt-cinq ans dans l’indolence, se fasse tout à coup assommeur de gens ; mais si cela arrivait, ses organes n’éprouveraient pas la même altération que ceux d’un autre homme dont l’enfance eût été active et agitée. C’est depuis le terme de l’enfance jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans que toutes les parties, par les accroissements successifs qu’elles reçoivent, éprouvent les plus grands changements dans leurs formes, et il n’est pas douteux que dans cet intervalle l’action ou l’inaction portées jusqu’à un certain point n’influent considérablement sur le développement des différents organes.

Il n’en est pas tout à fait de même lorsque l’homme est parvenu à l’âge de vingt-cinq ans, toutes les parties ont pris à peu près leur consistance ; elles ne peuvent plus recevoir d’accroissement que dans une seule de leurs dimensions, je veux dire leur épaisseur, ce qui doit faire varier les formes infiniment moins ; aussi observe-t-on que les traits du visage, par exemple, qui, depuis l’enfance jusqu’à l’âge viril, changent quelquefois au point de ne conserver aucune ressemblance, n’éprouvent plus après cet âge d’altération assez considérable pour n’être pas reconnaissables.

Ce n’est pas assez de vous faire connaître les difficultés que présente votre problème, il est nécessaire de vous exposer également les principes qui peuvent en faciliter la solution ; comme la peinture et la sculpture ne présentent que les formes extérieures, je me contenterai de faire quelques réflexions sur ce qui les constitue.

Le tronc et les membres de l’homme et des animaux quadrupèdes sont recouverts d’une peau qui est une enveloppe qui prend les formes des diverses parties qu’elle recouvre. Les principales de ces parties, celles qui méritent le plus notre attention, sont les os et les muscles que le vulgaire appelle les chairs.

Les os, situés plus profondément, ne sont guère sensibles qu’aux environs de la poitrine et aux jointures ou articulations ; partout ailleurs, ils sont recouverts par les muscles qu’on peut considérer comme autant de cordes qui les meuvent. Ce sont donc principalement les muscles qui donnent la forme à nos membres. Tous les muscles qui constituent chaque membre ne se laissent pas également apercevoir à la surface, il n’y a que ceux qui sont situés superficiellement, ou du moins que ceux qui ne sont recouverts que par des muscles qui ont peu d’épaisseur dont on puisse distinguer les formes ; ceux même qui sont sensibles ne conservent pas toujours la même forme ; cette forme est différente lorsqu’ils agissent ou lorsqu’ils sont en repos. Pour se faire une idée du changement qu’ils éprouvent, il faut savoir qu’ils sont composés de deux genres de parties : 1° de fibres rouges charnues qui s’accourcissent dans leur action, et qui, en vertu de cet accourcissement, donnent plus d’épaisseur à toute la masse qu’elles composent, qu’on appelle le corps du muscle ; 2° de parties blanches denses et serrées, qui n’éprouvent aucune altération dans leur mouvement, qu’on appelle tendineuses. Ce sont des cordes qui obéissent à la traction des fibres charnues ; leur situation varie seulement quelquefois dans certaines parties. La force avec laquelle nous mouvons nos membres est presque toujours proportionnée à la masse des fibres charnues des muscles et à la densité des fibres tendineuses.

Aussi, quand on voit un homme dont tous les muscles sont bien prononcés et volumineux, ce que les Latins désignaient par leur adjectif torosus, et nous par celui de musculeux, on juge ordinairement qu’il est fort et vigoureux, remarque qui ne trompe guère.

Ainsi, il est essentiel pour un peintre ou pour un sculpteur, qui veut représenter exactement le naturel, non-seulement de bien connaître tous les muscles qui se laissent apercevoir sous la peau, leur situation, leur forme particulière dans l’état de repos, mais encore les formes différentes qu’ils prennent dans leurs actions différentes, ou, ce qui revient au même, dans la différente position qu’on donne aux muscles, position qu’on doit supposer être le résultat de leur action. On peut dire que c’est une des choses dans lesquelles les artistes commettent le plus de fautes. Un seul exemple suffira pour justifier cette observation.

L’os du bras est articulé avec une cavité particulière de l’omoplate. Cette articulation est recouverte, dans la partie supérieure, par une espèce de petit toit osseux triangulaire, formé par l’articulation de la clavicule avec l’apophyse de l’omoplate, nommée acromion ; c’est du bord de cette avance triangulaire que partent les fibres d’un muscle très-fort et très-composé, qui vient s’attacher à la partie supérieure de l’os du bras ; c’est ce muscle qui compose principalement l’extrémité de l’épaule. On lui a donné assez improprement le nom de deltoïde, à raison d’une certaine ressemblance qu’on a prétendu y observer avec la lettre grecque nommée delta, ressemblance qui n’est exacte que lorsqu’on a détaché le muscle de tous les os auxquels il est uni et qu’on l’a étendu sur un plan horizontal. Quoi qu’il en soit, ce muscle, selon que les différentes parties agissent, peut élever le bras, et, lorsqu’il est élevé, le porter en avant et en arrière et le retenir dans chacune de ces positions.

Pour l’élever simplement dans une situation horizontale, toutes ses parties agissent simultanément, c’est-à-dire que toutes ses fibres se contractent également et restent contractées tant qu’elles soutiennent le bras dans cette position ; on peut les regarder alors comme autant de cordes convergentes en un point et en équilibre. Pour le porter en devant, il faut que les fibres antérieures se contractent avec un nouveau degré de force et que les postérieures se relâchent dans la même proportion ; et qu’au contraire, lorsqu’on le porte en arrière, les fibres antérieures se relâchent et les postérieures se contractent. Or, il est évident que, dans ces trois positions différentes, la forme du muscle deltoïde qui compose, comme je l’ai dit, la partie la plus saillante de l’épaule, paraîtra très-différente, ce qui doit faire varier d’autant plus la forme de l’articulation du bras avec l’épaule, que ces différentes actions exigent le concours de plusieurs autres muscles dont les mouvements sont plus ou moins sensibles à l’extérieur ; attention qu’aucun peintre ni sculpteur ne paraît avoir eue. Pour déterminer la forme particulière qu’on doit donner à cette partie dans ces différents mouvements, il ne suffit pas, je le répète, de connaître exactement les muscles qui y concourent, leurs formes, leurs attaches, leurs connexions, il faut encore connaître les formes différentes qu’ils prennent dans leurs différents mouvements et les modifications que ces formes reçoivent de la peau et des autres enveloppes qui les recouvrent dans le vivant ; ce qu’on ne peut connaître que par des observations répétées sur un très-grand nombre de sujets, observations qui ne peuvent être faites, avec quelque exactitude, que par un homme profondément versé dans l’anatomie.

Il est un autre élément qui complique encore davantage le problème ; tout l’intervalle qui est entre la peau et les muscles et celui qui sépare les muscles les uns des autres, est rempli d’un tissu spongieux ou cellulaire, continuellement arrosé par une vapeur humide et quelquefois rempli d’une huile épaisse qui lui donne plus ou moins de volume. On sent que ce tissu, en remplissant plus ou moins les vides qui séparent les muscles, permet ou s’oppose plus ou moins qu’on distingue leurs formes. De là vient que dans les gens bien gras les contours sont beaucoup plus arrondis, plus moelleux, les formes plus pures et moins altérées.

Tout ce que nous venons de dire sur l’action des muscles qui opèrent les différents mouvements du corps est vrai de ceux qui forment les traits du visage et qui expriment les différentes affections de l’âme. Ces muscles sont, pour la plupart, très-grêles et très-isolés ; leur intervalle est rempli par une quantité considérable de ce tissu spongieux dont j’ai parlé. Lorsque ces muscles agissent peu, comme dans les hommes dont rien ne trouble la sérénité de l’âme, ces muscles se perdent, pour ainsi dire, dans cette enveloppe qui les colle fortement aux os et aux parties voisines, de sorte qu’ils perdent, en quelque sorte, leur action. Aussi les visages de ces hommes tranquilles et sereins présentent-ils les formes les plus simples. Il n’en est pas de même de ceux des hommes passionnés ; l’action souvent répétée des muscles de la face que les passions agitent donne à ces muscles une forme très-décidée, forme qu’ils impriment à la peau qu’ils entraînent dans tous leurs mouvements. Le tissu cellulaire, continuellement exprimé par leurs compressions, ne retient pas une aussi grande quantité du suc huileux qui les remplit ; il a donc moins d’épaisseur, ce qui rend encore plus sensible la forme de ces muscles. De là vient que le visage de tous les hommes agités par les passions prend un caractère qui permet de distinguer les affections habituelles de leur âme.

LETTRE D’ENVOI


J’ai satisfait à votre désir autant que la difficulté du travail et le peu d’intervalle que vous m’avez accordé me le permettaient. J’espère que l’historique de ces dialogues en excusera les défauts.

Le plaisir de se rendre compte à soi-même de ses opinions les avait produits, l’indiscrétion de quelques personnes les tira de l’obscurité, l’amour alarmé en désira le sacrifice, l’amitié tyrannique l’exigea, l’amitié trop facile y consentit, ils furent lacérés[4]. Vous avez voulu que j’en rapprochasse les morceaux, je l’ai fait.

Ne soyez donc pas surpris d’y trouver des écarts, de l’obscurité, des termes impropres dans un sujet qui n’en comporte point, des vues ébauchées, des conjectures trop hardies, des preuves trop faibles et un désordre poussé fort au delà du libertinage de la conversation.

Ce n’est ici qu’une statue brisée, mais si brisée qu’il fut presque impossible à l’artiste de la réparer. Il est resté autour de lui nombre de fragments dont il n’a pu retrouver la véritable place.

Je commencerai par ces fragments dont votre sagacité fera peut-être bon usage, en vous indiquant les endroits qui les rappellent.

On m’a dit qu’il y avait primitivement dans l’ouvrage de l’originalité, de la force, de la verve, de la gaieté, du naturel et même de la suite. La plupart de ces qualités si essentielles au dialogue se sont évanouies de ceux-ci ; ce ne sont que des ressouvenirs décousus des premiers. Si le lecteur y remarque quelque trace du génie, c’est assez.

Je vous rappellerai la parole sacrée qui vous engage à ne les communiquer à personne, je n’en excepte que votre ami ; si vous jugez à propos de les lui confier, j’y consens ; mais je le supplie par votre bouche, de ne me juger qu’après m’avoir médité, de ne prendre aucun extrait de cette informe et dangereuse production dont la publicité disposerait sans ressource de mon repos, de ma fortune, de ma vie et de mon honneur ou de la juste opinion qu’on a conçue de mes mœurs ; de se rappeler la différence d’une morale illicite et d’une morale criminelle, et de ne pas oublier que l’homme de bien ne fait rien de criminel, ni le bon citoyen d’illicite ; qu’il est une doctrine spéculative qui n’est ni pour la multitude, ni pour la pratique, et que si, sans être faux, on n’écrit pas tout ce que l’on fait, sans être inconséquent on ne fait pas tout ce qu’on écrit.

En changeant les noms des interlocuteurs, ces dialogues ont encore perdu le mérite de la comédie.

Tels qu’ils sortirent de ma tête, c’étaient, avec un certain Mémoire de mathématiques que je me résoudrai peut-être à publier un jour, les seuls d’entre mes ouvrages dans lesquels je me complaisais.

Il restera peu de chose à savoir dans ce genre de métaphysique à celui qui aura la patience de les relire deux ou trois fois et de les entendre.

Après l’auteur qui nous apprend la vérité, le meilleur est celui dont les erreurs singulières nous y conduisent.
ÉLÉMENTS
DE
PHYSIOLOGIE

ÊTRES.

Il faut commencer par classer les êtres, depuis la molécule inerte, s’il en est, jusqu’à la molécule vivante, à l’animal microscopique, à l’animal-plante, à l’animal, à l’homme.

chaine des êtres.

Il ne faut pas croire la chaîne des êtres interrompue par la diversité des formes ; la forme n’est souvent qu’un masque qui trompe, et le chaînon qui paraît manquer existe peut-être dans un être connu à qui les progrès de l’anatomie comparée n’ont encore pu assigner sa véritable place. Cette manière de classer les êtres est très-pénible et très-lente et ne peut être que le fruit des travaux successifs d’un grand nombre de naturalistes.

Attendons, et ne nous pressons pas de juger.

êtres contradictoires.

Ce sont ceux dont l’organisation ne s’arrange pas avec le reste de l’univers. La nature aveugle qui les produit les extermine ; elle ne laisse subsister que ceux qui peuvent coexister supportablement avec l’ordre général que vantent ses panégyristes.

êtres contradictoires subsistants.

Poitrine délicate et caractère violent, passe vite.

Mélancolique et malheureux, passe vite.

Esprit actif, ardent, pénétrant et machine frêle ; passe vite.

Elle laisse peu durer les mécontents.

La longue vie : l’organisation forte, l’insensibilité, l’ineptie, la fortune, les goûts modérés, etc.

éléments.

Les éléments en molécules isolées n’ont aucune des propriétés de la masse.

Le feu est sans lumière et sans chaleur.

L’eau, sans humidité et sans élasticité.

L’air n’est rien de ce qu’il nous présente.

Voilà pourquoi ils ne font rien dans les corps où ils sont combinés avec d’autres substances.

divisibilité.

L’extrême divisibilité de la matière lui donne le caractère du poison.

Les poussières très-menues causent des ulcères.

A juger de la matière perspirable[5] par la finesse de son crible, elle doit être très-fine, très-active, et sa suppression très-dangereuse, comme l’expérience le prouve.

durée, étendue.

En nature : Durée, succession d’actions.

Étendue, coexistence d’actions simultanées.

Dans l’entendement, la durée se résout en mouvement ; par abstraction, l’étendue en repos.

Mais le repos et le mouvement sont d’un corps.

de l’existence.

Je ne puis séparer, même par abstraction, la localité et la

durée, de l’existence. Ces deux propriétés lui sont donc essentielles.

VÉGÉTAUX.

En Italie, M. Beccari, et en Alsace, à Strasbourg, MM. Kessel et Mayer, voulurent connaître les parties constituantes de la farine ; ils la lavèrent à plusieurs eaux, ils en séparèrent l’amidon, ils en tirèrent une substance qui ressemble beaucoup aune substance animale[6].

Aussitôt M. Rouelle, à Paris, M. Macquer et les plus savants de nos chimistes reprirent ces expériences et les poussèrent aussi loin qu’elles purent aller. Ils trouvèrent que l’amidon ne contenait, pour bien dire, que les parties végétales de la farine ; qu’en l’enlevant il restait un gluten qu’ils appelèrent végéto-animal[7]. Toutes ses parties sont si rapprochées, si liées entre elles qu’on ne peut les séparer. Quand on le tire, il s’étend dans tous les sens ; et quand on l’abandonne, il se replie sur lui-même et il reprend sa première forme, comme fait le tissu de la peau, qui tour à tour s’étend et se resserre. Si on le brûle, il se grille comme la chair et répand l’odeur des matières animales.

animal-plante.

Le polype retourné ; il tend à reprendre sa forme première ; un fil l’en empêche-t-il ? il prend son parti : il reste et vit retourné[8].

animal et plante.

Qu’est-ce qu’un animal, une plante ? Une coordination de molécules infiniment actives, un enchaînement de petites forces vives que tout concourt à séparer.

Est-il donc étonnant que ces êtres passent si vite ?

plantes.

Dans l’arbre, les racines deviennent tiges, et les tiges deviennent

racines.
animalisation du végétal.

En pétrissant longtemps la pâte et l’arrosant souvent d’eau, on lui ôte la nature végétale et on l’approche tellement de la nature animale que, par l’analyse, elle en donne les produits. (Mém. de l’Acad. de Bologne[9].)

Mobilité dans les principes animaux,

Fixité dans les principes végétaux,

Deux effets des nisus conservés ou détruits.

La substance gélatineuse des uns et des autres montre un état moyen entre l’animal et la plante.

Que produisent le vinaigre, les acides, les sels jetés sur les substances en fermentation ? Des composés où il y a nisus en surabondance.

L’eau détruit les nisus, isole les parties et leur rend l’activité.

végétal.

Par la chaleur et la fermentation, la matière végétale s’animalise dans un vase.

Elle s’annualise aussi en moi, et animalisée en moi, elle se ranimalise dans le vase.

Il n’y a de différence que dans les formes.

Les anguilles de la colle de farine sont vivipares.

contiguïté du règne animal et du règne végétal.

On tire de l’alcali volatil du champignon ; aussi sa graine est-elle vivace : elle oscille dans l’eau, se meut, s’agite, évite les obstacles, et semble balancer entre le règne animal et le règne végétal avant que de se fixer à celui-ci[10].

plantes.

Il y a des générations équivoques émanées du règne végétal,

et des générations équivoques du règne animal.
contiguïté du règne végétal et du règne animal.

Plante de la Caroline appelée Muscipula Dionœa, a ses feuilles étendues à terre, par paires et à charnières ; ces feuilles sont couvertes de papilles. Si une mouche se pose sur la feuille, cette feuille, et sa compagne, se ferme comme l’huître, sent et garde sa proie, la suce et ne la rejette que quand elle est épuisée de sucs. Voilà une plante presque Carnivore.

Il y a dans les plantes un endroit particulier dont l’attouchement cause de l’érection et l’effusion de la semence, et cet endroit n’est pas le même pour toutes.

Je ne doute point que la Muscipula ne donnât à l’analyse de l’alcali volatil, produit caractéristique du règne animal[11].

de l’ergot.

Comment distingue-t-on le grain niellé simple et le grain niellé et ergoté ? Parmi la poussière noire, il y a des anguilles dans ce dernier.

observations.

Sous ces petites tumeurs ou galles de l’ergot, l’épi vert et non mûr.

Ouvrez ces tumeurs avec une aiguille tranchante et courbée, sans en offenser la cavité intérieure ; laissez-y tomber quelques gouttes d’eau, et vous verrez au dedans quelques anguilles, mais grosses, mais vivantes, mais mues, mais pleines d’œufs, de vraies petites anguilles.

Ces grosses anguilles sont colossales en comparaison des petites qui se trouvent dans le même grain, mais plus adulte, plus mûr, ou dans le grain ergoté ordinaire, déjà sec et noir.

Ces grosses sont les mères. On les voit lâcher leurs petits œufs par une partie très-sensible et non équivoque, caractérisant parfaitement leur sexe.

A travers la pellicule transparente de ces œufs on voit la jeune petite anguille se plier, se replier, se mouvoir, à la fin rompre son enveloppe, sortir, et se mouvoir, et vivre, et glisser dans l’eau.

Avec les grosses mères on en trouve d’autres grosses encore, ce sont les mâles, d’autant qu’ils ont au fond de leur corps un gros corps conique et mobile.

Donc ces anguilles sont des animaux, donc il existe un animal mâle et femelle qui vit et meurt à discrétion.

Les anguilles du vinaigre ne sont pas ovipares, elles sont vivipares ; Fontana[12] a vu les filles se mouvoir dans le corps des mères avant l’accouchement.

maladie du grain et du seigle, que les italiens appellent grain cornu de l’éperon.

Les anguilles du grain cornu, bien que sèches, reprennent mouvement et vie si on les humecte d’une goutte d’eau. Needham a connu ce phénomène.

Needham ne croit pas que ces anguilles soient des animaux, il en fait des êtres vitaux ; Buffon, des molécules organique vivantes ; Fontana, des animaux.

Needham veut qu’unies ou rassemblées, selon certaines lois, elles vont formant ou des animaux ou des végétaux.

Ces fils étaient si secs, si fragiles, que le choc subit de l’eau, que celui d’une aiguille si léger qu’il fût, que la pointe d’un cheveu, les mettait en farine, les réduisait en poudre menue. (Je voudrais bien que Fontana les eût triturés.) Eh bien, dans cet état de pulvérisation, où ils n’étaient sûrement pas des animaux vivants, un peu d’eau en quelques instants les ramenait à la vie.

Première expérience. Un seul grain de froment ou de seigle semé avec quelques grains d’ergot.

Deuxième expérience. Un seul grain de froment ou de seigle baigné dans la poussière noire et fétide de la nielle et semé avec des grains d’ergot.

Troisième expérience. Grain de froment semé, seulement aspergé de nielle.

Dans la précédente ou troisième expérience, épi où presque tous les grains niellés, très-peu de sains.

Dans la première, épi à grains presque tous infectés d’ergot.

Dans la seconde, bonne partie des grains avaient et l’ergot et la nielle ensemble. Sous la même enveloppe, grains d’ergot pur, et, proche de ceux-ci, grains niellés remplis dépoussière noire et aussi d’anguilles génératrices.

Donc l’ergot et la nielle sont deux maladies contagieuses dont on pourrait aisément infecter tout le grain d’une contrée.

observation.

Sous les mêmes enveloppes, ou l’on ne trouve jamais qu’un seul grain sain, ou l’on en trouve au contraire deux, trois, ou même davantage, jusqu’à dix, d’ergot, les uns à côté des autres ; et, où est l’ergot, on ne trouve jamais le grain adulte, produit de la semaille, mais bien ergot et germe d’ergot ensemble.

L’ergot n’est donc point un vrai grain, un produit de la semaille, mais un germe dégénéré, ainsi que la nielle.

On trouve aussi le germe non multiplié du grain, ou de l’ergot et avec ce germe un grain ou plusieurs ergotes, et enfin l’ergot, hors des enveloppes du grain.

L’ergot est tout de lui, il ne tient rien du germe.

Si cette multiplication de germes ne sert point à faire les galles de l’ergot, elle sert à multiplier les grains de la nielle viciée d’ergot.

Un seul grain niellé sous une enveloppe.

Plusieurs grains niellés et ergotes sous la même enveloppe.

de la tremella.

Adanson est le premier qui ait aperçu un mouvement singulier dans une plante aquatique appelée la Tremella.

Adanson refuse la vie et le sentiment à cette plante et par conséquent l’animalité, et la laisse plante[13].

Fontana en fait le passage du règne végétal au règne animal ; la Tremella est, selon lui, en même temps, et une vraie plante et un vrai animal.

1° Un fil s’approchant d’un autre, d’eux-mêmes ils se ficellent l’un sur l’autre et forment deux spirales droites ou dans une seule direction.

2° Un fil se recourbe de la tête à la queue, la tête va chercher la queue. Ces extrémités sont plus pointues et plus grêles.

3° Ces extrémités se meuvent en tous sens, précisément comme on le voit à la tête et à la queue des serpents.

4° Si l’une de ces extrémités est obtuse, comme on le remarque quelquefois, plus de ces mouvements bizarres et si ressemblants à ceux de l’animal vivant.

5° Ces fils ont le mouvement de progression d’un lieu à un autre.

6° Les fils, ou seuls ou plusieurs ensemble, ont le mouvement de translation, en tout sens, l’un d’un côté, l’autre de l’autre, avec des directions et des vitesses diverses.

7° Coupez-les en pièces, les mouvements seront moindres, mais ils se mouvront ; les morceaux de l’extrémité aiguë conserveront la même vivacité d’action qu’auparavant.

8° Les morceaux, ou coupés par morceaux ou détachés naturellement du tronc, s’élancent d’eux-mêmes sur la surface du vaisseau et s’y plantent par la partie coupée ou arrachée, tandis que la partie aiguë se tient droite ; dans l’eau c’est la même chose, la partie aiguë et redressée se plie, se replie, tandis que le reste s’agite doucement et fait différents coudes avec le plan.

Cette manière de tenir la partie aiguë relevée est ordinaire aux fils de la Tremella, s’il n’y a aucun obstacle.

Le mouvement progressif et de tortillement, mais plus difficile, s’observe à la partie des fils qui tient à la plante même.

Quand les fils sont isolés ou qu’il y en a peu ensemble, ils s’avancent par la partie aiguë.

S’il n’y a qu’un fil, il s’agite en serpentant et fait des inflexions diverses à la manière des vers.

On en voit qui passent de la ligne droite par tous les angles possibles, se pliant par le milieu de manière que les deux extrémités pointues se touchent et que restes sont parallèles.

Ils forment des cercles, des ovales, des serpentements.

Si des fils sont serrés par leurs extrémités par d’autres fils, et qu’entre ces fils il y en ait un qui tienne au tissu de la plante ; alors le tout se démène comme si c’était un faisceau de serpents, se tord, s’élève, s’abaisse dans l’eau.

On les voit se plier au milieu du corps, former un ovale, s’entortiller par leurs extrémités, s’agiter et reprendre ensuite leur longueur.

Ces fils se multiplient par leurs extrémités ; s’il s’en détache une particule, cette particule croît, devient adulte et capable, en se rompant, d’engendrer d’autres fils vivants.

Alors le fil régénérateur reste avec son extrémité obtuse, sans aucun des mouvements propres à cette partie, jusqu’à ce qu’elle redevienne aiguë, ce qui se fait et se défait successivement sans qu’il y ait peut-être de terme à cette division et à cette production.

Le fil de la Tremella est un petit sac plein de petits corps oviformes, situés à différentes distances les uns des autres.

(Il fallait voir si, à chaque rupture d’extrémité, il ne disparaissait pas un de ces corps oviformes.)

Coupez à la Tremella un ou plusieurs de ces fils, remettez-la dans l’eau, et elle reprendra bientôt tous ses mouvements.

Et chaque fil s’agite et se meut sans qu’il y ait un instant de repos.

D’où viennent tous ces mouvements ? Ce n’est ni de l’eau ni de l’air, car ils se font en tout sens dans l’eau et l’air en repos, et ils se font en tout sens et en sens contraire à l’eau agitée. Unis ou séparés, ils suivent des directions opposées ; ils s’agitent à côté des petits corpuscules en repos. D’un mécanisme particulier ? Cela ne se peut ; un mécanisme particulier fait voler l’oiseau, nager le poisson, mais il y a entre ces mouvements et la variété infinie de la spontanéité une différence très-marquée ; or, cette variété infinie que nous attribuons dans les autres animaux à la vie, à la sensibilité, à la spontanéité, nous la voyons toute dans les filets de la Tremella et avec un caractère particulier, car il n’y a ni ralentissement, ni cessation, ni interruption pendant des mois, des années ; ils durent tant que la plante vit et végète. La Tremella et ses fils sont donc des animaux sensibles et vivants ; ses parties organiques obéissent donc à la sensibilité.

Sèche, elle perd ses mouvements ; humide, elle les reprend. Elle naît et meurt donc à discrétion.

La Tremella n’est point une plante simple, c’est un amas de petites plantes ou fils végétaux qui, unis ensemble, forment la plante de ce nom.

Il n’y a personne qui, voyant les phénomènes qu’elle offre et qui, ignorant que ces fils sont des fils d’un végétal, ne prononçât tout de suite que ces fils sont des vers vivants. Le doute ne naît que quand on vous dit que ces fils sont des portions de végétaux, mais ce doute ne tarde pas à s’évanouir.

onctions huileuses.

Nous ne faisons pas assez d’usage des indications de la nature. On a remarqué que les habitants des climats brûlants ont la peau huileuse, et aucun des étrangers ne s’avise de recourir aux onctions de la même nature.

Les Américains graissent leur peau quand elle cesse d’être huileuse ; on lui restitue la vigueur par l’onction de l’huile de palmier[14].

Il y a quelque apparence qu’on tirerait une liqueur spiritueuse de toutes les moelles contenues dans les plantes longues et divisées par nœuds : miel des abeilles, raisins, canne à sucre.


ANIMAUX

L’animal est une machine hydraulique. Que de sottises on peut dire d’après cette unique supposition !

Les lois du mouvement des corps durs sont inconnues, car il n’y a point de corps parfaitement dur.

Les lois du mouvement des corps élastiques ne sont pas plus sûres, car il n’y a pas de corps parfaitement élastique.

Les lois du mouvement des corps fluides sont tout à fait précaires.

Et les lois du mouvement des corps sensibles, animés, organisés, vivants, ne sont pas même ébauchées.

Celui qui, dans le calcul de cette dernière espèce de mouvement, omet la sensibilité, l’irritabilité, la vie, la spontanéité, ne sait ce qu’il fait.

Un corps brut agit sur un corps sensible, organisé, animal ; celui-ci a la conscience ou le sentiment de l’impression, et souvent du lieu de l’impression ; il est chatouillé ou blessé ; il veut ou ne veut pas se mouvoir.

animaux par putréfactions.

Chaque animal donne des animaux différents, et sa vermine.

Chaque partie de l’animal donne les siens.

Les ascarides qui viennent par milliers. Maladie épidémique accompagnée d’un vomissement sanguin et plein de vers.

Maladie pédiculaire, où un homme se réduit en poux.

Exemple d’une pareille maladie, où l’homme s’est résolu en puces[15].

animaux microscopiques.

Chairs grillées au feule plus violent. Végétaux exposés dans la machine de Papin, où les pierres se réduisent en poudre, où les plus dures se mettent en gelée ;

Ce qui n’empêche pas ces substances de donner des animaux par la fermentation et la putréfaction.

Ne pas oublier la succession régulière des mêmes espèces d’animaux différents, selon la substance animale ou végétale mise en fermentation ou en putréfaction[16].

Cette génération descendante, par division, va peut-être jusqu’à la molécule sensible, qui montre sous cet état une activité prodigieuse.

Les particules détachées par l’action de l’eau des extrémités des nageoires des moules continuent à se mouvoir progressivement.

animaux.

Il ne faut pas croire qu’ils ont toujours été et qu’ils resteront toujours tels que nous les voyons.

C’est l’effet d’un laps éternel de temps, après lequel leur couleur, leur forme semblent garder un état stationnaire ; mais c’est en apparence.

l’organisation détermine les fonctions.

L’aigle à l’œil perçant plane au haut des airs ; la taupe à l’œil microscopique s’enfouit sous terre ; le bœuf aime l’herbe de la vallée ; le bouquetin, la plante aromatique des montagnes.

L’oiseau de proie étend ou raccourcit sa vue, comme l’astronome étend ou raccourcit sa lunette.

Pourquoi la longue série des animaux ne serait-elle pas des développements différents d’un seul ?

Camper[17] fait naître d’un seul modèle, dont il ne fait qu’altérer la ligne faciale, tous les animaux, depuis l’homme jusqu’à la cigogne.

les animaux ont-ils de la morale ?

Conduite des oiseaux pendant l’incubation, difficile à expliquer mécaniquement.

Les peaux des animaux préparées s’étendent d’un tiers. L’animal dessiné sur l’empaillé est exagéré. Vue des figures de l’Histoire naturelle de M. de Buffon.

Chaque animal vivant a sa vermine particulière. Chaque animal mort a ses animaux particuliers.

trois degrés dans la fermentation :

La vineuse,

L’acide,

La putride.

Ce sont comme trois climats différents sous lesquels les générations d’animaux changent.

L’anguille du blé niellé, se tortille par ses deux extrémités.

Elle vit sept à huit semaines en lui fournissant de nouvelle eau.

La végétation, la vie ou la sensibilité et l’animalisation sont trois opérations successives.

Le Règne végétal pourrait bien être et avoir été la source première du Règne animal, et avoir pris la sienne dans le Règne minéral ; et celui-ci émaner de la matière universelle hétérogène.

fonctions animales.

Qu’on m’apprenne comment la jeune hirondelle fait son nid, et j’expliquerai toutes les actions qui appartiennent à l’homme non expérimenté, à l’homme animal.

Une observation qu’il ne faut pas négliger, c’est qu’il passe de la mère à l’enfant, qui pendant neuf mois ne faisait qu’un avec elle, des dispositions, des goûts, des aptitudes organiques dont il nous est impossible de bien connaître toute l’énergie.

On fait assez communément sur ce sujet deux suppositions absurdes ; on déduit ensuite des difficultés insolubles.

L’une de ces suppositions, c’est qu’il y ait sur la surface de la terre un être, un animal qui ait été de toute éternité ce qu’il est à présent.

L’autre, c’est qu’il n’y a nulle différence entre l’homme qui sortirait de la main d’un créateur, et l’enfant qui sort du sein d’une mère.

animal et machine.

Quelle différence d’une montre sensible et vivante, et d’une montre d’or, de fer, d’argent et de cuivre ?

Si une âme était attachée à cette dernière, qu’y produirait-elle ?

Si la liaison d’une âme à cette machine est impossible, qu’on me le démontre.

Si elle est possible, qu’on me dise quels seraient les effets de cette liaison.

Le paysan qui voit une montre se mouvoir, et qui, n’en pouvant connaître le mécanisme, place dans une aiguille un esprit, n’est ni plus ni moins sot que nos spiritualistes.

de la force animale.

L’animal sain ne connaît pas toute sa force. J’en dis autant de l’animal tranquille.

M. de Buffon voit la flamme s’échapper avec de la fumée à travers les fentes d’un lambris, il arrache le lambris, il prend entre ses bras les planches à demi brûlées, il les porte dans sa cour, et il se trouve que deux chevaux n’ébranleraient pas le fardeau qu’il a porté.

Cette femme délicate est attaquée de vapeurs hystériques, de fureur utérine, et six hommes ne peuvent contenir celle qu’un seul d’entre eux aurait renversée, liée, dans son état de santé.

Le feu prend à la maison d’un avare, il prend son coffre-fort et le porte dans son jardin d’où il ne l’aurait pas remué pour dix fois la somme qu’il contenait.

C’est que, dans le désordre, toutes les forces de la machine sont conspirantes, et que dans l’état sain ou tranquille elles agissent isolées : il n’y a que l’action ou des bras, ou des jambes, ou des cuisses, ou des flancs.

Dans l’état sain et tranquille l’animal craint de se blesser, il ne connaît pas cette frayeur dans la passion ou la maladie.

carnivores.

Haleine, urine, excréments fétides. Chair corruptible et désagréable à l’odorat et au goût.

Lait des herbivores sain et balsamique. Il n’en est pas ainsi des autres.

Graisse des herbivores, ferme, et se fige facilement ; des autres, au contraire, molle et putrescible.

Carnivore plus malsain et plus cruel ; son caractère se rapproche de la bête féroce.

Carnivores vivent isolés.

Herbivores en troupeaux.

Habits malsains et contraires à nature.

La jeune fille poursuit un papillon, le jeune garçon gravit sur un arbre.

L’homme sans physionomie n’est rien. Celui qui a l’air d’un homme de bien l’est peut-être. Celui qui a l’air vil ou méchant l’est toujours.

L’homme d’esprit peut avoir l’air d’un sot ; un sot n’a jamais l’air d’un homme d’esprit.

L’écoulement périodique est une sécrétion-excrétion.

Il n’est pas nécessaire que ce qu’on appelle le germe ressemble à l’animal, c’est un point de conformation donné dont le développement produit un tel animal.

Les cornus en naissant n’ont point de cornes ; elles viennent nécessairement avec le temps, et ainsi de toutes les autres parties et organes qui les ont précédées ; ainsi des poils, de la barbe ; ainsi des testicules ; ainsi du fluide séminal.

Le renne, dont la femelle a des cornes, en reprend, malgré la castration.

Le bœuf ne perd jamais ses cornes, elles font partie de lui.

Animal ; forme déterminée par causes intérieures et extérieures qui, diverses, doivent produire des animaux divers.

Gestation d’autant plus courte que les ventrées sont plus considérables.

A quoi servent les phalanges au pied fourchu du pourceau ?

A quoi servent les mamelles au mâle ?

Amour en l’homme, constant, parce que ses besoins sont en toute saison également satisfaits. Il n’en est pas ainsi des animaux ; leur amour succède toujours au temps où ils ont surabondé en nourriture. L’extrême agitation des oiseaux est la cause de l’exception.

Les animaux vigoureux font plus de mâles que de femelles ; sans quoi, grand inconvénient.

sensibilité.

Qualité propre à l’animal qui l’avertit des rapports qui sont entre lui et tout ce qui l’environne.

Mais toutes les parties de l’animal n’ont pas cette qualité. Il n’y a que les nerfs qui l’aient par eux-mêmes.

Les doigts l’ont relativement aux houppes nerveuses.

Les enveloppes des nerfs l’ont accidentellement.

Aponévroses, membranes, tendons sont insensibles.

Je serais tenté de croire que la sensibilité n’est autre chose que le mouvement de la substance animale, son corollaire, car si j’y introduis la torpeur, la cessation de mouvement dans un point, la sensibilité cesse.

La sensibilité est plus puissante que la volonté.

La sensibilité de la matière est la vie propre aux organes.

La preuve en est évidente dans la vipère écorchée et sans tête, dans les tronçons de l’anguille et d’autres poissons, dans la couleuvre morcelée, dans les membres séparés du corps et palpitants, dans la contraction du cœur piqué.

Je ne crois pas au manque absolu de sensibilité d’une partie animale quelconque.

Un organe intermédiaire non sensible entre deux organes sensibles et vivants, arrêterait la sensation, et deviendrait dans le système, corps étranger ; ce serait comme deux animaux couplés par une corde.

Que serait-ce qu’un métier de la manufacture de Lyon si l’ouvrier et la tireuse faisaient un tout sensible avec la trame, la chaîne, le sample et la gavassine[18] ?

Ce serait un animal semblable à l’araignée qui pense, qui veut, qui se nourrit, se reproduit et ourdit sa toile.

de la sensibilité et de la loi de continuité dans la contexture animale.

Sans ces deux qualités l’animal ne peut être un.

Aussitôt que vous avez supposé la molécule sensible, vous avez la raison d’une infinité de divers effets ou touchers.

Il y a l’infinie variété des chocs relatifs à la masse.

Il y a l’infinie variété des chocs relatifs à la vitesse.

Il y a l’infinie variété d’une qualité physique.

Il y a l’infinie variété des effets combinés, d’une seconde, d’une troisième, d’une multitude de qualités physiques.

Et tous ces infinis se combinent encore avec la variété infinie des organes et peut-être des parties de l’animal.

Quoi ! une huître pourrait éprouver toutes ces sensations ? Non toutes, mais un assez grand nombre, sans compter celles qui naissent d’elle-même et qui sortent du fond de sa propre organisation.

Mais n’y a-t-il pas dans tous ces touchers bien des indiscernables ? Beaucoup, il en reste cependant plus que la langue la plus féconde n’en peut distinguer. L’idiome n’offre que quelques degrés de comparaison pour un effet qui passe, par une suite ininterrompue, depuis la moindre quantité appréciable jusqu’à son extrême intensité.

Prenez l’animal, analysez-le, ôtez-lui toutes ses modifications l’une après l’autre, et vous le réduirez à une molécule qui aura longueur, largeur, profondeur et sensibilité.

Supprimez la sensibilité, il ne vous restera que la molécule inerte.

Mais si vous commencez par soustraire les trois dimensions, la sensibilité disparaît.

On en viendra quelque jour à démontrer que la sensibilité ou le toucher est un sens commun à tous les êtres. Il y a déjà des phénomènes qui y conduisent. Alors la matière en général aura cinq ou six propriétés essentielles, la force morte ou vive, la longueur, la largeur, la profondeur, l’impénétrabilité et la sensibilité.

J’aurais ajouté l’attraction, si ce n’était peut-être une conséquence du mouvement ou de la force.

irritabilité.

Certaines parties du corps conservent après la mort, plus ou moins longtemps, leur irritabilité ou vie propre.

Leur dernière décomposition en vers, etc.

Le cœur et les intestins longtemps irritables.

Cette force d’irritabilité est différente de toute autre force connue, c’est la vie, la sensibilité. Elle est propre à la fibre molle ; elle s’affaiblit et s’éteint dans la fibre qui se racornit ; elle est plus grande dans la fibre unie au corps que dans la fibre qui en est séparée.

Cette force ne dépend ni de la pesanteur, ni de l’attraction, ni de l’élasticité.

Dans l’animal mort, la moelle épinière et le nerf irrités, le muscle se convulse[19].

Si le muscle est lié, ou si le lien de la moelle épinière d’où le nerf émane est comprimé, le muscle s’affaisse et la longueur succède[20].

des stimulants.

Il y a les stimulants physiques, il y a les stimulants moraux qui n’ont guère moins de puissance que les premiers.

Les stimulants moraux ôtent l’appétit à toute une compagnie.

La peur fait cesser le hoquet.

Un récit produit le dégoût, même le vomissement.

Toutes les sortes de désirs agissent sur les glandes salivaires, mais surtout le désir voluptueux.

Le chatouillement à la plante des pieds met en tressaillement tout le système nerveux. Un caustique ne produit qu’une sensation locale.

Les convulsions occasionnées par un stimulant violent sont intermittentes ; il y a un instant d’intensité et un instant de relaxation ; cependant l’action du stimulant est constante. Mais cette dernière proposition peut être inexacte.

Après une stimulation violente il y a un frémissement général.

Ce frémissement est une suite de petites crispations et de petits relâches qui secouent le crible général[21] et en expriment la sueur.

de l’homme.

Un assez habile homme a commencé son ouvrage par ces mots : L’homme, comme tout animal, est composé de deux substances distinctes, l’âme et le corps. Si quelqu’un nie cette proposition, ce il est pas pour lui que j’écris.

J’ai pensé fermer le livre. Eh ! ridicule écrivain, si j’admets une fois ces deux substances distinctes, tu n’as plus rien à m’apprendre. Car tu ne sais ce que c’est que celle que tu appelles âme, moins encore comment elles sont unies, et pas plus comment elles agissent réciproquement l’une sur l’autre.

l’homme double, animal et homme.

Un musicien est au clavecin ; il cause avec son voisin, la conversation l’intéresse, il oublie qu’il fait sa partie dans un concert, cependant ses yeux, son oreille et ses doigts n’en sont pas moins d’accord entre eux ; pas une fausse note, pas un accord déplacé, pas un silence oublié, pas la moindre faute contre le mouvement, le goût et la mesure. La conversation cesse, notre musicien revient à sa partition, sa tête est perdue il ne sait où il en est ; l’homme est troublé, l’animal est dérouté. Si la distraction de l’homme eût duré quelques minutes de plus, l’animal eût suivi le concert jusqu’à la fin sans que l’homme s’en fût douté.

Voilà donc des organes sensibles et vivants, accouplés, sympathisants, soit par habitude, soit naturellement, et concourant à un même but sans la participation de l’animal entier.

de la perfectibilité de l’homme.

La perfectibilité de l’homme naît de la faiblesse de ses sens dont aucun ne prédomine sur l’organe de la raison.

S’il avait le nez du chien, il flairerait toujours ; l’œil de l’aigle, il ne cesserait de regarder ; l’oreille de la taupe, ce serait un être écoutant[22].

bêtise de certains défenseurs des causes finales.

Ils disent : Voyez l’Homme[23], etc.

De quoi parlent-ils ? Est-ce de l’homme réel ou de l’homme idéal ?

Ce ne peut être de l’homme réel, car il n’y a pas sur toute la surface de la terre un seul homme parfaitement constitué, parfaitement sain.

L’espèce humaine n’est donc qu’un amas d’individus plus ou moins contrefaits, plus ou moins malades. Or, quel éloge peut-on tirer de là en faveur du prétendu Créateur ? Ce n’est pas à l’éloge, c’est à une apologie qu’il faut penser.

Ce que je dis de l’homme, il n’y a pas un seul animal, une seule plante, un seul minéral dont je n’en puisse dire autant.

Si le tout actuel est une conséquence nécessaire de son état antérieur, il n’y a rien à dire. Si l’on en veut faire le chef-d’œuvre d’un Être infiniment sage et tout-puissant, cela n’a pas le sens commun.

Que font donc ces préconiseurs ? Ils félicitent la Providence de ce qu’elle n’a pas fait ; ils supposent que tout est bien, tandis que, relativement à nos idées de perfection, tout est mal.

Pour qu’une machine prouve un ouvrier est-il besoin qu’elle soit parfaite ? Assurément, si l’ouvrier est parfait.

de l’homme abstrait et de l’homme réel.

Deux philosophes disputent sans s’entendre ; par exemple, sur la liberté de l’homme.

L’un dit : l’homme est libre, je le sens. L’autre dit : l’homme n’est pas libre, je le sens.

Le premier parle de l’homme abstrait, de l’homme qui n’est mû par aucun motif, de l’homme qui n’existe que dans le sommeil, ou dans l’entendement du disputeur.

L’autre parle de l’homme réel, agissant, occupé et mû.

Histoire expérimentale de celui-ci. Je le suis et je l’examine.

C’était un géomètre[24]. Il s’éveille ; tout en rouvrant les yeux, il se remet à la solution du problème qu’il avait entamé la veille. Il prend sa robe de chambre, il s’habille sans savoir ce qu’il fait. Il se met à sa table ; il prend sa règle et son compas ; il trace des lignes ; il écrit des équations, il combine, il calcule sans savoir ce qu’il fait. Sa pendule sonne, il regarde l’heure qu’il est ; il se hâte d’écrire plusieurs lettres qui doivent partir par la poste du jour. Ses lettres écrites, il s’habille, il sort, il va dîner rue Royale, butte Saint-Roch. La rue est embarrassée de pierres, il serpente entre ces pierres, il s’arrête court. Il se rappelle que ses lettres sont restées sur sa table, ouvertes, non cachetées et non dépêchées. Il revient sur ses pas, il allume sa bougie, il cachette ses lettres, il les porte lui-même à la poste. De la poste il regagne la rue Royale, il entre dans la maison où il se propose de dîner, il s’y trouve au milieu d’une société de philosophes ses amis. On parle de la liberté, et il soutient à cor et à cri que l’homme est libre. Je le laisse dire ; mais à la chute du jour, je le tire en un coin et je lui demande compte de ses actions. Il ne sait rien, mais rien du tout de ce qu’il a fait, et je vois que, machine pure, simple et passive des différents motifs qui l’ont mû, loin d’avoir été libre, il n’a pas même produit un seul acte exprès de sa volonté. Il a pensé, il a senti, mais il n’a pas agi plus librement qu’un corps inerte, qu’un automate de bois qui aurait exécuté les mêmes choses que lui.

système agissant a rebours.

C’est que rien n’est plus contraire à la nature que la méditation habituelle ou l’état de savant. L’homme est né pour agir ; le mouvement vrai du système n’est pas de se ramener constamment de ses extrémités au centre du faisceau, mais de se porter du centre aux extrémités des filets. Tous les serviteurs ne sont pas faits pour demeurer dans l’inertie ; alors les trois grandes opérations sont suspendues : la conservation, la nutrition et la propagation. L’homme de la nature est fait pour penser peu et agir beaucoup ; l’homme de la science, au contraire, pense beaucoup et se remue peu. On a très-bien remarqué qu’il y avait dans l’homme une énergie qui sollicitait de l’emploi, mais celui que l’étude lui donne n’est pas le vrai, puisqu’elle le concentre et qu’elle est accompagnée de l’oubli de toutes les choses animales.

vie et mort.

Tant que le principe vital n’est pas détruit, le froid le plus âpre ne saurait geler les fluides de l’animal qui y est exposé, ni même diminuer sensiblement sa chaleur. Cette dernière assertion est fausse. Effets du froid de Russie.

Sans la vie rien ne s’explique, rien, ni sans la sensibilité, ni sans des nerfs vivants et sensibles.

Sans la vie, nulle distinction entre l’homme vivant et son cadavre.

vie propre a chaque organe.

La tête séparée du corps voit, regarde et vit.

mort successive de l’animal.

Il y a des parties qui, unies au corps, semblent mourir, du moins en masse. En vieillissant, la chair devient musculeuse, la fibre se racornit, le muscle devient tendineux, le tendon semble avoir perdu sa sensibilité ; je dis semble, parce qu’il pourrait sentir encore, lui, sans que l’animal entier le sût. Qui sait s’il n’y a pas une infinité de sensations qui s’excitent et s’éteignent dans le lieu ? Peu à peu le tendon s’affaisse, il se sèche, il se durcit, il cesse de vivre, du moins d’une vie commune à tout le système. Peut-être ne fait-il que s’isoler, se séparer de la société dont il ne partage ni les peines, ni les plaisirs et à laquelle il ne rend plus rien.

L’homme est d’abord fluide ; chaque partie du fluide peut avoir sa sensibilité et sa vie. Il ne paraît pas qu’il y avait une sensibilité, une vie commune à la masse.

A mesure que l’animal s’organise, il y a des parties qui se durcissent, qui prennent de la continuité. Il s’établit une sensibilité générale et commune que les organes partagent diversement.

Entre ces organes, les uns la conservent plus ou moins longtemps que d’autres.

Elle paraît proportionnée aux progrès de la dureté.

Plus un organe est dur, moins il est sensible ; plus il s’avance rapidement à la dureté, plus rapidement il perd de sa sensibilité et s’isole du système.

De tous les organes solides, la cervelle conserve le plus longtemps sa mollesse et sa vie. Je parle généralement.

L’homme a toutes les sortes d’existences : l’inertie, la sensibilité, la vie végétale, la vie polypeuse, la vie animale, la vie humaine.

Il y a, au Pérou, un serpent qui, desséché à la fumée, se ranime à la vapeur humide et chaude.

On ne saurait empoisonner les animaux microscopiques.

Il y a certainement deux vies très-distinctes, même trois :

La vie de l’animal entier ;

La vie de chacun de ses organes ;

La vie de la molécule.

L’animal entier vit, privé de plusieurs de ses parties.

Le cœur, les poumons, la rate, la main, presque toutes les parties de l’animal vivent quelque temps séparées du tout.

Il n’y a que la vie de la molécule ou sa sensibilité qui ne cesse point. C’est une de ses qualités essentielles. La mort s’arrête là.

Mais si la vie reste dans des organes séparés du corps, où est l’âme ? que devient son unité ? que devient son indivisibilité ?

Il y a même deux états de mort : un état de mort absolue et un état de mort momentanée.

Je pourrais vous citer une multitude d’insectes froids, gelés et desséchés, où il y a cessation entière de chaleur et de mouvement, extinction totale de sensibilité, et qu’on ramène par des stimulants, par la chaleur et par l’humidité.

Mais il y a même des exemples d’hommes en qui tout mouvement a cessé pendant un temps considérable sans qu’il y eût mort absolue[25]. On ne passe point de la mort absolue à la vie, on passe de la vie à une mort momentanée, et vice versa.

Des fœtus monstrueux sont nés et ont vécu et même satisfait à toutes leurs fonctions sans cerveau ou même avec un cerveau ossifié ou pétrifié.

Des enfants ont vécu et se sont mus sans moelle allongée.

Il y a cent preuves de la folie des esprits animaux.

Le cerveau ou le cervelet, avec les nerfs qui n’en sont que des expansions filamenteuses, forment un tout sensible, continu, énergique et vivant.

Le cerveau, le cervelet, avec ses nerfs ou filaments, sont les premiers rudiments de l’animal.

Ils constituent un tout vivant et portant la vie partout. Il ne faut pas chercher comment ce tout vit.

Serrez fortement un de ces fils, et son prolongement perdra le mouvement, non la vie. Il subsistera, mais il n’obéira plus.

La ligature est aux parties inférieures ce qu’une chaîne serait aux pieds de l’animal entier.

la mort.

L’enfant y court les yeux fermés ; l’homme est stationnaire ; le vieillard y arrive le dos tourné. L’enfant ne voit point de terme à sa durée ; l’homme fait semblant de douter si l’on meurt ; le vieillard se berce, en tremblant, d’une espérance qui se renouvelle de jour en jour ; c’est une impolitesse cruelle que de parler de la mort devant un vieillard. On honore la vieillesse, mais on ne l’aime pas. On ne gagnerait à sa mort que la cessation des devoirs pénibles qu’on lui rend, qu’on ne tarderait pas à s’en consoler ; c’est beaucoup quand on ne s’en réjouit pas secrètement. J’avais soixante-six ans passés quand je me disais ces vérités.

La piqûre lente d’une aiguille qu’on enfonce dans les chairs, est plus douloureuse qu’un coup de pistolet entre les deux yeux.

La balle fracasse le crâne, déchire les méninges, traverse la substance du cerveau, il est vrai, mais ce trajet se fait en un clin d’œil. L’éclair et la mort se touchent.


FIBRES.

En physiologie, la fibre est ce que la ligne est en mathématiques.

Elle est molle, élastique, pultacée, longue sans presque de largeur.

De ses éléments, les uns sont solides, les autres fluides, mais les premiers tellement unis aux seconds, qu’on ne les sépare que par le feu ou une longue putréfaction.

L’élément solide est une terre calcaire qui fait effervescence avec les acides, et se change au grand feu en verre blanc.

Cette terre se met en molécules et ne se dissout pas dans l’eau. Elle est mêlée de quelques parties de fer.

Le gluten de la fibre contient de l’eau, du sel marin, de l’air et de l’huile.

Ce gluten est la cause de l’adhésion ; c’est l’huile qui l’assouplit, c’est l’air qui la rend élastique.

On voit par les momies que les os conservent leur gluten après deux mille ans écoulés.

La fibre est un composé d’autres fibres, sans limite ; elle n’est irritable qu’en devenant musculeuse.

Elle est le lien et la matière du faisceau qu’on appelle organe.

Tous les solides du corps humain sont faits de fibres plus ou moins pressées ; il en est de même de la plante ; sans en excepter le cerveau et le cervelet et la moelle épinière ; quelquefois molle ou fragile, élastique ou pultacée, longue sans presque largeur, ou large sans presque étendue, elle fait un.

Ses éléments, les uns solides, les autres liquides, mais unis, mais combinés, inséparables sinon par feu ou par putréfaction.

Élément solide, terre calcaire qui fait effervescence avec les acides, cette terre séparée de ses liens solides, friable, ne se dissout point dans l’eau, se montre ou par feu véhément ou par un long séjour à l’air.

Il y a dans cette terre des particules de fer attirables par l’aimant. Le gluten varie selon les âges et les tempéraments.

Fibre invisible dans les très-petits animaux microscopiques.

Fibre, division sans fin en fibrilles ; de là sa force en long.

La membrane, comme la fibre, ne peut être effilée ; et de là aussi sa force.

Fibre non irritable, séparée de la fibre musculeuse.

Exsangue et non creuse.

Les médecins ont remarqué qu’elle avait une action et un mouvement d’une de ses extrémités à l’autre et de celle-ci à celle-là, ou du dedans au dehors et du dehors au dedans. Fondement de la théorie très-fondée de la laxité et du resserrement.

Les cheveux ne sont pas sensibles et la fibre l’est.

Ce gluten qu’on suppose unir les molécules de la fibre est sensible ou ne l’est pas.

S’il est sensible, la molécule est un tout sensible continu.

S’il ne l’est pas, la fibre se réduit à un fil composé de molécules sensibles séparées par autant de molécules inertes interposées. Ce n’est plus un tout sensible.

J’espère que la fibre est plus vraisemblablement de la chair ajoutée à de la chair, formant un tout continu, à peu près homogène et vivant.

Les fibrilles sont composées de fibres. Il y en a de perceptibles dans les os, dans les tendons et les muscles.

Les plus petites, musculaires, ne diffèrent en rien des plus grosses.

Formation de la fibre : ce n’est que la formation d’un ver.

Analyse du gluten : terre, eau et huile ; mais combinées, et par la combinaison formant un tout qui n’est ni eau, ni terre, ni huile, ni rien de ce qui s’est dissipé dans l’analyse.

Mais tous ces éléments forment ce qu’on appelle chair, et cette espèce de chair ainsi coordonnée forme la fibre, et la fibre est organisée fibre en conséquence, comme l’arbre de Diane est arbre de Diane[26].

Si la fibre était creuse, en la liant on formerait une tumeur ; ce qui n’est pas.

La convulsion ne se fait dans le nerf piqué qu’au-dessous de la piqûre.

S’il existait un fluide aussi actif qu’on le suppose, comment serait-il retenu ?

Comment, dans son action, l’attache délicate du nerf à une substance molle ne se romprait-elle pas ?

Si le nerf forme un tout, un animal complet avec la substance molle, on conçoit que rien ne doit se séparer ou se rompre, pas plus que dans un ver piqué.

Fibres blanchâtres disséminées dans la substance du cerveau : origine de la fibre nerveuse.

Il y a la fibre simple sans cavité.

Un faisceau de fibres simples formant un canal creux, appelé fibrilles ou fibres organiques.

Un faisceau de fibres organiques, ou fibre musculaire : éléments du nerf ; nerfs, éléments du muscle.

La contraction de la fibre produit des rides et par conséquent un raccourcissement sur elle-même.

Ce raccourcissement a lieu dans le cadavre.

La fibre simple est sans cavité, je la regarde comme un animal, un ver.

C’est cet être que l’animal qu’elle compose nourrit. C’est le principe de toute la machine.

la fibre simple, la fibrille, la fibre musculeuse.

Chaque fibre est un faisceau de fibrilles plusieurs milliers de fois plus déliées que le cheveu le plus fin.

Les fils de soie tendus sur deux ensembles[27] soutiennent un poids énorme, quoique chacun en particulier soit presque sans consistance.

Si un fil tendu résiste comme un, la résistance de deux fils sera beaucoup plus grande que deux.

Les parois seules des nerfs sont douées de sensibilité.

De petites cordes blanches disséminées dans la substance médullaire du cerveau, paraissent être l’origine première des nerfs.

Il naît de pareilles cordes de la moelle épinière. La moelle épinière est aussi insensible.

La perte du fluide nerveux jette dans l’accablement.

Dans la hernie spinale, espèce de tumeur, stupeur, par deux raisons : la première, par faute de sucs nourriciers ; la seconde, par défaut de fluide capable de produire le gonflement et la force, telle qu’elle se produit dans la plante molle qu’on écrase facilement entre les doigts et qui sépare de grosses pierres.

Le cerveau est le filtre et le cervelet le réservoir du fluide nerveux.

Le fluide nerveux n’est pas sensible.

La lymphe nervale l’est-elle ? Pas plus que le fluide nerveux.

Comment le devient-elle ? Je le sais, moi. Toutes les parties du corps communiquent avec le cerveau et entre elles par les nerfs.

S’il y avait un fluide nerveux, ce fluide échappé, l’animal cesserait aussitôt de vivre, ce qui n’est pas. Pourquoi n’arrive-t-il pas à l’organe dépecé ce qui arrive dans la hernie spinale ?

Et où est le fluide nerveux dans les animaux qui n’ont ni sang, ni cerveau, ni organes de digestion ?

Toutes leurs liqueurs ne sont que lymphes nervales. Quelle preuve en a-t-on ?

Lorsqu’on empêche l’influx du sang dans un muscle par la ligature d’une grosse artère, le mouvement cesse peu à peu. Pourquoi ? Est-ce refroidissement ? est-ce suppression de nourriture et de vie, ou tous deux ?

Le ton de la fibre n’est autre chose que son état habituel.

Il faut considérer l’épaisseur ou densité, longueur, humidité, sécheresse, chaleur, froid, élasticité, raideur, nutrition, âge, etc.


TISSU CELLULAIRE.

Le tissu cellulaire est composé de fibres et de lames : c’est un réseau parsemé d’aréoles plus ou moins grandes.

C’est la gaine ou enveloppe générale de tous les organes.

Très-subtile, elle forme l’arachnoïde. Elle embrasse jusqu’aux fibrilles. Elle est la cause des métastases et des correspondances[28].

C’est par elle que les miasmes, l’air putride et d’autres poisons ont leur effet.

Elle fait l’embonpoint.

Son gonflement par air s’appelle emphysème ; par eau, anasarque.

L’anasarque est naturelle ou accidentelle.

C’est du tissu cellulaire que sort la graisse que rend l’autruche blessée.

Il est le chemin des aiguilles ou autres corps étrangers[29].

Toutes les parties du corps concourent à sa formation ; elle résulte du superflu de leur nutrition ; elles se résolvent dans cette matière. Faire de la graisse ou se trop bien nourrir.

Elle fait la solidité et la facilité du mouvement.

Fibreuse ou lamineuse, ou tous les deux.

Emphysème, dilatation du tissu cellulaire par l’air. Anasarque par eau.

Par pus, par huile qui coule de tout le corps du struthio camelus[30] ; on la ramasse en Arabie.

C’est une espèce de sac qui tient tout à sa place, fait stabilité de tout et mobilité de chacun.


MEMBRANES.

La membrane fait les organes, comme la fibre fait le tissu cellulaire.

La maladie, le hasard ainsi que la nature font des membranes.

Le polype d’eau douce n’a ni viscères ni cœur.

Les vaisseaux sont des membranes creuses.

Le tissu cellulaire fait, enveloppe tout ; tout se résout en lui. Sac très-dur qui restreint les corps caverneux.

Tissu cellulaire dans les arbres : écorce, épidémie, peau ; tissu cellulaire qui devient bois.

Tissu cellulaire fait membranes ; membranes font viscères. La formation du corps humain assez simple, car il fait aussi os. Ainsi toute nutrition tend à engendrer le tissu cellulaire. Corps, système d’action et de réaction ; causes des formes des viscères. La nature prépare le tissu cellulaire, c’est le passage de la plante à la vie, à l’animal, à l’organisation.

Variable selon l’âge.

Du tissu cellulaire, le périoste ; du périoste, les os.

Fibres musculeuses, fibres médullaires ; même origine.

La fibre est de terre et de gluten. De fibres unies se fait membrane simple ; de fibres ourdies vase simple ; de vases contournés, seconde membrane ; de la même contournée, vase second ; de vases contournés, toile ou membrane troisième, troisième vase ; de membrane quatrième, grands vases. Ce que les uns sont par les fibres, d’autres par les nerfs.

La peau, le mucus de Malpighi et l’épidémie, dans les endroits où ils paraissent percés, rentrent en dedans.

Les papilles se meuvent, témoin l’horripilation, la tension du bout des mamelles des femmes.

Les papilles appliquées à l’objet du toucher reçoivent l’impression sur leur partie nerveuse qui la transmet au tronc des nerfs et au cerveau ; et voilà ce qu’on appelle le toucher.

Peau exhale et pompe. Exhale par une infinité d’artérioles qui y forment des papilles ou qui se distribuent dans la peau.

De huit livres d’aliments, cinq s’en vont par l’insensible transpiration, sans compter la sueur, le moucher et la salive.

La joie augmente la transpiration, la peine la diminue.

La sueur est salée, sel alcali ; la sueur des verriers cristallise.

Vaisseaux inhalants pourris par la térébenthine, Je mercure, le safran, les aromates, etc., les miasmes contagieux.

Exhalants, inhalants se relâchent et se resserrent.


GRAISSE

La graisse est une humeur liquide comprise dans les aréoles de la gaine des organes ou du tissu cellulaire.

Les enfants et l’homme de quarante ans sont gros : par la quantité de cette substance dans les premiers ; par sa quantité dans les seconds.

Il n’y a point de graisse au cerveau ni au cervelet.

Il y a peu de graisse aux jointures des membres où se fait le mouvement. Il n’y en a point au pénis, aux poumons, au clitoris.

Il y en a beaucoup aux glandes du sein. Elle se détruit par le frottement.

Les hommes gras sont dans les pays froids.

Elle contient un peu d’eau, beaucoup d’huile inflammable, une liqueur acerbe, acide, empyreumatique.

L’acide teint le sirop de violette en vert, fait effervescence avec les alcalis et cristallise avec le sel volatil.

La moelle se putréfie rarement, et son pus, qui naît de la graisse, est inflammable.

La graisse est épaissie par cet acide.

Ce n’est point une matière excrétoire ; elle sort des artères et des veines où elle rentre par l’action des muscles.

Elle est la cause de l’inflammation et du scorbut par le sang extravasé dans le tissu cellulaire. Elle enduit les canaux du sang artériel ; si elle surabonde là, elle en sort par les pores.

Elle se répare promptement dans les enfants, les ortolans, les grives ; par le repos, la cécité, le froid.

Foies d’oie grasse se font par la perte de la vue, et la fracture des os des cuisses jointe au clouement des pattes.

Elle abonde dans l’homme de quarante à cinquante ans parce qu’il devient lourd.

Les idiots et les châtrés sont gras.

Elle est nutritive, elle donne à la fibre de la mollesse ; elle empêche, par son interposition, les membres de s’unir. Elle sort, au froid, par le resserrement.

Démétrius Poliorcète, emprisonné et bien nourri, mourut étouffé par la graisse.

On en a trouvé dans l’homme jusqu’à 280 livres.

Il faut quelquefois piquer l’homme gras pour l’éveiller.

Les vaisseaux dans la graisse sont petits. Elle colore la peau.

Dans les aréoles plus ou moins grandes du tissu cellulaire est la graisse.

Graisse et tissu cellulaire variables selon le lieu, l’âge et le tempérament.

Peu de graisse où il y a beaucoup de mouvement. Elle s’amasse par le repos ou se dissipe par l’action des parties.

Acide dans la graisse est antiseptique.

Graisse exhale des artères et des veines. Preuve, l’injection.

Réceptacle naturel ou accidentel de tout fluide naturel ou artificiel.

Le mouvement des muscles la fait refluer dans le sang ; elle s’y fait, elle y rentre.

2,800 livres dans un bœuf.

Quand l’homme pèse 500 livres, il ne se meut plus.

La graisse lubrifie tout, et facilite les mouvements ;

Garantit des chocs durs ;

Distend la peau et embellit ;

Tempère l’acrimonie des autres fluides.

Matière principale de la bile.

Suinte des os à travers leurs couches cartilagineuses et se mêle avec la synovie.

Elle exhale du mésentère, du mésocôlon, de l’épiploon autour des reins.

Elle empêche les parties de se coller, de se dessécher, et de se durcir.

Pendant le sommeil, elle se dépose dans les cellules.

Trop de graisse, trop épaisse, elle gêne, cause asthme, apoplexie, hydropisie.

Elle passe par les pores excréteurs, et se perd par les veilles, la salivation et la fièvre.

Si elle rentre dans le sang, elle augmente les maladies aiguës.

Elle teint les urines et forme une grande partie de leur sédiment.

Dans les corps faibles, au lieu de graisse, c’est dans les cellules une humeur gélatineuse. De là anasarque, hydropisie, hydrocèle extérieure.

Tissu cellulaire et cellules adipeuses ; là, fibres plus larges que longues.

Il est composé de fibrilles et d’un nombre infini de petites lames qui s’entrecoupant forment de petites aires, unissent toutes les parties du corps humain, et font la fonction d’un lien qui les consolide sans les gêner.

Le tissu cellulaire, selon sa variété, forme des membranes, des vaisseaux ou des gaines.

Il est arrosé et nourri peut-être par l’exhalation des artères.

L’extrémité des artérioles y dépose de la graisse repompée par les veines.

Cette graisse y est aussi déposée de toutes les parties et sur toute la longueur des artères.

La graisse se régénère facilement.

On rend les vésicules adipeuses gourmandes artificiellement.

La graisse est promptement et facilement repompée par les veines ; grands exercices suffisent pour cela.

Les nerfs se distribuent dans les cellules adipeuses, mais en filaments si petits qu’on ne peut les suivre.

La graisse n’est point irritable.

Toutes les vésicules communiquent ; le soufflet du boucher le prouve, ainsi que l’emphysème.

L’emphysème de l’humeur rentrée, par air.

L’emphysème des corps caverneux, par eau.

Tissu cellulaire entre dans la formation de la plupart des parties du corps, il en fait la solidité et la fermeté, il constitue la principale différence des glandes et des viscères.


DU CŒUR.

le cœur animal.

Piquez un cœur séparé du corps, il se contracte et se dilate.

Il y a des animaux en qui cet organe manque. Il y a cent exemples de fœtus monstrueux qui en ont manqué ; on a disséqué un rat à qui l’on n’en a point trouvé.

Trois mouvements au cœur, la contraction, la relaxation et la dilatation.

Dans la systole, contraction selon toutes ses dimensions, et dureté.

Dans la relaxation, état naturel, et mollesse.

Dans la diastole, dilatation, et résistance extérieure.

Le fluide, en se précipitant, dilate. Ce fluide est sans doute un stimulant violent, et l’effet de tout stimulant est de contracter.

La contraction s’opère et le fluide stimulant est chassé ; autre preuve de l’animalité de la fibre musculaire, de sa sensibilité et de son élasticité.

A ces causes, il faut ajouter l’effet des colonnes ou fibres tendues horizontalement des parois d’un ventricule aux parois opposées, la chaleur, la force de tout fluide en expansion, l’irruption subite et le poids.

On peut instituer une comparaison entre le cœur et l’estomac ; l’estomac a sa systole, sa relaxation et sa diastole.

On peut instituer une même comparaison entre les artères et les intestins. C’est par une suite de ces mouvements que les aliments sont portés du pylore à l’anus.

Mais comment attribuer à un stimulant aussi inactif au goût que le sang un effet aussi prodigieux ?

Le sang, indolent à la langue, peut ne l’être pas au cœur. Les antimoniaux, qui mettent l’estomac en convulsion, ne font rien à la bouche.

Certaines plantes n’affectent ni l’odorat ni le goût, qui produisent des effets sensibles sur l’estomac et les intestins : la ciguë, le solanum, l’opium.

Il y a des insectes, des animaux qui ont le sangfroid et en qui il n’agit pas moins puissamment.

La cessation du mouvement du cœur n’est pas un signe de mort ; la palpitation peut être suspendue pendant une demi-heure.

On rend le mouvement au cœur dans l’animal mort ; il cesse dans l’animal vivant.

Dans un bœuf, la capacité du ventricule gauche distendu est à sa capacité naturelle, ou dans la relaxation, comme 2 1/2 à 1.

Le sang fait la fonction d’un antagoniste toujours agissant.

L’estomac s’affaisse, se relâche, s’enfle.

Il en est de même des intestins. Les aliments font ici la fonction de stimulants, mais surtout labile cystique, sans laquelle le mouvement péristaltique s’affaiblit.

Tout viscère s’oblitère, se réduit à une moindre capacité par l’oisiveté, et vice versa.

Le cœur, les intestins, les poumons ; ce sont des muscles creux.

5,000 pulsations par heure dans l’homme en santé. Pourquoi le cœur n’est-il pas lassé et douloureux d’une action aussi violente et aussi continue ? Aucun autre muscle ne pourrait la supporter, même peu d’heures.

Le cœur a ses artères et ses veines, qui lui fournissent du sang à lui-même.

fonctions communes des artères.

Elles se contractent et se dilatent.

Elles sont toujours pleines. De là, simultanéité de la pulsation dans toutes.

Adhésion du sang aux parois des artères comme dans les canaux qui portent des eaux pierreuses[31] : cause de l’anévrisme.

Le pouls est d’autant moins fréquent que l’animal est plus grand, ou d’autant plus fréquent que l’animal est plus petit. De là, voracité des petits animaux.

Plus fréquent le soir que le matin. De là, accroissement de malaise, à la chute du jour, dans les malades.

Vie subsistante, malgré l’ossification du cœur, par la seule contractilité de l’artère.

Veines, placées sur le muscle, qui accélère le fluide.

La veine cave rend au cœur autant de sang que l’aorte en a reçu ; sinon, varices, hémorroïdes et peut-être menstrues ; sinon, la vapeur subtile exhalée des vaisseaux, ne pouvant être reprise par les veines et renvoyée assez promptement au cœur, de là, œdème. Variétés du sang dans le vivant et le mort, dans l’animal sain et malade, dans l’animal malade de telle ou telle maladie, dans l’animal tranquille ou agité.

Le sang donne lieu à l’exhalation d’une humeur volatile.

Vitesse du sang supérieure à la rapidité de tous les fleuves.

Molécules du sang formées en globules à l’extrémité des artères, figure qui comprend le plus de masse sous la même surface.

Le cœur arraché, froid et piqué, s’enfle et se contracte.

Les fibres du cœur coupé se froncent orbiculairement, sans qu’aucun nerf ou artère puisse alors aider ce mouvement.

Le cœur pousse 25 livres avec une vitesse capable de faire parcourir à ce poids une vitesse de 149 pieds en une minute, et cela 5,000 fois par heure.

Le poids total du sang est de 50 livres[32].

Le sang n’est pas seulement un irritant dans le cœur, mais dans tout le système des artères et des veines, sans quoi son mouvement dans les unes et les autres serait inintelligible et supposerait à ce viscère appelé le cœur une force mécanique incroyable.

L’élévation ou gonflement du cœur est simultané à celui de toutes les artères. C’est un animal dont on peut regarder le système vasculaire comme les pattes ; toutes les parties de ce système sont conspirantes, sans quoi il y aurait bientôt stase générale d’un fluide visqueux porté par des angles, des courbures, et accompagné de tant de frottements.

Le pouls de l’adulte bat 65 fois par minute le matin, et 80 fois le soir ; cause du paroxysme du soir.

Dans l’embryon, 134 fois par minute ; dans le nouveau-né, 120.

Dans le vieillard, 60.

Dans l’état maladif, 96.

Mort, à 130 ou 140 pulsations.

Il y a vie avec ossification et presque destruction du cœur (preuve de l’animalité de cet organe) avec le reste du système vasculaire.

Les veines communément placées sur les muscles ; cause du mouvement accéléré du sang.

Le sang s’accumule dans l’oreillette droite, et de là entre dans l’aorte.

la poitrine.

La poitrine est une grande cavité formée par les côtes, le cou et le diaphragme.

la plèvre.

C’est une membrane simple, couverte et formée par le tissu cellulaire épaissi, plus dense que le péritoine et plus ferme au dos qu’au sternum. Elle se divise en deux sacs inégaux et ellipsoïdes. Elle n’est point irritable et n’a point de nerfs. Dans l’inspiration, ces sacs descendent ; dans l’expiration, ils montent.

le médiastin.

Il est formé par la réunion des deux sacs ; c’est le ligament des poumons. On ne meurt pas de sa blessure. Le sternum s’ouvre, et on la guérit.

Le médiastin prête enveloppe aux poumons.

le péricarde.

C’est l’enveloppe du cœur ; cette enveloppe tient au septum transverse. Le septum transverse est distinct du péricarde ; il adhère à la pointe du cœur. La situation droite de l’homme et le poids de ce viscère le rendent nécessaire.

Entre le péricarde et le cœur, il y a de l’eau qui facilite le mouvement. Il est percé de sept ou huit trous. Sa nature est celluleuse.

Si l’eau se dissipe ou s’épaissit, le péricarde se colle au cœur ; si elle dégénère, le cœur devient velu.

Le péricarde défend le cœur, à qui la nature n’a pas donné cette poche sans utilité.

Il soutient le cœur par la pointe et l’empêche de descendre et de vaciller.

le diaphragme.

Le diaphragme est un autre appui du cœur. Aux animaux sans diaphragme, le péricarde est d’autant plus fort.

S’il n’y a pas résorption d’eau, le cœur est en macération.

Il se fait dans cette eau des pierres.

L’eau vient d’un rameau du canal thoracique et des glandes conglobées, ou c’est une vapeur semblable à celle des autres cavités, une exhalation du cœur émanée des artères ; elle est résorbée par les veines.

Le cœur est un muscle creux qui chasse le sang qu’il reçoit des veines dans les plus grandes aortes de l’animal.

Les animaux n’ont pas tous un cœur, ni un cœur de la même figure.

Il est mû par l’inspiration et l’expiration, par la situation du corps, par la grossesse.

Quelques sujets ont en tout le système vasculaire à rebours, le cœur à droite, sa pointe en haut.

Les oreillettes ne sont pas doubles dans tous les animaux. Elles sont très-irritables.

Le ventricule droit est plus ample que le gauche.

Le sang passe dans le poumon avant qu’il en arrive une goutte au ventricule droit, qui le chasse.

On appelle systole la contraction du cœur ; diastole sa relaxation.

Le pouls bat dans la diastole ou relaxation. Le cœur ne se vide pas entièrement dans la systole, mais il se ride ; il se déride dans la diastole.

La pointe s’éloigne de sa base dans la relaxation. Le mouvement s’exécute en moins d’une seconde.

Il bat quelque temps dans l’homme mort.

La vie est la force de cet organe et la première cause de son mouvement. Preuve tirée des animaux froids.

Les stimulants du cœur sont l’air froid, la chaleur, les sels, les poisons, etc.

Le cœur se contracte et se dilate. Dans la contraction, le sang du ventricule droit passe dans les vaisseaux pulmonaires, et celui du gauche passe dans l’aorte.

Dans la dilatation, le sang retourne des poumons dans le ventricule gauche, et le droit se remplit du sang de toutes les parties.

Dans les animaux sans poumons, le cœur n’a qu’un ventricule.

Il semble que tout soit nerfs et que tout soit vaisseaux sanguins.

Estomac, cerveau et cœur, trois grands animaux, trois centres de mouvement.

C’est dans l’inspiration que le sang entre dans les poumons ; peut-être cet influx entre-t-il comme cause dans l’expiration.

Il y a des animaux très-voraces qui ne respirent point. Qui sont-ils ?

L’air qu’on respire froid sort très —chaud.

Dans les climats chauds, inspirations longues et profondes. Dans les climats froids, inspirations courtes.

Plus le cœur est petit, plus son action est vive. Plus le cœur est petit relativement aux autres organes et à tout le corps, plus il y a de courage.

Le cœur et le poumon ne se fatiguent jamais.

Le cœur n’est pas tout à fait indépendant de la volonté.

On convient que le sang est la véritable force des vaisseaux sanguins ; pourquoi pas du cœur ?

Toute la masse du sang passe dans les poumons avant que de se répandre dans le corps.

Lorsque la circulation s’affaiblit, ce sont les mains et les pieds qui commencent à se refroidir.


SANG.

Cruor, partie rouge.

Une fille de Pise perdait par les règles 125 onces de sang. Et si, elle se faisait saigner tous les jours, tous les deux jours.

La quantité du sang est à celle du reste du corps, comme 1 est à 5.

Le sang veineux est le même que l’artériel. Sa couleur varie selon l’âge et le tempérament. Il se fige de lui-même dans le mort et le vivant.

Le parfum animal nouveau pue ; vieux, il sent bon.

Il y a dans le sang, eau, sel, huile, fer, terre, air et matière électrique, dont la présence est prouvée par l’odeur et la lumière. Le sang d’un homme brillait la nuit.

Toutes nos humeurs ont une propension à devenir mineuses[33].

Tout le sang passe d’un ventricule dans l’autre en moins de trois minutes.

Sang, homogène, rouge, susceptible de coagulation et de dissolution.

Parties volatiles qui s’exhalent dans l’air :

Parties rouges, moitié de la masse.

Sérum un tiers de la masse ; dans la fièvre, un quart ou un cinquième.

Sérum se résout en membranes et en couenne et en muqueux.

Sérum est eau et partie albumineuse.

Air échauffé à 96° introduit une dissolution fétide dans le sang, mais surtout dans le sérum.

Dissous par la pourriture, il ne se coagule plus.

Coagulé par l’esprit-de-vin, il ne se dissout plus.

Il y a sel marin, terre, huile et fer et air non élastique.

Sang dans le scorbut ronge les vaisseaux.

Globules rouges abondants, pléthore ; parties aqueuses, phlegmatiques ; acide ou alcalescent, colères.

Analyses chimiques comparées du sang en état de santé et du sang dans toutes les maladies.

Globules rouges nagent dans des globules jaunes qui ont été rouges ; ils sont plus petits que les rouges.

Par saignées fréquentes, parties rouges perdues ; hydropiques.

Sang artériel couleur vive ; sang veineux, couleur foncée. Sang battu dans l’artère, sang tranquille dans la veine.

Si dans un animal vivant vous liez un vaisseau lacté, plein de chyle, quelques heures après vous trouverez ce chyle changé en sang.

Sang composé de lymphe limpide où nagent des parties fibreuses, des globules rouges et des globules blancs.

Globules rouges cinq à six fois plus petits que les globules blancs, et ceux-ci vingt mille fois plus petits qu’un grain de sable.

Un globule rouge qui se présente à l’embouchure d’un vaisseau trop étroit, se divise ou s’aplatit, perd sa couleur et devient jaunâtre.

Tout le sang ne sort pas. Les vaisseaux en se vidant résorbent d’autres humeurs.

Il se fige dans l’homme vivant ; coagulé, fait polype. Quelquefois adhérent, quelquefois non. Filament qui nage.

On attribue la diversité des tempéraments aux proportions différentes des éléments du sang.

Anthropophages vivant de chair et de sang, féroces.

Principe terreux, mélancolique.

1, irritabilité des solides ; 1, dureté ; 1, mobilité : mélancolique.

1/2 sanguin ; 1/3 flegmatique.

1, irritabilité des solides ; 1/2 ou 3/4, faiblesse mélancolique.

conduits excrétoires du sang en divers organes.

C’est ainsi qu’on appelle des canaux par lesquels le sang s’échappe des artères dont ils dérivent et qui sont continus avec elles.

Ils servent à débarrasser l’artère du mauvais sang, du trop de sang.

Les organes ont leur transpiration propre.

transpiration cutanée.

La transpiration cutanée est insensible ; ce n’est pas de la sueur.

Il y a des sueurs de sang, par la constriction des canaux excrétoires.

On a vu quelquefois le sang sortir du bout du petit doigt.


VAISSEAUX LYMPHATIQUES.

Les vaisseaux lymphatiques ont aussi des valvules. Liez-les, remplissez-les d’un fluide, pressez-les, la liqueur ne remontera pas.

Ils sont très-contractiles et très-irritables. Ils communiquent avec les artères et les veines ; ils naissent d’elles et du tissu cellulaire. Ils ont de grands et de petits réservoirs. Ils portent un fluide non rouge, quoiqu’ils soient continus d’une artère rouge.

La lymphe et le chyle ont un chemin commun.

La lymphe est la sérosité du sang ; elle se rougit quelquefois.

Il y a des vaisseaux névro-lymphatiques, sortes d’artères, s’insérant dans les conduits charneux ou dans les veines.

Les artères non rouges sont des vaisseaux trop étroits pour laisser le passage à un globule rouge ; ces vaisseaux portent une humeur très-ténue.

Les vaisseaux névro-lymphatiques se terminent en veines et forment toutes les membranes.

Il y a dans le sang différents ordres de globules.

Le diamètre d’un vaisseau névro-lymphatique est vingt mille fois plus petit que celui d’un cheveu.

Il y a des veines névro-lymphatiques. Ces vaisseaux servent de base à la théorie de Boerhaave sur l’inflammation.

Ces globules séparément sont jaunes ; en masse ils redeviennent rouges.

Les vaisseaux névro-lymphatiques sont sans fin, ce qui est démontré par la division illimitée des globules.

La lymphe passe des plus petits conduits à de plus grands, et de ceux-ci dans le canal thoracique d’où elle rentre dans la masse du sang.

Cette circulation est constatée par la ligature. Les vaisseaux lymphatiques ont des valvules, et les fonctions de ces valvules sont les mêmes que dans les veines.

Si l’on introduit de l’air dans le commun réservoir du chyle, il se répand dans tout le corps par les vaisseaux lymphatiques.

Les valvules s’ouvrent par le cœur et sont fermées pour les parties inférieures ; elles sont convexes en dessus. Dans le reflux du sang en bas elles se gonflent et bouchent le passage, en se développant, en s’étendant sous forme de voile.

Les muscles sont pressés par le mouvement expansif du sang.

Il y a quatre-vingts pulsations par minute, et 14,400 livres de sang chassées en vingt-quatre heures.

La mort par l’hémorragie des veines est rare ; elles s’affaissent et le sang cesse de couler. La chaleur du bain les relâche et l’effusion reprend. Pourquoi ne pas couper les artères ?

La continuité du sang dans les deux colonnes dont l’une descend et l’autre monte, démontrée par la vue[34] dans les animaux, la ligature dans l’homme et l’effet du poison.


VAISSEAUX, ARTÈRES, VEINES.

Le vaisseau est un tube composé de cylindres membraneux appliqués les uns sur les autres et qu’on sépare par dessiccation ou macération.

Le cylindre extérieur est musculeux ; l’intérieur est nerveux, des nerfs rampent sur la longueur du vaisseau. Tout ce qui est musculeux est irritable.

L’artère coupée reste ouverte ; la veine coupée s’affaisse, elle se contracte et serre le doigt fortement.

La vitesse du fluide s’augmente à mesure que le vaisseau se prolonge.

Le tronc principal est toujours moindre que deux des troncs adjacents.

Chaque artère n’a pas sa veine correspondante.

On distingue dans les vaisseaux vingt divisions, pas au delà.

Les artères, à leur embouchure les unes dans les autres, forment des courants de sang quelquefois opposés ; ce cas est rare.

Les artères finissent par devenir veines[35].

Le sang, à la sortie de l’artère, ne s’extravase pas. Il y a donc anastomose entre les veines et les artères.

Le sang passe par globules imperceptibles des artères dans les veines.

Il est parlé dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, 1739, page 590, d’un homme sans cœur et sans veines.

Les artères sont rouges ; les veines sont bleues ; les veines ne sont pas sensibles à la piqûre ; elles sont irritables par le poison.

Les hémorragies sont fréquentes, les anévrismes sont rares.

Les veines s’enflèrent aux tempes d’un amant pudibond et timide, et il mourut.

Il y a plus de veines que d’artères.

Les veines s’anastomosent entre elles. Elles ont dans l’homme et les animaux, qui ont le sang chaud, des valvules.

La valvule est faite de la membrane intérieure de la veine. Elles ont la forme d’un bracelet fait de deux lunules conjointes. Elles ne ferment pas entièrement le canal.

Les veines ne portent pas seulement du sang, mais d’autres humeurs.

A son dernier terme, la veine se change en artère.

La consistance des artères est moindre à leur origine qu’à leurs extrémités, surtout vers les pieds. On en sent la cause.

Artères finissent souvent par un canal exhalant. Effet de cette exhalation ; pompe à feu où la vapeur est si puissante.

Exhalation dans le cœur, dans les cellules de la verge, de l’urètre, du clitoris, des papilles, des mamelles. Cause de l’érection, de la dilatation, de la contraction.

Après la mort, peu de sang dans les artères, beaucoup dans les veines.

Dans la première minute… ; dans les autres le sang parcourt depuis 74 jusqu’à 149 pieds.

Pulsations des artères, 5,000 par heure dans l’homme sain.

Liqueurs injectées dans les veines, portées au cœur, du cœur dans les artères, deviennent assoupissantes au cerveau, émétiques dans l’estomac, purgatives dans les intestins, coagulantes dans toutes les parties du corps.

Les artères et les veines ont toutes leur base commune, conique dans l’un et l’autre ventricule du cœur.

Elles ont toutes leurs artères et leurs veines.

L’artère est insensible et n’a point d’irritabilité remarquable.

Les artères forment des contours dans les parties susceptibles d’un grand volume, telles que la matrice, les grands intestins, le visage, la rate.

Les plus petites artérioles se terminent et se continuent dans la plus petite veine, ou finissent par un canal exhalant[36], comme dans les ventricules du cerveau et ailleurs.

Elles exhalent une humeur aqueuse, fine et gélatineuse. Partie aqueuse est sueur ; on l’imite par l’injection.

Toute sécrétion n’est-elle pas l’exhalation d’une partie particulière du sang ?

Aux veines, rarement des fibres musculaires sur leur longueur ; médiocrement irritables, quoique sans libres musculaires.

Elles ont des soupapes[37] qui soutiennent le poids du sang et l’empêchent de redescendre.

Tout le sang est poussé du ventricule gauche du cœur par l’aorte et il revient par la veine cave.

Reste à savoir comment le sang passe du ventricule droit du cœur dans le gauche.

Les artères sont faites du tissu cellulaire. Il n’en est pas ainsi du ventricule, des intestins, de la vessie, de la vésicule du fiel, des capsules qui contiennent les articles[38], des conduits excrétoires et des follicules glanduleux, comme les cavités des parties génitales, les corps caverneux du pénis et du clitoris.

L’artère est blanche ; petite, elle rougit. Première enveloppe, tissu cellulaire. Cette membrane ôtée, l’artère ne montre que le canal droit et plus long. Deuxième enveloppe, proprement celluleuse. Troisième, musculeuse. Fibres charnues.

Conduit excrétoire ; fin de l’artère, canal assez semblable à la veine. Il y a ses ramifications, ses embranchements, ses aboutissements à la vessie, aux reins, à l’œil.

vaisseaux du chyle.

Le chyle est un suc blanc exprimé des aliments pour être porté dans le sang.

Il paraît être d’une nature aqueuse et oléagineuse. Blanc, doux, acescent ; il a tout rapport à une émulsion, il est fait de la farine des végétaux et de la lymphe et de l’huile des animaux.

Il retient en partie le caractère des aliments volatils et huileux.

Il se tourne en lait sans beaucoup changer ; c’est alors que se manifeste sa sérosité gélatineuse, transparente, coagulable, semblable à une espèce de gelée lorsque la partie aqueuse s’est évaporée.

Le chyle passe de la membrane veloutée[39] dans les veines lactées, absorbé par un orifice ouvert à l’extrémité du canal de chaque petit poil, d’où il entre dans un conduit qui commence à paraître dans la seconde membrane de l’intestin ; la réunion de ces conduits forme un vaisseau lacté avec velouté qui permet au chyle d’avancer et non de rétrograder.

Chaque vaisseau lacté aboutit à une glande, dans laquelle le vaisseau lacté, divisé en plusieurs branches, verse le chyle, qui exprimé de là par la contraction des vaisseaux et l’action des muscles du bas-ventre, est chassé dans un vaisseau lacté dont les petits rameaux vont former un tronc plus gros, traversant jusqu’à deux, trois, quatre fois différentes glandes et en côtoyant seulement quelques-unes sans y entrer.

On ne sait trop ce qui arrive au chyle dans ces glandes, on croit qu’il s’y délaye, car il y devient plus aqueux.

Il ne sort des dernières glandes que peu de vaisseaux lactés, grands, au nombre de quatre ou cinq au plus.

Ces vaisseaux montent avec l’artère mésentérique et se mêlent au plexus lymphatique qui vient des parties inférieures du corps et rampe au delà de la veine rénale, ensuite avec celui qui va se rendre, en passant derrière l’aorte, aux glandes lombaires et se joindre avec l’hépatique. Ce conduit ainsi formé se gonfle ordinairement sous la forme d’une bouteille, d’une grosseur remarquable, à côté de l’aorte, entre cette artère et le pilier droit du diaphragme.

Cette bouteille, longue de deux pouces et plus, se prolonge fréquemment dans la poitrine, au-dessus du diaphragme ; elle est conique de part et d’autre, on l’appelle le réservoir du chyle.

La lymphe gélatineuse des extrémités et du bas-ventre s’y mêle là et affaiblit la blancheur du chyle.

La bouteille comprimée par le diaphragme, battue par l’aorte, le chyle est poussé d’autant plus vite que l’orifice de la bouteille qui le contient est plus large que le conduit dans lequel il se décharge.

Ce canal s’appelle le canal thoracique, ainsi appelé de son passage dans le thorax. Il passe derrière la plèvre, se tortillant entre la veine azygos et l’aorte. Il reçoit les vaisseaux lymphatiques de l’estomac, de l’œsophage et des poumons ; en général, il est cylindrique ; il forme des îles, il se divise, il revient sur lui-même ; il a peu de velouté ; il se porte à gauche, vers la cinquième vertèbre, derrière l’œsophage ; il monte vers la partie gauche de la poitrine, derrière la veine sous-clavière, jusqu’à ce qu’il soit parvenu à peu près à la sixième vertèbre du cou ; alors, recourbé et divisé en deux branches dont chacune se dilate un peu, il descend, et ces deux branches se réunissant ou demeurant séparées, il entre par un ou deux orifices dans la veine sous-clavière, à l’endroit où se rend la jugulaire interne ; entré obliquement, il se porte postérieurement, supérieurement, droit, en bas, vers la gauche, en devant, par un seul rameau ou par deux, pénétrant dans la sous-clavière, plus extérieurement que cette union, et recevant là un gros vaisseau lymphatique qui vient des extrémités supérieures et un autre qui descend de la tête.

Le chyle mêlé avec le sang ne change pas aussitôt de nature, comme le prouve le lait de la femme qu’il fournit, mais cinq heures après avoir mangé, jusqu’au delà de la deuxième heure, temps où la femme peut donner tout son lait. Alors, après avoir circulé environ quatre mille fois dans toute l’habitude du corps, il est sang et changé au point qu’on voit la graisse se déposer dans le tissu cellulaire ; qu’il paraît en partie figuré en globules rouges ; que la partie gélatineuse forme la sérosité du sang et que la partie aqueuse se dissipe par les urines et l’insensible transpiration.

La digestion consommée, les vaisseaux lactés repompent des intestins une humeur aqueuse ; alors ils sont transparents, et le canal thoracique se remplit et porte dans le sang la lymphe du bas-ventre et de presque toutes les parties du corps.


GLANDES.

Il y a trois sortes de glandes : des conglobées, comme les testicules, la glande pinéale ; ce sont des masses charnues ; des conglomérées et des simples.

Les conglobées sont oblongues, de la figure de l’olive, et contiennent un suc blanc, séreux, laiteux. Elles ont artères, veines et nerfs ; point de cavité propre. Ce sont des espèces d’épongés dont la fonction est d’arroser.

glandes et sécrétions.

1° Humeurs produites par le sang. Lymphe. Vapeurs dans la vie, gelée à la mort. Coagulables par l’esprit-de-vin. Vapeurs des ventricules du cerveau, du péricarde, de la plèvre, du péritoine, de la tunique vaginale, de l’amnios, des articulations, des reins ceinturiaux, de la matrice, la liqueur gastrique et intestinale.

2° Humeurs ou liqueurs s’exhalant comme les précédentes, mais plus simples, plus aqueuses, non coagulables ; ne s’exhalant point, mais qui vont aux glandes. L’insensible transpiration, une partie des larmes, l’humeur aqueuse de l’œil sont du premier genre. Du second, l’autre partie des larmes, la salive, le suc pancréatique, l’urine.

La sueur, composée de l’insensible transpiration et de l’huile sous-cutanée.

3° Humeurs lentes et visqueuses ; elles sont aqueuses, non coagulables ; par évaporation devenant pellicules, sèches ; telles sont les humeurs muqueuses des canaux de l’air, des aliments, des urines, des cavités des parties génitales, des prostates, la semence.

4° Humeurs inflammables, qui, récentes, sont aqueuses et fines, mais qui deviennent par évaporation matière onctueuse, tenace, oléagineuse, ardente et souvent amère. La bile, cire des oreilles, suif et crasse de la peau, moelle des os, graisse ; lait comme butyreux.

Toutes existaient dans le sang qui a sérosité, qui se coagule, eau qui s’exhale, mucus visqueux et huile. Donc tout cela peut s’en obtenir. Comment ? Par différentes manières : par exhalation, par follicules, par filtre. Et puis ajouter attraction, et par glandes. Combinaison. Affinités chimiques.

A quoi ajouter : par aspiration, l’air, l’eau, la terre, les éléments et tout ce qui entre dans le corps ; les aliments.

Glandes salivaires excitées par l’attente du plaisir : l’eau lui en vient à la bouche.

Glandes sudorifères existent partout ; elles ont leur siége dans la membrane adipeuse ; elles ont artères, veines, nerfs et valvules.

poils.

Les poils naissent et de la peau même et du tissu cellulaire. La graisse est leur vrai séjour. Leur bulbe est ovale. Ils ne percent pas l’épiderme, ils s’en font une gaine collée à une autre gaîne qui appartient au bulbe. Ils sont insensibles et presque indestructibles.

feuillets et sinus gras.

La peau est humectée de différents sucs, d’humeurs oléagineuses qui naissent dans les follicules membraneux, ronds et simples de la tête.

La graisse perspire par les pores. Les poils exhalent, ils excrètent. Les vaisseaux artériels.

La sueur aqueuse est une espèce de maladie. L’homme très-sain ne sue point.

La perspiration insensible est une vapeur aqueuse électrique.

L’exhalation du mercure, des miasmes est portée au cœur par les veines.

Le toucher est plus fort que la vue.

Cela explique le cas des chiennes qui allaitent des chats.

L’excrétion ou la sortie du lait demande attention de la mère comme l’émission delà semence ; sans quoi, rien ou peu de chose.

Le nourrisson la chatouille par le téton. De là la tendresse des nourrices pour les enfants qui les chatouillent bien. C’est une longue manière d’éjaculer aussi analogue à la courte que le lait l’est à la semence.

Exemple de la prédilection des mères pour les enfants qui tètent bien, c’est-à-dire chatouillent bien, c’est la préférence que les vaches donnent aux serpents ; une fois tétées par ces serpents, elles ne souffrent plus la main[40].

Toutes les mères, femmes ou animales, ne nourrissent qu’à la condition d’y trouver leur plaisir.

Les bons tétons ne sont pas les gros, ce sont les plus sensibles, où les mamelons s’érigent le plus vite et le plus longtemps.

Le téton, à la longue, cesse de s’ériger pour un nourrisson, comme la verge pour une femme. Alors deux sortes de sevrages.

la salive.

Dans la faim, par l’approche des mets, par le récit, resserrement dans les glandes salivaires, érection, éjaculation de la salive. Il en est de même des maxillaires, sublinguales, molaires et de la couche glanduleuse de la bouche et des lacrymales. Irritants physiques et moraux.

Les reins, qui semblent n’être qu’un filtre, ont cependant leurs irritants physiques et moraux.

Glandes passives qui ont bien quelque vie, mais qui ont besoin de compression.

Les poissons ont à la tête des glandes qui rendent une huile qui les lubrifie.

Les oiseaux et surtout les aquatiques ont au croupion des glandes dont ils expriment l’huile avec leur bec et dont ils lubrifient leurs plumes.

On demande comment il se fait qu’une matière fine ne passe pas par un couloir large, et, en général, pourquoi chaque glande a sa sécrétion particulière. On ne peut guère répondre à cela que par l’irritant, la sensibilité, l’animalité, le goût, la volonté des organes. L’organe est comme l’enfant qui serre les lèvres quand un mets lui déplaît ; comme les animaux qui ont chacun leur nourriture, leurs aliments propres, ils[41] ont aussi leur faim.

Mais si chaque organe a ses nerfs propres comme l’œil, l’oreille, alors ils appètent et rejettent, ils se lassent.

Ils ont leur tact particulier ; l’œil ne saurait souffrir l’huile ; l’estomac rejette l’émétique, qui ne fait rien à l’œil.

Pourquoi ces petits animaux-là n’auraient-ils pas des goûts dépravés ? Pourquoi n’auraient-ils pas leur digestion ?

Qu’est-ce qu’un remède propre à tel organe ? C’est un aliment qui lui convient. Comment le discerner ? Par l’expérience.

Chaque organe a ses maladies particulières ; de là, perplexité de la médecine, incertitude et danger des remèdes.

Examinez ce qui se passe en vous ; ce n’est jamais vous qui voulez manger ou vomir, c’est l’estomac ; pisser, c’est la vessie ; et ainsi des autres fonctions. Veuillez tant qu’il vous plaira, il ne s’opérera rien si l’organe ne le veut aussi. Vous voulez jouir de la femme que vous aimez ; mais quand jouirez-vous ? quand la verge le voudra.

Vomissement ; diarrhée de tous les organes. Ages et maladie d’âges.

Tout ce qui se passe dans le cerveau n’est qu’un effet de ce qui se passe hors de lui, et réciproquement. Fibres, polypes.

Il y a des humeurs aqueuses, muqueuses, gélatineuses, oléagineuses.

Les aqueuses sont considérables, telle est la salive, l’humeur pancréatique, la larme par l’œil et le nez.

Les humeurs muqueuses deviennent visqueuses par le repos. Elles ressemblent au mucilage des plantes : elles poussent des filaments, elles adhèrent, elles n’ont ni odeur, ni saveur, ni couleur, ni solidité ; elles se conservent sans fœteur pendant un an entier ; elles dégénèrent en croûtes rudes et friables ; elles sont très-solubles dans l’eau.

Le mucilage des plantes donne de l’eau et de l’huile ainsi que les humeurs mucilagineuses. Brûlées, on en tire du charbon insipide.

L’analyse y a trouvé de l’huile, du sel volatil concret, de l’eau, du sel, du sel lixiviel.

Les humeurs gélatineuses se fondent. Elles sont douces, un peu salées, elles se figent dans l’esprit-de-vin. Telle est la sérosité du sang et la liqueur de l’amnios.

Les oléagineuses sont inflammables ; telle est la graisse, la moelle, l’humeur sébacée, la cire des oreilles, la bile, le sang rouge, le lait, le beurre du lait.

Chaque humeur a son vaisseau excrétoire, son filtre.

Ces filtres se ressemblent en tout ; ils sont enduits de poix dans les hydropiques.

Il y a vomissement urineux ; l’urine sort par d’autres voies que l’ordinaire.

L’humeur aqueuse se sépare par des vaisseaux continus aux artères, par des glandes peu irritables. La mucilagineuse par des vaisseaux exhalants, par des glandes, par de simples canaux. La gélatineuse par des vaisseaux exhalants et des glandes conglomérées. L’oléagineuse par des glandes conglomérées.

réservoirs et feuillets.

L’humeur en changeant de nature sollicite son emploi ou sa sortie.

Les glandes sont quelquefois aveugles et fermes. La synovie trop abondante se vide par exhalation ou résorption.

pores.

Ces cribles, selon Descartes, étaient mal imaginés, car les parties ténues passeraient par toutes sortes de trous, de quelque figure qu’elles fussent et quelque figure qu’eût le trou.


POITRINE.

diaphragme.

C’est une espèce de voûte, c’est une membrane musculeuse, un muscle.

thymus.

C’est une glande composée, aveugle[42], placée un peu hors de la poitrine, entre les deux feuillets de la plèvre, derrière le pli qu’elle forme et le sternum ; elle est formée d’une multitude de lobes qui en composent deux grands. Elle est très-considérable dans le fœtus[43].

poumon.

C’est une chair molle, semblable à une éponge ; c’est un amas de petits lobes creux et de cavernes pleines d’air.

Dans l’inspiration la plus forte il peut soutenir 420 livres.

Dans l’expiration commune, poids de l’air est de 666 onces.

L’admission libre de l’air dans le poumon est volontaire et involontaire.

L’inspiration violente est volontaire. Elle consiste à étendre le plus qu’il est possible la capacité des poumons ou plutôt de la poitrine.

L’air admis dans les vésicules du poumon fait la fonction de l’urine dans la vessie. Toute vessie distendue par de l’air admis cherche à s’en débarrasser. Dans l’inspiration les vésicules sont irritées et distendues ; dans l’expiration vidées.

Dans l’Europe septentrionale le degré moyen de l’atmosphère est de 48. Au sortir du poumon il est de 94. L’air est alors raréfié d’un douzième de son volume.

La colonne vertébrale commence à l’os sacrum et se termine à la tête. Courbe, elle retourne à la situation droite.

Elle est tout d’une pièce dans les oiseaux qui n’ont point à fléchir leur corps.

Pour respirer, il y a beaucoup d’instruments : toute la poitrine ou le thorax avec ses os, ses ligaments, ses muscles, avec le diaphragme, les chairs de l’abdomen et autres relations au cerveau, au cou et aux bras, selon le vulgaire.

les côtes.

Nombre douze de chaque côté, quelquefois treize. Les vraies, premières, sept de chaque côté.

La première est la plus courte.

Elles tiennent au sternum.

Les autres qui n’atteignent pas le sternum, fausses.

trachée-artère.

Est un tube en partie cartilagineux, en partie charnu, cylindrique et aplati. Ses divisions, droite et gauche, s’appellent bronches ; c’est une suite d’anneaux cartilagineux, plus solides par devant que par derrière ; ces anneaux sont élastiques. Les bronches vont toujours en s’amollissant, en diminuant, en se

déformant jusqu’à ce qu’elles soient devenues membranes.
respiration.

L’air par la respiration perd de son élasticité et de sa quantité.

Un lobe du poumon peut se pourrir et l’autre rester sain, telle est l’utilité du médiastin.

On peut rester une semaine sans pouls et sans respiration.

La douleur refuse la quantité nécessaire d’air. Le bâillement en prend beaucoup. La succion se fait par attraction. Le haleter, petites inspirations suivies de courtes expirations, effets des muscles agités. Effort, longue respiration. La toux naît d’un stimulant. L’éternument d’un stimulant à la membrane pituitaire. Le ris, courtes inspirations suivies de courtes expirations. Le ris sardonique, inflammation par blessure au diaphragme. Le pleurer commence par grande inspiration, puis expiration, finit par soupir, effet du plaisir et de la peine. Le sanglot, suite du pleurer ; le sanglot du malade, du moribond, inspiration faible, profonde, produite par l’irritation du diaphragme qui repousse l’air ; son bruit vient de la glotte fermée.

L’air se mêle avec le sang dans la respiration. Il n’y est pas élastique, mais combiné.

Le poumon est composé de lobes séparés par des intervalles intermédiaires ; ces lobes se divisent, se sous-divisent en une infinité de petits lobes jusqu’à ce qu’enfin chaque lobule se termine en de petites cellules membraneuses de différentes figures et qui communiquent toutes entre elles. La trachée-artère y conduit l’air.

Le diaphragme est un muscle formant un plan curviligne et séparant les sacs pulmonaires d’avec le bas-ventre. Ses parties charnues ont leur origine à la face interne du cartilage xyphoïde. Le centre du diaphragme a la figure d’un gnomon obtus. Il est percé de deux trous.

Au nord, les poissons les plus vifs et les plus actifs deviennent froids, paresseux et engourdis s’ils ne respirent point. S’ils respirent, ils ont la chaleur de l’homme.

Tout animal qui a poumon et deux ventricules au cœur a le sang chaud.

Un animal exposé dans l’hiver à une chaleur égale à celle qu’il supporterait dans les jours les plus chauds de l’été, meurt.

Pourquoi les tortues, les grenouilles, les lézards, les limaçons, les crapauds, les chenilles et une grande partie des insectes vivent-ils longtemps sans air ?

Harmonie entre la respiration et le pouls. Trois ou quatre pulsations à chaque respiration. Respiration plus fréquente, pouls plus fréquent.

La toux évacue les poumons.

Le ris est une espèce de toux dont la cause est dans l’esprit.


VOIX ET PAROLE.

Muet par colère pendant plusieurs années.

Trois modifications de l’air chassé du poumon dans l’expiration.

La glotte reste ce qu’elle est dans la voix ou la parole ; se rétrécit et s’allonge dans le ton aigu ; se relâche et se dilate dans le ton grave.

Si dans les tons aigus on pose le doigt sur le larynx, on le sentira s’élever de presque un demi-pouce.

Le larynx est comme l’embouchure de la trachée-artère.

L’air s’échappant par la fente du larynx produit la voix.

La voix modifiée par la langue produit la parole.

Le larynx est un tuyau creux, ouvert et fendu par le haut.

La glotte sert au chant. L’épiglotte à la déglutition.

La balbutie vient du filet trop court qui empêche la langue de s’allonger suffisamment.

La longueur et la largeur naturelle de la glotte donne toute la diversité des voix. Artificielle, toute la diversité des tons. Il faut y ajouter la tension des ligaments de la glotte.

La luette trop considérable rend le chant vicieux.

Il faut dans l’homme que l’air passe dans la glotte pour devenir bruyant.

S’il y a vice au larynx ou à l’épiglotte, le bruit est rauque.

Si l’on tient la glotte en repos, il n’y a que du souffle articulé, du murmure.

Dans la voix réelle, la voix passe par la glotte, frappe les parois de sa fente, fait frémir et les cartilages du larynx et les os de la tête, et les parties de la poitrine et de tout le corps.

Les organes de la voix sont cartilagineux, élastiques et tremblants. Les ligaments de la glotte sont aussi tremblants.

La différence des glottes fait la différence des voix.

Le larynx peut monter et descendre de deux pouces ; c’est dans cet intervalle que les voix et le chant varient du grave à l’aigu et de l’aigu au grave. C’est de là que viennent les voix sèches, les voix aiguës, les voix fausses, l’échelle des tons.

L’orang-outang ne saurait parler, la conformation de ses organes s’y oppose.

Correspondance de la voix avec les organes de la génération. Femmes châtrées. La maladie qui attaque les parties génitales affecte aussi les organes de la voix.


TÊTE.

Les microcéphales ont communément peu de mémoire, peu de pénétration et peu de vivacité. Compression des fibres blanches, principes des nerfs.

Les enfants rachitiques sont sédentaires et méditatifs. Or, les organes s’étendent et se fortifient par l’exercice. De là, la grosseur de leur tête et la masse de leur cerveau.

Cette maladie forme des espèces de ligatures et gêne la circulation de tous côtés.

S’il y a des vaisseaux qui doivent se ressentir de cette contrainte, ce sont ceux du cerveau, substance molle qui ne résiste point.

Les sutures de la boîte osseuse, faibles encore, cèdent facilement à la dilatation de la substance molle. Elles seraient fortes, qu’elles s’y prêteraient encore, comme on voit d’énormes pierres donner issue à une racine qu’on peut écraser avec les doigts.

Il en est du cerveau et du cervelet, ou de cette pulpe animale, comme de la pulpe des fruits qui s’étend outre mesure par la suppression ou la torsion de quelques branches.

Dans le rachitis, les viscères sont contournés par la nature comme les branches de l’arbre par la main du jardinier.

L’homme, proportion gardée, a la tête plus grosse que les autres animaux. C’est que l’exercice des organes qu’elle contient commence avec la vie, ne cesse point et dure jusqu’à la mort.

Or, l’exercice fortifie tous les membres, comme l’oisiveté les oblitère.

Il n’est personne qui réfléchissant un peu, ne s’aperçoive qu’elle est le siége de la pensée.

J’ai vu courir des poulets sans tête.

la barbe.

Il paraît qu’elle doit sa naissance à la matière séminale. Les eunuques de jeunesse n’ont point de barbe. Les femmes mal réglées ont le menton et le corps velu ; la matière qui ne se perd pas par l’écoulement périodique, leur donne cette apparence de virilité.

Les femmes qui passent pour hermaphrodites sont barbues.

La matière destinée à former la semence continue d’affluer vers le lieu de sa sécrétion, mais n’y trouvant plus les organes destinés à cette fonction, elle se porte sur les parties adjacentes ; de là les grosses cuisses, les genoux ronds, les os évasés du bassin qu’on remarque aux châtrés.

Dans l’espèce des animaux dont les mâles ont un os à la verge, les femelles ont aussi le clitoris osseux, ce qui ne surprendra pas ceux qui savent que le clitoris est exactement un pénis en petit, à l’extrémité duquel on remarque un point qui indiquerait l’existence d’un canal oblitéré et fermé.


CERVEAU ET CERVELET.

Par le cerveau, on entend toute la masse molle d’où naissent et se répandent les nerfs ou cordes sentantes et qui est contenue dans la tête des animaux.

Point de cerveau dans plusieurs animaux, à ce qu’on dit cependant, point d’yeux sans cerveau, et point de cerveau sans yeux.

On y distingue deux lobes, quelquefois davantage ; au lieu de lobes, ce sont quelquefois aussi des tubercules.

Plus les animaux sont jeunes, plus grand est le cerveau. L’éléphant a le cerveau petit, la souris l’a très-grand, ainsi que les oiseaux. Il n’est pas vrai qu’entre les animaux l’homme ait le plus de cerveau[44].

Le cerveau de l’homme est elliptique. Le grand côté de l’ellipse est par derrière.

Le cerveau est séparé du cervelet par une cloison membraneuse.

Ses enveloppes sont : la pie-mère qui le suit, ainsi que le cervelet, et la moelle allongée et ses nerfs : elle n’est pas irritable ; la dure-mère, qui est plus attachée au crâne qu’au cerveau, membrane très-forte qui accompagne aussi la moelle allongée.

On distingue dans le cerveau une partie corticale, espèce de bouillie mêlée de rouge, de cendré et de jaune. Elle se durcit par l’âge au point de pouvoir être coupée. Elle est vasculeuse ou spongieuse.

La partie médullaire du cerveau est plus dense que la corticale ; c’est une pulpe uniforme.

le corps calleux.

C’est un arc médullaire qui joint l’hémisphère droit du cerveau avec le gauche.

le cervelet.

C’est la partie du cerveau la plus voisine de la moelle allongée. Sa grandeur relative au cerveau est très-petite dans l’homme. Il a ses deux lobes.

moelle allongée.

C’est une moelle, comme son nom le dit ; elle se fond et coule exposée à l’air. Elle est plus molle que le cerveau.

Le cerveau se meut de haut en bas et de bas en haut. Dans Zoroastre, il repoussait la main. Il est artériel.

nerfs.

Les nerfs, ou organes du sentiment, sont des cordes unies, fibreuses qui émanent du cerveau et de la moelle allongée ; ils sont d’origine médullaire. Ils ne sont pas irritables, piquez-les, les muscles s’agiteront.

Les animaux microscopiques, les polypes d’eau douce, les orties de mer manquent de cerveau.

Les poissons ont peu de cervelle.

Les bêtes féroces peu. Très-peu dans le castor et l’éléphant, les oiseaux l’ont grand, l’homme aussi.

La pie-mère unique enveloppe du cerveau, on l’appelle aussi méninge, membrane.

Le nerf n’est pas irritable ; le muscle auquel il aboutit se convulse. Le nerf reste immobile sous le scalpel.

phénomènes du cerveau, sensations.

On appelle sensation toute opération de l’âme, quelle qu’elle soit, qui naît de son union avec le corps. Sentir c’est vivre.

La sensation s’exécute par les nerfs, car on ne saurait les toucher sans que le sentiment se perçoive.

De là, sensation simple, sensation agréable, sensation douloureuse.

On meurt d’une extrême douleur.

Tout ne sent pas dans le corps.

Il y a des nerfs partout, mais ils ne sont pas tout ce qu’il y a.

Les os ne sentent pas, ni les tendons, ni les ligaments, ni les capsules.

Ce qu’il y a de sensible dans le nerf, ce ne sont pas ses enveloppes, mais bien ses cordes médullaires.

Pour la sensation, il faut un nerf sain et une communication libre du nerf au cerveau.

L’origine de la sensation est à l’extrémité du nerf touché, point de sensation s’il est détruit ou vicié. La sensation va du membre au cerveau. Il faut que le cerveau où les nerfs portent la sensation sente aussi. Lorsqu’on avait le membre, de ce membre affecté la sensation allait au cerveau. Si, par quelque cause, la sensation est ressuscitée, alors on rapportera la sensation à son ancienne origine et l’on aura mal au membre qu’on n’a plus.

Souvent la douleur se fait sentir ailleurs qu’à la partie blessée ; c’est un effet de la liaison du nerf avec un autre dont l’origine est commune à tous les deux.

Les nerfs sont les organes du mouvement, les serviteurs du cerveau.

Le mouvement va du tronc aux rameaux et quelquefois des rameaux au tronc.

Coupez un nerf, le mouvement cessé à la partie inférieure reste à la partie supérieure.

La vie est, sans qu’il y ait de cerveau, soit que la nature l’ait refusé ou qu’on l’ait perdu par accident ou maladie.

On a vu des fœtus vivant sans tête.

Le mouvement se fait par la moelle allongée, en ceux en qui il n’y a plus de tête, à qui on l’a coupée.

Vie de l’organe reste après la séparation du corps. L’abeille a les pattes coupées et vole.

Liez un nerf, point d’élévation ni au-dessus ni au-dessous de la ligature.

Le nerf, ou cette corde, a des nœuds qu’on appelle ganglions.

Le cerveau ne pense non plus de lui-même que les yeux ne voient et que les autres sens n’agissent d’eux-mêmes.

Dans l’état parfait de santé où il n’y aucune sensation prédominante qui fasse discerner une partie du corps, état que tout homme a quelquefois éprouvé, l’homme n’existe qu’en un point du cerveau, il est tout au lieu de la pensée.

Peut-être en l’examinant de fort près trouverait-on que, triste ou gai, dans la peine ou le plaisir, il est toujours tout au lieu de la sensation ; il n’est qu’un œil quand il voit ou plutôt qu’il regarde ; qu’un nez quand il flaire ; qu’une petite portion du doigt quand il touche. Mais cette observation difficile est moins à vérifier par des expériences faites exprès que par le ressouvenir de ce qui s’est passé en nous lorsque nous avons été tout entiers à l’usage de quelqu’un de nos sens.

Il faut au cerveau, pour penser, des objets comme il en faut à l’œil pour voir.

Cet organe, aidé de la mémoire, a beau mêler, confondre, combiner et créer des êtres fantastiques, ces êtres existent épars.

Le cerveau n’est donc qu’un organe comme un autre et il a sa fonction particulière. Ce n’est même qu’un organe secondaire qui n’entrerait jamais en action sans l’entremise des autres organes.

Il est sujet à tous les vices des autres organes, il est vif ou obtus comme eux.

Il est paralysé dans les imbéciles : les témoins sont sains, le juge est nul.

Les objets agissent sur les sens ; la sensation dans l’organe a de la durée ; les sens agissent sur le cerveau, cette action a de la durée. Aucune sensation n’est simple ni momentanée, c’est, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi, c’est un faisceau. De là naît la pensée et le jugement.

Mais s’il est impossible que la sensation soit simple, il est impossible que la pensée le soit ; elle le devient par abstraction, mais cette abstraction est si prompte, si habituelle que nous ne nous en apercevons pas.

Ce qui ajoute à notre erreur, ce sont les mots qui, tous pour la plupart, désignent une sensation simple.

Le cerveau n’est qu’un organe sécrétoire. L’état des fibrilles blanches répandues dans la substance du sensorium commune, de la fibre nerveuse, de la fibrille et de la fibre organique, varie selon la qualité de la sécrétion, et cette sécrétion est rare ou épaisse, pure ou impure, pauvre ou riche. Et de là, prodigieuse diversité des esprits et des caractères.

La pression des petites fibrilles blanches répandues dans la substance du cerveau amène la cessation de tout mouvement, de toute sensation, l’anéantissement, l’état de mort.

Piquez, irritez, comprimez le cerveau, il s’ensuivra ou la convulsion ou la paralysie des nerfs et des muscles.

Piquez, irritez, comprimez les nerfs, et vous transférerez la paralysie ou la convulsion au cerveau. Les nerfs forment avec le cerveau un tout semblable au bulbe et à ses racines filamenteuses.

Il n’y a peut-être pas un point de tout l’animal qui ne soit atteint de quelqu’un de ces filets.

L’action du cerveau sur les nerfs est infiniment plus forte que la réaction des nerfs sur le cerveau.

L’inflammation la plus légère au cerveau produit le délire, la folie, l’apoplexie. Une grande inflammation à l’estomac n’a pas le même effet.

Dans l’action et la réaction du cervelet et de ses fils, l’origine peut commander à ses expansions jusqu’à un certain point. On tient un membre immobile malgré la douleur.

Le cerveau seul de la torpille est électrique.

On enlève le cerveau à la tortue sans autre inconvénient que la cécité ; elle vit. Elle l’a très-petit.

La variété remarquable dans la sensation des plus petites particules qui forment la structure du cerveau dans différents individus, n’a pas été suffisamment remarquée par les physiologues. De là l’ignorance de l’usage de cet organe.

Par la dissection de quarante-quatre cerveaux, Vincent Malacarne[45], à Acqui, a vu une différence sensible dans les lobes, dans leur union, leur quantité, leur ordre, l’étendue des lames qui constituent leurs rameaux médullaires, et dans la distribution de ces dernières, tant relatives entre elles qu’aux lobes qu’elles composent.

Certains rameaux qui, dans un cerveau, font partie d’un lobe manquent dans d’autres ou sont communs aux deux lobes, ou touchent à peine au lobe opposé.

Les sillons[46] d’un cerveau varient d’un sujet à un autre en étendue et en profondeur.

La structure des lobes varie relativement à chaque hémisphère du cerveau.

Transposition dans leurs parties. Variété dans la situation des parties placées au côté le plus bas.

Parties plus compliquées que d’autres. Dans l’arrangement des lames qui les composent, rien de fixe et de déterminé.

Pas moins de diversité dans cet organe que dans les physionomies.

Comparer des cerveaux d’hommes avec des cerveaux d’animaux.

L’éléphant, le plus ingénieux des animaux, est celui dont la cervelle ressemble le plus à celle de l’homme.

Le cerveau est arrosé de vaisseaux sanguins qui y déposent, en se perdant dans sa substance, une lymphe.

A sa base, faisceaux médullaires, origine des nerfs. Filtre d’une sève.

Si quelque partie considérable du cerveau est pressée par le sang, de l’eau, un squirre, un os ou quelque autre cause mécanique, les opérations de l’âme sont viciées : il y a délire, manie, stupidité ou assoupissement mortel. Otez la compression et le mal cesse.

Dure-mère, lame externe, lame interne. Lame externe sort du crâne avec les nerfs et les vaisseaux par tous les trous de la base du crâne et s’unit au périoste de la tête, des vertèbres et de tout le corps.

Lame interne suit la lame externe, mais s’en sépare quelquefois.

Pie-mère, arachnoïde, ainsi dite de sa ténuité, enveloppe le cerveau de toutes parts. Elle revêt immédiatement le cerveau, le cervelet.

Cerveau, partie supérieure de la cervelle et antérieure.

Cervelet, partie postérieure et inférieure de la cervelle.

Moelle du cerveau et du cervelet, sort du crâne ; petits paquets, nerfs ; gros, moelle épinière.

Nerfs, trousseaux médullaires, très-mous à leur origine, composés de petits paquets de filets distincts, droits et parallèles, et unis en un trousseau plus solide par la pie-mère.

Tous les nerfs de la tête naissent de la moelle allongée, du cerveau et du cervelet.

Qu’est-ce que la moelle du cerveau ? Elle est fibreuse, ou faite de filets parallèles ; elle engendre la fibre nerveuse.

Moelle du cerveau tiraillée, convulsion générale.

Moelle épinière tiraillée, de même.

Moelle épinière blessée, mort.

Rien n’est si divers ni si composé que le cerveau ; une preuve qu’il appartient également à tous les nerfs, c’est qu’une portion ou détruite ou blessée, quelle qu’elle soit, les fonctions des nerfs et de l’âme ne s’en font pas moins.

Il en faut très-peu pour former le sensorium commune.

Si le cerveau se dérange, les facultés intellectuelles sont altérées.

Les images des choses vues se font dans l’œil et sont aperçues du cerveau. Les intervalles des sons se recueillent dans l’oreille et sont saisis par le cerveau.

Homme privé d’une partie du crâne : la moindre compression au cerveau lui faisait voir mille étincelles ; plus forte, sa vue s’obscurcissait ; plus forte encore et de toute la main, il s’assoupissait et ronflait ; plus fort encore, il était comme apoplectique. La main levée et la pression cessant, bientôt il se réveillait et usait de tous ses sens.

On n’aperçoit pas toujours dans le cadavre la lésion du cerveau.

idée hasardée.

Après y avoir bien réfléchi, il me semble que c’est l’organe qui dispose de la voix et qui sert de truchement à tous les autres sens.

Je suppose un œil artificiel. Je suppose un paysage de Claude Lorrain ou de Vernet projeté sur cet œil artificiel. Je suppose cet œil artificiel sentant, vivant et animé. Je le suppose maître de l’organe de la voix et secondé par la mémoire et la connaissance des sons.

Je ne vois pas pourquoi il n’articulerait pas la sensation et pourquoi, par conséquent, il ne ferait pas entendre la description du paysage.


NERFS.

Les nerfs sont toujours dans un état d’éréthisme.

Ils émanent tous du cervelet. L’origine de la force animale est dans une pulpe molle.

Les plus considérables sont composés de plus petits, parallèlement unis sans se mêler ; ceux-ci de plus petits encore sans qu’il y ait de terme connu à l’exilité de la fibre nerveuse.

Voilà les principes du sentiment et de l’action ; action, sentiment détruits ou suspendus par l’impression la plus légère qui se fasse à leur extrémité par une molécule d’opium.

D’où naît la distinction de deux sortes de maladies nerveuses : les unes qui portent le désordre à l’origine, les autres où le désordre de l’origine descend aux brins.

Presque point de maladie qu’on ne pût appeler nerveuse.

S’il y a force et vigueur à l’origine, et faiblesse, délicatesse aux brins, ceux-ci seront sans cesse secoués. S’il y a force et vigueur aux brins, et faiblesse, délicatesse à l’origine, autre sorte d’agitation. Deux manières dont l’harmonie générale de la machine peut être troublée.

Les nerfs sont dépouillés des enveloppes qu’ils reçoivent de la dure-mère à mesure qu’ils reçoivent plus de sensibilité ; ils sont même quelquefois privés de la lame extérieure de la pie-mère.

Alors ils s’épanouissent et forment des mamelons et des houppes.

La pie-mère et la dure-mère sont les épidémies et les peaux de la fibre animale.

Le velouté de l’odorat plus fin et plus sensible que celui du goût.

Le velouté de l’œil plus fin et plus sensible que celui de l’odorat.

L’atonie des nerfs, cause de stupidité, leur éréthisme, cause de folie.

C’est entre ces deux extrêmes que sont renfermées toutes les diversités des esprits et des caractères.

Le comédien Gallus Vibius devint fou en cherchant à imiter les mouvements de la folie. (Sénèq., liv. XI, Controv. 9.)

Les méninges sont toujours affectées dans la folie, l’apoplexie, le délire, l’ivresse.

Le professeur Meckel attribue, sur des expériences réitérées, le dérangement de la raison à la pesanteur spécifique du cerveau. Il résulte de ses observations que la substance médullaire de l’homme mort en bon sens est plus pesante que celle des animaux, et celle des animaux plus pesante que celle des fous[47].

La plupart des maladies, presque toutes, sont nerveuses. La médecine aurait fait un grand pas si cette proposition était bien prouvée. Multitude de phénomènes ramenés à une seule cause. Nerfs, organes du sentiment et du mouvement. L’affection des nerfs est-elle toujours principe, n’est-elle jamais effet du désordre ?

Nulle sensation sans l’intervention des nerfs. Leur paralysie générale serait accompagnée, non de la mort peut-être, mais d’une stupidité complète et même du manque d’aucun besoin.

Les nerfs sont les esclaves, souvent les ministres et quelquefois les despotes du cerveau. Tout va bien quand le cerveau commande aux nerfs, tout va mal quand les nerfs révoltés commandent au cerveau.

Le système nerveux consiste dans la substance médullaire du cerveau, du cervelet, de la moelle allongée et les prolongements de cette même substance distribuée à différentes parties du corps.

C’est une écrevisse dont les nerfs sont les pattes et qui est diversement affectée selon les pattes. Ces pattes sont diversement organisées ; de là leurs fonctions différentes. Extrémités motrices et contractiles.

La substance médullaire contenue dans le crâne et la cavité des vertèbres. Fibres non séparées par aucune enveloppe.

Nerfs, proprement, continuation de la même substance, mais fibreuse, mais par fibres, séparée par une enveloppe qui dérive de la pie-mère.

Extrémités sentantes, substance médullaire sans enveloppe, et exposées par leur situation à l’action des corps extérieurs. Les organes sont adaptés à ces extrémités ; ainsi la rétine dans l’œil.

Substance médullaire homogène.

Le système nerveux partage l’animal en deux parties de la tête aux pieds. Preuve tirée de l’hémiplégie.

Nerfs tous médullaires à leur origine, mais fortifiés quand ils sont à découvert.

Olfactif et auditif, mous et sans couverture membraneuse sur toute leur longueur.

Quelque durs que soient les nerfs, ils s’amollissent dans les viscères, dans les muscles, dans les organes des sens avant que d’avoir à s’acquitter de leurs fonctions.

Comment les fibres nerveuses, qui ne sont tendues ni à leur origine, ni à leur fin, seraient-elles élastiques ou vibrantes ?

Les nerfs sont liés sur toute leur route aux parties dures par le tissu cellulaire.

Nerf coupé ne se rétrécit pas ; au contraire, loin que les deux parties se retirent, elles s’allongent et deviennent flasques, laissant échapper la moelle en forme de tubercule.

L’action d’un nerf irrité ne se porte jamais en haut. Cela est-il vrai ? Est-ce que la douleur ne dérange pas la tête ? Or si le nerf était creux, jamais en effet l’action ne se porterait en haut, elle se propagerait dans la direction de l’affluence du fluide.

Si le nerf est creux, flasque, non élastique et que sa force vienne d’un fluide, d’où ce fluide tient-il sa célérité et sa terrible énergie ? Qui est-ce qui le pousse avec tant de violence dans un canal indolent ?

Comment ce canal ne s’ouvre-t-il pas ? ses fibres n’étant unies que par le tissu cellulaire et graisseux ?

D’ailleurs point de trous vus au microscope, point de tumeur au nerf lié.

La matière électrique n’est pas retenue par les nerfs puisqu’on la communique, elle pénètre dans l’animal et distribue sa puissance aussi bien aux chairs qu’aux graisses et aux nerfs.

Les fibres génératrices du nerf viennent de toutes les parties du cerveau ; de là, il conserve encore sa fonction, même après la destruction d’une partie du cerveau ; de là, animal.

Cerveau, cervelet, moelle allongée, moelle épinière insensibles, et cependant lésion, compression suivies de délire et de mort.

Liez un nerf, la ligature intercepte la liaison entre l’origine du faisceau et la partie qui est au-dessous de la ligature.

Piquez la partie paralysée, elle se contracte et se meut.

Piquez le cœur d’un animal vivant, il a son mouvement.

Amputez ce cœur, piquez-le, mouvement ; coupez-le en morceaux, piquez-les, même phénomène.

Sur le champ de bataille, les membres séparés s’agitent comme autant d’animaux.

Preuves que la sensibilité appartient à la matière animale : ce sont toutes parties souffrantes, sans que l’animal meure ; toutes parties vivantes, l’animal mort.

L’action des nerfs porte au cerveau des désirs singuliers, les fantaisies les plus bizarres, des affections, des frayeurs.

Il me semble que j’entends crier ma femme ; on attaque ma fille, elle m’appelle à son secours ; je vois les murs s’ébranler autour de moi, le plafond est prêt à tomber sur ma tête ; je me sens pusillanime, je me tâte le pouls, j’y découvre un petit mouvement fébrile. La cause de ma frayeur connue, elle cesse.

Si la maladie affecte les organes comme ils sont affectés dans la passion, j’éprouverai la passion.

Si la passion affecte les organes comme ils sont affectés dans la maladie, je me croirai malade, et je ne serai que passionné.

S’il y avait anastomose entre les nerfs, il n’y aurait plus de règle dans le cerveau, l’animal serait fou.

fluide nerveux.

Si l’action de ce fluide fait la sensation, d’où naît la variété des sensations ? Qu’y fait alors la forme de l’organe ? Je ne le conçois pas. Tout s’explique en considérant la fibre comme un ver, et chaque organe comme un animal.

Que devient ce fluide quand il surabonde ? Comment s’exhale-t-il ?

Son exhalation ne peut être que de la partie la plus subtile ; celle qui reste est donc la grossière. Or, comment expliquer les phénomènes avec ce résidu crasse ?

Remplissez un canal quelconque d’un fluide ; formez sur sa longueur deux ligatures ; la partie gonflée par le fluide et comprise entre les deux ligatures restera gonflée. Il n’en est pas ainsi du nerf.

Tout ce qui est au-dessous de la ligature supérieure dans le nerf devient aussitôt flasque. Ou il n’y avait point de fluide, ou ce fluide s’est échappé.

Mais si ce fluide est si subtil qu’il se soit échappé, comment, dans l’état libre, ne s’échappe-t-il pas ? Comment peut-il produire gonflement, tension et raideur ?

Lymphe douce et légèrement visqueuse ne circule que lentement ; peu propre à expliquer l’instantanéité de l’expression et de la sensation. Les angles sans nombre et les coudes des nerfs s’opposent encore à la fonction de ce fluide.

Comment le nerf met-il le muscle en action ?

La fibre est un animal, un ver.

Renflement sur lui-même.

Si le renflement sur lui-même est général dans toutes les libres à la fois, mouvement du muscle. Si le renflement est partiel, crampe.

Pourquoi crampe si rare ? C’est que les fibres sont comme les animaux accouplés dès la naissance. C’est qu’ils ont l’habitude de se mouvoir conspiramment. C’est qu’ils tiennent cette habitude du bien aise de tous. C’est que dans les cas de division ils souffrent tous.

Il y a dans le nerf toile musculeuse, tissu cellulaire, graisse, artère, veines et vaisseaux lymphatiques. Tendons.

La chair ne diffère pas de la fibre musculeuse.

La fibre est contractile, même dans l’animal mort.

La force nerveuse dépend de la multitude des fibrilles nerveuses. Le muscle se gonfle dans l’action.

Debout, marcher, courir, sauter ; ils se donnent de la force à eux-mêmes.

Le fluide nerveux parcourrait 900 pieds en une minute[48].


MUSCLES.

Les nerfs sont les organes de la sensation et du mouvement.

Si les nerfs forment un plan, ils font la membrane musculeuse.

Les muscles ont les fils longs, parallèles, cylindriques, rouges, contractiles. On y distingue la tête, le ventre et la queue.

Ils ont des gaines qu’on appelle aponévroses. Les parties supérieures et inférieures s’appellent tendons.

La force contractile en certaines parties ne cesse que par dessiccation ; humectées, elles redeviennent contractiles.

Toute fibre musculeuse est irritable, et tout organe irritable est fibre musculeuse.

Le muscle s’enfle et se relâche, sa force est terrible.

Le mouvement progressif, le repos debout, le marcher, la course, le saut sont des effets des muscles.

Les muscles figurent[49] les os, donc, antérieurs aux os ; ils aident les sécrétions et les excrétions.

Les parties nerveuses sont le siége du sentiment et les organes du mouvement.

Liez fortement un nerf à son insertion dans un muscle ou ailleurs, et le muscle est paralysé.

Piquez le muscle paralysé, il y a contraction ; mais dans l’animal nulle connaissance de la piqûre, nulle connaissance du lieu.

Piquez le cœur vivant, il y a contraction. Piquez le cœur amputé, il y a contraction. Piquez le cœur dépecé en morceaux, même phénomène en chaque partie.

Il en est de l’organe comme du serpent, de la vipère, de l’anguille.

Sur un champ de bataille, corps morts et membres vivants.

Donc sensibilité et vie des parties, distinctes de la vie et de la sensibilité du tout.

Donc ce qu’on appelle âme ou esprit n’est la cause motrice immédiate ni de la sensibilité, ni de la vie, ni du mouvement.

Donc ce sont les nerfs ou plutôt la matière chair dont ces qualités sont autant de propriétés.

Donc une ligature sépare cette âme prétendue du corps, et, la ligature ôtée, la liaison renaît.

La contraction du nerf paralysé différente de la contraction du parchemin grillé.

Les nerfs ne sont que des productions des méninges ou de la dure[50] ou de la pie-mère.

Y a-t-il une lymphe subtile dont la substance moelleuse des méninges est imprégnée ? Je ne le nie pas.

Le cerveau en est-il l’organe secrétaire ? Cela se peut.

Trouve-t-on aux troncs des nerfs la même substance moelleuse imprégnée de lymphe ? Je le veux.

Cette lymphe subtile suinte-t-elle de la section des plus petites ramifications nerveuses ? D’accord.

Donc c’est leur partie nourricière. C’est mon avis.

Donc c’est le principe de leur accroissement, de leur sécheresse, de leur humidité, de leur petitesse, de leur grosseur, de leur raideur, de leur force, de leur faiblesse. Je le pense.

Donc c’est la cause immédiate de leur sensibilité, de leur vie, de leur mouvement. Je ne saurais l’admettre.

Trois choses à considérer dans le nerf : son tronc moelleux ; la lymphe subtile séparée de la partie moelleuse ; ses enveloppes, expansion des méninges, seule partie sensible, car la substance du cerveau ne l’est point.

Quand les fibres dont les fibrilles sont composées seraient très-faibles, cela n’empêcherait point que le nerf n’eût une grande résistance.

Raisons de la force contractile du nerf : les fils de la soie ; les fils de l’araignée ; les fibres renflées du bois blanc ; les fibres ligneuses des plantes, quoique molles.

Les muscles des animaux vivants tendent sans cesse à se contracter.

Dans les antagonistes, si l’un des deux s’affaiblit, l’autre se contracte ; l’équilibre est rompu.

Si le muscle est solitaire, la contraction est constante, cette constance naît de la vie même.

L’animal, par sa sensibilité, cherche le bien-être. Son bien-être demande que le sphincter de l’urètre et le sphincter de l’anus restent contractés, et c’est leur état habituel ; il demande que cette contraction soit plus ou moins forte, et elle en est susceptible.

Le plaisir et la douleur ont été les premiers maîtres de l’animal, ce sont eux qui ont appris peut-être à toutes les parties leurs fonctions et les ont rendues habituelles et héréditaires.

Je pense que les enfants ne savent qu’avec le temps commander aux sphincters de l’anus et de l’urètre.

Les lâches ne peuvent commander au sphincter de l’anus.

La joie immodérée ôte l’autorité sur le sphincter de la vessie.

Saint Augustin était un pauvre anatomiste lorsqu’il a prétendu que, dans l’état de nature innocente, l’homme commandait au membre viril comme il commande à son bras ; il ne le pouvait non plus qu’à son cœur. Il le sollicitait comme nous autres, ses malheureux enfants.

Voulez-vous connaître la similitude de la fibre musculaire avec le ver ? Tiraillez-la et vous y remarquerez le tortillement, le rendement, le serpentement.

Voulez-vous deux effets de l’action et de la réaction des filets sur l’origine du faisceau, et de l’origine du faisceau sur les filets ? Une goutte de liqueur spiritueuse sur les houppes nerveuses qui tapissent l’estomac ranime toute la machine défaillante ; un mouvement d’admiration ou d’horreur fait frissonner toutes les extrémités et produit l’horripilation, sensation qui se répand à tous les points de la peau jusqu’à la racine des cheveux.

C’est à ce mouvement vermiculaire et spontané de la fibre que j’attribue la crampe. Si une portion considérable de ces fibres qui composent le muscle se retire, se gonfle, rentre sur elle-même par quelque cause que ce soit, alors le corps du muscle se resserre et se durcit.

Le faisceau de fibrilles fait la fibre, le faisceau de fibres fait le muscle.

Les fibres du muscle sont molles, déliées, longues, grêles, un peu élastiques, presque toujours parallèles, environnées de beaucoup de tissu cellulaire et réunies par paquets.

Dans chaque fibre visible on voit une suite de filets qui, s’unissant avec leurs semblables par leurs extrémités contournées, forment une fibre plus considérable.

Le milieu du muscle s’appelle ventre. Son extrémité ou l’endroit où les fibres plus grêles et plus dures, décolorées, de rouges deviennent blanches, plus serrées, réunies par un tissu cellulaire plus rare et plus court, traversées d’une petite quantité de petits vaisseaux, indolentes, difficilement irritables. Il s’appelle tendon si les fibres sont réunies en un paquet rond et étroit. Aponévrose, si elles forment par leur réunion une surface plane et large.

Dans le fœtus, muscles attachés au périoste ; dans l’adulte, le périoste se confondant avec l’os, muscles sont attachés dans les petites fosses de l’os.

Le muscle se contracte naturellement en rapprochant ses extrémités vers son ventre. Là il devient plus court et plus gros, plus large et plus dur.

Les fibres, de concert avec les trousseaux charnus, se resserrent en rides ondées qu’on discerne et sur le faisceau, et sur la fibre élémentaire, en sorte que le mouvement total du muscle paraît n’être que celui des fibres sur elles-mêmes.

La fibre est pareillement contractile dans le cadavre. Le muscle alors coupé s’écarte dans le lieu de la section et ses parties séparées laissent des intervalles.

Cette action appartient à la fibre vivante ; la fibre durcie ne l’a plus.

Les muscles ont leurs attaches plus près du point d’appui que n’en est le poids à mouvoir.

Une grande partie des muscles forment, avec les premiers avec lesquels ils s’insèrent, surtout dans les extrémités, des angles aigus et petits.

La moitié de l’effort du muscle en action se perd si on le considère comme une corde qui tire un poids opposé vers son point d’appui.

Plusieurs muscles passent par-dessus des articulations qu’ils fléchissent toutes un peu. Cette flexion décompose la force qui agit sur la partie à mouvoir et l’affaiblit. Agissant presque parallèlement à la partie à mouvoir, elle est alors presque nulle.

Il n’y a point de rapport entre le poids du muscle et le poids à mouvoir. Expliquer cela par la vitesse d’un fluide, cela est fou.

La force des muscles antagonistes se balance, ce qui ne s’entend pas sans avoir recours à la sensibilité et à la vie.

L’un ne s’étend pas sans contracter l’autre, et réciproquement.

Les muscles qui ont de grands mouvements à produire sont enfermés dans des gaines tendineuses que d’autres muscles meuvent.

Les tendons longs qui passent sur des articulations sont couchés dans des gouttières lubrifiées.

Il est rare qu’on puisse évaluer la force d’un muscle seul, il en faut considérer plusieurs ensemble qui conspirent.

Comparer l’action des nerfs à la fureur de l’appétit, de la faim, de la soif, des autres passions. Expliquer l’effet de l’objet d’une passion, d’une crainte, sur l’entendement. Il ôte quelquefois autant de force qu’il en donne.


MOUVEMENTS.

mouvements volontaires et involontaires.

Expliquons nettement ce qu’il y a de vrai dans cette distinction. Le cœur bat, soit que l’animal y consente ou s’y oppose, cela est très-vrai.

J’ai faim, j’ai des aliments à ma portée, j’étends les bras pour les prendre parce que je veux les prendre ; c’est un mouvement consenti. Mais ce consentement est-il ou n’est-il pas libre ?

Le principe de ce mouvement nous est caché, mais quelle qu’en soit la cause, cette cause est mise en action par une impulsion quelconque intérieure ou extérieure à l’animal.

La différence de l’animal ou de la machine de chair et de la machine de fer ou de bois, de l’homme, du chien, de la pendule, c’est que dans celle-ci tous les mouvements nécessaires ne sont accompagnés ni de conscience ni de volonté, et que dans celle-là, également nécessaires, ils sont accompagnés de conscience et de volonté.

Les mouvements volontaires ne le sont pas toujours. J’étends involontairement mon bras à l’approche d’un obstacle dont je suis menacé ; dans une chute, je porte ma main en avant tandis que l’autre s’élance involontairement en arrière ; je suis alternativement ou je cesse d’être le maître de mes paupières.

Le mouvement de l’organe de la génération est sollicité quelquefois avec succès, quelquefois inutilement.

Le mouvement de sollicitation est volontaire, le mouvement subséquent de l’organe ne l’est pas.

Le mouvement de la déglutition est sollicité quelquefois sans effet.

Outre les mouvements appelés volontaires et involontaires, il s’en exécute en nous qui ont un caractère particulier, c’est de se produire malgré nous.

J’appellerais donc les premiers : volontaires, les seconds : spontanés, et les troisièmes : involontaires naturels ; et tous les autres : mouvements violents.

Les muscles, et même en général tous les organes, ont un grand nombre de mouvements particuliers, momentanés, durables ou fugitifs, prompts ou lents, d’oscillation, de contraction, de péristaltisme que nous ne sentons pas, quoiqu’ils soient très-sensibles à la vue.

On les remarque au front, aux cuisses, aux bras, aux jambes, mais surtout au scrotum.

Par un long défaut d’exercice l’âme ou le cerveau perd son autorité sur les organes qui lui sont soumis ; ils se sont émancipés, ils refusent d’obéir.

Celui qui a été longtemps privé de la vue ne saurait plus commander à ses paupières ni même à ses yeux ; il continue d’agir en aveugle lorsqu’il cesse de l’être. L’oculiste Daviel[51] était obligé de frapper un aveugle à qui il avait rendu la vue pour l’avertir et l’obliger à regarder.

du mouvement animal.

Mouvement tonique, permanent, mesure de la force et de la santé.

S’il s’accroît ou décroît plus dans une partie que dans l’autre, désordre.

S’il se soutient ou décroît proportionnellement, harmonie.

Le mal se jette sur les viscères faibles, comme dans la cécité.

Coupez transversalement une artère, si vous y insérez votre doigt vous le sentirez serré.

Différence du pincer d’une tenaille de bois ou de fer et d’une tenaille de chair ou de deux doigts. La tenaille de bois ne sent pas, celle de chair sent ; la tenaille de bois ne souffre pas, celle de chair souffre ; la tenaille de bois n’est pas chatouillée, la tenaille de chair l’est ; la tenaille de bois ne se refuse pas à sa rupture, la tenaille de chair s’y refuse ; la tenaille de bois ne sent ni sa force ni sa faiblesse, la tenaille de chair la sent : la tenaille de bois, après sa rupture, ne se meut pas, la tenaille de chair se meut ; la tenaille de bois, avant sa rupture, n’avait aucun mouvement d’elle-même, la tenaille de chair l’avait ; la tenaille de bois était isolée avant son action et reste isolée après avoir serré ; la tenaille de chair était en conspiration et reste en sympathie avec d’autres organes ; la tenaille de bois ne s’accroissait ni ne vivait, la tenaille de chair avait son accroissement et sa vie, etc…

En général il y a dans l’animal et chacune de ses parties, vie, sensibilité, irritation. Rien de pareil dans la matière brute soit organisée, soit non organisée.

C’est un caractère tout particulier à l’animal ; point de mouvement qui ne soit accompagné, précédé ou suivi de peine ou de plaisir et qui n’ait pour principe constant un besoin.

Combien l’oisiveté est contraire à une machine vivante.

Rechercher l’effet de la vie et de la sensibilité dans la molécule animale. Recherche difficile.

Des membres perclus conservent le sentiment, d’autres privés du sentiment conservent le mouvement : le mouvement et le sentiment n’ont donc pas le même principe[52] ?

Animaux sans cerveau, sans moelle épinière, sans nerfs, et cependant mouvement produit.

Deux sortes de mouvements dans une partie animale.

L’un qui appartient à l’organe comme partie du tout ;

L’autre qui lui appartient comme organe ou animal particulier.

Le premier est un effet de la sensibilité, de l’organisation, de la vie. Le second est nerveux ou sympathique et propre à la forme et à la fonction particulière de l’organe.

L’un n’a lieu que par la communication avec le cerveau ;

l’autre après cette communication détruite.
du mouvement et de la vie propre a l’organe.

A mesure que la ligature se serre, le mouvement, la sensibilité et la vie diminuent dans un muscle.

Il vient un instant où cet organe semble rester sans sensibilité et sans vie.

Je demande s’il est mort, si l’âme s’en est retirée.

Une ligature qui intercepte la liaison d’un être corporel et d’un être corporel cela s’entend : mais une ligature qui intercepte la liaison d’un être corporel et d’un être spirituel, il faut plus que de la pénétration pour entendre cela.

On ne saurait dire que ce muscle soit mort. S’il vit, il a donc une vie propre et séparée du reste du système.

S’il vit, il sent ; il a donc sa portion de sensibilité qu’il garde.

Et pourquoi accorderait-on à la ligature ce qu’on refuserait à l’amputation ?

instinct animal.

C’est un enchaînement nécessaire de mouvements conséquents à l’organisation et aux circonstances, en conséquence desquels l’animal exécute sans nulle délibération, indépendamment de toute expérience, une longue suite d’opérations conformes à sa conservation. Si cela ne se pouvait, l’animal ne serait pas.

l’auteur de la nature a assujetti…

Et qu’importe que ce soit par l’auteur de la nature ou par leur organisation ? Et qu’importe que cette organisation vienne d’un premier architecte, ou de la cause formatrice générale de tous les êtres ? L’instinct n’en subsistera pas moins.

L’enfant nouveau-né fait différentes fonctions comme s’il avait été appris.

S’il y avait une âme dans un corps et qu’elle commandât et dirigeât ses mouvements, il faudrait qu’elle connût parfaitement toute l’anatomie et la physiologie de ce domicile. Hélas ! cette pauvre monade est parfaitement ignorante, comme nous le voyons dans l’enfant qui naît, et l’animal meurt qu’elle est encore bien ignorante.

Expérience sur le ver. Attendez qu’il sorte et piquez-le. Il se détournera, il rentrera dans la terre, craindra de sortir, etc.

mouvement involontaire.

La nature ne conseille pas toujours bien dans le danger.

Si vous êtes dans une voiture, que les chevaux prennent le mors aux dents, et que vous vous voyez emporté vers une rivière ou vers un précipice, vous n’aurez rien de plus pressé que de vous élancer hors de votre voiture. Mais dans quelle direction la nature vous conseillera-t-elle de vous élancer ? Sera-ce sur la roue de devant qui s’enfuit loin de vous et dont vous ne craignez rien ? Sera-ce sur la roue de derrière qui s’avance sur vous et qui vous menace ? Elle vous conseillera de vous jeter sur la roue de devant, et c’est précisément le conseil opposé qu’il fallait vous donner pour votre salut.

Vous êtes mû par deux forces : la force de votre élan et la force dont votre voiture est emportée, vous ne suivrez la direction ni de l’une ni de l’autre ; vous irez par la diagonale.

Si la direction de la force d’élan rase la roue de derrière, la diagonale passera nécessairement entre les deux roues et vous serez sain et sauf.

Si la direction de la force d’élan rase la roue de devant, vous serez jeté sur cette roue, vous en serez renversé et brisé par la roue de derrière.

Si vous vous élancez au milieu de l’intervalle qui sépare les deux roues, ou vous serez atteint de la roue de derrière, ou précipité sur la roue de devant, ou vous échapperez à l’une et à l’autre.

L’un de ces trois cas arrivera selon le rapport de la force de votre élan à la force dont la voiture est emportée, rapport qui détermine la position de la diagonale.

Ainsi, le seul expédient qui soit sûr, c’est que la direction de la force de l’élan fasse tangente à la roue de derrière ; expédient qu’on n’a pas même l’intrépidité de choisir lorsqu’on est rassuré d’avance par la théorie.


ORGANES.

Chaque organe a son poison, son miasme qui l’affecte, comme il faut des terres différentes à différentes plantes.

Il en est des organes ainsi que des autres animaux, on les accoutume à tout, on brise leur indocilité.

organe engendré par le besoin.

J’ai vu un enfant en qui l’orifice de la vulve avait pris à la longue l’action d’un sphincter, s’ouvrant et se resserrant pour lâcher et retenir l’urine qui descendait dans le vagin à travers une crevasse qui était restée au plancher qui sépare ce canal de celui de l’urètre, à la suite d’une opération de la taille maladroitement faite.

organe des sens.

Le polype voit sans yeux. C’est bien un animal, car il saisit avec ses pattes et porte sa proie à sa bouche ; d’ailleurs sa substance n’est pas végétale, c’est de la chair comme les autres animaux.

Je conçois un toucher si exquis qu’il suppléerait aux quatre autres sens ; il serait diversement affecté selon les odeurs, la saveur, les formes et les couleurs.

Le polype va à la lumière, se rend à l’endroit où abonde sa proie, il sent son voisinage, il évite les obstacles : il est tout œil.

vie particulière des organes.

L’anguille, la grenouille coupées, le muscle séparé du bœuf se meuvent ; les intestins séparés du corps gardent leur mouvement péristaltique.

On coupe la tête à la vipère, on l’écorche, on l’ouvre, on lui arrache le cœur, le poumon, les entrailles ; pendant plusieurs jours après ce supplice elle se meut, elle s’agite, elle se plie et se replie, son mouvement se ralentit ou s’accélère ; elle se tourmente quand on la pique comme si elle était entière et vivante. Pourquoi dirais-je qu’elle ne vit pas ?

Je suppose que vous ne connussiez point la vipère et que, vous la montrant dans cet état mutilé, je vous demandasse ce que c’est que cela ; vous me répondriez sans hésiter : cela, c’est un animal vivant. Que signifie cet aveu, sinon que l’assertion contraire est la suite d’un préjugé que vous avez à défendre ?

sympathie des organes.

Chaque organe est un animal ; chaque animal a son caractère particulier. Il y a sympathie marquée entre le diaphragme et le cerveau.

Si le diaphragme se crispe violemment, l’homme souffre et s’attriste.

Si l’homme souffre et s’attriste, le diaphragme se crispe violemment.

Le plaisir et la peine sont deux mouvements différents du diaphragme.

Le plaisir peut dégénérer en peine. Ce tissu agité en sens contraire, comme il arriverait si l’homme recevait à la fois la sensation du ridicule et du pathétique, pourrait tuer l’animal. Je connais cet état par expérience. Je vis en rêve une procession ; deux hommes se jettent à travers cette procession, c’étaient deux amis qui s’étaient perdus de vue depuis longtemps ; l’un des deux revenait de la Chine : celui-ci se mourait entre les bras de l’autre ; et en même temps que j’étais frappé de ce spectacle touchant, j’entendais le maître des cérémonies qui criait : « Que cet homme ne mourait-il à la Chine ! c’était bien la peine de s’en venir de si loin troubler tout l’ordre de ma procession ! »

Si ces deux mouvements opposés, dont l’un tendait à dilater le diaphragme, l’autre à le contracter, eussent été un peu plus violents ou un peu plus longs, j’en périssais subitement.

L’eunuque veut jouir, comme celui qui a la main coupée veut prendre avec cette main qu’il n’a plus.

organes considérés comme animaux.

C’est qu’ils ont chacun leur enfance, leur jeunesse, leur âge de vigueur, leur vieillesse et leur décrépitude.

Ces âges varient dans un individu, ils varient dans plusieurs individus.

organes, animaux particuliers.

Il y aura des maladies inexplicables et dans presque toutes des phénomènes qu’on ne concevra point, si l’on se refuse à l’idée des organes considérés comme des animaux particuliers.

Toute la langue de la médecine pratique semble avoir été faite d’après cette supposition. Le médecin ne l’avoue pas, mais il raisonne, mais il parle, mais il ordonne en conséquence.

Imaginez un faisceau de fibres sensibles et vivantes, arrêtez les unes et les appliquez aux autres par deux nœuds formés à l’extrémité du faisceau.

Supposez qu’une portion de ces fibres entre en contraction violente tandis que l’autre demeure en repos, et vous aurez l’idée de ce que j’appelle la crampe.

Et quelle est la cause de la contraction d’une partie de ce faisceau ? Peut-être l’exercice seul de la sensibilité, toutes les causes qui font le ver se tortiller, serpenter, rentrer en lui-même. Le ver et la fibre diffèrent peu.

organes comparés aux animaux.

Chaque organe peut être considéré comme un animal particulier. Ce qui blesse l’un et l’irrite, réjouit un autre.

L’urine acre ne fait rien à l’urètre ; le sperme indolent, fade et doux l’affecte voluptueusement et fortement.

Le chatouillement léger de la plante des pieds agite la machine entière. L’épine douloureuse n’y cause qu’une sensation locale.

La diversité des sensations locales est infinie, on en a trop négligé l’étude.

Les stimulants violents tuent sans presque causer de douleur ; d’autres, moins actifs, ou tuent, ou même, sans tuer, causent des douleurs cruelles.

Les nerfs, après une secousse violente, conservent une trépidation qui dure quelquefois très-longtemps. Cela est démontré par le tremblement universel qui n’est qu’une succession rapide et tumultueuse de petites contractions et de petits relâchements.

Rien qui ressemble davantage aux ondulations de la corde vibrante ; rien qui prouve mieux la durée de la sensation et qui conduise plus directement au phénomène de la comparaison de deux idées dans l’opération de l’entendement, qu’on appelle jugement.

Je trouve, pour ainsi dire, ces animaux isolés. Tels, comme les zoophytes, n’ont que le sentiment et la vie.

D’autres ont le sentiment, la vie et la digestion, comme les polypes d’eau douce.

Depuis la molécule jusqu’à l’homme, il y a une chaîne d’êtres qui passent de l’état de stupidité vivante jusqu’à l’état d’extrême intelligence.

organes, animaux séparés.

Point d’organes qu’on ne trouve manquant dans un animal.

Homme, assemblage d’animaux où chacun garde sa fonction.

Chaque organe ou animal a son caractère d’abord, puis son influence sur les autres. De là la variété de ces symptômes qui semblent propres à un seul et étrangers aux autres qui en sont pourtant affectés.

Comment les organes prennent des habitudes ? C’est peut-être le seul point sur lequel ils sont forcés de se concilier et de se mettre en société. Un chacun sacrifie une partie de son bien-être au bien-être d’un autre.

Combien de causes inconnues produisent en nous des habitudes et forment des retours périodiques !

Les organes ont non-seulement des formes, mais au goût et à l’odorat des qualités tout à fait différentes, autant différentes que les animaux entre eux : par conséquent, une digestion, une nourriture et une excrétion particulières. Bref, toutes fonctions plus distinctes qu’en différents animaux.

Preuve des habitudes sourdes, c’est que la fièvre reprend quelquefois sans que le principe fébrile subsiste.

Il se fait un frémissement involontaire dans l’organe qui souffre ; cette action lui est propre ; c’est alors qu’il se montre un animal distinct du reste.

Nos vices et nos vertus tiennent de fort près à nos organes.

L’aveugle qui ne voit pas les formes de l’homme qui souffre ; le sourd qui n’entend pas ses cris ; celui qui a la fibre raide et racornie, et qui n’a que des sensations obtuses ; celui qui manque d’imagination et ne peut se rappeler le spectacle des événements passés, ne peuvent être doués ni d’une grande commisération, ni d’un goût bien exquis de la bonté et de la beauté, ni d’un violent amour de la vérité.

Il est vrai que quelquefois le vice naturel d’un organe se répare par l’exercice plus fréquent d’un autre. Si l’aveugle a perdu la sensation des formes et de tous les sentiments qui en émanent, il est bien plus sensible aux cris : le son de la voix est pour lui ce qu’est la physionomie pour celui qui voit.

J’ai connu une jeune aveugle qui recevait par l’oreille des sensations et des idées qui nous sont inconnues ; elle distinguait des voix blondes et des voix brunes[53].

Les organes s’accoutument à une lésion qui s’accroît par des degrés insensibles ; on peut percer les pieds et la main. La douleur subite aurait tué l’animal.

Chaque organe a son plaisir et sa douleur particulière, sa position, sa construction, sa chair, sa fonction, ses maladies accidentelles, héréditaires, ses dégoûts, ses appétits, ses remèdes, ses sensations, sa volonté, ses mouvements, sa nutrition, ses stimulants, son traitement approprié, sa naissance, son développement.

La même maladie transférée par métastase d’un organe à un autre présente des phénomènes et produit des sensations plus variées que la même maladie fixée au même lieu dans des animaux différents. La goutte brûle, pique, déchire le pied ; à la main, c’est autre chose ; sur les intestins, à l’estomac, aux reins, aux poumons, à la tête, aux yeux, aux articulations, autant de douleurs différentes.

de l’organisation propre a chaque espèce, oiseaux de proie.

Ce sont des espèces de vessies emplumées et ailées. Il y a communication entre la poitrine et le ventre. L’air des vésicules du poumon pénètre la cavité des os, qu’ils ont vides ; ainsi, lorsque nous les voyons planer dans les régions les plus hautes de l’atmosphère et s’y tenir aussi longtemps, c’est moins l’effet de leur longue envergure que de leur conformation qui rend presque toutes les parties de leur corps perméables à l’air et susceptibles de dilatation.

L’organisation détermine les fonctions et les besoins ; et quelquefois les besoins refluent sur l’organisation, et cette influence peut aller quelquefois jusqu’à produire des organes, toujours jusqu’à les transformer[54].

Trois petits enfants : pénis très-gros, avec abondance de sperme ; l’âme toute tournée au coït ; stupides, tristes et sauvages, mais salaces à l’excès.


LE TOUCHER.

Boerhaave, dans son ouvrage intitulé : Hippocrates impetum faciens[55], dit de lui-même qu’ayant perdu l’ouïe, il entendait un air en posant la main sur l’instrument.

Une autre impression des nerfs et du cerveau, c’est d’éprouver des changements par l’impression des corps qui nous entourent, de les éprouver dans les organes sur lesquels ces impressions sont faites, et d’en conserver le souvenir plus ou moins de temps.

Si l’impression s’est faite sur la peau, la sensation est du toucher.

Aucun lieu sur la peau qui ne soit sensible.

La peau est un tissu dense, composé d’un grand nombre de cellules rapprochées, dont les fibres sont entrelacées et embarrassées les unes dans les autres. Elle est extensible, contractile et poreuse. Elle a ses veines et ses artères, avec une grande quantité de nerfs qu’on ne saurait suivre jusqu’à leur extrémité. Il y a le tissu cellulaire placé entre la peau et les muscles ; la peau s’y confond peu à peu en se relâchant, et c’est en s’enfonçant dans ses intervalles remplis de graisse que sont produites les fossettes.

Il y a peu de parties où les fibres musculaires soient placées immédiatement sous la peau, sans en être séparées par la graisse.

Il y a des parties où les fibres tendineuses des muscles s’insèrent dans la peau, comme à la paume de la main, à la plante des pieds.

L’épiderme enlevé, la peau est presque sans inégalité ; on n’y voit que de petits grains fort menus.

L’extrémité des doigts montre de plus grandes papilles arrondies et placées dans les fossettes de l’épiderme. On a de la peine à découvrir les nerfs qui s’y distribuent. Ces papilles sont faites de vaisseaux et de nerfs liés ensemble par le tissu cellulaire.

Elles paraissent longues et en forme de poils aux lèvres ; macérées, elles sont très-visibles à la langue.

La peau est couverte d’une enveloppe qui lui est adhérente par une infinité de petits vaisseaux et de poils qui la traversent.

La surface externe de cette enveloppe est cornée, sèche, incorruptible, insensible, sans vaisseaux ni nerfs, pleine de rugosités d’une direction déterminée et écailleuses : c’est l’épiderme.

L’épiderme est percé de pores dont les uns laissent passer la sueur, les plus petits l’insensible transpiration.

Le feu et le frottement l’épaississent ; il s’attache de nouvelles lames à la première et il se forme une callosité.

On distingue à l’épiderme deux lames dans les nègres.

La surface interne de l’épiderme est plus pulpeuse, demi-fluide et comme muqueuse.

L’épiderme des Européens se sépare difficilement. Celui des nègres d’Afrique plus aisément ; ils l’ont même vraiment membraneux, solide et séparable.

Il reçoit les papilles dans ses cavités molles, et c’est ce qu’on appelle le corps réticulaire de Malpighi.

L’épiderme n’est pas percé en forme de crible.

L’épiderme n’a point de vaisseaux ; il s’use, il se régénère, n’est pas sensible. C’est la concrétion d’une humeur qui s’exhale de la peau, concrétion percée par les conduits exhalants et inhalants dont les orifices sont unis par un gluten qui les environne.

Sous la peau, glandes sébacées qui la percent par leurs conduits excréteurs, et dont l’enduit mou, demi-fluide, qu’elles répandent sur l’épiderme le fait reluire.

Poils naissent du tissu cellulaire, d’un petit bulbe membraneux, vasculaire, sensible.

Ongles, de la même nature et structure que l’épiderme.

Les ongles tiennent à l’épiderme. La macération les sépare. L’épiderme couvre l’ongle en dehors et en dedans.

L’ongle est fait de plusieurs feuillets de l’épiderme, dont on dit que la mort n’arrête pas l’accroissement[56].

la peau.

C’est l’enveloppe générale du corps ; percée d’ouvertures, elle y existe, mais rebroussée.

Sa structure générale est celle des membranes. Elle a dessous les artères et les veines, qu’on discerne aux peaux fines et blanches.

Son excrétion prouve des vaisseaux excrétoires. Elle fourmille de filets nerveux.

Elle est musculeuse et irritable. Elle a des papilles chatouilleuses, d’où s’exhale la matière perspirable.


LE GOUT.

Le goût est le dernier des organes qui s’éteigne. Il n’est donc pas étonnant que les vieillards aiment la table.

Le siége du goût est dans la langue. Il s’affaiblit en approchant de l’épiglotte. Une fille qui pour toute langue n’avait qu’un tubercule, goûtait.

La langue a des papilles de deux espèces, des tronquées et des frangiformes.

Le palais, le tour de la bouche, le gosier sont encore des organes servant au goût.

Aliments désagréables, nuisibles ; agréables, sains.


L’ODORAT.

La partie extérieure de l’organe qui discerne les odeurs est le nez.

Il y a le sinus pituitaire ; il y a la membrane pituitaire et ses glandes.

Le chien a l’odorat très-fin. L’ours blanc sent plus finement encore, et le phoque plus finement que l’ours blanc.

L’odeur sert aussi à discerner les aliments sains et malsains.

Les animaux qui ont à chercher leur proie au loin ou à discerner leur nourriture entre les plantes, ont l’odorat très-fin.

L’odorat s’opère au moyen d’une membrane pulpeuse, molle, vasculaire, papillaire, poreuse, qui tapisse la cavité interne des narines.

Grand nombre de nerfs très-mous et presque nus.

Mucus fourni par les artères, les défend. Cornets et cavernes qui donnent lieu à l’étendue de la membrane odorifère. Sinus, coquilles, etc.

Picotement de la membrane, éternument ; larmes descendant dans le nez délayent le mucus. Sympathie : odeur des médicaments, purge.

Cornets spiraux et nombreux dans les animaux à odorat fin.

Cornets parallèles et en peigne dans les poissons.

La morve ne vient point du cerveau ; c’est une excrétion utile et propre au nez.


L’OUIE.

Il faut distinguer dans l’oreille le méat auditif, le tympan, le labyrinthe.

L’oreille est cartilagineuse et élastique. Elle a ses glandes cérumineuses.

Le son entre par la bouche, les narines, la trompe d’Eustache.

L’air ondule. Les rayons sonores se rassemblent dans le méat auditif.

Ils trouvent au fond de ce conduit la membrane concave du tympan.

Cette membrane oscille, son oscillation met en mouvement les petits os : le marteau, l’enclume, l’étrier.

De là ils vont au trou ovale. Le frémissement se continue au vestibule, au cochléa[57], au labyrinthe, d’où leur impression passe au cerveau.

Un grain de poussière dans le canal d’Eustache, on n’entend pas.

Les poissons n’ont point cet organe, ils entendent comme par un toucher direct.

Oscillations, pas moins de trente par seconde pour être entendues. En une seconde le son parcourt 1,038 pieds[58] de Paris.

La chaleur augmente sa vitesse ; en Guinée, 1,098 pieds.

L’écho suppose entre le corps sonore et l’oreille, une distance de 110 pieds ; sans quoi le son devient continu en se pressant, comme le ruban de feu[59] pour l’œil.

La membrane du tympan fait bouclier en dedans ; très-tendue, très-susceptible d’oscillations.

Sympathie des dents avec l’oreille.

Brûlure de l’oreille produit sons.

Ouïe difficile à expliquer. C’est l’anatomie comparée qui éclaircira cela.

Les oiseaux et les poissons entendent sans limaçon. Canaux demi-circulaires manquent dans l’éléphant.

Chemin du son : l’oreille externe, le conduit auditif, membrane du tympan ; au moyen des os contigus au vestibule, à la caisse ; la fenêtre ronde et le limaçon. Machine très-compliquée et à laquelle on ne connaît encore rien[60].

Son se communique au nerf auditif, par la trompe, par les dents, par les os du crâne.

L’organe de l’ouïe est fait de cartilages élastiques et d’os durs.

Le lièvre pusillanime a cinq tours au limaçon.

Le son le plus aigu qui puisse être entendu produit 7,520 oscillations dans une seconde.


LA VUE.

Cet organe est fait d’humeurs et propre aux réfractions ; parties tendres qu’il fallait garantir.

Sourcils, défense extérieure, en dirigeant la sueur sur le côté des joues.

Paupière couvre le globe et se couche sur la sclérotique ; conjonctive ou cornée à laquelle elle s’unit intimement. Paupières sont très-sensibles.

Cils qui rejettent le trop de lumière.

Glandes sébacées de Meibomius le long du bord des paupières, donnent suif qui enduit les paupières et empêche le frottement douloureux.

La matière des larmes arrose la cornée en entretenant sa souplesse, et entraîne les insectes et autres petits corps. Cette matière est le produit d’une glande ; le surplus passe par les points lacrymaux, dans le sac lacrymal et de là dans la narine par le conduit du même nom.

L’orbite, emplacement graisseux de l’œil.

Nerf optique ; expansion de ce nerf.

Enveloppe générale du globe, sclérotique. C’est la membrane interne de la dure-mère séparée du nerf.

Le périoste de l’œil ; c’est la membrane externe de la duremère séparée du nerf.

La pie-mère tapisse la partie interne de la sclérotique en se séparant du nerf.

La substance médullaire de la partie interne du nerf dépouillée, continue au cerveau, mais séparée par des cloisons cellulaires, se réunit en une papille conique, blanche, aplatie, pénètre par les trous du cercle blanc de la choroïde, s’épanouit et forme la rétine, membrane la plus interne de l’œil.

La sclérotique est percée à sa partie antérieure d’un trou orbiculaire.

Autour de ce trou est attachée une partie plus convexe, transparente, formée de plusieurs lames, sensible, presque circulaire. C’est la cornée, passage de la lumière au fond de l’œil.

La conjonctive s’éloigne des paupières à la partie antérieure la plus plane de la sclérotique et devient la cornée.

La conjonctive est unie avec la sclérotique.

La choroïde commence par un cercle blanc percé de plusieurs trous et terminant la substance du nerf optique à l’endroit où la rétine et son artère centrale l’abandonnent. Devenant de là de plus en plus concentrique, elle s’épanouit entre la sclérotique, et parvenue à l’origine de la cornée transparente, elle s’unit exactement avec la sclérotique.

Cette membrane, dont l’épanouissement tendait à faire une sphère, s’étend autour de la cornée, forme un cercle qu’on appelle pupille.

La partie antérieure de cet anneau se nomme iris.

La partie postérieure couverte de noir se nomme uvée.

Les humeurs soutiennent ces tuniques.

L’humeur vitrée touche à la rétine.

En devant du corps vitré et derrière l’uvée, le cristallin.

L’humeur aqueuse occupe l’espace triangulaire curviligne, entre l’uvée et le cristallin.

Chemin des rayons de la lumière dans l’œil. Traversent la cornée, se réfractent ; passent dans l’humeur aqueuse, convergent, mais un peu moins ; deviennent presque parallèles ; tombent sur le cristallin ; convergent beaucoup ; au sortir du cristallin continuent de converger dans l’humeur vitrée moins que dans le cristallin, mais plus qu’avant d’y entrer ; puis atteignent la rétine où l’image se peint, mais renversée, parce que les rayons des extrémités de l’objet se sont croisés.

Le cristallin est mobile en avant et en arrière. En se portant en avant, il corrige les rayons trop divergents. En arrière, il corrige les rayons trop convergents.

Le point de vision distincte des myopes, ou yeux denses et convexes, est entre un et sept pouces de distance de l’œil. Celui des presbytes est entre quinze et trente pouces.

Mesure de la grandeur : objet au sommet d’un angle dont la cornée est la base.

examen expérimental de la manière dont se fait la sensation de l’œil sur un arbre.

Le champ de l’œil en embrasse une partie. Si l’œil ne réitère pas l’expérience, il ne connaîtra pas l’arbre.

Si la partie embrassée dans la première expérience par le champ de l’œil ne se lie pas à la première, en sorte qu’une partie de ce qu’on a vu se joigne à une partie de ce qu’on voit, on aura beau multiplier les expériences, on aura parcouru tout l’arbre, mais les expériences ne se liant point les unes aux autres, on n’aura point la notion précise d’un arbre.

Pour avoir cette notion exacte et des parties et de l’ensemble, il faut que l’imagination peigne le tout dans l’entendement et que j’en éprouve la sensation, comme si l’arbre était présent ; et si l’on examine bien ce qui se passe dans l’entendement lorsqu’on veut apercevoir l’arbre en entier, l’on procède au dedans de soi comme on a procédé au dehors : par champs plus ou moins étendus qui empiètent successivement les uns sur les autres, et qu’on parcourt avec une extrême rapidité, une rapidité si grande qu’on se persuade qu’on voit en dedans tout l’arbre à la fois, comme on se persuade qu’on l’a vu tout entier à la fois hors de soi, ce qui n’est vrai ni dans l’un ni dans l’autre cas.

Il faut commencer par ceci : voir un objet et y attacher un son, le son arbre ; puis dire, entendre le mot arbre.

Voir un objet, en embrasser un champ, celui de l’œil, et procéder de l’extrémité des racines, de champ en champ, jusqu’au sommet, attachant à chaque partie qui offre des formes très-distinctes les mots filaments, racines, tronc, écorce, branches, pédicules, feuilles, nervures, fleurs et fruits ; puis le mot arbre qui comprend le tout. Puis le même mot répété.

Il semble que nous passions nos jours par de petits jours et par de petites nuits.

Premièrement, il fait nuit toutes les fois que nous fermons nos paupières ; et combien cela ne nous arrive-t-il pas ?

Si nous ne nous apercevons pas de toutes ces petites nuits, c’est que nous n’y faisons pas attention, car lorsque nous y faisons attention nous nous en apercevons.

Ou bien, c’est que l’impression de la lumière reçue dure en nous plus que la durée du clignotement, et qu’il n’y a point de cessation de lumière ; c’est ici comme au ruban de feu formé par la pointe du charbon ardent.

Autre phénomène : nous ne pouvons penser, voir, entendre, goûter, flairer, être au toucher en même temps ; nous ne pouvons être qu’à une chose à la fois. Nous cessons de voir quand nous écoutons, et ainsi des autres sensations. Nous croyons le contraire, mais l’expérience nous désabuse bientôt.

Toutes sortes d’impressions se font, mais nous ne sommes jamais qu’à une.

Notre âme est au milieu de ces sensations comme un convive aune table tumultueuse qui cause avec son voisin ; il n’entend pas les autres.

Mais comment se fait-il que nous traversions Paris à travers toutes sortes d’embarras, profondément occupés d’une idée, par conséquent parfaitement distraits sur tout ce qui se rencontre, se passe, nous touche, s’oppose à nous, nous environne, sans accident, sans nous tuer, sans blesser les autres ? Comment même se fait-il que dans les choses de pure habitude et de pure sensation nous fassions les choses d’autant mieux que nous y pensons moins ? Nous montons parfaitement bien notre escalier pendant la nuit, si nous n’y pensons pas ; nous commençons à tâtonner quand nous y pensons. Le jour, l’esprit occupé, nous le montons, nous le descendons comme s’il faisait nuit.

Il y a plus : il fait nuit en plein midi dans les rues pour celui qui pense profondément, et nuit profonde.

L’œil nous mène. Nous sommes l’aveugle, l’œil est le chien qui nous conduit, et si l’œil n’était pas réellement un animal se prêtant à la diversité des sensations, comment nous conduirait-il ? Car ce n’est pas ici une affaire d’habitude. Les obstacles qu’il évite sont à chaque instant tout nouveaux pour lui. L’œil voit ; l’œil vit ; l’œil sent ; l’œil conduit de lui-même ; l’œil évite les obstacles ; l’œil nous mène et nous mène sûrement ; l’œil ne se trompe que sur les choses qu’il ne voit pas ; l’œil est frappé subitement et il arrête ; l’œil accélère, retarde, détourne, veille à sa conservation propre et à celle du reste de l’équipage. Que fait de plus et de mieux un cocher sur son siége ?

C’est que l’œil est un animal dans un animal, exerçant très-bien ses fonctions tout seul. Idées auxquelles on peut donner toute la vraisemblance imaginable.

Combien cet organe serait trompeur si son jugement n’était sans cesse rectifié par le toucher.

L’œil s’obscurcit dans la peur et dans la tristesse ; s’allume dans la colère ; brille dans l’amour ; dans l’amour, il est humide ; sec dans la colère et quelquefois sanglant.

L’œil est récréé ou blessé ? Je ne crois pas cela. Le plaisir et la douleur sont ailleurs. Cependant l’œil change de formes selon l’objet ; mais on n’a pas de plaisir à l’œil. Observation que je crois vraie et neuve.

La forme de l’œil est variable, il s’aplatit ou se sphérise selon la distance des objets à voir.

Ceux qui voient la nuit s’éclairent eux-mêmes ; ils ont les yeux phosphoriques.

Un M. Kleckenberg, commis au bureau de Hollande, ne saurait distinguer le vert du rouge[61].

Le fils d’un écrivain d’Amsterdam ne distingue aucune demi-teinte.

Combien d’expériences à faire sur ces deux individus singuliers !

Si dans l’amaurosis un œil est privé de la vision et qu’on ferme le bon, la prunelle est immobile. Si l’on rend la lumière à celui-ci, la prunelle malade se meut et se contracte. Sympathie[62].

La sympathie ne suppose pas toujours connexion ; il suffit d’une habitude.

Les couleuvres n’ont point d’œil[63].

L’œil ne souffre point l’huile.

Artères de Ridley gonflées montrant des mouches qui volent[64].


SENS INTERNES.

entendement.

Ce que nous connaissons le moins, c’est nous. L’objet, l’impression, la représentation, l’attention.

Dans l’insomnie, il y a représentation involontaire d’un ou de plusieurs objets.

L’imagination, faculté de revoir les choses absentes.

Mémoire varie avec l’âge. Le cerveau s’endurcit et la mémoire s’efface.

On vit sans aucune sensation. Exemple d’un vieillard qui n’éprouvait ni la faim, ni la soif.

Musicien qui reste musicien après la perte de la mémoire des notes.

La mémoire est des signes, l’imagination des objets. La mémoire fait les érudits, l’imagination les poètes.

vestiges. — ordre des vestiges.

Ceux qui sont sans yeux voient par le toucher. Un toucher exquis suppléerait à tous les sens.

Pour expliquer l’oubli, voyons ce qui se passe en nous. Nous faisons effort pour nous rappeler les syllabes du son, si c’est un mot ; les caractères de la chose, si l’objet est physique ; la physionomie, les fonctions, si c’est une personne.

Les signes servent beaucoup à la mémoire. Un enfant de dix ans élevé parmi les ours resta sans mémoire[65].

L’organisation et la vie, voilà l’âme ; encore l’organisation est-elle si variable !…

La femme qui continue son discours interrompu par une attaque de catalepsie.

On ne pense pas toujours. On ne pense pas dans le sommeil profond.

On ne voit nettement qu’un objet à la fois.

Le jugement distingue les idées, le génie les rapproche.

Le délire ou le sang violemment porté à la tête ; la stupidité, le sang porté à la tête trop faiblement.

La volonté, la liberté, la douleur qui garde l’homme, le plaisir qui le perd, le désir qui le tourmente, l’aversion, la crainte, la cruauté, la terreur, le courage, le sommeil, le rêve, l’ennui.

Il y a des causes qui agissent sur nous intérieurement comme extérieurement.

Mouvements involontaires des organes. Maladies, plaisirs, peines, etc.

Organes s’agitant d’eux-mêmes pendant la nuit.

La mémoire, l’imagination, les impressions passées, mais accompagnées de plaisir, d’effroi, de douleur, etc.

Les yeux fermés nous réveillent une longue succession de couleurs ; les oreilles une longue succession de sons.

Ce réveil peut se faire de soi-même par le seul mouvement de l’organe qui se dispose spontanément comme s’il était affecté par la présence de l’objet.

S’il y a quelque ordre dans ce réveil des sensations, le rêve ressemble à la veille, si l’on dort. Il y a mémoire fidèle si l’on veille.

Ainsi la mémoire n’est donc qu’un enchaînement fidèle de sensations qui se réveillent successivement comme elles ont été reçues. Propriété de l’organe.

Ainsi l’imagination n’est donc qu’un enchaînement fidèle de sensations qui se réveillent dans l’organe.

Mémoire des sons

Mémoire des goûts ou plutôt imagination.

Mémoire des odeurs

Mémoire du toucher

Mémoire n’est que des mots presque sans images.

La mémoire agite moins et l’orateur et l’auditeur que l’imagination.

On a la mémoire et l’imagination plus durables et plus fidèles des choses qui nous ont affectés fortement que des autres.

Les hommes sans imagination sont durs. Ils sont aveugles de l’âme comme les aveugles de corps.

On rendrait un enfant imbécile en lui montrant perpétuellement des objets nouveaux ; il aurait tout vu et rien retenu.

On détruit la mémoire en ceux qui en ont en rompant le fil entre les sensations par des sensations décousues.

Présence du bien réjouit.

Désir du bien donne de l’amour.

L’attente du bien produit l’espérance.

La présence du mal donne de la tristesse, de la terreur, etc.

La suite du mal, de la haine.

L’attente du mal, de la crainte.

La crainte est du mal à venir ; la terreur, du mal présent.

Suite des effets des passions qui s’enchaînent et se suivent dans le corps dont l’origine est dans la présence de l’objet, ou la mémoire du mot ou l’imagination. Premier choc, le reste suit.

La sensibilité des nerfs rend les artères plus irritables.

Sympathie des organes vient des anastomoses des artères et veines qui poussent le sang de l’une dans l’autre partie.

Similitude d’organisation ; matrice et mamelle.

Continuation des membranes ; pierre dans la vessie donne des démangeaisons au gland.

Communication et anastomoses des nerfs.

Le corps produirait tout ce qu’il produit sans âme ; cela n’est pas infiniment difficile à démontrer. L’action supposée d’une âme l’est davantage.

La sensibilité du tout détruite par interposition de matière sensible hétérogène.

La mobilité rend la sensibilité plus forte ou plus sentie. Immobilité la détruit dans le tout.

de l’origine ou sensorium commune.

On se trouble par le tournoiement, par l’éblouissement, par le spectacle des grandes profondeurs ou hauteurs. Alors le tout est affecté en même temps par une cause commune ou par la violence d’une cause particulière.

sens en général.

Tout ce qui peut affecter les sens doit plaire ou déplaire, selon la force ou la nature de l’impulsion.

Ainsi il y aura des couleurs qui récréeront ou blesseront l’œil.

Des sons qui amuseront ou blesseront l’oreille.

Des saveurs qui répugneront ou inviteront le palais.

Des formes et des mouvements qui agréeront ou non au toucher.

Pour les formes, je ne crois pas qu’il puisse y en avoir d’agréables ou de désagréables à l’œil que celles qui le fatigueront, comme de petits plis, les irrégularités, les bizarreries, le défaut de symétrie, tout ce qui rompt l’enchaînement naturel ou la loi d’unité. L’ensemble du vase et du piédestal, difficile à trouver. Celles qui appliquent trop l’organe.

Nerfs pour le toucher.

Papilles pour le goût.

Membranes pour l’odorat.

Corps durs et creux pour le son.

Humeurs pour l’œil.

Si la sensation était aussi forte dans l’absence que dans la présence de l’objet, on verrait, on toucherait, on sentirait toujours, on serait fou.

(Parler ici des passions, des apparitions, des revenants, de l’immortalité de l’âme, etc.)

Lorsque nous avons les yeux ouverts et l’esprit distrait, nos sens n’en sont pas moins frappés par les objets ainsi qu’à l’ordinaire, mais l’âme occupée n’en reçoit pas moins l’image et ne s’en souvient jamais : c’est pour elle comme si rien n’avait frappé la vue. (Je ne crois pas cela.)

Il y a une chose à remarquer dans nos sens ; c’est que nous les exerçons comme la nature nous les a donnés et que les circonstances et le besoin l’exigent, mais nous ne les perfectionnons pas. Nous ne nous apprenons pas à voir, à flairer, à sentir, à écouter, à moins que notre profession ne nous y force.

Tout ce qui appartient à une classe nombreuse d’hommes appartient à tous à de très-petites différences près. Tel qui n’a jamais appris de musique entendrait comme le musicien ; tel qui ne voit pas comme le sauvage verrait comme lui, si son œil était exercé.

Un mot sur les formes vagues et indécises pour l’œil. Par exemple, je ne vois en mer qu’un point nébuleux qui ne me dit rien, mais ce point nébuleux est un vaisseau pour celui qui l’a souvent observé et peut être un vaisseau très-distinct.

Comment cela s’est-il fait ? D’abord ce n’était pour le sauvage comme pour moi qu’un point nébuleux ; mais ce point nébuleux, à force d’être devenu pour le sauvage le signe caractéristique d’un vaisseau, est réellement devenu un vaisseau qu’il voit dans son imagination très-distinctement. C’est toujours un point nébuleux, mais qui réveille l’image d’un vaisseau. Ce point est comme un mot, le mot arbre qui n’est qu’un son, mais qui me rappelle un arbre, que je vois.

Faim et soif. Estomac, organe de la faim ; l’estomac, avec l’œsophage, de la soif.

sensations.

Leur variété s’explique, ce me semble, fort simplement par la variété des manières dont un même organe peut être affecté.

L’évaporation de la tubéreuse n’étant pas la même que celle de la rose, l’organe en doit être diversement affecté et la sensation diverse.

L’évaporation de la rose en bouton n’étant pas la même que celle de la rose épanouie ou fanée, autant d’impressions différentes, autant de sensations diverses.

Il en est de même du froid et du chaud dans tous leurs degrés.

Ce qui serait très-extraordinaire, vu les variétés des organes et des corpuscules agissants, c’est que les sensations fussent peu variées.

son.

Pourquoi l’air sonore n’ébranle-t-il pas la lumière d’une bougie, lui qui ébranle une autre corde[66] ?

réponse a l’objection que la continuité de la sensation devrait soutenir la continuité du jugement, comme dans l’œil, voir toujours l’objet renversé.

Si l’on touche une boule avec deux doigts croisés, on en sent deux ; mais continuez l’expérience, et bientôt vous n’en sentirez plus qu’une.

Chaque sens a son nerf et sa fonction.

Quelle que soit la fonction de l’organe, ou de l’origine ou du principe de tous les nerfs réunis, en quelque lieu qu’on le place, il a certainement sa fonction particulière. Quelle est-elle ?

la pensée.

La pensée est volontaire et involontaire, je veux penser à telle chose et j’y pense. Je continue d’y penser sans le vouloir, et je continuerais dans la distraction et la lassitude.


PASSIONS.

volonté, liberté.

La volonté n’est pas moins mécanique que l’entendement. Un acte de la volonté sans cause est une chimère.

On a dit que rien ne se fait par saut dans la nature[67]. L’animal, l’homme, tout être est soumis à cette loi générale.

On dit que le désir naît de la volonté, c’est le contraire, c’est du désir que naît la volonté. Le désir est fils de l’organisation. Le bonheur et le malheur fils du bien-être et du mal-être. On veut être heureux.

Il n’y a qu’une passion, celle d’être heureux. Elle prend différents noms, selon les objets ; elle est vice et vertu, selon sa violence, ses moyens et ses effets.

de la succession des passions diverses dans la même passion.

L’amant colère n’aime plus ; l’amant jaloux n’aime plus ; l’amant fatigué n’aime plus ; l’amant qui souffre n’aime plus ; cependant il aime toujours. Même passion, même objet, différents mouvements.

Si l’une de ces passions qui se succèdent vient à durer, l’amour est éteint.

L’amour est plus facile à expliquer que la faim, car le fruit n’éprouve pas le désir d’être mangé.

Toute passion commence diversement, mais il n’y en a aucune qui ne puisse finir par le délire ou le trouble d’un organe qui met en mouvement tous les autres ; l’œil s’obscurcit, l’oreille tinte, etc. La passion varie, le délire est le même. Le délire de l’amour le même que le délire de la colère. Personne n’a parlé de cette identité du délire, il montre cependant bien qu’il y a beaucoup d’objets de passions, mais peu de passions ou peu d’organes de passions.

Rien ne montre tant la conspiration des organes que ce qui arrive dans la passion, telle que l’amour, ou la colère, ou l’admiration.

Je ne doute point que chaque passion n’ait une espèce de pouls qui lui soit propre, ainsi que chaque organe ou maladie.

Dans les accès de passions violentes les parties se rapprochent, se raccourcissent, deviennent denses comme la pierre. Pour peu que cet état ait duré, il est suivi d’une grande lassitude.

Je crois que les illusions de l’amour viennent de l’arbitraire des formes qui constituent la beauté. Plus les idées de beauté sont déterminées, moins ces illusions sont fortes. Un peintre y est moins sujet que nous.

Association fausse et capricieuse de l’idée du plaisir avec l’idée de beauté. Je suis si heureux entre les bras de cette femme ! donc elle est belle, donc il faut avoir l’œil comme elle l’a, la bouche comme elle l’a pour me rendre aussi heureux ; sophisme du plaisir.

Nous raisonnons de ses défauts comme de ceux d’un grand homme ; s’il n’était pas jaloux, fou, vain, capricieux, il ne serait pas ce génie[68].

Il s’établit une nécessité de cause et d’effet, et cette nécessité une fois présupposée, les défauts essentiels à la production du bel effet cessent d’être des défauts.

Le fumier perd sa qualité dégoûtante considéré comme le principe de la fécondité de la terre.

Les violents accès des passions peuvent dépraver les liqueurs. Témoin cet homme dont il est parlé dans les Mélanges des curieux de la Nature, année 1706, qui, dans le transport de la colère, se mordit lui-même et devint enragé[69].

Il y a les peines et les plaisirs de réminiscence ; les passions de réminiscence.

Les passions de réminiscence ont quelquefois produit à de longs intervalles des effets, inspiré des projets, entraîné à des procédés qu’elles n’avaient point occasionnés au moment où elles avaient été excitées. Ce qui porterait à croire que la mémoire d’une injure a plus d’effet que l’injure, et que le ressentiment est plus dangereux que la colère.

L’injure s’aggrave par la mémoire au delà de son effet au moment où on l’éprouve ; on se persuade qu’on ne s’est pas assez fâché et l’on se fâche trop.

Pourquoi sommes-nous plus susceptibles de douleur que de plaisir ou plus sensibles à la douleur ? C’est que la douleur agite les brins du faisceau d’une manière violente et destructive, et que le plaisir au contraire ne les tiraille pas jusqu’à les blesser, ou que, quand cela arrive, le plaisir se change en douleur.

L’un et l’autre.

De la sensation actuelle. — De la pensée. — De la mémoire. — De l’agitation spontanée. — Des organes et de la cessation de la peine.

des idées des passions et des maux physiques.

Quelle idée peut-on avoir d’une douleur qu’on n’a point éprouvée ?

Quelle idée reste-t-il d’une douleur quand elle est passée ?

Quelle idée l’homme tranquille a-t-il de la colère, le vieillard de l’amour ?

Goutte, néphrétique, douleur, fièvre, amour, que désignent ces mots ?

Ils sont quelquefois accompagnés d’un mouvement sympathique des organes. Comment s’excite ce mouvement ? Par la force de l’imagination qui nous rend la présence de l’objet.

Celui qui souffre de la poitrine, en parlant me rend poitrinaire ; ce viscère s’embarrasse chez moi comme chez lui.

Il y a je ne sais quelle singerie dans les organes, ou cette singerie leur est ordonnée par l’imagination. Cela peut jeter quelque lumière sur les émotions populaires et autres maladies épidémiques.

Il y a des personnes dans lesquelles le signe réveille la sensation aussi puissamment que la chose. Il y avait un homme qu’on aurait fait sauter par la fenêtre et peut-être fait mourir par le seul signe du chatouillement. Je ne sais si ce signe réveillait en lui la sensation même du chatouillement, ou si ce n’était que la menace d’une chose qu’il craignait à l’excès.

correspondance des idées avec le mouvement des organes.

La fureur enflamme les yeux, serre les poings et les dents et arrondit les paupières.

La fierté relève la tête, la gravité l’affermit.

Cette correspondance se remarque dans l’homme et dans les animaux. C’est le fond des études de l’imitateur de Nature.

Chaque passion a son action propre. Cette action s’exécute par des mouvements du corps.

Entre les parties du corps il y a des sympathies organiques.

De la liaison des passions avec des organes naissent les voix ou les cris. Si la douleur pique l’intestin d’un enfant chinois ou européen, c’est le même instrument, la même corde, le même harpeur, pourquoi le son ou le cri différerait-il ? Les interjections sont les mêmes dans toutes les langues.

C’est ainsi que tel son se lie nécessairement avec telle sensation.

C’est de cette correspondance qu’il faut déduire les yeux tendres de l’amant passionné, et l’érection, peut-être l’accroissement de force dans tous les instants de passion, dans la frayeur, dans la fièvre, etc.

Pourquoi recourir à un petit harpeur[70], inintelligible, qui n’est pas même atomique, qui n’a point d’organes, qui n’est pas dans le lieu, qui est essentiellement hétérogène avec l’instrument, qui n’a aucune sorte de toucher et qui pince des cordes ?

La bonne musique est bien voisine de la langue primitive.


SENSATIONS.

La sensation et la volition qui la suit sont corporelles ; ce sont deux fonctions du cerveau. La volition précède l’action des fibres musculaires.

Sensation : une manière d’être de l’âme qui en a la conscience et qui s’est produite en elle-même par ses propres opérations ou par un changement quelconque excité dans le système nerveux.

Comment dans les narines, qui ne sont que la même peau extérieure du nez repliée, la sensation est-elle si diverse ? A l’anus ? au vagin ?

Point de mélodie sans la durée de la sensation des sons qui se succèdent quelquefois si rapidement.

Si les sensations extérieures ou qui me viennent du dehors et les sensations intérieures ou qui émanent de moi m’étaient aussi intimes, tout serait moi et je serais tout. Je tuerais avec aussi peu de scrupule que je m’arrache une épine du pied ou que je me coupe un cor qui me fait souffrir, mais heureusement le mal d’autrui n’est que songe, et il y a une grande différence entre la douleur que je vois et la douleur que je sens.

Toutes les fois que la sensation est violente ou que l’impression d’un objet est extrême et que nous sommes tout à cet objet, nous sentons, nous ne pensons pas.

C’est ainsi que nous sommes dans l’admiration, dans la tendresse, dans la colère, dans l’effroi, dans la douleur, dans le plaisir. Ni jugement, ni raisonnement quand la sensation est unique.

Les animaux dans lesquels un sens prédomine sentent fortement, raisonnent peu.

Les grandes passions sont muettes ; elles ne trouvent pas même d’expressions pour se rendre.

Est-ce qu’on pense quand on éjacule ? Est-ce qu’on pense quand on est vivement chatouillé ?

Est-ce qu’on pense quand on est vivement affecté par la poésie, la musique ou la peinture ?

Est-ce qu’on pense quand on voit son enfant en péril ?

Est-ce qu’on pense au milieu d’un combat ?

Combien de circonstances où si l’on vous demandait pourquoi n’avez-vous pas fait, pourquoi n’avez-vous pas dit cela ? vous répondriez : c’est que je n’y étais plus.

Les affections violentes secouent l’origine du faisceau, mais chaque brin oscille séparément.

Effet réciproque de la sensation sur les objets et des objets sur la sensation : je suis heureux, tout ce qui m’entoure s’embellit. Je souffre, tout ce qui m’entoure s’obscurcit. Mais ce phénomène n’a lieu que dans les plaisirs ou dans les peines modérées.

L’impression naît ou du dedans ou du dehors. Selon l’organe affecté l’impression est ou goût, ou odorat, ou vision, ou son, ou toucher ; l’affection est plus ou moins forte, plus ou moins durable.

De là, variété des peines et des plaisirs.

De là, ce qui est peine dans un instant devient plaisir dans un autre.

De là, ce qui est plaisir pour moi est peine pour vous.

De là, jugements divers d’un spectacle, d’un récit, d’un poëme, d’un discours, d’une histoire, d’un roman, d’un tableau, d’une action.

Il y a des exemples d’hommes qui ne voient que les formes des objets sans discerner les couleurs.

La couleur blanche et la couleur noire, sont entre les sensations de la vue les moins variables.

Rapport de la sensation avec le discours : le myope parle lentement.

Il n’y a point de sensations sans durée. Il n’y a point de sensations simples. Une seule sensation est un tableau varié. Une seule sensation produit un grand nombre de mots.

effet bizarre.

Mme  la duchesse de Portland, actuellement vivante, perd la vue de la moitié des objets pendant un intervalle assez considérable, par toute sensation douloureuse et violente.

La torpeur est généralement de l’étonnement. Peut-être cette torpeur n’est-elle que l’effet de la tension subite et uniforme de tout le système nerveux ;

Peu à peu cette tension se relâche, et la fin de la relaxation est suivie d’un tremblement de tous les membres.

Quelquefois l’étonnement extrême commence et se manifeste par ce tremblement ; ce qui peut également provenir ou de ce que la tension du système n’est pas assez forte et laisse aux fibres un mouvement d’oscillation, ou de ce qu’elle est portée au-delà de la torpeur et que tout semble toucher au point de rupture.

La colère rouge et la colère pâle. Si la constriction commence à l’extrémité des vaisseaux et s’étend vers le cœur et les poumons, la colère est pâle. Si au contraire la constriction commence à l’origine des gros vaisseaux, la colère est rouge.

Les sensations réveillées ont le caractère des sensations produites ; elles ont de la durée comme celles-ci et sont également composées.

On juge ; voilà le fait. Comment le jugement se fait-il ? Voilà le phénomène à expliquer.

Et peut-être ce phénomène paraît-il au premier coup d’œil aux ignorants beaucoup plus facile, aux hommes instruits beaucoup plus difficile qu’il ne l’est.

Par la raison seule que toute sensation est composée, elle suppose jugement ou affirmation de plusieurs qualités éprouvées à la fois.

Par la raison qu’elles sont durables, il y a coexistence de sensations. L’animal sent cette coexistence. Or, sentir deux êtres coexistants, c’est juger. Voilà le jugement formé ; la voix l’articule : l’homme dit mur blanc, et voilà le jugement prononcé.

Ce qui obscurcit une chose très-claire, c’est le penchant presque inné à supposer un être inutile, juge des sensations coexistantes, tandis qu’il ne faut que le seul être sensible qui les éprouve et les énonce.

Mais la chose devient encore plus aisée à concevoir si j’ai la présence des objets.

Voilà un mur, et je dis mur, et tandis que je prononce ce mot je le vois blanc, et j’ajoute blanc.

Or, ce qui se fait dans la présence des objets s’exécute de la même manière dans leur absence, lorsque l’imagination les supplée.

La force des sensations s’apprécie par la nature de l’ébranlement des fibres nerveuses dont les organes sont tissus.

La durée des sensations est prouvée par l’éblouissement des yeux frappés par l’éclair. Par les résonnances accidentelles dans l’organe de l’ouïe. Par la durée du plaisir et de la peine.

actions intellectuelles reprises et suspendues.

Je ne sais si j’ai fait mention de celui qui reçoit dans la tempe le coup du bras du levier d’un pressoir. Il reste six semaines sans connaissance ; au bout de ce temps il revient de son état comme du sommeil. Il se retrouve au moment de l’accident, il continue à donner les ordres pour son vin.

des mouvements ou sensations sympathiques.

Il y a un conservatoire ou espèce d’hôpital à Harlem. Là, des filles sont occupées à différents ouvrages propres à leur sexe. Parmi ces filles, une était sujette à un court accès d’épilepsie qui la prenait tous les jours et à la même heure. Bientôt cette maladie gagne une, deux, trois de ses compagnes. Le nombre de ces épileptiques s’accroissait de jour en jour et les symptômes devenaient plus fâcheux. Le médecin de la maison en perdait la tête. On appelle Boerhaave. L’Hippocrate de Leyde, instruit de l’origine et des progrès du mal, se transporte le lendemain au conservatoire une heure ou deux avant l’attaque d’épilepsie devenue presque générale. Il fait allumer un brasier et rougir dans ce brasier un fer pointu, il tire ce fer du feu, il le montre étincelant à ces jeunes filles, et déclare que le seul remède qu’il connaisse à leur indisposition, c’est d’en percer le bras à toutes celles qui en seront attaquées. L’heure de l’épileptique arrive, toutes continuent à travailler, aucune ne tombe épileptique, pas même celle qui avait eu la première attaque.

La frayeur ou l’émotion violente portée à l’origine du faisceau suspendit l’action de tous les autres brins.

Une terreur bizarre aurait produit le même effet.

C’est le paralytique que la crainte des flammes fait courir.

influence du corps sur l’ame.

Un peu de bile dont la circulation dans le foie est embarrassée change toute la couleur des idées, elles deviennent noires, mélancoliques ; on se déplaît partout où l’on est. Une femme ordonne ses malles ; elles sont faites, elles sont attachées derrière sa voiture ; elle a dit adieu à ses amies ; les chevaux sont mis ; un de ses fils lui donne la main ; il lui prend un besoin, elle rentre dans sa garde-robe, elle rend une pierre biliaire : la voilà guérie et elle ne part plus.

Et c’est à de pareilles causes que tient notre raison, nos goûts, nos aversions, nos désirs, notre caractère, nos actions, notre morale, nos vices, nos vertus, notre bonheur et notre malheur et de ceux qui nous entourent.

Il y a encore une sympathie assez étroite entre les yeux et le cerveau.

La nuit ou la privation de lumière amène le sommeil ou la torpeur de l’origine des filets.

Nous appelons le sommeil en fermant les yeux.

La plus forte distraction vient des yeux.

Si vous lisez pendant la nuit, vous sentirez le sommeil s’introduire à mesure que la lumière de votre lampe s’affaiblira.

La nuit est le temps du sommeil pour l’homme et pour les animaux. Elle se fait dans l’entendement ainsi que dans la nature.

Le soleil disparaît et tout dort, le soleil reparaît et tout s’éveille.

Presque tout ce qui se dit de l’œil se dit au figuré de l’entendement.

Il y a sympathie du gland dans l’homme avec les vésicules séminales ; de la matrice avec la gorge dans les femmes, les papilles du sein prennent de l’érection.

Un effet produit en nature ou en nous involontairement ramène une longue suite d’idées. La raison a cela de commun avec la folie, c’est que ces deux phénomènes ont lieu dans l’une et dans l’autre, avec cette différence que l’homme de sens ne prend pas ce qui se passe dans sa tête pour la scène du monde, et que le fou s’y trompe. Il croit que ce qui lui paraît, ce qu’il désire, est.

La marche de l’esprit est donc une série d’expériences.

La sympathie fait qu’on sent la douleur où elle n’est pas, parce qu’il se fait souvent que la partie sympathisante est ou plus sensible ou plus gênée par la sympathie que l’organe affecté ne l’est par la douleur.

L’image de quelqu’un qui pleure se transmet au cerveau ; le cerveau se meut en conséquence et va affecter les nerfs mêmes affectés dans le pleureur. C’est souvent une affaire d’habitude. Cela n’arrive pas aux enfants, ils sont incapables des idées accessoires qui se joignent aux images.


SOMMEIL.

On dort au milieu des bourreaux. Rien de plus impérieux.

Sommeil intermittent. On s’éveille toujours plus tôt qu’on ne veut quand on s’est proposé quelque partie, quelque affaire.

Sommeil, état de l’animal où il ne sent point, ne se meut point, ne pense point, mais cependant il vit ; où, s’il sent, pense, agit, ce n’est point la présence des objets qui le meut, mais le mouvement spontané des organes intérieurs qui dispose de lui involontairement. Dans la veille, ou c’est la présence des objets qui le meut, ou il agit volontairement, ou il veille comme on dort.

Il arrive certainement à l’homme qui veille de rêver comme s’il était endormi. Tel est son état lorsqu’il s’abandonne des organes intérieurs.

Savoir qu’on est là et rêver qu’on est là sont deux actions différentes.

L’homme qui rêve ne sait rien ; il se croit là, il y est, en effet, mais il pourrait avoir la même croyance en existant ailleurs.

L’homme qui veille sait où il est. S’il est égaré dans une forêt, il sait qu’il est dans une forêt et qu’il est égaré, et cela est toujours vrai.

Le sommeil naît, ou de la lassitude, ou de la maladie, ou de l’habitude.

Le bâillement soulage le poumon.

Il faut faire entrer dans le sommeil la volonté particulière des organes ; de l’estomac, par exemple ; volonté à laquelle les autres organes se sont assujettis par habitude.

Le sommeil long et profond dans l’enfance et dans la jeunesse, court et interrompu dans la vieillesse. La journée s’allonge à mesure que la vie s’abrège.

Le sommeil est une lassitude ou torpeur qui surprend quelquefois toute la masse du réseau ou qui passe soit de l’origine au filet, soit des filets à l’origine du faisceau. Le sommeil est parfait lorsque la torpeur est générale. Il est interrompu, troublé, agité lorsque la torpeur dure en certaines parties et cesse en quelques autres. L’insomnie est un vice de l’origine du faisceau.

Le rêve monte ou descend, ou monte des filets à l’origine, ou descend de l’origine aux filets. Si l’organe destiné à l’acte vénérien s’agite, l’image d’une femme se réveillera dans le cerveau ; si cette image se réveille dans le cerveau, l’organe destiné à la jouissance s’agitera[71].

Le passage de la veille au sommeil est toujours un petit délire.

Les organes, diversement fatigués, sont comme des voyageurs qui se séparent, l’un marche encore, tandis que l’autre, harassé, discontinue sa route.

De là cette succession d’images, de sons, de goûts, de sensations, décousue à l’origine du faisceau ou au sensorium commune.

Les fonctions animales ou intellectuelles suspendues pendant le sommeil ; les vitales, non.

Au sortir d’un profond sommeil ou d’une forte méditation, on ne sait ce qu’on est. C’est le ressouvenir des choses passées qui nous rend à nous.

La conscience du soi et la conscience de son existence sont différentes.

Des sensations continues sans mémoire donneraient la conscience interrompue de son existence ; elles ne produiraient nulle conscience du soi.

Il y a bien de l’affinité entre le rêve, le délire et la folie. Celui qui persisterait dans l’un des deux premiers serait fou.

Délire raisonné et rêve suivi, c’est la même chose ; il n’y a de différence que dans la cause et dans la durée.

Somnambules. (Expliquer comment la chose se fait en eux.)

Le rêve décousu vient du mouvement tumultueux des brins ; l’un fait entendre un discours, l’autre excite un désir, un troisième surexcite une image. C’est la conversation de plusieurs personnes qui parlent à la fois de différents sujets ; cela ressemblerait encore davantage à ce jeu où l’un écrit un commencement de phrase qu’un autre continue, et ainsi successivement.

Le rêve des jeunes personnes dans l’état d’innocence vient de l’extrémité des brins qui portent à l’origine des désirs obscurs, des inquiétudes vagues, une mélancolie dont elles ignorent la cause ; elles ne savent ce qu’elles veulent, faute d’expérience, elles prennent cet état pour de l’inspiration, le goût de la solitude, de la retraite et de la vie monastique.

D’où naît le réveil naturel ? Des fibrilles reposées qui s’agitent d’elles-mêmes par besoin, par sensibilité, par bien-aise, par malaise, etc. Elles vivent.


IMAGINATION.

Si l’enchaînement des sensations et des organes est vif et prompt : imagination fidèle.

Si l’enchaînement se rompt : mémoire et imagination infidèles.

Comme tout est lié dans l’entendement, si les sensations et les mouvements des organes se portent hors de l’objet : confusion de mémoire et d’imagination.

extase.

Homme qui s’arrête en parlant par une sensation et un enchaînement des mouvements organiques de côté ; il ne sait plus où il en est ; il faut que les auditeurs le lui rappellent.

Si cet ordre de sensations et de mouvements organiques se trouble à chaque instant : distraction, premier degré de la folie.

Raisonnement : doux au goût, agréable à l’odorat, bon à manger ; cela s’enchaîne dans la mémoire.

Tête de verre[72] .

Des hommes se sont imaginé qu’ils étaient des animaux, des loups, des serpents. (Phénomène à expliquer.)

Point d’imagination sans mémoire ; mémoire sans imagination.

Différence de celui qui écrit, ou parle, ou pense avec imagination, et de celui qui agit, écrit ou parle de mémoire.

Mémoire, quelquefois songe de l’imagination.

Lorsque l’homme à mémoire écrit ou parle d’après un homme d’imagination, bon ou mauvais copiste.

L’imagination dispose des sens : de l’œil, en montrant des objets où ils ne sont pas ; du goût, du toucher, de l’oreille.

Par l’application un peu forte, elle réalise au loin, sans rêver. C’est ainsi qu’un enfant fit voir sur un toit un serpent à tout un collège.

En rêve, ce sont les sens qui disposent de l’imagination par la sympathie des organes et par la sympathie des objets.

La nature n’a fait qu’un assez petit nombre d’êtres qu’elle a variés à l’infini ; peut-être qu’un seul, par la combinaison, mixtion, dissolution duquel tous les autres ont été formés.

Images, idée fausse[73], puisqu’on peut ôter une portion de la cervelle et laisser l’imagination intacte et la mémoire.

Si l’on y fait bien attention, on trouvera que ces tableaux nous semblent hors de nous, à une distance plus ou moins grande. On trouvera que nous les voyons, ces tableaux imaginaires, précisément comme nous voyons avec nos yeux les tableaux réels, avec une sensation forte des parties et une moindre sensation du tout et de l’ensemble.

On trouvera que les images du rêve sont très-souvent plus voisines et plus fortes que les images réelles.

On trouvera que les images réveillées dans le cerveau par l’agitation des organes sont aussi plus fortes que les images réveillées par l’agitation du cerveau même ; il est plus grand peut-être quand il est passif qu’il ne l’est quand il est actif. On peut suivre mon hypothèse ; le rêve qui monte est plus vif que le rêve qui descend.

J’ai une autre idée de l’imagination, c’est la faculté de se peindre les objets absents comme s’ils étaient présents.

C’est la faculté d’emprunter des objets sensibles des images qui servent de comparaison.

C’est la faculté d’attacher à un mot abstrait un corps.

Il est possible que l’imagination nous fasse un bonheur plus grand que la jouissance.

Un amant sans imagination désire sa maîtresse, mais il ne la voit pas. Un amant avec imagination la voit, l’entend, lui parle, elle lui répond et exécute en lui-même toute la scène de volupté qu’il se promet de sa tendresse et de sa complaisance. L’imagination met dans cette scène tout ce qui peut y être, mais qui ne s’y trouve que rarement.

L’imagination est la source du bonheur qui n’est pas et le poison du bonheur qui suit. C’est une faculté qui exagère et qui trompe. C’est la raison pour laquelle les plaisirs inattendus piquent plus que les plaisirs préparés. L’imagination n’a pas eu le temps de les gâter par des promesses trompeuses.

Comment l’imagination dérange la marche réglée de la raison ? C’est qu’elle ressuscite dans l’homme les voix, les sons, tous les accidents de la nature, les images qui deviennent autant d’occasions de s’égarer.

L’homme à imagination se promène dans sa tête comme un curieux dans un palais où ses pas sont à chaque instant détournés pour des objets intéressants ; il va, il revient, il n’en sort pas.

L’imagination est l’image de l’enfance que tout attire sans règle.

force d’une image ou d’une idée.

Un malheureux, innocent ou coupable, est jeté dans les prisons sur les soupçons d’un crime. On examine son affaire. On inclinait à le renvoyer sur un plus ample informé, la justice, dans le partage des voix, inclinait in mitiorem partem. Survient un conseiller qui n’assistait jamais, qui n’avait point entendu discuter l’affaire, à qui on l’expose sommairement, et qui opine pour la torture. Voilà ce malheureux torturé, disloqué, brisé, sans qu’on en pût arracher une plainte, un soupir, un mot. Le bourreau disait aux juges que cet homme était sorcier. Il n’était ni plus sorcier ni plus insensible qu’un autre. Mais à quoi tenait donc cette constance dans la douleur dont on ne connaissait pas d’exemple ? Devinez-le si vous pouvez. C’était un paysan ; il s’attendait au supplice préliminaire qu’il avait à subir, il avait gravé une potence sur un de ses sabots, et tandis qu’on le torturait il tenait ses regards attachés sur cette potence.

Qu’importe que l’image soit gravée sur le sabot ou dans la cervelle ?

Nous ne savons que par quelques exemples tirés de l’histoire jusqu’où l’on peut enchaîner les hommes par la force des images, des idées, de l’honneur, de la honte, du fanatisme, des préjugés.

L’esprit dispose des sens. Si je crois entendre un son, je l’entends ; voir un objet, je le vois. L’œil et l’oreille sont-ils alors affectés comme si je voyais ou si j’entendais ? Je le crois. Ou les organes sont-ils en repos et tout se passe-t-il dans l’entendement ? Cette question est difficile à résoudre.

L’amant qui pense à sa maîtresse. Phénomènes qui s’ensuivent.

Le vindicatif qui pense à son ennemi. Phénomènes qui s’ensuivent.

Ces phénomènes établissent nettement l’action de l’entendement sur les organes ; le mouvement des organes, leur action sur l’entendement.

Cette action et cette réaction montrent une conformité entre la veille et le rêve.

Comparer un son que j’ai entendu avec un son présent.

Bignicourt[74].

L’abbé Poulle[75].

Salive à la bouche.


MEMOIRE.

Je suis porté à croire que tout ce que nous avons vu, connu, aperçu, entendu ; jusqu’aux arbres d’une longue forêt, que dis-je ? jusqu’à la disposition des branches, à la forme des feuilles et à la variété des couleurs, des verts et des lumières ; jusqu’à l’aspect des grains de sable du rivage de la mer, aux inégalités de la surface des flots soit agités par un souffle léger, soit écumeux et soulevés par les vents de la tempête ; jusqu’à la multitude des voix humaines, clés cris animaux et des bruits physiques, à la mélodie et à l’harmonie de tous les airs, de toutes les pièces de musique, de tous les concerts que nous avons entendus, tout cela existe en nous à notre insu.

Je revois actuellement, éveillé, toutes les forêts de la Westphalie, de la Prusse, de la Saxe et de la Pologne.

Je les revois en rêve aussi fortement coloriées qu’elles le seraient dans un tableau de Vernet.

Le sommeil m’a remis dans des concerts qui se sont exécutés derechef comme lorsque j’y étais.

Il me revient après trente ans des représentations comiques et tragiques ; ce sont les mêmes acteurs, c’est le même parterre, ce sont aux loges les mêmes hommes, les mêmes femmes, les mêmes ajustements, les mêmes bruits ou de huées ou d’applaudissements.

Un tableau de Van der Meulen ne m’aurait pas remontré une revue à la plaine des Sablons, un beau jour d’été, avec la multitude des incidents d’une aussi grande foule de peuple rassemblé, que le rêve me l’a retracée après un très-grand nombre d’années.

Tous les tableaux d’un salon ouvert il y a vingt ans, je les ai revus tels précisément que je les voyais en me promenant dans la galerie. Mais ajoutons un fait public à mon expérience, qui pourrait être contestée.

Un ouvrier dont le spectacle faisait l’amusement de ses jours de repos est attaqué d’une fièvre chaude occasionnée par le suc d’une plante vénéneuse qu’on lui avait imprudemment administrée. Alors cet homme se met à réciter des scènes entières de pièces dont il n’avait pas le moindre souvenir dans l’état de santé[76] ; il y a bien pis, c’est qu’il lui en est resté une malheureuse disposition à versifier. Il ne sait pas le premier mot des vers qu’il débitait dans sa fièvre, mais il a la rage d’en faire.

La mémoire est-elle la source de l’imagination, de la sagacité, de la pénétration, du génie ? La variété de la mémoire fait-elle toute la variété des esprits ?

On a beau voir, entendre, goûter, toucher, flairer, si l’on n’a rien retenu, on a reçu en pure perte.

Regardez la substance molle du cerveau comme une masse de cire sensible et vivante, mais susceptible de toutes sortes de formes, n’en perdant aucune de celles qu’elle a reçues, et en recevant sans cesse de nouvelles qu’elle garde.

Eh bien, voilà le livre, mais où est le lecteur ? Le lecteur ? c’est le livre même, car ce livre est sentant, vivant et parlant, c’est-à-dire communiquant ou par des sons ou par des traits l’ordre de ses sensations.

Et comment se lit-il lui-même ? En sentant ce qu’il est et en le manifestant par des sons.

Ou la chose se trouve écrite, ou elle ne se trouve point écrite.

Si elle ne se trouve point écrite du tout, on l’ignore. Au moment où elle s’écrit, on l’apprend.

Selon la manière dont elle est écrite, on la savait nouvellement ou depuis longtemps.

Si l’écriture s’affaiblit, on l’oublie.

Si l’écriture s’efface, elle est oubliée.

Si l’écriture se revivifie, on se la rappelle.

Chaque sens a son caractère et son burin.

La mémoire est une source de vices et de vertus. Elle est accompagnée de peine et de plaisir.

C’est elle qui constitue le soi. Elle nous remet au moment de la chose.

Un homme tombe dans une mélancolie profonde qui le conduit à la stupidité. Cette stupidité dure quarante ans ; quelques jours avant sa mort il revient à l’état de raison. Il a réalisé le sommeil d’Épiménide.

Qu’a fait son âme dans ce long intervalle ? A-t-elle dormi ?

Où est-elle dans le noyé qu’on rappelle à la vie de l’état de mort, ou d’un état qui lui ressemble tellement que si le noyé n’avait point été secouru il aurait persévéré dans cet état sans éprouver d’autre changement qu’une torpeur plus profonde ?

L’âme était-elle alors séparée du corps ? Y est-elle rentrée ?

Si l’âme n’était pas séparée du corps, quand s’en séparera-t-elle donc ? Et qu’est-ce que la mort ?

Voilà un animal qui n’a ni mouvement, ni sensibilité, ni vie ; à peine lui discerne-t-on un peu de chaleur ; si on l’abandonne à cet état, il meurt sans donner le moindre signe de vie. Qu’était-il donc ? Il était mort, mais susceptible de vie.

L’enfant, élevé jusqu’à l’âge de cinq ans en Russie, oublie la langue russe, la parle dans le délire, mais du ton d’enfant. Est guéri, et réoublie le russe.

Impressions qui se font en nous par les yeux, sans que nous en ayons connaissance ; ensuite, réminiscence dans le rêve ou la fièvre.

Trente-six mille noms répétés par le jeune homme de Corse, dans l’ordre qu’il les avait entendus une seule fois. Muret témoin du fait.

Pic de la Mirandole, deux pages de mots, dans le sens rétrograde, après trois lectures.

Voilà donc un premier fait qui expliquerait comment Cardan a pu savoir le grec du soir au matin et se lever avec cette connaissance.

Pascal n’a rien oublié de ce qu’il avait fait, lu ou pensé depuis l’âge de raison.

La mémoire émeut moins la volonté que l’imagination.

La mémoire est verbeuse, méthodique et monotone.

L’imagination, aussi abondante, est irrégulière et variée.

La mémoire part sur-le-champ, et tranquillement.

L’imagination se contient quelquefois, mais elle part brusquement.

La mémoire est un copiste fidèle.

L’imagination est un coloriste.

On parle comme on sent.

On dit que l’imagination ment, parce que les gens à imagination sont plus rares que les gens à mémoire ; mais rendez les gens à mémoire rares et les gens à imagination plus communs, et ce seront les premiers qui mentiront.

empire de la mémoire sur la raison.

Un son de voix, la présence d’un objet, un certain lieu… et voilà un objet, que dis-je ? un long intervalle de ma vie rappelé… Me voilà plongé dans le plaisir, le regret ou l’affliction.

Cet empire s’exerce, soit dans l’abandon de soi, soit dans le milieu de la distraction.

L’organe de la mémoire me semble toujours passif ; il ne rappelle rien de lui-même ; il faut une cause qui le mette en jeu.

J’ai entendu dire à plusieurs personnes qu’elles n’avaient jamais rien oublié de ce qu’elles avaient su.

Sans la mémoire, à chaque sensation, l’être sensible passerait du sommeil au réveil et du réveil au sommeil ; à peine aurait-il le temps de s’avouer qu’il existe. Il n’éprouverait qu’une surprise momentanée à chaque sensation ; il sortirait du néant et y retomberait.

Des habitudes de mouvements qui s’enchaînent par des actes réitérés, ou sensations réitérées dans des organes sensibles et vivants.

Ainsi tel mouvement produit dans un organe, il s’ensuit telle sensation et telle série d’autres mouvements dans cet organe ou dans d’autres et telle série de sensations.

L’habitude lie même les sensations de divers organes.

Ainsi, la mémoire immense, c’est la liaison de tout ce qu’on a été dans un instant à tout ce qu’on a été dans le moment suivant ; états qui, liés par l’acte, rappelleront à un homme tout ce qu’il a senti toute sa vie.

Or je prétends que tout homme a cette mémoire.

Puis les conclusions seront faciles à tirer.

Loi de continuité d’état, comme il y a loi de continuité de substance. Loi de continuité d’état propre à l’être sensible, vivant et organisé.

Cette loi de continuité d’état se fortifie par l’acte réitéré, s’affaiblit par le défaut d’exercice, ne se rompt jamais dans l’homme sain ; elle a seulement des sauts, et ces sauts se lient encore par quelques qualités, par le lieu, l’espace, la durée. Un phénomène qui reste, phénomène qui indique l’absence d’autres. État total qui disparaît. Différents états qui se brouillent, etc. (A méditer.)

La mémoire immense ou totale est un état d’unité complet ; la mémoire partielle, état d’unité incomplet.

Les enfants apprennent vite et ne retiennent pas. Les maladies chroniques ôtent la mémoire. Les vieillards se rappellent le passé en oubliant le présent. On retient plus aisément les mots que les choses.

Bonne comparaison du rêve à l’arbre agité par le vent. Le calme renaît, et l’arbre reste ce qu’il était. Action et réaction des fibres les unes sur les autres. Vent.

Phénomènes de mémoire qui conduisent à la stupidité et à la folie.

Il y a donc, dans la nature, un enchaînement naturel d’objets ; ils sont conjoints : on ne les sépare pas sans conséquence pour le jugement ; on ne les conjoint pas sans bizarrerie.

Si, faute d’expérience, ces phénomènes ne s’enchaînent pas ;

Si, faute de mémoire, ils ne peuvent s’enchaîner ;

Si, par perte de mémoire, ils se décousent ; l’homme paraît fou ;

Si la passion se fixe sur un seul phénomène, de même ;

Si la passion les disjoint, de même ;

Si elle les conjoint, de même.

L’enfant paraît fou, faute d’expérience ; le vieillard paraît stupide, faute de mémoire ; le vieillard violent paraît fou.

Mémoires promptes, lentes, heureuses ou fidèles, infidèles ; avec liaison d’idées, sans liaison d’idées.

Comme sons purs d’une langue inconnue ;

Sons purs d’une langue connue ;

Suites de mouvements automates ;

Mémoire de la vue ;

Mémoire de l’oreille ;

Mémoire du goût, etc.

L’habitude qui lie une longue suite de sensations et de mots, et de mouvements successifs et enchaînés d’organes.

Preuve : c’est que ceux dont les occupations sont interrompues très-fréquemment, et qui passent rapidement d’un objet à un autre, la perdent.

Moyen technique d’ôter la mémoire : lire un dictionnaire, changer souvent d’objets d’attention.

La représentation d’un paysage qu’on a vu, si l’on y fait bien de l’attention, est un phénomène instantané aussi surprenant que le souvenir successif des mots qui composent un long ouvrage qu’on n’aurait lu qu’une fois.


ENTENDEMENT.

Des générations de l’entendement ; du jugement ; du raisonnement ; de la formation des langues.

On éprouve une sensation, on a une idée ; on produit un son ou représentatif de cette sensation, ou commémoratif de cette idée.

Si la sensation ou l’idée se représente, la mémoire rappelle et l’organe rend le même son.

Avec l’expérience, les sensations, les idées et les sons se multiplient.

Mais comment la liaison s’introduit-elle entre les sensations, les idées et les sons de manière non pas à former un chaos de sensations, d’idées et de sons isolés et disparates, mais une série que nous appelons raisonnable, sensée ou suivie ?

Le voici. Il y a dans la nature des liaisons entre les objets et entre les parties d’un objet. Cette liaison est nécessaire. Elle entraîne une liaison ou une succession nécessaire de sons correspondants à la succession nécessaire des choses aperçues, senties, vues, flairées ou touchées.

Exemple. On voit un arbre et le mot arbre est inventé.

On ne voit point un arbre sans voir très-immédiatement et très-constamment ensemble des branches, des feuilles, des fleurs, une écorce, des nœuds, un tronc, des racines ; et voilà, aussitôt que le mot arbre est inventé, d’autres signes qui s’inventent, s’enchaînent et s’ordonnent ; une suite de sensations, d’idées et de mots liés et suivis.

On regarde et l’on flaire un œillet et l’on en reçoit une odeur forte ou faible, agréable ou déplaisante ; et voilà une autre série de sensations, d’idées et de mots.

De là naît la faculté de juger, de raisonner, de parler, quoiqu’on ne puisse pas s’occuper de deux choses à la fois.

Le type de nos raisonnements les plus étendus, leur liaison, leur conséquence, est nécessaire dans notre entendement, comme l’enchaînement, la liaison des effets, des causes, des objets, des qualités des objets, l’est dans la nature.

L’expérience journalière des phénomènes forme la suite des idées, des sensations, des raisonnements, des sons. Il s’y mêle une opération propre à la faculté d’imaginer.

Vous imaginez un arbre, l’image en est une dans votre entendement. Si votre attention se porte sur toute l’image, votre perception est louche, trouble, vague, mais suffit à votre raisonnement bon ou mauvais sur l’arbre entier.

Les erreurs sur les objets entiers sont faciles. Il n’y a qu’un moyen de connaître la vérité, c’est de procéder par parties et de ne conclure qu’après une énumération exacte, et encore ce moyen n’est-il pas infaillible. La vérité peut tenir tellement à l’image totale qu’on ne puisse ni affirmer, ni nier d’après le détail le plus rigoureux des parties.

Celui qui a les yeux microscopiques aura aussi l’imagination microscopique. Avec des idées très-précises de chaque partie il pourrait n’en avoir que de très-précaires du tout.

De là une différence d’yeux, d’imagination et d’esprit séparés par une barrière insurmontable. L’ensemble ne s’éclaircira jamais bien dans la tête des uns ; les autres n’auront que des notions peu sûres des petites parties.

Reprenons l’exemple de l’arbre. Au moment où l’on passe de la vue générale du tout au détail des parties, où l’imagination se fixe sur la feuille, on cesse de voir l’arbre, et l’on voit moins nettement la feuille entière que son pédicule, sa dentelure, sa nervure.

Plus la partie est petite, jusqu’à une certaine limite, plus la perception est distincte. J’ai dit jusqu’à une certaine limite, parce que si l’attention se fixe sur une partie très-petite, l’imagination éprouve la même fatigue que l’œil.

L’imagination est l’œil intérieur.

La mesure des imaginations est relative à la mesure de la vue.

Il y aurait un moyen technique de mesurer les imaginations par les dessins exécutés d’un même objet par deux dessinateurs différents.

Chacun d’eux se fera un module différent selon son œil intérieur ou son imagination, et son œil extérieur.

Les dessins sont entre eux comme ces deux organes.

Vous savez dessiner ; vous avez lu le Traité des Insectes de Réaumur. Je vais vous lire la description de l’aile du scarabée. Vous connaissez l’animal entier ; je n’exige de vous qu’une chose, c’est que vous me rendiez dans votre dessin, d’une manière visible, distincte et sensible, les parties de détail à mesure que je vous les lirai.

raisonnement.

Le raisonnement ne s’explique point du tout à l’aide d’une âme ou d’un esprit. Cet esprit ne peut être à deux objets à la fois. Il lui faut donc le secours de la mémoire ; or très-certainement la mémoire est une qualité corporelle.

jugement.

Suspendre son jugement, qu’est-ce ? Attendre l’expérience.

Bon raisonnement, bon jugement suppose l’état de santé, ou la privation de malaise et de douleur, d’intérêt et de passion.

logique.

Le raisonnement se fait par des identités successives : Discursus series identificationum.

L’organisation, la mémoire, l’imagination, sont les moyens d’instituer la série des identifications la plus sûre et la plus étendue.

Le temps et l’opiniâtreté suppléent à la promptitude. La promptitude est la caractéristique du génie. Tel homme est inepte en tel genre et excelle en tel autre.

Si l’on voit la chose comme elle est en nature, on est philosophe.

Si l’on forme l’objet d’un choix de parties éparses qui en rende la sensation plus forte dans l’imitation qu’elle ne l’eût été dans la nature, on est poëte.

La logique, la rhétorique et la poésie sont aussi vieilles que l’homme.

volonté.

La douleur, le plaisir, la sensibilité, les passions, le bien ou le malaise, les besoins, les appétits, les sensations intérieures et extérieures, les habitudes, l’imagination, l’instinct, l’action propre des organes, commandent à la machine et lui commandent involontairement.

Qu’est-ce en effet que la volonté, abstraction faite de toutes ces causes ? Rien.

Je veux n’est qu’un mot, examinez-le bien, et vous ne trouverez jamais qu’impulsion, conscience et acquiescement ; impulsion involontaire, conscience ou aséité[77], acquiescement ou attrait senti.

Penser. Action volontaire, action involontaire. Celle qu’on appelle volontaire ne l’est pas plus que l’autre ; la cause en est seulement reculée d’un cran, car on ne veut pas de soi-même ; la volonté est l’effet d’une cause qui la meut et la détermine.

Dans la volontaire le cerveau est en action ; dans l’involontaire le cerveau est passif et le reste agit.

Marcher. Je réfléchis et je marche. Le premier pas est certainement une action volontaire, mais les autres pas se font sans que j’y pense.

Je veux secourir et je vais. Il n’y a là qu’une action de ma volonté, c’est de donner du secours. Les autres mouvements des bras, du corps, des mains, de la voix, sont-ce des effets de la sympathie des membres ou de l’habitude ? La volonté n’y a certainement aucune part.

liberté.

S’il y a de la liberté, c’est dans l’ignorant. Si entre deux choses à faire on n’a nul motif de préférence, c’est alors qu’on fait celle qu’on veut.

L’homme réduit à un sens serait fou.

Il ne reste que la sensibilité, qualité aveugle, dans la molécule vivante. Rien de si fou qu’elle.

L’homme sage n’est qu’un composé des molécules les plus folles.

L’intérêt naît dans chaque organe de sa position, de sa construction, de ses fonctions ; alors il est un animal sujet au bien et au malaise, au bien-aise qu’il cherche, au malaise dont il cherche à se délivrer.

Différence du tout et de l’organe : le tout prévoit, l’organe ne prévoit pas. Le tout s’expérimente, l’organe ne s’expérimente pas. Le tout évite le mal, l’organe ne l’évite pas, il lèsent et cherche à s’en délivrer.

habitude, instinct.

Les choses habituelles se font quelquefois mieux sans la réflexion qu’avec la réflexion. Il en est de même des suites d’actions conséquentes à l’organisation et au bien-être ; moins on y pense, mieux on les fait.

Animaux. C’est la nature sage, pure et simple, qui seule agit en eux. Si la réflexion s’en mêlait, elle gâterait ou perfectionnerait tout ; elle gâterait d’abord, elle perfectionnerait ensuite. Par la nature et le besoin, l’araignée est devenue très-bonne ourdisseuse, l’hirondelle très-bonne architecte ; mais comme la réflexion ne s’en mêle point, qu’elles seront toujours guidées par ces deux mêmes maîtres, elles ne seront jamais ni plus ni moins habiles.

L’habitude fixe l’ordre des sensations et l’ordre des actions. On commande aux organes par l’habitude.

Si par les mêmes actes réitérés vous avez acquis la facilité de les exécuter, vous en aurez l’habitude. Ainsi un premier acte dispose à un second, un second à un troisième, parce qu’on veut faire facilement ce qu’on fait ; cela s’entend de l’esprit et du corps. Ainsi, sans certaines habitudes on deviendrait stupide… L’homme vieillit et les habitudes aussi. Si la machine devient inhabile à servir les habitudes, l’ennui naît. L’habitude de penser ne pouvant supporter ce qui ne l’entretient pas ou ce qui la distrait, dispose à l’ennui, comme la délicatesse du tact dispose au dédain. Rien de plus contraire que le repos à la nature d’un être vivant, animé et sensible. Fixez les organes dans l’inaction, et vous produirez l’ennui. Un plat ouvrage vous endort comme le murmure monotone d’un ruisseau. Tel est encore l’effet du silence, des ténèbres, des forêts de pins et de sapins, des vastes campagnes stériles et désertes.

L’acteur a pris l’habitude de commander à ses yeux, à ses lèvres, à son visage ; puisque c’est une habitude, ce n’est donc plus un sentiment subit de la chose qu’il dit, c’est l’effet d’une longue étude.

On cause du nid de l’hirondelle. Enchaînement aveugle de besoins, enchaînement organique, produit ou par des malaises dont on se soulage ou par des plaisirs qu’on ressent.

Liaison établie de la mère au petit ; c’est une singerie.

Et puis la variation qui s’opère par l’amour et par l’approche du mâle, qui modifie la femelle.

La brebis transmet la frayeur du loup à l’agneau ; la poule au poussin celle de l’épervier. Si vrai, que, quand l’animal n’a point été vu, il n’est craint ni de la mère ni du petit.

Perdrix et Christophe Colomb[78].

Nous ne pouvons connaître l’instinct parce qu’il est détruit par notre éducation. Il est plus éveillé dans le sauvage.


AME.

Ce ressort, s’il existe, est très-subalterne. Sa puissance est moindre que celle de la douleur, du plaisir, des passions, du vin, de la jusquiame, de la morille furieuse, de la noix d’Inde. Que peut l’âme dans la fièvre et dans l’ivresse ?

Quelque idée qu’on en ait, c’est un être mobile, étendu, sensible et composé. Il se fatigue comme le corps ; il se repose comme le corps. Il perd son autorité sur le corps comme le corps perd la sienne sur lui.

On n’a la conscience du principe de raison ou de l’âme que comme on a la conscience de son existence, de l’existence de son pied, de sa main, du froid, du chaud, de la douleur, du plaisir. Faites abstraction de toute sensation corporelle, et plus d’âme.

Est-ce que l’âme est gaie, triste, colère, tendre, dissimulée, voluptueuse ? Elle n’est rien sans le corps. Je défie qu’on explique rien sans le corps.

Mais qu’on cherche à s’expliquer comment les passions s’introduisent dans l’âme sans mouvements corporels ; je le défie, et sans commencer par ces mouvements.

Sottise de ceux qui descendent de l’âme au corps. Il ne se fait rien ainsi dans l’homme.

Marat[79] ne sait ce qu’il dit quand il parle de l’action de l’âme sur le corps. S’il y avait regardé de plus près, il aurait vu que l’action de l’âme sur le corps est l’action d’une portion du corps sur l’autre ; et l’action du corps sur l’âme, l’action d’une autre portion du corps sur une autre.

Autant il est clair, ferme, précis dans son chapitre de l’action du corps sur l’âme, autant il est vague, faible, dans le chapitre suivant.

Phénomènes de l’union de l’âme avec le corps sont constants dans tous les hommes. Comment cela se peut-il, si l’âme et le corps sont deux substances hétérogènes ?

Ame, selon Stahliens[80], substance immatérielle, cause de tous les mouvements du corps, qui n’est qu’une machine hydraulique, dépourvue de toute activité, nullement différente de toute autre machine faite de matière inanimée.

Fabrication même du corps et exercice de toutes ses fonctions, naturelles, vitales, ouvrage de l’âme, qui sait tout, mais qui n’est pas toujours attentive à tout, réparant dans le sommeil, capricieuse, fantasque, négligente, paresseuse, désespérée, craintive, capable par sa nature bien ou malfaisante d’allonger ou d’abréger la vie.

Ame, cause de mouvements volontaires, dont elle a la conscience, de mouvements involontaires sans en être consciente. Action de l’âme forcée, action raisonnée. Mais mouvement après la mort, d’où vient-il ?

En vain dirait-on que l’âme a un commerce fort étroit avec le corps ; cela ne fait qu’augmenter notre surprise et les difficultés.

Ce commerce est tel qu’à l’occasion des désirs de l’âme, il est dit qu’il s’excitera des mouvements dans le corps, et qu’à l’occasion des mouvements du corps, il s’excitera des désirs dans l’âme, car la réciprocité de leur action est démontrée.

Qui incorpoream dicunt esse animam, desipiunt ; nihil enim mit facere posset aut pati, si esset hujusmodi (Diog. Laert. in vitâ Epicuri).

Anima Bei flatu nata ; corporalis effigiata. (Tert., De an., cap. xxii.)

Pourquoi Dieu n’aurait-il pas créé des âmes ou naturellement viciées ou capables de se dépraver elles-mêmes, puisqu’il a permis que la chose arrivât au corps ?

Mais si cela est, il y a dans l’homme deux principes de désordre.

L’animal est un tout, un, et c’est peut-être cette unité qui constitue l’âme, le soi, la conscience, à l’aide de la mémoire.

Il n’y a rien de libre dans les opérations intellectuelles, ni dans la sensation, ni dans la perception ou la vue des rapports des sensations entre elles, ni dans la réflexion ou la méditation ou l’attention plus ou moins forte à ces rapports, ni dans le jugement ou l’acquiescement à ce qui paraît vrai.

La différence de l’âme sensitive à l’âme raisonnable n’est qu’une affaire d’organisation.

Toutes les pensées naissent les unes des autres ; cela me semble évident.

Les opérations intellectuelles sont également enchaînées : la perception naît de la sensation, de la perception la réflexion, la méditation et le jugement.

des causes occultes de phénomènes très-certains.

Qui sait comment le mouvement est dans le corps ?

Qui sait comment y réside l’attraction ?

Qui sait comment l’un se communique et comment l’autre agit ?

Mais ce sont des faits…

Et la production de la sensibilité ?

C’en est un autre. Laissons les causes qui nous sont inconnues, et parlons d’après les faits.


ESTOMAC OU VENTRICULE.

Si vous nourrissez continuellement un homme de chair, vous le rapprocherez du caractère de l’animal carnassier[81] : même estomac, même sang, même chyle, mêmes fluides, même nutrition générale des parties du corps.

Toutes les excrétions se font en vingt-quatre heures ; elles sont de six livres à peu près. Voilà les pertes à réparer.

L’aliment dans la bouche ; la mastication par les dents ; le délayement par les humeurs.

La fontaine de la salive sont les glandes parotides, maxillaires, sublinguales et autres.

Ces humeurs sont en partie résorbées par les veines. Chemin des aliments : le pharynx, l’œsophage, l’estomac.

L’œsophage est un tube égal, charnu, cylindrique, un peu comprimé.

Il y a des animaux qui mangent et qui n’ont ni intestins ni anus.

Les animaux carnassiers sont plus sujets aux vomissements que les frugivores ; les ruminants ne vomissent point.

Dans l’homme il n’y a qu’un estomac, immobile, situé à l’hypocondre gauche, fait de tuniques appliquées les unes sur les autres ; la première est celluleuse, la deuxième musculeuse, la troisième velue.

Le repos du cerveau demande que dans l’homme ce soit la mâchoire inférieure qui se meuve. Dans le lézard c’est spécialement celle d’en haut.

Vesale a vu un homme qui jetait derrière lui un palum ferreum de 26 livres qu’il tenait avec les dents, à la distance de 39 pieds.

Une expérience à faire c’est de mettre un poids sur un noyau de pêche.

La langue et le palais de la bouche.

La femme de Vossius mâchait pour son mari et lui déposait dans la bouche les aliments humectés et triturés.

Le suc digestif agit sur l’estomac vide et sur les aliments de l’estomac plein, appelle la faim ou prépare la nutrition.

Dans la faim l’estomac se tourmente comme un animal, il se contracte, il se plisse, il ne pense qu’à lui, ses plis se frôlent, des nerfs nus agissent contre des nerfs nus, et bientôt la douleur naît.

La faim appauvrit. Alors les serpents mordent sans danger. Les humeurs deviennent acres. On boit son urine, on ne le peut le lendemain, elle est trop acre. On a vécu jusqu’à vingt-huit jours sans nourriture[82].

L’huître n’a point de bouche.

Il y a des animaux qui ne boivent point. Peut-être l’homme n’éprouverait pas la soif s’il vivait de végétaux.

Le vrai appétit est fait pour l’homme laborieux.

Beaucoup d’animaux, insectes, qui souffrent la faim pendant longtemps.

Le long jeûne de l’homme, mais surtout de la femme.

Les caloyers ne mangent que six fois dans tout le carême.

La bière trouvée en Égypte par les mauvaises eaux.

La faim s’accroît à mesure qu’on s’approche du pôle, et le froid y refuse la nourriture végétale. Là on vit de la chair de l’animal et l’on s’habille de sa peau.

La faim est un sentiment douloureux qui naît de l’estomac.

La soif est un sentiment douloureux qui naît de la langue, du gosier, de l’œsophage et de l’estomac même.

La soif est une suite de la sécheresse, la faim de la faiblesse.

L’homme a l’estomac des animaux carnassiers, il en a les dents, il en a le cœcum court.

Les aliments font tout leur chemin en vingt-quatre heures, et tout le chyle en est exprimé dans l’intervalle d’environ trois ou quatre heures.

Les animaux qui se nourrissent d’aliments de difficile digestion ont les intestins longs. Ceux qui se nourrissent de chair les ont courts. Ceux qui se nourrissent de sucs, très-courts.

Le chyle est absorbé, bu par une bouche ou orifice ouvert à l’extrémité de chaque petit poil des houppes du velouté intestinal.

Manger, action qui distingue l’animal de la plante, comme sucer distingue la plante de la terre.

Toutes les espèces d’excrétions démontrent la nécessité de la nutrition.

Tout corps vivant est dans un état perpétuel de dissipation.

Les fluides s’exhalent, les solides brisés, réduits en molécules, passent dans les grands vaisseaux par les orifices des vaisseaux inhalants, reviennent dans la masse du sang et forment le sédiment de l’urine et la matière de la pierre et des os contre nature.

Cette dissipation diminue avec l’âge.

Tout se répare par le chyle.

Os, premièrement faits de filets membraneux, et gluten qui

fixe entre ces filets.

Nul état fixe dans le corps animal, il décroît quand il ne s’accroît plus.

Sang des vieillards plus rouge. Tout s’affaiblit ou se raidit, le cœur devient calleux. Mort naturelle.

L’estomac est un vaisseau membraneux destiné à recevoir les aliments, placé dans le bas-ventre, derrière le diaphragme et les fausses côtes gauches, un peu ovale et d’autant plus long que l’homme est plus avancé en âge. L’œsophage y entre à gauche et postérieurement ; il se termine à droite antérieurement dans le pylore.

Il est tapissé en dedans d’une membrane appelée veloutée, continue à l’épiderme, qui se sépare ; muqueuse, molle, composée de petits poils courts, et traversée de grandes rides parallèles à la longueur du viscère. Il est très-sensible.

Métaux s’amollissent et sont rongés dans l’estomac. Le plan des fibres de la petite courbure amène le pylore vers l’œsophage : c’est l’effet de la pression de deux mains.

Il y a une valvule au pylore.

Les aliments ne sortent point de l’estomac que leur structure n’ait été changée en un sucmuqueux presque cendré, jaunâtre ; un peu solide et pulpeux. L’eau passe d’abord, ensuite le lait, puis les légumes, ensuite les chairs.

Les veines flottantes et ouvertes dans l’estomac absorbent une assez grande quantité de boissons.

Les aliments passent dans le duodénum, où ils rencontrent la bile et le suc pancréatique.

La mastication prépare les aliments à la digestion ; la salive hâte cette préparation. Les aliments mis en une espèce de bouillie sont portés vers le gosier.

Le larynx est porté en haut et en avant.

L’épiglotte rencontre la langue et s’incline. En s’inclinant elle ferme le larynx ; et les aliments passent sur elle tandis que les voiles du palais bouchent les narines.

Le pharynx serré comme par un sphincter accélère les aliments en s’élevant.

Les amygdales pressées rendent leur suc, et les aliments suivent l’œsophage, canal qui se rend à l’estomac.

Chemin des aliments. La bouche, le pharynx, l’œsophage qui passe à gauche de la trachée-artère, dans la poitrine, derrière le cœur, dans l’intervalle de l’une et l’autre plèvre, puis se coude insensiblement un peu à droite, puis à gauche, gagne l’orifice du diaphragme dans l’intervalle de l’expiration et de l’inspiration, puis la pression du diaphragme presse vers le pylore ou l’entrée de l’estomac, et ferme ce viscère si exactement que les vapeurs y sont retenues. Image de la machine de Papin.

Les vieillards ne devraient jamais cracher, mais avaler leur salive.

Elle ne rougit pas le suc d’héliotrope, l’homme étant sain. Elle est résorbée par de petites veines.

la bile.

Elle se verse dans le second pli du duodénum ; malgré la valvule du pylore, elle entre dans l’estomac.

On vomit les calculs du fiel.

le péritoine.

Membrane qui enveloppe les intestins, surtout les chylopoëtes[83]. Son tissu est cellulaire et épais ; siége de la hernie. Il est non irritable.

l’omentum.

Tissu cellulaire qui embrasse, suit les intestins et les empêche de trop vaciller.

la rate.

Elle manque dans plusieurs animaux, d’autres en ont deux. Elle est située à gauche ; elle correspond aux dixième et onzième côtes. Elle est spongieuse. Elle n’a ni conduit excrétoire, ni force musculaire. Elle verse son sang dans le foie. On vit fort bien sans elle.

le pancréas.

C’est une glandule de la nature des salivaires. Elle est faite de lobes ; elle est placée derrière l’estomac. Elle se vide. Son conduit excrétoire avec le canal cholédoque. Son humeur délaye la bile.

foie.

Il occupe la partie supérieure de l’abdomen à droite. Sa partie droite est gibbeuse, sa partie gauche obtuse.

Le foie est le plus vaste des viscères ; il occupe une grande partie du bas-ventre, au-dessus du mésocôlon. Le diaphragme est au-dessus, à droite et derrière. Il est divisé en deux lobes.

Il y a deux genres de veines dans le foie et cet exemple est le seul. Il y a anastomose entre la veine porte et la veine cave, et le sang de la première passe dans la seconde.

Le sang se meut lentement dans le foie. Il est sujet à des squirres. Il est peu sensible.

Les derniers vaisseaux de la veine porte, de la veine cave, de l’artère et des conduits biliaires sont unis par un tissu cellulaire en forme de petits grains hexagones, où il y a une communication réciproque des rameaux de la veine porte et de l’artère hépatique avec les racines de la veine cave et de la veine porte avec les extrémités des pores hépatiques.

Ces grains sont creux, et la bile séparée par les rameaux de la veine porte s’y dépose. De là elle passe dans les deux trous du conduit biliaire hépatique qui perce dans l’intestin duodénum à six pouces du pylore.

Ce conduit cholédoque en reçoit un autre appelé canal cystique qui vient de la vésicule du fiel. La vésicule du fiel a la forme d’une poire.

La bile hépatique passe dans la vésicule du fiel toutes les fois qu’elle trouve de l’embarras dans le sinus duodénal. Cette vésicule devient donc accidentellement très-grosse.

Plusieurs animaux n’en ont point.

Il s’exhale de la bile cystique une vapeur très-fine ; le reste devient aigre, se rancit, s’épaissit, prend de l’amertume avec une couleur foncée.

L’usage de la vésicule du fiel est de recevoir la bile lorsque l’estomac est vide et la bile inutile, et de la verser en abondance et avec vitesse quand les aliments passent en quantité dans le duodénum.

L’estomac plein la comprime et la force à se vider dans le canal cholédoque, ce que la continuité du conduit cystique et du canal cholédoque démontre.

La bile fait la fonction d’un savon, elle détruit l’acidité des aliments et prépare la formation du chyle.

Lorsque, par des accidents, les canaux de la bile sont bouchés, elle revient dans le foie et rentre dans le sang ; elle produit l’ictère ou la jaunisse.

La vésicule du fiel manque à bien des animaux. Elle est placée dans le sillon qui distingue les deux lobes du foie. Le canal cystique se fond avec le canal hépatique.

Il y a bile cystique et bile hépatique.

Les colombes ont la bile verte, mais ne l’ont pas amère.

Elle contient air, eau et sel volatil.


INTESTINS, RATE, PANCRÉAS ET PÉRITOINE.

L’intestin est un réservoir membraneux où l’animal dépose sa nourriture, la cuit et d’où il la répand partout.

Le polype n’est qu’un intestin vivant.

Dans l’holothurie, il y a intestin sans cœur.

L’intestin est la continuation de la poche de l’estomac.

Les intestins ont six fois la longueur du corps. On les distingue en grêles et en gros.

Les grêles sont le duodénum, le jéjunum, l’iléon et le côlon. Ils sont composés de quatre tuniques qui se succèdent et que trois couches du tissu cellulaire unissent : la musculeuse, la celluleuse, la nerveuse, la velue. Ils ont des valvules.

Le chyle se fait en six heures.

Les gros intestins sont le cœcum et le rectum.

Sphincter du rectum.

Réservoir de Pecquet[84].

Conduit jusqu’à la jugulaire.

intestins grêles.

Le canal connu sous ce nom commence où finit l’estomac et perd ce nom à l’intestin le plus gros.

Le duodénum, le jéjunum et l’iléon ne sont vraiment qu’un même canal sous trois noms.

Le duodénum tire son nom de sa longueur[85] ; il est lâche et ample ; sa position est déterminée.

Le reste des intestins grêles n’a aucune place fixe. Il est entouré du côlon.

La texture des intestins est assez semblable à celle de l’estomac ou de l’œsophage. La membrane intérieure est la veloutée ou couverte de houppes coniques. Cette membrane est percée de pores grands et petits répondant à des glandes simples.

Ils sont très-sensibles. Ils ont un mouvement appelé péristaltique qui pousse en bas les aliments.

La pulpe des aliments dissoute par le suc pancréatique, le suc intestinal mêlé à la bile, arrosée par le mucus et travaillée par l’air, devient écumeuse sans effervescence, sans acidité, peu épaisse, blanche au commencement du jéjunum, et toute muqueuse à la fin de l’iléon.

La partie terreuse, grossière, âpre et acre de cette pulpe descend dans les gros intestins. Presque tout le chyle en est exprimé en trois ou quatre heures ; et le chemin du tout se fait en vingt-quatre.

Les intestins ont cinq fois et plus la longueur du corps.

des gros intestins.

Ce qui reste après l’expression du chyle, partie d’une portion de chyle, mais dégénéré et muqueux. Un peu de mucus. Grande partie de la terre[86] dont les aliments étaient chargés. Parties âcres rejetées par les orifices des vaisseaux absorbants et de toutes les fibres membraneuses solides par l’action des intestins et que la macération n’a pu détruire.

Cette masse passe de l’iléon dans le cœcum où elle séjourne.

Le côlon est continu avec le cœcum ; et le rectum est le dernier des intestins, terminé par l’anus.

Il y a à l’entrée du côlon deux plis saillants formés de la membrane nerveuse et veloutée de l’intestin grêle. Le pli supérieur est transverse et court ; l’inférieur est plus grand, plus long et monte.

L’extrémité du rectum a des fibres transverses fortes, formant un anneau ovale et gonflé, appelé sphincter interne.

Le sphincter est un muscle propre à cette partie. Il est large, charnu et composé de deux plans de fibres demi-elliptiques, se croisant vers le coccyx et les parties génitales.

La plante a ses racines en dehors, l’animal en dedans.

Le polype est un intestin vivant.

Dans les animaux féroces, intestins larges.

Le duodénum part du pylore.

L’homme qui avait les intestins à découvert. A l’aspect d’un mets qui lui plaisait, ses intestins s’agitaient de gaieté comme des serpents.

la rate.

C’est un des viscères qui envoie son sang au foie. Il est pulpeux, sanguin, livide, un peu épais, ovale, uni à l’estomac par le petit épiploon et par un ligament. Lorsque l’estomac est plein, il aplatit la rate contre les côtes et la fait se vicier ; c’est pourquoi on la trouve grande dans ceux qui sont morts de langueur, petite dans ceux qui étaient vigoureux et qui sont morts subitement. Elle descend avec le diaphragme dans l’inspiration, et remonte dans l’expiration.

Près de la rate on en trouve quelquefois une plus petite. Elle est peu sensible et s’enflamme très-rarement.

Il y entre beaucoup plus de sang que dans un autre viscère. Ce sang n’est presque jamais coagulé. Il est noirâtre et dissous ; il circule par les veines hépatiques et revient au foie, se mêle au sang paresseux et gras qui revient de l’épiploon et du mésentère, le délaye, l’empêche de se coaguler ; il rend la sécrétion de la bile plus abondante, au moment même où elle est nécessaire pour la digestion.

Elle est sujette à devenir squirreuse.

Sa suppression dans les animaux a peu de suite ; cependant elle a causé du gonflement dans le foie, la bile en a été moins abondante, plus jaune, et l’animal sujet à des vents.

Le sang de la rate sert à la sanguification ; c’est comme un levain. Ce sang est noir et deviendrait compacte, si le sac qui le contient n’était perpétuellement ballotté, remontant et descendant à chaque inspiration et expiration. Il entre lentement et peu à peu dans le cours de la circulation par les veines hépatiques ; l’artère l’y porte en serpentant. Les rameaux en sont grands, relativement au tronc ; de là, diminution de vitesse.

Je crois qu’il faut regarder tous les viscères aveugles, tels que la vésicule du fiel, la rate, l’intestin cœcum, comme des organes destinés à préparer un levain ou ferment.

le pancréas.

La bile est un savon, mais visqueux ; le suc pancréatique s’y unit pour corriger ce défaut, car il est aqueux, insipide, fin, ni acide, ni lixiviel.

Le pancréas est la plus grande des glandes salivaires. Elle est oblongue, placée sur le mésocôlon transverse, derrière la partie du péritoine qui se prolonge au delà du pancréas, à travers ce mésocôlon, derrière l’estomac et la rate, sous le foie, devant la capsule atrabilaire gauche et l’aorte. Il est peu sensible. Il est composé de grains ronds et assez durs, unis par beaucoup de tissu cellulaire.

Il se vide par un canal dont l’orifice s’unit à celui du cholédoque, et quelquefois en est séparé, ou bien il a quelquefois deux orifices différents.

Il est pressé par un grand nombre de parties adjacentes qui accélèrent le suc pancréatique.

le péritoine.

Est une membrane ferme, simple, qui contient tous les viscères du bas-ventre qui y sont attachés.

Le mésentère et le mésocôlon sont deux productions du péritoine.

Le mésocôlon forme une cloison à la partie supérieure du bas-ventre, où l’estomac, la rate, le pancréas sont placés, et sépare cette partie supérieure de l’inférieure.

Le mésentère renferme dans les plis nombreux de son contour la très-longue suite des intestins grêles.

L’épiploon. Il y a le grand et le petit, l’épiploon colique[87].

L’usage de l’épiploon et du mésentère est de former des intervalles lâches où la graisse s’amasse pendant le sommeil et le repos, pour être dissoute pendant l’exercice et rendue dans la masse du sang par les veines absorbantes, et constituer la portion principale de la bile. Aussi on lui trouve tantôt l’épaisseur d’un pouce, tantôt il est mince et transparent comme une feuille de papier.

L’épiploon a de très-petits nerfs ; il est insensible et gras.

Une autre utilité de l’épiploon est de se placer entre les intestins et le péritoine, de les empêcher de se coller, de laisser un mouvement libre aux intestins, de diminuer leur frottement sur eux-mêmes et le péritoine, et d’enduire d’une huile très-douce les fibres musculaires.

Le mésentère sert d’appui aux intestins et les fixe à leur place sans les gêner.


REINS, VESSIE, URINE.

Le chyle absorbé par le sang a beaucoup d’eau, trop ; partie s’exhale par la peau, partie se filtre par les reins.

Les reins sont deux viscères placés derrière le péritoine, sur les parties latérales de l’épine du clos, couchés sous le diaphragme de manière que le droit est un peu plus bas que le gauche. Ils sont attachés par des replis du péritoine au côlon, au duodénum, au foie et à la rate. Ils sont peu sensibles.

Le sang de l’artère rénale, porté par les petites artérioles rampantes du rein, dépose une grande partie de son eau dans les vaisseaux rectilignes des papilles avec l’huile unie à cette eau, les sels et ce qu’il y a de plus liquide, de plus atténué.

L’urètre est continu au bassin. Il descend dans le bassin, fort loin, derrière la vessie, dans laquelle il s’ouvre par un orifice oblique.

La vessie paraît inhalante.

La grandeur des vaisseaux des reins prouve qu’il se présente à ces viscères un huitième de tout le sang, donc plus de mille onces de sang en une heure dont il peut sans merveille se séparer 70 onces d’eau.

Tous les animaux n’ont pas de reins.

Le rein paraît un agrégat de petits reins. Il y a à chaque rein écorce et papille.

La vessie est placée dans les femmes sur la matrice.

On voit derrière le rectum les vésicules séminaires, les prostates et les releveurs de l’anus. La vessie est assez sensible, les uretères peu. La vessie rend toutes les liqueurs qu’on y injecte. Elle ne souffre que l’urine saine.

L’urine tombe insensiblement par un fil continu dans la vessie. Elle s’évacue par l’urètre. Il est court, droit et transverse dans les femmes.

L’urètre est large en sortant de la vessie, il devient conique en s’approchant de la prostate ; cylindrique dans sa partie libre, plus large au commencement du bulbe, cylindrique le long de la verge, s’élargissant un peu vers la fin.

La vessie a son sphincter.

L’urine a l’acrimonie alcaline du sel marin. Elle contient acide. Elle dépose ; son sédiment contient terre, huile, sels, air, sel volatil, acide volatil, phosphore, charbon.


MATRICE.

Organe placé entre la vessie et le rectum.

Bulles rondes pleines d’un liquide transparent dans les sinus muqueux entre les rides de la partie supérieure du col de la matrice ; bulles plus ou moins grosses, en plus ou moins grand nombre.

Trompes. Canaux qui partent des angles latéraux de la matrice, s’élargissent en montant, se rétrécissent sur la fin, tendent vers l’ovaire et descendent ensuite.

A l’orifice supérieur de la trompe, franges qui l’environnent et s’unissent à l’ovaire.

Ovaires placés derrière les trompes, flottants, oblongs et aplatis ; de structure assez semblable à la matrice.

Dans l’ovaire même des vierges, bulles rondes faites d’une membrane pulpeuse, assez ferme et pleine d’une lymphe coagulable[88]. Le nombre en est indéterminé ; jusqu’à douze dans un ovaire.

Clitoris a des artères profondes et superficielles, telles que celles de la verge de l’homme.

Vaisseaux de la matrice par pelotons ; ils croissent jusqu’à la puberté ; déposent dans sa cavité une espèce de lait très-blanc dans le fœtus, séreux dans les vierges ; alors se gonflent et rendent du sang pur.

Érection simultanée des papilles du sein et du clitoris.

La matrice n’est point une partie essentielle à la vie de la femme ; les anciens l’amputaient dans certaines maladies, sans que l’opération fût suivie d’une catastrophe fatale.

Non développée dans l’enfance, elle demeure en repos ; dans la vieillesse elle est flasque ; dans l’âge moyen elle a son empire particulier qu’elle exerce : elle donne des lois, se mutine, entre en fureur, resserre et étrangle les autres parties tout ainsi que le ferait un animal en colère. La matrice est active et sent à sa manière. Pourquoi sujette à tant de maladies ? C’est qu’elle est à la fois organe secrétaire, fertile et excrétoire.

L’intérieur de la matrice, l’intérieur des trompes de Fallope et peut-être l’intérieur des ovaires, même substance polypeuse.

Matrice, organe actif, cloué d’un instinct particulier. Comparaison de l’organe de la matrice aux animaux qui filent la toile dont ils s’enveloppent.

Ses oscillations font que la matière séminale frappe tantôt un endroit, tantôt un autre.

Harvey a vu les filets du chorion ou de la poche extérieure[89] tendus d’un coin de la matrice à l’autre, s’entrelacer, former un réseau clair, puis un tissu ferme et uni.

Amnios, poche intérieure.

Dans les animaux, ouraque, canal qui conduit l’urine dans une espèce de vessie placée entre l’amnios et le chorion et appelée allantoïde.

Durée de la grossesse d’autant plus courte que les ventrées sont plus grandes.

L’amnios est la membrane interne du fœtus. Elle est aqueuse et transparente, très-lisse, partout la même, et unie par un tissu cellulaire avec la lame interne du chorion. L’aliment du fœtus, du premier instant au dernier, vient sans doute par la veine ombilicale (cette veine est formée des racines des vaisseaux exhalants de la matrice) et par l’artère ombilicale qui est continue à cette veine.

Un enfant qui a respiré et qui rentre dans la matrice meurt ; il meurt noyé comme un canard ; il veut respirer et respire l’eau qui l’étouffé.

Chatouillement des rides musculeuses du vagin.

Raideur des trompes de Fallope.

Griffes du pavillon contractées.

Œuf reçu dans la trompe.

Œuf porté dans la matrice par le mouvement péristaltique de la trompe. Tout se passe quelquefois en sens contraire. Autre comparaison avec l’estomac.

Le bassin contient dans la femme la matrice, la vessie, le rectum.

Il y a exemple de deux matrices, deux vagins, deux orifices, l’un dans le rectum, l’autre à l’ordinaire.

La largeur intérieure de la matrice dans l’enfant qui naît est de deux lignes ; dans la fille de vingt-deux ans, trois lignes, dans la femme qui a accouché, depuis cinq lignes jusqu’à huit. Elle est ouverte, elle est musculeuse.

Le vagin est contractile.

Clitoris semblable au pénis de l’homme ; il a des muscles, un gland, un prépuce, des corps caverneux, un frein, les mêmes mouvements.

Ovaires ou testicules. Leur surface dans la femme adulte est tuberculeuse et gercée de fentes.

On remarque à peine des œufs dans l’éléphant ; jamais plus de quinze œufs dans un ovaire, depuis deux jusqu’à six.

Règles. Il y a exemple de leur durée jusqu’à cent six ans. La pléthore en est la cause.

La matrice s’étend en même temps que les tétons s’arrondissent. Ils se gonflent de lait après la grossesse.

Point de règles où il n’y a point de lait. Le lait se porte de la matrice aux mamelles et de la mamelle à la matrice.

Œufs dans les filles de cinq ans.

« Il ne veut pas (le médecin Soranus) qu’on mette la matrice au nombre des organes principaux du corps humain ; et la raison qu’il en donne, c’est que non-seulement elle se déplace et tombe dans le vagin, mais encore qu’on l’extirpe sans causer la mort, ainsi que Thémison l’atteste dans ses écrits. Il était même si persuadé que la matrice n’est pas essentielle à la vie, que nous le verrons plus bas faire un précepte de son extirpation. » (Histoire de la Chirurgie[90], tome II, page 277.)

Selon le même médecin, un signe très-certain et point trompeur que la femme est enceinte d’un garçon, c’est lorsque le pouls du bras droit est plus fréquent, plus fort, plus grand que celui du bras gauche, et, réciproquement, que la femme porte une fille quand le pouls gauche réunit ces qualités.

Soranus, à l’exemple d’Hippocrate, reconnaissait si une femme est stérile ou féconde ; leur secret consistait à lui mettre dans le vagin, le soir, lorsqu’elle se couche, une gousse d’ail pelée et enveloppée de laine. Si, le matin, en s’éveillant, elle a dans la bouche l’odeur de cet aromate, il la tient pour habile à concevoir. Toutes les maladies vénériennes affectent le gosier. La castration a un nombre infini d’effets qui constatent la liaison des parties de la bouche avec les parties génitales[91].

« Si la portion pendante de la matrice s’ulcère et cause de l’âcreté des urines et de la malpropreté, si elle se putréfie, dit Soranus, extirpez-la sans rien craindre ; l’exemple nous autorise à la retrancher ; on l’a quelquefois extirpée tout entière, et le succès a couronné la tentative. »

La suite de l’histoire offre d’autres exemples de l’heureuse témérité dont Soranus fait un précepte.


GÉNÉRATION.

Le testicule, peloton de petits canaux.

Ovaire ensemble et testicules en quelques espèces.

Point de vers[92] dans les enfants, point dans les vieillards, point après un coït fréquent, point dans le mulet.

On trouve de ces corpuscules[93] dans l’urine, le crachat, la salive, le sang, les larmes, dans le mucilage des parties des femmes, et dans les autres humeurs. Ils ne sont donc pas propres à la fécondation.

Dans l’érection, la verge pleine de sang.

Massinissa, après quatre-vingt-six ans, fit un enfant.

Thomas Parr, dont Harvey a écrit la vie, s’est marié à cent vingt ans et a connu sa femme à cent quarante[94].

L’éléphant engendre à cinq mois.

Génération des parties se fait peu à peu et non subitement, par apposition de partie et non par développement.

Animaux qui tiennent du père et de la mère.

Vers inutiles. Un million de féconds sur un. Vers dans vers, et ainsi à l’infini ; absurdité.

Parties défaillantes réparées dans les animaux sans secours d’aucun élément préexistant.

Cœur, d’abord canal, puis viscère à deux ventricules et à deux oreillettes.

Fluide vrai produisant par humeur gélatineuse seule, dents, muscles, serres de l’écrevisse.

Ces vers aussi naturels à la semence de l’homme que les anguilles au vinaigre.

Floyer, médecin et asthmatique, dit que son asthme était aussi exactement assujetti aux phases de la lune que les eaux de la mer. Cependant, chaque jour indistinctement, presque autant de femmes qui ont leurs règles que de femmes qui ne les ont pas.

Règles, suites de pléthore.

Dans la jeunesse, vaisseaux mous ; dans la vieillesse, vaisseaux secs ; en tout temps, raides et secs dans les animaux.

Les artères qui portent le sang aux testicules de l’homme sont les mêmes qui le portent aux ovaires de la femme.

L’ovaire est d’une structure assez semblable à celle de la matrice ; seulement on y remarque, même dans les vierges, des bulles rondes ; il y en a jusqu’à douze.

Les corps caverneux ont une enveloppe, une chair spongieuse qui peut se gonfler.

Il y a entre eux une cloison mitoyenne faite de fibres tendineuses, parallèles, plus étroites en bas, non continues, formant des vides qui laissent une communication libre entre les deux corps caverneux, d’autres fibres se portent de la cloison et s’insèrent dans l’enveloppe ferme.

Ces fibres empêchent la trop grande distension ou l’anévrisme de la verge.

La trompe de Fallope est menue par le bout qui tient à la matrice, plus évasée par l’autre extrémité ou le pavillon. C’est le canal conducteur ou de l’œuf ou de la semence dans la matrice, selon le système qu’on embrasse.

Dans la conception la trompe comprime l’ovaire. Il se fait à la membrane externe de l’ovaire une petite fente.

Un œuf, dit-on, s’échappe par cette fente, suit la trompe et descend dans la matrice. Autant de fentes[95] à l’ovaire que d’enfants.

Cependant l’extrême étroitesse de la trompe et le volume de l’œuf trouvé dans la matrice ne permettent guère de croire qu’une vésicule entière puisse suivre cette voie.

On n’a jamais vu l’œuf renfermé dans le calice jaune ou caillot qui se forme autour de la vésicule de l’ovaire, s’accroître et transformer la vésicule en un corps jaune hémisphérique.

Pourquoi ces œufs ne grossissent-ils point ?

Toutes les parties de l’homme formées dans l’œuf. Chemin.

Jamais on n’a vu dans un œuf le fœtus[96], qui ressemble plus souvent au père qu’à la mère.

Il n’y a point de corps jaune dans les vierges. Ce corps jaune n’a rien de remarquable dans sa structure.

Le polype se reproduit par division. Le puceron est hermaphrodite.

L’accouplement des colimaçons est double.

On a dit tant de folies sur l’acte de la génération que je puis bien dire aussi la mienne. Je ne puis me résoudre à faire agir la semence de l’homme ou sa vapeur à une distance aussi éloignée que les ovaires de la femme le sont du fond du vagin.

Quoiqu’on ait quelques exemples de fœtus engagés dans les trompes de Fallope, je ne puis faire descendre ni un œuf ni un corps par l’un de ces deux canaux. Descendu dans la matrice, je ne connais aucun moyen de l’y fixer par un pédicule, et moins encore de l’y fixer à la place qu’il y occupe. Il semble qu’il ne devrait s’arrêter dans sa chute qu’au point le plus bas.

Qui est-ce qui a vu dans l’acte vénérien la frange ou griffe du pavillon embrasser l’ovaire, la serrer et en exprimer les premiers rudiments de l’embryon ?

Je serais tenté de ramener la génération de l’homme à celle du polype.

Les premiers éléments de l’homme sont au lieu même où l’homme naît. Ils attendent là pour se développer la liqueur séminale de l’homme.

Ils se développent, le placenta se forme, et l’homme naît par division.

L’approche de l’homme et de la femme ne donne lieu qu’à la production ou au développement d’un nouvel organe qui est ou devient un être semblable à l’un des deux.

Ruysch a trouvé la semence de l’homme et de la femme dans la matrice d’une femme qui venait d’être tuée par un matelot avec lequel elle avait pris querelle immédiatement après en avoir été connue. Mais Harvey a disséqué des biches sans nombre, immédiatement après l’approche du cerf, il n’a jamais trouvé de liqueur séminale dans leur matrice.

On jette de l’eau sur la jument pour la rendre féconde.

J’ai ouï parler d’un magistrat à qui le même expédient réussit. Mais cela ne nuit point à mon opinion.

Si après le coït la femme éprouve une espèce de grouillement qui ressemble assez à de la colique pour qu’elle s’y méprenne, et si ce mouvement est accompagné d’un peu de chaleur aux parties naturelles, elle se trompera rarement lorsqu’elle se croira grosse. Je tiens cette observation d’un habile médecin qui l’avait faite plusieurs fois. Elle peut être grosse sans avoir éprouvé ces deux symptômes.

Quand le coït est fécond, la trompe a comprimé l’ovaire, et en a exprimé par la fente qui se fait à sa membrane externe un corps jaune qu’elle conduit dans la matrice.

Corps jaunes contenus dans les ovaires des femmes fécondes. Tumeur constante à l’ovaire. Autant de fentes à l’ovaire que d’enfants. Preuves.

Cependant étroitesse de la trompe. Jamais l’œuf vu dans le calice jaune. Jamais œuf dans une vierge n’a montré de fœtus.

Frémissement le long de la trompe, et espèce d’évanouissement.

Ces œufs prétendus stériles sans la semence du mâle.

Fœtus trouvés dans les trompes.

Changement survenu dans le corps jaune fécondé. Analogie avec les animaux dans la matrice desquels il tombe un œuf après le coït, quoique plusieurs soient fécondés en même temps dans l’ovaire.

Y a-t-il semence dans la matrice et dans les trompes ? Ruysch dit oui, Harvey dit non ; Ruysch sur un seul fait, Harvey sur mille.

Matrice se ferme après la conception.

Dans la matrice de lapine ; on n’y voit rien les cinq ou six premiers jours, le septième on aperçoit un bouton, puis une bulle, ensuite une espèce de têtard.

Une femme, soit par un mouvement acquis, soit par un mouvement naturel, donnait au vagin et aux parties extérieures de la génération assez de contraction pour serrer et retenir son homme dans la jouissance lorsque la passion avait cessé.

Le flux menstruel, besoin d’abord, se périodise beaucoup par l’habitude comme toutes les autres excrétions, la faim à certaines heures.

Testicules, assemblage de petits canaux où le sperme se sépare du sang.

Le fœtus a rarement les testicules dans la bourse ou le scrotum, mais souvent dans l’abdomen.

Scrotum, sac qui contient les testicules.

Dartos est une enveloppe particulière, vasculeuse, musculeuse sous le scrotum. Quand il y a abondance de sperme elle se rétrécit, se dresse, se ride, porte le testicule en haut, le sperme se répand, et tout se remet à sa place.

Crémaster, muscle qui élève, presse et exprime.

Il y a le testicule vrai et le testicule épididyme ou addition au testicule.


SPERME.

vers spermatiques.

Il n’y en a point dans l’enfant, mais à leur place de petits corpuscules ; point après un fréquent coït, point dans le vieillard, point dans les stériles, point dans le sperme des mulets. Pareils animaux dans toutes les humeurs, même dans le mucilage des parties naturelles, même dans les chapons. Ils ont deux sexes, ils s’accouplent, ils engendrent.

On éjacule sans testicules[97].

Le sperme repasse dans le sang et se répand dans tout le corps. Il se manifeste à l’odorat.

On pisse par contraction de la vessie.

Les vaisseaux spermatiques, dans tous les animaux, voisins se ceux des reins. Double utilité de l’organe propre à expulser l’urine et la semence.

Semence du mâle se forme dans le testicule, déposée dans les vésicules séminaires[98], chassée au dehors par la verge.

Scrotum, première enveloppe du testicule. Dartos, après le scrotum, seconde enveloppe du testicule : deux sacs avec cloison.

Dartos, muscle crémaster, s’épanouissant postérieurement en gaîne, embrassant de tout côté, élevant, comprimant, exprimant le testicule.

Ensuite la membrane vaginale.

Puis la membrane albuginée[99].

Une artère spermatique descend vers le testicule ; elle vient de l’aorte au-dessous de l’artère rénale.

Avec l’artère spermatique, il y a la veine spermatique et le canal déférent, formant ensemble un cordon cylindrique qui se prolonge dans l’aine, de là dans le scrotum et au testicule.

Nerfs du testicule très-sensibles.

Les artères se partagent en petits vaisseaux continus aux vaisseaux spermatiques et formant des pelotons séparés par des cloisons cellulaires.

Il y a dans chaque cloison un conduit qui reçoit la semence des vaisseaux spermatiques.

Épididyme, accessoire du testicule, côtoyant son bord externe postérieur et adhérent au testicule.

Il a son conduit qui, après avoir formé des spirales, prend le nom de canal déférent, canal portant la semence dans les vésicules séminaires.

La vésicule séminaire (il y en a deux) est un petit intestin membraneux, fermé, situé au-dessous de la vessie, d’où naissent dix et plus d’intestins aveugles dont quelques-uns sont divisés en différentes loges.

Ce petit intestin est ramassé en un peloton court et tortueux.

La liqueur qui y est déposée sort du testicule jaunâtre, fine et aqueuse. Elle conserve ce caractère dans les vésicules, seulement elle y devient plus visqueuse et plus jaune.

Point de liqueur animale qui pèse plus.

Les animalcules ne se trouvent dans la semence qu’après l’âge de puberté.

On n’en trouve point dans la semence des impuissants.

Semblables à anguilles à grosse tête ; diminuent et perdent leur queue dans l’homme en vieillissant.

On a trouvé de ces animaux dans la liqueur du corps jaune et quelquefois dans les décoctions et infusions des parties des animaux.

Enfants plus semblables au père qu’à la mère.

Maladies et vices héréditaires de père en fils.

Vers, principe dominant dans le règne animal.

Ressemblance de l’animalcule avec les premiers linéaments du fœtus fécondé[100], linéaments qui ne paraissent pas à moins que la femelle n’ait été fécondée.

Plus ou moins de véhicule dans la semence, plus ou moins d’irritation.

Ier Système. Mélange de la liqueur séminale et semence extraite dans l’un et l’autre de toutes les parties du corps avec faculté génératrice.

Cette faculté n’est qu’un long enchaînement de causes et d’effets qui s’acheminent successivement depuis le commencement de la vie jusqu’à la mort.

La semence est une humeur comme le sang, la lymphe, la bile, le suc pancréatique, qui a sa nature et son filtre particulier.

Dans Buffon et d’autres, semence : surabondance de nourriture rejetée par chaque membre. Moules intérieurs.

Placenta et enveloppes impossibles à expliquer.

Semence forte et semence faible dans chaque sexe. Aristote comme Hippocrate, avec cette différence que le mâle fournit la forme et la femelle la matière.

II. Vésicules dans l’ovaire ; système des œufs : homme et femme tout formé dans l’œuf, et ainsi à l’infini[101].

III. Animaux spermatiques. Hartzoecker. Femmes et hommes ; et puis même enchâssement à l’infini.

IV. Œufs piqués par les vers.

Molécules organiques, vivantes, ne sont que les matériaux. Buffon.

Dans ce système, il faut que la semence entre dans la matrice, ce qui est faux.

V. Autre système : parties de la semence sont chacune polypeuses. Matrice nécessaire.

Harvey n’a vu d’abord dans la matrice des biches et des lapines disséquées qu’un point animé autour duquel se sont successivement arrangés les divers membres qui composent l’animal.

(Je crois que, vu l’exfoliation de la matrice, peut-être est-ce la raison du petit nombre d’enfants.)

Observations à faire. La première, c’est si cette exfoliation laisse dans la matrice des traces subsistantes, en conséquence desquelles on pourrait à l’inspection de cet organe intérieur compter les enfants, comme on prétend qu’on les compte aux cicatrices de l’ovaire. La seconde, s’il peut se faire un placenta dans un endroit où il y a eu un premier placenta, où une première exfoliation s’est faite.

Question à faire au jardinier : Si deux fruits peuvent naître successivement à l’endroit d’un premier pédicule ?

Cela expliquerait la fécondité et la stérilité de certaines femmes, par l’étendue du placenta ou des exfoliations successives.

La vapeur séminale est connue par l’odorat, la vue, quand elle est chaude.

Point de semence avant douze ans dans nos contrées. Vers la cinquantaine plus de pollution nocturne.

Fluide spermatique, surabondant, produit le cancer et la phthisie pulmonaire. Le remède est simple[102].

Matière nutritive surabondante produit la goutte. (La craie des nodus distillée donne les mêmes produits que le tartre du vin, seulement un peu plus d’alcali volatil.)

Distinguer la semence du véhicule. Le véhicule isole les parties prolifiques et empêche la fermentation qui ne se fait qu’en masse.

C’est le rapport du véhicule à la partie prolifique qui fait distinguer les hommes et les femmes par leurs tempéraments froids ou chauds. La partie prolifique trop rapprochée[103] est une source de maladies.

Il y a des animalcules dans la semence et il n’y en a que dans cette seule excrétion. Mais la corruption en engendre dans toutes les parties de l’animal.

Où est la matière séminale dans les eunuques ? Où ? Où elle était dans les mâles parfaits avant sa séparation par les glandes.

Tandis que l’homme ne dissipe pas la semence ou par le coït ou par le rêve, grande portion, la plus volatile, la plus odorante, la plus forte est repompée et rendue au sang, et son produit est poil, barbe, corne, changement de voix et de mœurs : effets nuls dans les eunuques.

Prostate en forme de cœur, glande environnant l’urètre à son origine, prépare une humeur blanche, épaisse, douce, abondante, qui se répand dans une dépression petite, creusée aux parties latérales des vésicules séminaires, et qui sort avec la semence dans laquelle elle domine par sa blancheur et sa viscosité.

La semence et le fluide de la prostate qui s’y mêle sortent par l’urètre tendu.

Mais comment se tend l’urètre ? Par trois corps caverneux qui l’entourent.

Et qu’est-ce qui distend et enfle ces corps ? Le sang artériel.

Et que devient ce sang ? Il est repompé par les veines.

Il y a entre eux une cloison mitoyenne faite de fibres tendineuses, fermes, parallèles, etc. Des fibres de ces cloisons se portent vers les parois des corps caverneux et en empêchent la trop grande distension en large.

Papilles des femmes s’érigent.

Peau sous le cou du coq d’Inde se raidit.

Animaux s’accouplant sans muscle érecteur.

Action du fluide suffit pour l’érection.

Beaucoup de rapport entre la construction des testicules et celle de la substance corticale du cerveau.

La langueur ne vient pas de la perte mais de la distension de toutes les parties par la force de l’irritant.

Ce fluide séminal dans chacune de ses molécules a quelque analogie avec les membres dont il a été séparé. Dans l’irritation violente il se transmet à chaque molécule une action analogue à chaque partie. Cette analogie sépare celles qui doivent être lancées des autres, et après cette séparation leur coordination s’explique par la même analogie avec telle ou telle fonction particulière et qualité. Elles s’entraînent réciproquement pour sortir ; elles s’entraînent réciproquement pour s’arranger : folie conjecturale, plus folle pour les ignorants, moins folle pour les hommes instruits. Entre ces parties fécondantes, beaucoup d’un humide stérile interposé ; cet humide est véhicule. Cela explique les ressemblances et les organes surabondants.

semence.

La nature en ordonne l’usage, la sagesse le règle, la continence le retient, le vice en fait un poison, la religion le bénit, la débauche le prodigue.

C’est un fluide émané du cerveau, qui prend son cours par le grand nerf sympathique ; ce fluide contient un petit cerveau qui est la graine ou le noyau d’où naît le fœtus.

Analogie de la semence avec la cervelle. Plus de cervelle, tout étant égal d’ailleurs, plus d’aptitudes aux sciences et au plaisir. Homme toujours amoureux.

Vers séminaires naturels à la semence de l’homme, ainsi que les animalcules qu’on trouve ailleurs.

Par dépravation dans les testicules ou dans l’ovaire, au lieu d’un César il naît un ascaride.

Si le fluide séminal est repompé, c’est un venin qui tue.

Enveloppes du fœtus ne sont qu’une exfoliation du placenta.

La matrice est un porte-enfant comme la branche de l’arbre est un porte-fruit.

Il y a des exemples du placenta appliqué à l’orifice de la matrice, accouchements dans lesquels il a fallu percer le placenta pour accoucher.

La fille d’Aquapendente était imperforée et n’en devint pas moins grosse.

La grossesse se fait par vapeur ; cela paraît démontré.

conception.

Vagin, organe surajouté à la matrice ; canal membraneux, capable de frottement, fort susceptible d’expansion ; embrasse l’orifice de la matrice, se porte en bas, en devant et au-dessous de la vessie ; placé sur le rectum auquel il est uni, et s’ouvrant par un orifice assez large au-dessous de l’urètre.

Hymen, grand repli valvulaire formé par la peau de l’épidémie, garantit l’intérieur du vagin du froid et de l’urine. Hymen, particulier à l’homme ou plutôt à l’espèce humaine. Il est plus large vers l’anus. Le coït l’use et il disparaît.

La surface intérieure du vagin est parsemée de tubercules calleux, duriuscules, sensibles, et de lames inclinées qui se terminent en tranchant et se couchent sur les tubercules. Cela semble fait pour donner du plaisir et faciliter l’expansion du vagin.

Le vagin a un muscle particulier constricteur de son orifice.

Nymphes sont deux appendices cutanés, placés en devant et à la sortie du vagin et produits par la continuation de la peau du clitoris et de celle de son gland ; elles sont cellulaires ; elles se gonflent ; elles sont découpées et garnies de glandes sébacées semblables à celles du prépuce du clitoris. Elles dirigent l’urine qui sort de l’urètre entre chaque nymphe, ce qui ne se fait pas sans une espèce d’érection des nymphes.

Clitoris, partie très-sensible et de chatouillement, qui a deux corps caverneux, un gland, un prépuce, son érection.

Lèvres cutanées recouvrant toutes les parties de la génération, forment un plexus au-dessus du clitoris. Le sang s’accumule là, l’orifice du vagin est rétréci et le plaisir augmente.

Muscle constricteur part du sphincter de l’anus, se porte en devant le long de l’origine des lèvres et s’insère dans les racines du clitoris.

Coït, frottement accompagné de contraction convulsive dans toutes les parties qui avoisinent le vagin, gonflement du clitoris, des nymphes, du plexus des lèvres ; éjaculation, mais non toujours dans toutes les femmes, d’une liqueur muqueuse et gluante qui vient de différentes sources. Voilà pour l’extérieur.

Au dedans trompes se gonflent, rougissent, se raidissent, le morceau déchiré s’élève et s’adapte à l’ovaire.

Dans les filles qui ont acquis l’âge de puberté, l’ovaire est très-plein d’un fluide lymphatique, coagulé, qui distend les vésicules.

Quelquefois avant la conception se produit autour d’une vésicule de l’ovaire un caillot jaune qui s’accroît, s’augmente et paraît se changer en un corps jaune hémisphérique, sous forme d’un grain, cave en dedans, et contenant dans sa cavité sinon un petit œuf, du moins une petite membrane creuse. Ces corps sont apparents, dans la femme, d’abord après la conception.

Conception a lieu sans plaisir de la part de la femme, même avec aversion.

Point de conception quoique avec le plus grand plaisir simultané des deux sexes.

Que signifie donc cette griffe de l’ovaire, ce serrement, cet œuf ou cette semence ? Tout cela s’exécute-t-il sans volupté ? Je demande s’il y a effusion de matière séminale sans volupté ? Sinon, donc, le mélange des semences, n’est pas le principe de la génération, ni les molécules organiques, ni les autres causes qu’on a assignées à ce phénomène.

terme de l’accouchement.

L’enfant est en tout temps un hôte incommode pour la matrice, mais surtout à neuf mois.

Tout organe tend d’une manière automate à se soulager ; mais un organe sensible et vivant ne tend à se soulager que quand il en sent la possibilité. Dans un autre moment il éprouve que sa douleur ou son malaise augmente.

La matrice se blesserait elle-même, si elle tentait l’expulsion du fœtus, lorsque par la forte adhésion du placenta, qui n’est que son exfoliation, elle et le placenta ne font qu’un.

Mais lorsque la surface convexe du placenta commence à devenir lisse, c’est alors que la matrice sent la possibilité de se soulager du poids qui l’incommode, et qu’elle est portée à s’en occuper par la contractilité mise en jeu par son extrême dilatation, dilatation qui a un terme au delà duquel la matrice s’ouvrirait ou craindrait de s’ouvrir, car les organes ont des craintes, des aversions, des appétits, des désirs, des refus.

J’ai mangé, est-ce dans le premier moment qui suit la déglutition que l’estomac tend à pousser les aliments dans les intestins ? Aucunement. Poussés dans les intestins, sont-ils subitement précipités vers leur sortie ? Aucunement.

Toute opération animale a ses progrès, et ces progrès sont réglés par la facilité qu’y trouve l’organe, par la peine qu’il souffrirait s’il se hâtait, par son besoin, par son plaisir ou par son malaise.

A neuf mois l’enfant, avec toutes ses enveloppes, fait une masse étrangère à la matrice. Mais si ce corps étranger est sentant et vivant et s’il cesse d’être nourri, il doit souffrir et s’agiter. En s’agitant il doit incommoder l’organe. L’organe incommodé doit agir et il agira vers l’endroit d’où il espère soulagement, comme les intestins tourmentés par certains aliments.

Quand plusieurs causes concourent à produire un effet, il ne faut en exclure aucune. L’accouchement est une espèce de vomissement. Il faut y faire entrer la dilatation extrême de la matrice, son malaise, sa contractilité, l’accroissement du poids, le changement de position de l’enfant, la sympathie des parties voisines et conspirantes, de la vessie gênée, du rectum gêné, deux oreillers qui cherchent en même temps à se délivrer, et ainsi des veines, des artères, des ligaments, des muscles, de l’estomac, du diaphragme.

Séparé de la mère, l’enfant passe entre ses bras qui le serrent ; elle est serrée par les bras de l’enfant ; il est sous ses yeux, elle le tient, elle l’enlace, elle l’applique, il s’applique lui-même à son sein, elle continue de le nourrir, ce sont deux êtres qui cherchent à se réidentifier.

question.

Pourquoi la mère, l’enfant et moi digérons-nous le lait de la mère, et pourquoi ce lait transmis des mamelles dans les intestins de la mère ne s’y digère-t-il pas ? Preuve du besoin de la mastication et du travail de l’estomac.

Une des plus étonnantes absurdités que j’ai jamais lues, c’est que la formation du lait dans les mamelles, et non pas ailleurs, est plutôt l’effet d’une convenance morale que celui d’une nécessité physique (De la femme, par Roussel).

Et les mamelles du mâle ? Et les mamelles de l’âne et du cheval placées dans le voisinage du gland ?

La gestation dans les unipares variera selon la même loi. Si le petit prend un accroissement subit et énorme de volume et de pesanteur, le pédicule se détachera plus vite, la réaction des parties sur le petit sera plus prompte.

S’il faut s’étonner, ce n’est pas de la variété dans la durée de la gestation, c’est de son uniformité approchée.

C’est une lourde bêtise que de comparer l’incubation à la gestation.

Si vous ôtez tous les petits à l’animal Carnivore qui a beaucoup de mamelles et de lait, il devient furieux. Laissez-lui-en un qui suffise à son soulagement, il s’en contente.

Mais les mères des oiseaux éprouvent la même douleur. Par quelle cause ?

La diversité des amours ne tient-elle pas à l’abondance et à la disette de nourriture ? Après l’abondance de nourriture, abondance de sperme. Égalité de nourriture dans l’homme, pente égale à l’amour.

Nier les effets de l’imagination de la mère sur l’enfant par des raisonnements mécaniques, c’est oublier qu’on fait mourir un homme en lui chatouillant la plante des pieds ou les côtes.

Chaque ordre d’êtres a sa mécanique particulière. Celle de la pierre n’est pas celle du feu ; celle du feu n’est pas celle du bois ; celle du bois n’est pas celle de la chair ; celle de la chair n’est pas celle de l’animal ; celle de l’animal n’est pas celle de l’homme ; celle de l’homme n’est pas celle des organes.

Depuis le premier instant de la génération jusqu’aux derniers termes de l’accroissement, je ne vois que les différents progrès d’un développement. Et depuis le dernier terme de l’accroissement jusqu’à la fin de la vie, je ne vois que les différents progrès d’une destruction.

Les animaux microscopiques se divisent en deux, et cette division successive donne des espèces successives d’animaux. Quel est le dernier point de ces races ?

Les barbes de l’ouïe des poissons, en se rompant, produisent un animalcule vivant, pareil à l’anguille farineuse.

Il y a des plantes hermaphrodites, des plantes mâles et des plantes femelles.

Dans le progrès de l’incubation du fœtus, qu’on m’assigne le moment où l’âme s’y introduit.


EXTRAIT

d’une lettre d’un chirurgien-major des troupes en garnison au chateau de nicklspurg ou nicklauspurg, en moravie, appelé m. nuch, adressée a m. lefebvre, médecin a paris.

« Dans les premiers jours d’août de l’année 1773, un soldat âgé de vingt-deux ans et quelques mois fut attaqué de maux de cœur passagers, de lassitude, de dégoût, etc. A ces accidents, succéda bientôt l’enflure du ventre. On traita ce jeune homme comme hydropique ; les remèdes furent sans effet, et le ventre grossissait de plus en plus ; d’ailleurs, il ressentait peu d’incommodités et ne manquait guère à son service. Cet homme, que l’on avait abandonné depuis quelques mois à la bonté de son tempérament et aux soins de la nature, ressentit de vives douleurs dans la région lombaire, le 3 février 1774. On lui fit prendre quelques potions sédatives, mais les douleurs ne firent qu’augmenter. On crut soulager le malade en lui faisant la ponction, et l’on fut extrêmement étonné de ne point voir d’évacuation d’eau. On eut recours à la saignée, et tous les moyens furent inutiles ; les douleurs devinrent de plus en plus aiguës, les convulsions s’en mêlèrent, et le patient mourut après quatre-vingt-dix heures de souffrances.

« Le cas était trop extraordinaire pour qu’on ne fît point l’ouverture du cadavre ; mais quelle fut la surprise des assistants, lorsqu’à l’ouverture de l’abdomen on aperçut un kyste ou sac que l’on ouvrit et dans lequel était un fœtus mâle, mort et bien conformé, avec son placenta, les membranes et les eaux ! Ce kyste était une matrice à laquelle rien ne manquait. L’orifice regardait l’intestin rectum, avec lequel elle communiquait par un petit conduit en forme d’appendice ; à peine pouvait-on y introduire le tuyau d’une plume à encre ordinaire. Il n’avait que ce viscère de commun avec le sexe féminin ; d’ailleurs, il était parfaitement homme intérieurement et extérieurement. La position des ligaments de cette matrice était dans l’ordre naturel. Les vaisseaux spermatiques aboutissaient en partie aux ovaires, et une autre partie continuait son chemin jusqu’aux testicules ; ce lacet était double. On examina la forme des os du bassin ; elle était telle qu’elle doit l’être dans l’homme. Les mamelles n’étaient pas grosses, mais elles contenaient du lait, et leur aréole était large et noire.

« On se rappela alors que ce soldat s’était plaint plusieurs fois de sentir quelque chose remuer dans son ventre, et particulièrement trente heures avant sa mort ; mais on avait attribué ce symptôme aux eaux que l’on supposait.

« Il ne restait aucun doute sur la manière dont cet homme pouvait avoir engendré ; mais, pour s’en rendre encore plus certain, on s’empara de son compagnon de lit, on le mit aux fers, et, par des menaces réitérées, on lui fit avouer ce que l’on soupçonnait violemment… » (Gazette des Deux-Ponts, ann. 1775, no xxii.)

Autre fait très-assuré et assez analogue au précédent. La décence n’a pas permis qu’on l’insérât dans les Mémoires de notre Académie de chirurgie. Je le tiens de Louis, secrétaire de ladite Académie[104].

Un jeune homme pressait vivement une fille dont il était amoureux et aimé de satisfaire sa passion. Elle ne demandait pas mieux, mais la nature s’y opposait. Elle était sans sexe apparent ; la seule chose qu’on lui remarquât, c’était une petite ouverture telle qu’elle est dans les autres femmes, par laquelle elle évacuait les urines. Cette conformation singulière ne détacha point le jeune homme de sa maîtresse, mais il en exigea une complaisance à laquelle elle ne se refusa point. Au bout de quelques mois, son ventre s’enfla et sa gorge se gonfla. Elle envoya chercher un chirurgien qui, après l’avoir bien examinée, lui annonça qu’elle était grosse. Elle n’eut pas de peine à le convaincre de la fausseté de son pronostic. Cependant l’enflure du ventre et de la gorge faisait des progrès, et le chirurgien, appelé une seconde fois, confessant qu’il ignorait comment cet enfant s’était fait, protesta qu’il le sentait remuer. Ni la fille ni son amant ne tinrent compte de cette déclaration. Cependant, le terme de cette bizarre grossesse arriva ; et, après des douleurs, des efforts et un délabrement inouï des parties, cette fille accoucha d’un enfant par la même voie qu’il avait été fait. J’ignore si la mère et l’enfant en moururent, mais ce que je sais, c’est que sa formation n’avait rien d’extraordinaire… La matrice de cette fille, au lieu de s’ouvrir à l’endroit ordinaire, s’ouvrait dans le rectum, qui tous les mois servait d’issue au sang menstruel.


GERMES PRÉEXISTANTS.

J’admets ces germes, mais n’ayant rien de commun avec les êtres.

C’est une production conséquente au développement. Production qui n’existait pas et qui commence à exister, et dont l’expansion successive forme un nouvel être semblable au premier.

Un œil se fait comme une anémone. Qu’est-ce qu’il y a de commun entre la griffe et la fleur ?

Un homme se fait comme un œil. Qu’est-ce qu’il y a de commun entre la molécule de l’écorce du saule et le saule ? Rien. Cependant cette molécule donne un saule.

Comment ? Par une disposition première qui ne peut, avec la matière nutritive, amener un autre effet.

Cela me semble aussi simple que de souffler dans une vessie flasque pour en faire un corps rond.

Si la comparaison de la vessie choque, c’est qu’elle est trop simple ; mais elle n’en est pas moins réelle et vraie.

Les molécules éparses qui doivent former le germe se rendent là nécessairement. Rendues elles forment un pépin. Ce pépin n’a qu’un développement nécessaire, c’est un arbre. Et ainsi de l’homme.

En Amérique, dans un intervalle de vingt-quatre heures, les plaies se couvrent de vers ; il faut les racler, étuver la plaie avec infusion de tabac. Malgré cela, vers reproduits, quoique l’appareil soit resté.

Exemple d’une femme sans aucun sexe, ni motte, ni clitoris, ni tétons, ni vulve, ni lèvres, ni vagin, ni matrice, ni règles.

Le fait est arrivé à Gand. La Mettrie avait vu cette femme[105]. M. d’Hérouville.

Procès-verbal des médecins et chirurgiens de Gand.


FŒTUS.

Des premiers rudiments de l’animal.

Trois opinions : ou ils viennent du mâle, ou de la femelle ou de tous les deux.

Pourquoi tant d’animaux pour en faire un seul ?

Le fœtus est-il dans la mère ? Les plantes poussent à cette opinion.

Virgines aphides, engendrent sans mâles[106]. Œufs dans la matrice sans approche du mâle.

Ressemblance des parents, maladies héréditaires ; les mules et les mulets engendrent.

Haller ne nie pas que exiguo tempore aliquo ovum humanorum in utero liberum esse.

Chorion, membrane jaunâtre, molle, lubrique comme la graisse, facile à déchirer, filamenteuse, à fils entrelacés, fluctuants à l’extérieur ; intérieurement membrane plus unie, plus ferme, réticulée, poreuse. Autant de chorions que d’enfants.

Eau de l’amnios un peu salée, semblable à la sérosité du lait, elle en a l’odeur ; exhalation, naît comme un péricarde. Cette eau peut-elle nourrir ? Oui, même par la bouche. Cette eau est résorbée par la peau.

Le fœtus renvoie au placenta une partie de son sang par deux grandes artères ombilicales.

Le sang paraît rentrer des vaisseaux artériels du placenta dans les veines de la matrice d’où il passe aux poumons de la mère.

Le fœtus se nourrit-il par la bouche ? Repompe-t-il de la cavité de l’amnios la liqueur lymphatique coagulée dans laquelle il nage ?

Il y a eu des fœtus sans cordon.

La liqueur qu’on trouve dans l’estomac du fœtus est semblable à celle qui remplit l’amnios.

La liqueur de l’amnios diminue à mesure que le fœtus croît.

Il s’est trouvé des stries continues et comme glacées dans l’amnios, la bouche, le gosier et l’estomac du fœtus.

Les gros intestins et une partie des petits sont remplis de meconium.

L’enfant vit-il par la mère, mais se nourrit-il par l’eau de l’amnios ?

Cette eau dans le commencement est nourricière, sur la fin on dit qu’elle devient âcre. Alors l’enfant souffrirait-il de la faim, et serait-ce là une des causes de la naissance ?

Les excréments engendrés dans le fœtus sont en petite quantité. Sa vessie urinaire est grande et longue ; il y a de l’urine.

Le meconium est une substance pulpeuse, verdâtre, peut-être le résidu des liquides qui se sont exhalés dans les intestins.

On trouve une substance toute semblable dans d’autres cavités remplies d’un liquide exhalé. On la trouve dans la membrane vaginale du testicule.

L’ouraque sort du haut de la vessie ; il est creux et se prolonge assez loin dans le cordon ombilical.

S’il y avait une allantoïde, ce réservoir de l’urine serait continu à l’ouraque.

Peut-être le cordon ombilical, très-long dans l’homme, étant spongieux, reçoit-il l’urine du fœtus dans ses cellules, mais l’ouraque est court ; et qu’importe ? Il va jusqu’au cordon, mais non jusqu’au placenta ; et qu’importe encore ?

Mais suivons l’accroissement du fœtus. Des tubercules sortent insensiblement du tronc, annoncent la formation des extrémités et de toutes les parties du fœtus.

La tête se forme d’abord, puis la poitrine, puis le bas-ventre et les extrémités.

Ses poumons sont petits à proportion du cœur. Ils tombent au fond de l’eau quand ils n’ont point encore respiré.

La cloison qui unit l’oreillette droite du cœur avec la gauche est percée d’un trou large et ovale.

La matrice croît continuellement avec le fœtus ; son épaisseur reste la même. La nutrition compense l’extension.

La matrice s’étend surtout vers le fond. Alors les trompes paraissent descendre.

Son orifice n’est jamais fermé, mais enduit d’un mucus. Il se raccourcit, s’aplatit, devient large, et s’ouvre à mesure que le temps de l’accouchement approche.

Jusqu’alors le fœtus avait sa tête entre ses genoux ; aux approches de sa délivrance il tombe en dedans et le haut de sa tête correspond à l’ouverture dilatée de la matrice, dont les efforts commencent alors pour sa délivrance, qui sera favorisée par le poids du fœtus, le malaise, les mouvements.

Efforts de la mère comparés à ceux pour rendre les excréments lorsque le rectum est trop plein.

Contractilité de la matrice suffit quelquefois pour finir tout le travail.

L’amnios plein d’eau entre en forme de cône dans l’orifice ; ce sac se rompt, les eaux lubrifient le passage, alors l’enfant sort comme un trait, la face tournée vers l’os sacrum.

Il arrive quelquefois aux os pubis de s’écarter. Le placenta se détache sans peine du fond de la matrice.

La matrice se resserre et se resserre si violemment et si subitement qu’elle prend la main de la sage-femme et le placenta.

Les vidanges se font. Les mamelles s’étaient gonflées, et deux ou trois jours après l’accouchement, au lieu d’un peu de sérosité qu’elles contenaient, elles se remplissent d’une liqueur séreuse, fine, peu après de chyle même.

Le lait est fort semblable au chyle, il est blanc, légèrement épais, doux, pénétré d’un sel essentiel très-innocent, tendant à s’aigrir, rendant une vapeur odorante et volatile, composé de beaucoup de graisse ou bien d’eau et d’une partie caséeuse et terreuse qui tend à l’alcaliser.

mamelle.

Grande glande conglomérée, convexe, formée de grains d’un rouge livide, arrondis, duriuscules, couverts extérieurement et réunis par le tissu cellulaire ferme. Les vaisseaux répandus dans cet organe communiquent tous ensemble vers la papille.

Une infinité de petits conduits, tendres, blancs, mous, faciles à dilater se rendent à la racine de la papille. Une vingtaine s’ouvrent là, mais plus petits.

Le lait séreux purge l’enfant.

Hommes, vieilles femmes, jeunes filles ont quelquefois du lait.

On n’aperçoit rien, même après plusieurs jours de conception.

Animaux sans sexe engendrent en eux-mêmes. Animaux androgynes, animaux à sexes conjoints. Animaux à sexes disjoints. Mulets. Le castor garde sa femelle. Bombyx s’accouple avec sa femelle morte[107].

Point de sperme dans l’ovaire de la femme. Point de sperme dans la matrice.

Coït nécessaire à la santé.

Il y a eu conception sans orifice de matrice. Femme infibulée a été engrossée.

Mucosité en a imposé à Harvey.

Fonction du sphincter dans une femme. Enflure de tout le corps dans une fille nouvellement déflorée, mais surtout enflure du cou.

La femme a sperme, mais où ? Dans l’ovaire ? Cela est incertain.

Adhésion de l’ovaire à la trompe peu constatée.

Le corps glanduleux de l’ovaire n’est point le rudiment de l’animal.

On a vu l’ovaire dans la femme grosse tel que dans la femme non grosse.

Point de molécules organiques. Là rien de commun dans l’organisation des testicules de la femme et de l’homme.

Il n’y a point de ces glandes quand la femme conçoit. Après la conception elles s’affaissent, se vicient.

On en a trouvé dans la matrice. Elles sont quelquefois si grosses qu’elles ne pourraient passer par la trompe. Ce sont des hydatides. On n’en trouve ni dans la matrice ni dans la trompe.

Vesiculus ovaris non esse ova, neque esse primordia neque continere animal.

Cependant les ovaires supprimés aux femmes, elles sont stériles.

Fœtus dans le ventre, fœtus au foie, placenta aux reins ; fœtus entre le rectum et la matrice, fœtus adhérent au diaphragme.

Au troisième jour de la conception dans une chienne, lié la corne de la matrice ; le vingt et unième deux chiens entre la ligature et le corps de la trompe (Nuck).

Il sort quelque chose de l’ovaire qui deviendra animal.

La semence se répand dans tout le corps de la femme. Sa chair est odorante.

L’œuf prétendu arrivé dans la matrice, après quelques jours sa membrane qui a été simple fournit de toute sa surface des flocons mous et branchus qui s’implantent et adhèrent à des flocons exhalants et absorbants de la matrice.

Ces adhérences ont lieu dans toutes les parties de la matrice, surtout au fond.

Mais avant leur formation de quoi l’œuf isolé se nourrit-il ?

Après les adhérences formées il y a dans l’œuf beaucoup d’eau limpide et coagulable au feu et à l’esprit-de-vin.

Le fœtus est d’abord invisible.

Quand il commence à paraître, tête grosse, corps petit, sans extrémités ; espèce de têtard.

L’ombilic est grand et aplati, il est attaché vers l’extrémité arrondie de l’œuf.

L’œuf et le fœtus s’agrandissent ensemble, mais inégalement. Le fœtus s’accroît plus que l’œuf et l’eau de l’œuf diminue.

Les flocons se recouvrent insensiblement d’une membrane continue appelée chorion, et ils sont renfermés entre cette membrane et une autre appelée l’amnios.

Une grande partie des flocons disparaît dans le chorion, et il n’y a que la seule partie élevée vers le sommet arrondi de l’œuf qui s’accroisse et forme peu à peu un corps rond circonscrit, appelé placenta.

Tel est l’état de l’œuf au second mois. Il ne change point depuis ce temps, si ce n’est en volume.

La partie de l’œuf qui rencontre supérieurement la matrice, à peu près au tiers de sa surface, montre un disque arrondi, aplati, succulent[108], inégal, vasculaire et changé en des tubercules égaux et semblables entre eux, exactement unis avec la matrice.

C’est en conséquence de cette union qu’il y a communication entre le placenta et la matrice qui envoie d’abord au fœtus une liqueur séreuse, ensuite le sang même.

Les artères exhalantes de la matrice communiquent avec les veines du placenta. Les artères du placenta s’ouvrent dans les grandes veines de la matrice.

L’autre partie du corps de l’œuf et la surface du placenta sont recouvertes par une enveloppe externe, veloutée, remplie de petits flocons réticulaires, poreuse, facile à déchirer, vasculaire et semblable à un petit placenta. On l’appelle chorion.

Le chorion est aussi collé, mais plus mollement, à la surface de la matrice qui est aussi couverte de petits flocons et qui lui ressemble beaucoup, par des vaisseaux plus petits que ceux du placenta.

Cette enveloppe est soutenue par une membrane interne blanche et plus solide, qu’on peut regarder comme une lame interne du chorion ou une seconde enveloppe du fœtus.

action de la mère sur le fœtus.

Le fœtus est un avec la mère.

Il n’y a point de nerf qui aille de l’un à l’autre, d’accord ; cependant si une nouvelle fait tomber la mère en syncope, que devient le fœtus ?

Si une injure la transporte de colère, que devient le fœtus ?

Si un accident la plonge dans une mélancolie durable, état où tous ses membres, ses organes, surtout l’estomac, le diaphragme, les intestins, le cœur et le cerveau sont affectés, que devient le fœtus ?

Si un léger accès de fièvre met toute la masse du sang en effervescence, celle de l’enfant en sera-t-elle exceptée ?

Il y a telle attaque nerveuse à laquelle l’organisation de la mère ne résiste que par sa force. Quelle ne doit pas être alors son action transmise à la masse faible, délicate et presque informe du fœtus ?

Un accès de passion produit la fausse couche. Nous souffrons quand nous voyons souffrir ; et une douleur étrangère agira sur nous, et la douleur de la mère n’agira pas sur le fœtus, partie d’elle-même !

La gaieté est également contagieuse.

La vue d’un poitrinaire affecte notre poumon.

Il est certain qu’il passe d’étranges sensations de la mère à l’enfant et de l’enfant à la mère dont les envies capricieuses de celle-ci peuvent être l’effet.

Dans la maladie et même la convalescence on en a de pareilles.

Descartes moribond veut manger des pommes de terre.

L’instinct guide mieux l’animal que l’homme. Dans l’animal il est pur, dans l’homme il est égaré par sa raison et ses lumières.

Je ne crois pas aux taches ; cependant Haller, après avoir nié les effets de l’imagination de la mère, avoue que des enfants ont été sujets pendant toute leur vie à des convulsions occasionnées par des terreurs et autres affections violentes éprouvées parla mère pendant la grossesse, bien qu’il n’y ait aucune communication nerveuse de celle-ci à son enfant.

Je ne voudrais pas qu’une mère fût exposée à voir pendant toute sa grossesse un visage grimacier. La grimace est contagieuse, nous la prenons ; pourquoi, la mère la prenant, l’enfant ne la prendrait-il pas ? Cet enfant est pendant neuf mois partie triste ou gaie d’un système qui souffre ou se réjouit.


MONSTRES.

Pourquoi l’homme, pourquoi tous les animaux ne seraient-ils pas des espèces de monstres un peu plus durables ?

Le monstre naît et passe. La nature extermine l’individu en moins de cent ans. Pourquoi la nature n’exterminerait-elle pas l’espèce dans une plus longue succession de temps ?

L’univers ne me semble quelquefois qu’un assemblage d’êtres monstrueux.

Qu’est-ce qu’un monstre ? Un être dont la durée est incompatible avec l’ordre subsistant.

Mais l’ordre général change sans cesse ; comment au milieu de cette vicissitude la durée de l’espèce peut-elle rester la même ? Il n’y a que la molécule qui demeure éternelle et inaltérable.

Les vices et les vertus de l’ordre précédent ont amené l’ordre qui est et dont les vices et Les vertus amèneront l’ordre qui suit, sans qu’on puisse dire que le tout s’amende ou se détériore. S’amender, se détériorer sont des termes relatifs aux individus d’une espèce entre eux ou aux différentes espèces entre elles.

Il y a autant de monstres qu’il y a d’organes dans l’homme et de fonctions : des monstres d’yeux, d’oreilles, de nez, qui vivent tandis que les autres ne vivent pas ; des monstres de position de parties ; des monstres par superfétation, des monstres par défaut.

Hommes, êtres monstrueux rentrent dans la classe clés animaux non perfectibles. (Examiner ces monstres, organes par organes : monstres d’imagination, monstres d’estomac, monstres de mémoire, etc.).

Si un homme avait deux têtes, l’une pourrait être incrédule, l’autre dévote. Dans le même moment l’être serait sollicité par deux désirs contradictoires : celle-ci voudrait aller à la messe, l’autre à la promenade ; l’une prendrait telle femme en passion, l’autre en aversion, à moins peut-être qu’avec le temps il ne s’établît entre elles une conformité telle qu’on agirait comme si l’on n’en avait qu’une.

Comme enfants acéphales vivent, mais de la vie de la mère ; le moment de leur naissance ou de la séparation d’avec la mère est le moment de leur mort.

conformations héréditaires.

La nature se plie à l’habitude. Je ne suis pas éloigné de croire que la longue suppression d’un bras n’amenât une race manchote[109].

Cette tache qu’on remarque à la jambe du bœuf est un ongle oblitéré.

Le sanglier de Thessalie autrefois unicorne, a aujourd’hui le pied fourchu.

Le défaut continuel d’exercice anéantit les organes. L’exercice violent les fortifie et les exagère. Rameur à gros bras, portefaix à gros dos. Jambes du sauvage.

L’abstinence des femmes châtre les moines.

La mémoire négligée se perd.

Le long séjour dans les ténèbres rend les yeux tendres.

Il y a certainement des dispositions d’organes indifférentes à la vie ; tous les viscères intérieurs, depuis l’orifice de l’œsophage jusqu’à l’extrémité du canal intestinal, les poumons, le cœur, l’estomac, la rate, etc., peuvent être dans un ordre renversé d’un ordre commun qu’on appelle l’ordre naturel, sans conséquence fâcheuse pour tout le système.

Je ne suis pas éloigné de croire qu’il y a des organes superflus, mais je ne l’assure pas.

« L’an 1605, le 17 janvier naquirent à Paris deux jumelles. Elles avaient deux têtes, quatre bras, quatre jambes, s’entre-accolant par les bras, le tout bien formé en ses parties, avec poil et ongles. Chacune avait sa nature et son siége ouvert.

« Elles étaient conjointes depuis le milieu de la poitrine jusqu’au nombril. Elles naquirent à huit mois.

« A la dissection qui se fit aux écoles de médecine il ne se trouva qu’un cœur et deux estomacs, et tout le reste des parties naturelles séparées par une membrane mitoyenne.

« Le foie était fort grand, assis au milieu, par-dessus uni et continu, par-dessous divisé en quatre lobes où se rendaient deux veines ombilicales.

« Le cœur était aussi fort grand, assis au milieu de la poitrine, ayant quatre oreilles, quatre ventricules, huit vaisseaux, quatre veines et quatre artères, comme si la nature eût voulu faire deux cœurs.

« Et encore qu’il y eût deux ventres inférieurs, il n’y avait néanmoins qu’une poitrine séparée d’avec les ventres inférieurs par un seul diaphragme. » (Journal d’Henry IV.)

« Une femme accoucha de trois enfants, un garçon bien formé et deux filles jointes et unies ensemble depuis le haut du cou jusqu’au nombril : monstre ne montrant par devant qu’un seul tronc, n’ayant qu’un sternum et une seule cavité à la poitrine, un seul cordon ombilical, deux fesses, quatre reins, canal intestinal double ; un cœur à deux pointes, à droite pour l’une, et conséquemment à gauche pour l’autre ; c’était comme deux cœurs unis et accolés ; deux têtes se regardant en face ; l’union commençait au-dessous des oreilles et des mâchoires par la peau du cou ; deux colonnes vertébrales, deux cous distincts par derrière, un troisième bras inséré entre les deux colonnes vertébrales commun aux deux enfants ; à ce bras une main à dix doigts bien distincts et se touchant par les deux pouces ; ce bras est fait de deux bras tellement unis et incorporés qu’ils ne forment qu’un seul bras, un seul avant-bras, un seul poignet ; ce n’est qu’au microscope que l’on voit les deux mains géminées placées sur un même plan. Ces deux filles sont nées vivantes. » (Journal de médecine, mai 1773.)

Hermaphrodites parmi les chèvres (Aristote).

Héraïs, après un an de mariage, devint homme, lui étant sorti un membre viril de l’ouverture qu’on croyait être un vagin (Diodore de Sicile).

Pline a vu ce fait inter nuptias.

Taureau avec matrice (Diog. Laert.).

Il est peu d’exemples de la réunion des principaux organes de la génération dans un même individu, quoique la possibilité de cette réunion ne manque pas d’une certaine probabilité (Haller).

Voir le Traité des hermaphrodites[110] par Gaspard Bauhin.

Hermaphrodite avec clitoris pourvu d’un urètre ouvert.

Hermaphrodites qui avaient plus ou moins de parties de l’homme et de la femme, mais en qui les deux sexes étaient incomplets.

Une femme qui a l’air mâle doit déplaire à la femme pour laquelle elle ne peut rien, et à l’homme dont elle rend le désir perplexe. Et ainsi de l’homme qui a l’air féminin.


MALADIES.

Deux sortes de maladies : l’une, d’une partie trop vigoureuse, qui jette le trouble dans la machine ; c’est un citoyen trop puissant dans la démocratie. La matrice est saine, mais son action est trop forte pour le reste.

Ce ne sont pas les remèdes qui, communément, agissent sur la machine entière, c’est le temps, c’est l’âge qui guérit ou qui accroît le désordre.

Il y a des maladies où la vie cesse subitement, d’autres où elle se retire successivement. La putréfaction du cadavre plus rapide dans les premières ; on eût imaginé le contraire ; ici il y a dans le cadavre un reste de vie.

Il n’est qu’une manière de se porter bien, il y en a une infinité de se porter mal.

De là le petit nombre de tempéraments gais ; il est à celui des tempéraments tristes comme les instants de bien-aise. De là l’uniformité des caractères gais et la variété des caractères tristes.

De là la fréquence des caractères gais qui deviennent tristes, et la rareté des caractères tristes qui deviennent gais ; à moins que ce ne soit dans l’enfance, lorsque la machine n’est pas développée.

La gaieté, qualité des hommes communs. Le génie suppose toujours quelque désordre dans la machine[111].

Danger pour un malade de savoir la langue courante de la médecine. Il s’exprime par des mots techniques et tenant à des hypothèses bien ou mal fondées et il abandonne les vraies voies de la sensation qui signifieraient toujours quelque chose de vrai.

maladies héréditaires.

Quels que soient les premiers rudiments de l’homme, il est certain qu’ils ont fait partie d’un animal, et si cet animal est vicié dans ses humeurs, il est évident qu’il en partagera le vice, vérolique, scorbutique, scrofuleux, goutteux, etc. Raison pour obvier à ces maladies de très-bonne heure.

Il y a des maladies qui dégénèrent en tic. Sans doute la femme que j’ai connue avait pris un tressaillement ou tremblement convulsif de tout le système nerveux, mais ce tremblement, devenu habituel, avait continué lorsque la cause ne subsistait plus, c’était une véritable habitude. La preuve, c’est qu’il ne lui causait aucune infirmité, c’est qu’elle l’a gardé dans d’autres maladies sans qu’il y eût aucun rapport entre lui et ces maladies, sans que ces maladies en fussent ni augmentées ni diminuées, sans que le traitement exigeât d’autres remèdes, sans que les remèdes en eussent plus ou moins d’effet, et qu’il a duré et continué après la guérison des autres maladies. Ce tremblement avait eu primitivement pour cause une suppression de règles prématurée à l’âge de dix-huit à dix-neuf ans.

Les facultés de l’homme se perdent sans retour comme elles se perdent momentanément ; c’est la même cause dont l’effet dure ou cesse. Exemples pris de la lassitude, de la maladie, de la convalescence, de la passion, de l’ivresse, du sommeil.

C’est ainsi que l’homme est successivement ingénieux ou stupide, patient ou colère, jamais le même. Le plus constant est celui qui change le moins.

Je me suis laissé dire ici (en Hollande) un fait assez singulier, c’est que ceux qui scient le grès périssent poumoniques et phthisiques. La poussière du grès pénètre les bouteilles scellées hermétiquement, les vessies, les œufs, et aucun ouvrier n’a pu exercer ce métier pendant quatorze ans. Il en est de même des répareurs de la porcelaine ou biscuit, de ceux qui fouillent les mines.

Il y a une multitude d’arts malsains : la peinture, les vernisses chaux d’étain ; les doreurs sur métal, les cardeurs de laine ; ils ont presque tous mal à la poitrine et aux yeux ; les compagnons imprimeurs périssent presque tous par les jambes.

Dans le tétanos, le corps raide, insensible, plus de mouvement ; seule, tête vivante ; dans la paralysie, de même.

catalepsie.

Point de penseurs profonds, point d’imaginations ardentes, qui ne soient sujets à des catalepsies momentanées.

Une idée singulière qui se présente, un rapport bizarre qui distrait, et voilà la tête perdue. On revient de là comme d’un rêve. On demande à ses auditeurs : Où en étais-je ? Que disais-je ? Quelquefois on suit son propos comme s’il n’avait point été interrompu. Témoin le prédicateur hollandais.

Les quiétistes donnent des leçons de catalepsie à leurs dévotes pour jouir d’elles à leur insu. Ces leçons sont par degrés : du baiser à l’attouchement de la gorge, de l’attouchement de la gorge au toucher des parties naturelles, des parties naturelles à la dernière jouissance, l’extrême de la perfection. C’est lorsque le directeur est tout en elle que la dévote est tout en Dieu. C’est un art.

Dans le cataleptique où l’animal est réduit à l’état d’un être purement sensible, comme dans la consommation de la jouissance, que devient ce prétendu commerce de l’âme avec le corps ?

la fièvre.

Le Docteur. — Si nous savions donner la fièvre, nous saurions rendre l’homme sage ou fou, nous pourrions donner de l’esprit à un sot. Les exemples d’hommes idiots dans l’état de santé, et pleins de vivacité, d’esprit et d’éloquence dans la fièvre, ne sont pas rares.

C’est que tous les talents que suppose l’enthousiasme touchent à la folie. C’est que l’enthousiasme est une espèce de fièvre.

Voyez ce jeune statuaire, l’ébauchoir à la main, devant sa selle et sa terre glaise, ses yeux sont ardents, ses mouvements sont prompts et troublés ; il halète, la sueur lui coule du front ; il contrefait du visage la passion qu’il veut rendre ; il lève les yeux au ciel, il incline la tête sur une de ses épaules, il défaillit ; si c’est la colère, il grince les dents ; si c’est la tendresse, il s’abandonne ; si c’est le désespoir, ses traits s’allongent, sa bouche s’entr’ouvre, ses membres se raidissent ; si c’est le mépris, sa lèvre supérieure se relève ; si c’est l’ironie, il sourit malignement. Je lui tâte le pouls, il a la fièvre.

la caractéristique de l’homme est dans son cerveau et non dans son organisation extérieure.

J’ai vu un homme singe. Il ne pensait pas plus que le singe. Il imitait comme le singe. Il était malfaisant comme le singe. Il s’agitait sans cesse comme le singe. Il était décousu dans ses idées comme le singe. Il se fâchait, il s’apaisait, il était sans pudeur comme le singe.

Les parents, les amis sont plus disposés à prendre les maladies contagieuses par la crainte et par le chagrin que le médecin indifférent. La frayeur de la peste la répand.

Ce qui est poison pour un animal ne l’est pas pour un autre. Celui-ci se nourrit de ce qui tue celui-là.

La molécule vivante rend raison du ténia, des ascarides, des vers, de la vermine, du pus, des ulcères, de la virulence du cancer et d’autres maladies où les humeurs prennent la voracité des animaux, la causticité du feu.

Les végétaux ont la propriété de purger l’air méphitique.

Les arbres plantés autour des tombeaux, dans l’Orient, préviennent les mauvais effets des émanations cadavéreuses.

Arbres nécessaires sur les bords des canaux en Hollande.

La rage cause hydrophobie, en donnant à l’orifice de l’œsophage la sensibilité de la trachée-artère.


GUÉRISONS SINGULIÈRES.

de la jalousie.

Une femme jalouse de son mari et de sa femme de chambre tombe dans un état de corps et d’esprit déplorable. Elle était au bain lorsqu’on lui annonça la mort de son mari. Elle demande : « Est-il bien vrai ? — Très-vrai, » lui dit-on. Et la voilà guérie.

de l’amour.

Un jeune homme, désespéré de ne pouvoir obtenir l’objet de sa passion, se tire un coup de pistolet à la tête. Il ne se tua point, mais il resta fou de sa blessure. Pendant sa maladie, les parents s’avisèrent de faire venir sa maîtresse et de la lui présenter. Il lève les yeux, il la voit, il s’écrie : « Ah ! mademoiselle, c’est vous !… » Et le voilà guéri.

de la douleur.

Un officier français perd une sœur hospitalière italienne qui l’avait soigné et dont il était devenu amoureux. Ses amis découvrent une courtisane qui lui ressemblait singulièrement. Ils invitent leur camarade à souper. Sur la fin du repas, ils introduisent la courtisane déguisée en hospitalière ; l’officier la regarde et s’écrie : « Ah ! mes amis, j’en vois deux, je deviens fou… » Puis il se renverse sur son fauteuil et meurt.

des vapeurs.

Un mari avait une femme très-vaporeuse[112]. Cette femme aimait éperdument son mari. Il me vint en pensée de me servir de cette passion pour créer un vif intérêt dans cette femme, car, dans ce genre de maladie, c’est toute la difficulté : tout vaporeux guérit, s’il le veut ; mais le point est de le faire vouloir et d’employer cet intérêt à sa guérison. « Vous conseillâtes au mari de simuler la maladie de sa femme ? — Il est vrai. — Et voilà cette femme qui oublie ses vapeurs pour s’occuper de celles de son mari ? — Précisément. — Qui le promène et se promène elle-même, qui lui fait scier du bois et qui en scie, bêcher la terre et qui la bêche, monter à cheval et qui galope, travailler et qui travaille, se livrer aux amusements de la société et qui s’y livre, perdre ses vapeurs simulées et qui perd ses vapeurs réelles ? — Et je défendis bien au mari de révéler jamais à sa femme notre secret. — Vous fîtes sagement et pour plus d’une cause ; car quelle confiance peut-on avoir dans un homme capable de nous en imposer six mois de suite ? — Pour notre bien ? — Pour notre bien ! — Je lui enjoignis de feindre encore de temps en temps des rechutes, ce qu’il continue jusqu’à ce jour. — Pour disposer de sa femme comme d’une marionnette et l’amener à tout ce qu’il lui plaît. — Oh ! non, ses vapeurs ne le reprennent que quand sa femme est menacée des siennes. — Cela est d’un homme d’esprit et d’un excellent médecin. — Je suis bien aise que vous en pensiez ainsi… »

Le chevalier de Louville est frappé d’apoplexie. On l’appelle, on crie autour de lui, on n’en saurait tirer un mot. Maupertuis, présent à cette scène, dit : « Je gage que je le fais parler. » Aussitôt il s’approche de l’oreille du moribond et lui crie : « Monsieur le chevalier, douze fois douze ? » Le chevalier répond :

« Cent quarante-quatre. » Et c’est la seule chose qu’il ait dite.
médecins, médecine.

Pas de livres que je lise plus volontiers que les livres de médecine ; pas d’hommes dont la conversation soit plus intéressante pour moi que celle des médecins ; mais c’est quand je me porte bien.

Toute sensation, affection étant corporelle, il s’ensuit qu’il y a une médecine physique également applicable au corps et à l’âme. Mais je la crois presque impraticable, parce qu’il n’y aurait que la dernière perfection de la physiologie portée du tout aux organes, des organes à leurs correspondances, en un mot, presque jusqu’à la molécule élémentaire, qui prévînt les dangers de cette pratique.

Il n’y a, jusqu’à présent, que quelques remèdes généraux auxquels on puisse avoir confiance, comme le régime, les exercices, la distraction, le temps et la nature. Le reste pourrait être plus fréquemment nuisible que salutaire, n’en déplaise à M. Le Camus[113], à ses lumières et à l’intrépidité avec laquelle il ordonne la saignée, la purgation, les bains, les eaux, les infusions, les décoctions et tout l’appareil de l’art de guérir, qui est si rarement approprié aux grandes maladies et dont les grands médecins sont si économes.

nature.

Qu’est-ce que cet agent ? Ce sont les efforts mêmes de l’organe malade ou de toute la machine, efforts conséquents au malaise pour s’en soulager. La nature fait en tout temps dans le malade ce que le malaise de la machine exécute pendant le sommeil, qui, spontanément, se meut, s’agite jusqu’à ce qu’elle ait trouvé la situation la plus commode ; excepté dans la faiblesse extrême ou la lassitude. Alors on est plus las à son réveil qu’en se couchant, lorsque le malaise vient de la situation gênante des parties externes ; s’il vient des internes, c’est autre chose.

Je ne sais s’il n’en est pas de la morale ainsi que de la médecine, qui n’a commencé à se perfectionner qu’à mesure que les vices de l’homme ont rendu les maladies plus communes, plus compliquées et plus dangereuses.

Quand les mœurs nationales sont pures, les corps sont sains et les maladies simples.

Les préceptes de cette morale délicate et relevée, la science de cette médecine subtile et profonde ne sont pas connus, et l’on n’a point eu d’intérêt à les rechercher.

Où trouverez-vous donc de grands médecins et de grands moralistes ? Dans les sociétés les plus nombreuses et les plus dissolues, dans les capitales des empires.


CONCLUSION.

Le monde est la maison du fort. Je ne saurai qu’à la fin ce que j’aurai perdu ou gagné dans ce vaste tripot où j’aurai passé une soixantaine d’années, le cornet à la main, tesseras agitans.

Felices quibus, ante annos, secura malorum
Atque ignara sui, per ludum elabitur ætas.

Qu’aperçois-je ? Des formes. Et quoi encore ? Des formes. J’ignore la chose. Nous nous promenons entre des ombres, ombres nous-mêmes pour les autres et pour nous.

Si je regarde l’arc-en-ciel tracé sur la nue, je le vois ; pour celui qui regarde sous un autre angle, il n’y a rien.

Une fantaisie assez commune aux vivants, c’est de se supposer morts, d’être debout à côté de leurs cadavres et de suivre leur convoi. C’est un nageur qui regarde son vêtement étendu sur le rivage.

Hommes qu’on ne craint plus, qu’avez-vous alors entendu ?

La philosophie, méditation habituelle et profonde, qui nous enlève à tout ce qui nous environne et qui nous anéantit, est un autre apprentissage de mort.

Une des plus belles sentences du Stoïcien, c’est que la crainte de la mort est une anse par laquelle le robuste nous saisit et nous mène où il lui plaît.

Rompez l’anse et trompez la main du robuste.

Il n’y a qu’une vertu, la justice ; qu’un devoir, de se rendre heureux ; qu’un corollaire, de ne pas se surfaire la vie et de ne pas craindre la mort.


MÉLANGES


aversions.

Le maréchal d’Albret s’évanouissait quand il voyait un marcassin.

Les exemples de ces aversions sont sans nombre. On tombe en faiblesse à la vue d’une araignée ; on devient fou au bruit de l’aile d’une chauve-souris.

Jacques Ier frémissait à la vue d’une épée nue. Germanicus avait en horreur la vue et le chant du coq.

Il y a des laideurs qui causent non-seulement l’aversion, mais la haine, mais l’horreur. Cela tient aux physionomies et aux passions qu’elles caractérisent extérieurement.

colère.

Hommes devenus muets pendant plusieurs années après un accès de colère. La colère s’éteint avec son objet.

jalousie.

Espèce de haine passagère ou constante, accompagnée de crainte de perdre ce qu’on a.

envie.

Espèce de haine accompagnée de désir d’ôter à un autre ce

qu’il possède. L’envie s’élance, la jalousie se retire.
désespoir.

Certitude qu’on ne peut obtenir un bien violemment désiré, ou éviter un mal violemment craint. Il est accompagné de toutes les sortes de mépris. Il peut suivre toute passion.

hardiesse.

Est la conscience ou d’une force, ou d’une adresse, ou d’un bonheur qui fait braver le danger. Elle attaque tête baissée ; elle court, et change le maintien.

intrépidité.

Est la même vertu sans émotion ; c’est le mépris du péril et de la mort, et de tout le mal que le péril peut faire. Elle n’attaque pas. On ne l’ébranlé point. Elle ne change pas le maintien. Tête droite. Elle marche.

assurance.

Est la conscience de sécurité.

confiance.

Est l’espérance dans les moyens.

résolution.

Est l’effet de l’espérance dans les moyens, ou de la confiance.

courage.

Supporte, attend, se défend et n’attaque pas. On l’ébranle.

Valeur est le courage du militaire.

Bravoure est l’ostentation de la valeur. Elle peut être vraie ou fausse.

Force de corps, proportionnelle aux obstacles physiques qu’elle peut surmonter. Arts.

Force d’esprit, proportionnelle aux obstacles moraux qu’elle peut surmonter. Sciences.

Force d’âme proportionnée aux dangers. Combats. Alors, selon sa nature, c’est courage ou intrépidité.

La constance passive résiste et supporte sans se démentir.

La patience résiste et supporte, mais se dément.

La constance est la mesure de la durée des vices et des vertus, ou plutôt la persévérance. Entêtement.

La magnanimité pardonne l’injure.

La crainte fuit ; la hardiesse va au-devant.

La constance reste à sa place.

La fermeté est résistance sans égard à la durée. La constance est une fermeté qui dure.

Ressentiment ; c’est ce mouvement pénible plus ou moins violent qui s’excite en nous par l’offense qu’on nous a faite et qui nous porte à la vengeance.

La vengeance est l’effet de la colère et la réparation de l’injure.

La haine est la colère continuée.

L’indignation naît de l’opinion qu’on ne mérite pas l’injure et qu’on n’a pas dû s’y attendre.

Le dédain naît de la haute opinion qu’on a de soi et de la pauvre opinion qu’on a du défenseur.

Le dépit naît de la vengeance trompée.

Haine de soi-même. On se châtie.

Consternation, effet de la terreur.

Dégoût, passage de l’indifférence ou du désir à l’aversion, occasionné par quelques mauvaises qualités ignorées d’abord et ensuite reconnues.

Horreur ; extrême de l’aversion.

S’il s’y joint quelque sentiment religieux, exécration ; s’il s’y joint quelque pressentiment ou menace de malheur, abomination. Bornée dans la brute, immense dans l’homme ; s’accroît en raison directe de l’importance réelle ou idéale de l’objet et inverse des obstacles, et quelquefois en raison composée des deux, selon le caractère. Alors l’obstacle irrite deux forces conspirantes ; défense l’irrite, car elle surfait la chose et commande à un être libre.

Espérance, attente du bien. L’espérance est inquiète. L’imagination accroît ou affaiblit l’espérance. Elle l’accroît dans l’homme fort, la diminue dans l’homme faible.

L’espérance est oscillatoire, constante, impatiente, crédule.

Action de l’espérance sur les mouvements du corps. Elle soupire comme le désir.

Présomption est une espérance immodérée.

Confiance, espérance modérée.

Joie, est babillarde ; compagne de la confiance, compagne de l’indiscrétion, de l’indulgence et de la crédulité ; familière, elle embrasse tout le monde ; bienfaisante, elle est libérale. Elle a de l’embonpoint et de la santé.

Ris. Pourquoi on n’éclate guère seul, souvent en compagnie. Ris contagieux. Ris sobre, immodéré. Ris décompose, ôte de la dignité. Hommes et femmes de cour n’éclatent guère ; le gros ris est bourgeois.

Ris dans l’homme physique comme dans l’animal, joie. Ris dans la douleur, ris dans le délire.

Rire sans savoir pourquoi ; jamais seul, en compagnie, idée du ridicule en général qu’on cherche à connaître. On cherche qui est-ce qui est bossu, qui est-ce qui a dit une sottise, etc.

Les stupides rient comme les animaux et les enfants. Dans les uns, mémoire d’un plaisir passé ; dans les autres, présence d’un objet qui les flatte.

Progrès du ris : l’œil, la lèvre, les poumons, le diaphragme, les flancs, tout le corps.

La douleur et la joie font également pleurer.

L’enfant en venant au monde crie, mais ne verse des larmes et ne rit qu’au bout de quarante jours.

La honte est une espèce de crainte, ainsi que le respect.

L’appréhension, crainte faible.

Peur ; on a peur du diable ; on craint Dieu.

Peur avec surprise, épouvante et fait fuir.

L’amour et l’aversion semblent produire dans les organes des effets contraires. L’amour s’élance au dehors, l’aversion se retire en dedans. Voyez l’homme qui désire, ses yeux, ses joues, ses bras, ses mains, ses pieds, ses poumons se portent au dehors.

L’amour élance l’homme au dehors, approche l’objet par le même mouvement, il est tout contre ; on le saisit, on l’embrasse ; on se place dans le lit de celle qu’on aime, on l’amène dans le sien ; on se place sur le trône, voilà des soldats, on commande, etc. De là le délire, l’extase, on est au ciel, on voit tout.

Le désir étend les dimensions du corps, l’aversion les rapetisse. Le désir est importun, il sollicite, il est impatient.

Patience ; peu de sensibilité avec beaucoup de solidité.

Fermeté ou opiniâtreté, conscience de ce qu’on peut supporter sans rupture ou destruction.

Donner le change en fixant la sensibilité sur un objet étranger, plus sûrement si l’objet est commémoratif de l’effet qui s’ensuivra. (La potence sur le sabot[114].)

Toutes passions affectent les yeux, le front, les lèvres, la langue, les organes de la voix, les bras, les jambes, le maintien, la couleur du visage, les glandes salivaires, le cœur, le poumon, l’estomac, les artères et les veines, tout le système nerveux. Frissons. La chaleur.

Métaphores des passions. C’est qu’on ignore vraiment la nature du mal et que l’on part de cette ignorance pour exagérer et exciter la compassion. On n’exagère une blessure que quand elle est guérie ou cachée ; quand on l’a vue, cela ne se peut plus mais on en exagère la douleur.

Il y a la fièvre des passions, comme la fièvre physique, toutes deux se manifestent au pouls.

Je crois que les passions ont aussi leurs crises. Celles qui ne subissent point du tout de crises sont chroniques ou habituelles. Les crises des passions se font par des éruptions, des diarrhées, des sueurs, des défaillances, les larmes, par le frisson, le tremblement, la transpiration. Rapport des maladies réelles et des passions, soit tristes, soit gaies ; et ces crises sont bonnes ou mauvaises, augmentent le mal ou le dissipent.

Les exclamations, les interjections, appartiennent à toutes les sensations fortes et subites. Elles appartiennent aussi aux passions ; mais chaque passion a son cri ; toutes ont leur silence.

Ni la douleur corporelle, ni la douleur morale n’est point une passion.

Malveillance, effet de l’envie, de la haine, de la jalousie, de la crainte.

La colère se montre, la haine se cache quelquefois.

Détestation, expression de l’horreur, de l’exécration ou de l’abomination, action si atroce, qu’on souhaite, puisqu’elle a été commise, quelle reste sans témoins, ensevelie dans l’oubli.

En toute passion, il y a vue de l’objet, connaissance de sa bonté ; besoin qui naît des organes mus. Désir, désir involontaire, quelquefois permanent.

Le singe ; animal intermédiaire entre l’homme et les autres animaux.

éducation.

Mépris de la douleur et de la mort. Vie. Souffrir et s’ennuyer, deux choses à apprendre. Exaltation de l’âme, éloquence, poésie, prophétie, peinture, sculpture. École pour cet objet.

Essais de Théodicée. Précepteur des pages à la cour d’Osnabrück, pendant de Scevola, mit son bras dans la flamme et pensa le perdre, pour montrer la force de l’âme sur le corps… Les Hurons, les Iroquois, les Galibis.

philosophes.

Comment il est arrivé qu’il n’y a rien de si fort qui n’ait été dit par quelque philosophe, point de songe extravagant qui n’ait été donné pour la vérité par un sage ? Comment cela ? C’est l’imbécillité et l’ignorance : l’ignorance qui ne connaît pas les phénomènes, l’imbécillité qui n’y voit aucune difficulté, l’insouciance qui les prend pour ce qu’ils sont, sans en chercher la raison qui sauve les autres hommes de ces écarts.

analogie.

Comparaison de choses qui ont été ou sont, pour en conclure celles qui seront.

influence de la brièveté du temps sur les travaux des hommes.

Supposez qu’un astronome démontrât géométriquement que dans mille ans d’ici, une comète, dans son parcours, coupera l’orbe terrestre précisément au moment et au point où la terre s’y trouvera, et que la destruction de la terre sera la suite de cette énorme collision : alors la langueur s’emparera de tous les travaux ; plus d’ambition, plus de monuments, plus de poètes, plus d’historiens, et peut-être même plus de guerriers ni de guerres[115]. Chacun cultivera son jardin et plantera ses choux. Sans nous en douter, nous marchons tous à l’éternité.

métamorphoses.

Le papillon est ver, chenille et papillon. L’éphémère est chrysalide pendant quatre ans. La grenouille commence par être têtard.

Je vois des métamorphoses assez rapides ; pourquoi n’y en aurait-il pas dont les périodes seraient plus éloignées ?

Qui sait ce que deviennent les molécules insensibles des animaux après leur mort ? D’où viens-je ? Qu’étais-je d’abord ? A quoi m’en retourné-je ? Quelle est la sorte d’existence qui m’attend ? Sous quelle enveloppe serai-je destiné à me reproduire ? J’ignore toutes ces choses.

physionomie.

Point d’animaux en qui la physionomie soit plus variée que dans l’homme.

Lorsque les vieillards ont de la physionomie, ils en ont beaucoup : leurs rides sont comme les traits profonds du burin du temps qui a rendu fortement l’image d’une passion qui n’existe plus.

sur la beauté et la difformité.

Il est d’observation qu’aucune partie du corps ne peut excéder sa mesure qu’aux dépens des autres. Ainsi, si l’une pèche par l’énormité du volume, l’autre péchera par le défaut opposé.

L’animal le mieux conformé est celui dans l’organisation duquel il s’établit un grand équilibre de forces, en sorte qu’une partie n’a point accru sa puissance aux dépens d’une autre.

Dans le cas contraire, il peut arriver que l’animal très-propre à une certaine fonction déterminée, soit tout à fait inhabile à une autre.

Si le volume du cœur est considérable, c’est une suite de la mollesse des fibres ; l’animal est lâche. Le lion a le cœur petit.

Si le volume du cerveau est exorbitant, l’animal est penseur, mais il est faible.

Donnez à la chose que vous faites toute l’utilité dont elle est susceptible ou toute sa bonté ; faites en sorte que l’effet utile soit produit de la manière la plus simple, et soyez sûr que vous atteindrez en même temps la grâce et la beauté.

Cette règle me paraît sans exceptions.

distinction des deux substances.

D’après les définitions qu’on en donne, elles sont essentiellement incompatibles.

Quelle liaison peut-il donc y avoir entre elles ? Y a-t-il quelque chose de plus absurde que le contact de deux êtres dont l’un n’a point de parties et n’occupe point d’espace ? Y a-t-il quelque chose de plus absurde que l’action d’un être sur un autre sans contact ?

sur les intolérants.

N’est-il pas bien étonnant de voir des barbouilleurs de papier, dont les ouvrages sont remplis de visions, affecter du mépris pour ceux dont l’esprit juste et ferme n’admet que ce qu’il conçoit clairement ? Parcourez les dernières pages de Needham[116]. Si l’on juge de la clarté de leurs idées par la manière dont ils s’expriment, que leur tête est ténébreuse !

Ils assurent que l’existence de Dieu est évidente, et Pascal dit expressément de Dieu qu’on ne sait ni ce qu’il est, ni si il est.

L’existence de Dieu est évidente ! Et l’homme de génie est arrêté par la difficulté d’un enfant ; et Leibnitz est obligé, pour la résoudre, de produire, avec des efforts de tête incroyables, un système qui ne résout pas la difficulté et qui en fait naître mille autres.

Les causes finales la démontrent ! Et Bacon dit que la cause finale est une vierge consacrée à Dieu, qui n’engendre rien et qu’il faut rejeter.

Et ces malheureux fanatiques accusent les athées de mauvaises mœurs, les athées, à qui ils n’ont jamais vu faire d’action malhonnête au milieu de dévots souillés de toutes sortes de crimes.

aveugles.

Ont de l’imagination ; c’est que le vice n’est que dans la rétine.

fluides.

Mouvement continuel des fluides par la sécrétion, l’excrétion, la circulation, en prévient la stase et la putréfaction. La corruption des humeurs y cause quelquefois une acrimonie plus ardente que l’application du fer rouge.

impressions.

Différence dans les objets.

Différence dans les organes.

Différence dans le sensorium commune.

Lorsque l’impression est faible, l’organe propre à la recevoir ne la sent pas.

Je sens que je vois, mais mon œil ne le sent pas. Je sens que j’entends, mais mon oreille ne le sent pas.

Il paraît que, dans l’impression violente, l’organe ne sent que comme organe du toucher en général, et non comme organe de tel toucher. C’est de la peine et du plaisir.

êtres organisés.

Chaque partie de ces êtres a son plaisir et sa douleur. Cela s’étend peut-être jusqu’à la molécule sensible et vivante.

froid.

Un animal desséché renaît, un animal gelé ne ressuscite pas. Je le crois bien ; le dessèchement successif ne dérange pas l’organisation, le froid la dérange.

réflexion.

Trouble quelquefois l’action de la machine. Un homme fort distrait oublie qu’il est en concert et joue parfaitement bien pendant un certain temps sans faire attention à son action. Tout à coup il réfléchit et se trouble.

habitude.

Un idiot s’était accoutumé à sonner avec sa bouche les heures conjointement avec une horloge voisine. L’horloge s’étant arrêtée, l’idiot n’en sonnait pas moins l’heure.

nécessité.

Tourne en beauté le goitre de certains peuples des Alpes, et donne de l’importance aux matines des moines.

colère.

Dans la colère on rougit ou pâlit, selon que le mouvement du cœur se relâche ou s’accélère.

ne pas allaiter.

Suppression du lait, fâcheuse comme suppression de toute autre sécrétion ; reflue dans la masse du sang, l’enflamme, l’épaissit. Cacochymie, obstructions, fièvres exanthémateuses, érysipèle, abcès, squirres, cancers.

Repos de la matrice, sans quoi fatigue des organes de la génération et perte de leur ressort.

Lait de la mère aqueux, vrai purgatif de l’enfant.

fluide nerveux.

Un fluide universel, inaliénable, également propre à tout, servirait à peu de chose, surtout s’il est si ténu que toute matière en soit perméable avec la plus grande facilité. Ce qu’il produit d’effets sensibles ne peut naître que de sa combinaison.


  1. Chirurgien qui faisait des leçons publiques.
  2. Mlle  Biheron a, la première, fabriqué artificiellement des pièces d’anatomie d’une très-grande exactitude et inaltérables. Elle était fort dévote, fort pauvre et passionnée depuis la jeunesse pour une science que les femmes n’étudient pas volontiers. Elle habitait, place de l’Estrapade, la maison d’angle où Diderot avait aussi demeuré.
  3. Il est très-présumable que c’est d’après cette observation de Petit que Diderot a fait Jacques le fataliste, légèrement boiteux.
  4. Nous avons dit (t. II, p. 104), d’après Naigeon, que Mlle  de l’Espinasse avait fait demander par d’Alembert à Diderot la suppression du manuscrit du Dialogue et du Rêve, et que Diderot avait cédé à cette pression.
  5. La transpiration cutanée insensible est composée en partie de vapeur d’eau, en partie de matières volatiles organiques qui constituent le fumet propre à chaque animal.
  6. Le gluten fut découvert en 1742 par Beccari, à Bologne.
  7. MM. Dumas et Cahours ont tiré du gluten une substance grasse, filamenteuse, qu’ils ont nommée fibrine végétale, ce qui représente le même accouplement de mots.
  8. Expériences de Tremblay sur les polypes d’eau douce, publiées en 1744.
  9. C’est l’expérience de Beccari sur le gluten.
  10. Ces corpuscules sont appelés anthérozoïdes, de leur apparence animée.
  11. La dionée attrape-mouches est encore de temps à autre l’objet d’expériences de la part de nos savants. A-t-on fait celle qu’indique Diderot ?
  12. Félix Fontana (1730-1803), professeur à Pise, puis directeur du Muséum de physique et d’histoire naturelle de Florence, s’est occupe des animaux ressuscitants, et ce sont ses travaux sur les anguillules du seigle ergoté et du vinaigre que rappelle ici Diderot.
  13. Oscillaires. Ces plantes, découvertes par Adanson en 1767, et qu’il appela oscillatoria Adansoni, embarrassent encore les classificateurs. Les uns en font des algues, les autres des zoophytes. Adanson a fait des articles de botanique pour le Supplément de l’Encyclopédie (1773).
  14. Huile de palme.
  15. Il y a dans ces cas fort rares (celui si souvent cité de Sylla n’est point authentique) non pas résolution de l’homme en poux et en puces, mais envahissement de son corps par ces parasites dont la multiplication s’opère avec une extrême rapidité.
  16. Ces phénomènes sont niés aujourd’hui par les partisans de la doctrine panspermiste. Les expériences faites de cette façon seront d’ailleurs toujours douteuses. Les panspermistes répondront sans cesse aux hétérogénistes : Vous n’avez pas détruit tous les germes, et ceux-ci riposteront avec autant de raison : Vous avez détruit l’ensemble des conditions nécessaires à la création spontanée d’organismes.
  17. Le Mémoire de Camper sur l’angle facial n’a été terminé qu’en 1786 et publié seulement après sa mort, en 1789. Mais Diderot avait vu Camper à La Haye et il donne des détails sur ce « bon et célèbre » naturaliste dans son voyage en Hollande. L’ouvrage de Camper a été traduit en 1791 par Quatremère-Disjonval sous ce titre : Dissertation physique sur les différences réelles que présentent les traits du visage chez les hommes des différents pays et des différents âges, sur le beau qui caractérise les statues antiques et les pierres gravées, suivie d’une nouvelle méthode pour dessiner toutes sortes de têtes humaines avec la plus grande sûreté.
  18. Le sample est un des organes du métier à tisser placé du côté de l’ouvrier, la gavassine, qui amène les lacs de soie, est reçue par la tireuse, placée en face. Cela doit suffire pour l’intelligence de ce passage ; nous n’avons point à donner ici une description technique, mais seulement à montrer comment s’explique la supposition de solidarité entre les deux organes sensibles du métier par la sensibilisation des organes bruts intermédiaires.
  19. Nous disons se contracte.
  20. L’excitation du muscle venant à cesser, il s’allonge.
  21. La peau.
  22. Cette idée se retrouve dans la Réfutation de l’Homme, t. II.
  23. Il est présumable que Diderot avait en vue une citation déterminée, mais il ne l’a point écrite et nous ne pouvons la deviner. Il ne manque pas d’ailleurs d’ouvrages où l’on s’étonne de la merveilleuse adaptation des organes de l’homme aux fonctions qui leur sont dévolues, sans penser à ce que va dire Diderot.
  24. Voir le Rêve de d’Alembert, t. II, p. 175.
  25. Cas de catalepsie.
  26. Comme on dirait par cristallisation ; l’arbre de Diane est un cristal minéral pour la formation duquel on n’a jamais pensé à faire intervenir une force en quelque sorte intelligente, du genre de cette force vitale qu’on a imaginée pour expliquer les cristallisations organiques.
  27. Ou ensouples, terme de tisserand.
  28. Anastomoses.
  29. Il s’agit ici de ces aiguilles voyageuses qui, entrées en un point du corps, ressortent après un certain temps par un autre point, sans avoir causé aucun trouble.
  30. C’est la graisse d’autruche, qui sert en médecine.
  31. Chargées de sels calcaires.
  32. D’après les modernes, ce chiffre serait fort exagéré. On ne compte guère pour le poids du sang qu’un huitième du poids total du corps.
  33. Ammoniacales.
  34. C’est-à-dire par l’expérience directe : les vivisections d’Harvey.
  35. Plus loin, il est parlé des veines qui, à la fin, se changent en artères. Fin veut dire extrémité. Cela signifie que dans les vaisseaux capillaires, veines et artères se confondent.
  36. Canal faisant suite aux vaisseaux capillaires et dont l’existence, encore admise par Bichat, ne l’est plus aujourd’hui.
  37. Valvules.
  38. Articulations.
  39. Membrane de l’estomac. On donnait ce nom de velouté à toutes les membranes sur lesquelles se trouvent ce que nous nommons aujourd’hui des villosités.
  40. Cette tradition de vaches tétées par les serpents ne paraît pas bien authentique quoique Buffon ait contribué à la propager.
  41. Les organes.
  42. Sans conduit excréteur.
  43. Elle disparaît généralement vers la douzième année.
  44. Pas même proportionnellement à sa taille, comme on l’a dit.
  45. Chirurgien italien (1744-1816). Il était professeur à Acqui en 1775. C’est un des fondateurs de l’anatomie comparée.
  46. Les circonvolutions.
  47. Cette opinion est difficilement soutenable et les termes de la comparaison trop généraux. Il s’agit ici de J. Fréd. Meckel, anatomiste allemand (1714-1774), et de ses Recherches des causes de la folie, qui viennent du vice des parties internes du corps humain (1764). Ce qui est vrai, c’est que le poids du cerveau est en général plus grand chez l’homme sain que chez l’homme aliéné.
  48. Cette évaluation est trop faible. Les expériences de MM. Helmholtz et Valentin donnent 32 mètres par seconde comme vitesse du fluide nerveux.
  49. Donnent la forme.
  50. De la dure-mère.
  51. Voyez une note sur Daviel dans la Lettre sur les aveugles, t. I, p. 333.
  52. L’explication de ce phénomène a été fournie par la découverte si importante de Charles Bell. Il a démontré, en effet, que les nerfs avaient des fonctions différentes suivant que leurs racines étaient antérieures ou postérieures. Les premiers président au mouvement, les seconds au sentiment seul.
  53. Voir tome I l’Addition à la Lettre sur les aveugles.
  54. C’est le développement de cette idée qui a fait l’originalité et le mérite de Lamarck.
  55. Ce n’est point du grand Boerhaave qu’il est ici question, mais de Kaau-Boerhaave, son neveu. Le titre de l’ouvrage est Impetum faciens dictum Hippocrati percorpus consentiens, philologice et physiologice illustratum, Lugduni Batavorum, 1745.
  56. C’est un fait souvent cité, mais s’il est réel, cet allongement dure peu et ne serait sans doute pas aussi apparent sans la rétraction des parties charnues voisines.
  57. Limaçon.
  58. Exactement, d’après les mesures modernes, 331 mètres 3, par seconde à la température de zéro.
  59. Un charbon incandescent auquel on fait subir un mouvement de rotation.
  60. Mais que les travaux modernes ont élucidée d’une façon satisfaisante.
  61. Cas de daltonisme.
  62. Il y a autre chose que de la sympathie ; il y a le chiasma ou croisement des nerfs optiques.
  63. Diderot paraît avoir assez mal connu les couleuvres, qui ont des yeux et ne tètent pas les vaches.
  64. Les mouches volantes sont produites par différentes causes. Celle qui est indiquée ici en est une.
  65. C’est l’enfant trouvé en 1694 dans les forêts de la Lithuanie et dont Bernard Connor, alors premier médecin de Jean Sobieski, roi de Pologne, raconte l’histoire dans son Evangelium medici, p. 133, 134, 135. La Mettrie a détaillé le fait dans l’Histoire naturelle de l’âme.
  66. Il s’agit ici du son rendu par une corde d’instrument suspendu dans le voisinage d’un autre instrument dont on joue.
  67. Natura non facit saltum. (Linné.)
  68. Voltaire.
  69. Il y a encore là, certainement, une observation incomplète et par conséquent fausse.
  70. L’âme.
  71. C’est à peu près ce que dit Malebranche : « Les filets nerveux peuvent être remués de deux manières, ou bien par le bout qui est hors du cerveau ou bien par le bout qui est dans le cerveau. Si ces petits filets sont remués dans le cerveau, l’âme aperçoit quelque chose au dehors. » On voit que ce n’est qu’une question de mot… et de harpeur.
  72. Rappel d’un fait analogue à celui de Van Burle, qui se crevait de beurre. Voir, pour cet ordre d’illusions, Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme, IIIe mémoire, § 1.
  73. Diderot nous paraît répondre ici à la supposition qui explique la mémoire par la persistance et l’imagination par l’impression actuelle d’une image sur la substance même du cerveau. Il se ralliera cependant tout à l’heure à cette supposition ou, tout au moins, ne rendra pas un compte suffisant des différences qui l’éloignent de sa vraie manière de concevoir ces phénomènes.
  74. Voyez sur Bignicourt, un article, t. IV, p. 90.
  75. L’abbé Poulle, prédicateur brillant, qui a mérité d’être comparé à Massillon, né en 1703, est mort en 1781. Ses Sermons ne furent publiés qu’en 1778. Il est possible que Diderot ait eu l’intention de comparer ici l’impression qu’il avait ressentie autrefois en écoutant l’orateur et celle qui résultait de la lecture de ces mêmes sermons depuis longtemps oubliés.
  76. Ce fait est assez commun et peut servir à expliquer comment, dans les épidémies hystériques, comme à Loudun, de pauvres filles pouvaient répondre en latin et même par quelques mots grecs ou hébreux à l’exorciste.
  77. Existence par soi-même ; terme de scolastique. Se dit de Dieu et, dans les systèmes matérialistes, de la matière.
  78. Tous les voyageurs ont signalé la confiance des animaux lorsqu’ils n’ont point encore appris à se méfier de l’homme.
  79. Dans son livre : De l’homme, ou des principes et des lois de V influence de l’âme sur le corps et du corps sur l’âme. Amsterdam, 1773, 3 vol. in-12.
  80. Stahl (1660-1734) est le fondateur de la doctrine connue sous le nom d’animisme que Diderot expose dans les lignes qui suivent.
  81. La Mettrie, dans l’Homme-machine, avait fait cette observation et avait donné comme exemple les Anglais.
  82. Diderot fait probablement allusion au fait si curieux rapporté par le baron de Gleichen (Denkwurdigkeiten, Leipzig, 1847, in-8°, p. 165), et qui a pour héros un certain alchimiste nommé Duchanteau. Celui-ci devait, au bout de quarante jours de jeûne, n’ayant pour toute nourriture que son urine, produire par cette « cohobation du supérieur et de l’inférieur » la pierre philosophale. Il soutint ce régime pendant vingt-six jours, et n’en mourut pas. Sa dernière urine, « d’une odeur balsamique et excellente, » fut conservée par la loge des Amis réunis, jusqu’à la Révolution, époque à laquelle on la sacrifia, quoique ce fût peut-être, ajoute un peu ironiquement le baron, « une médecine admirable. »
  83. Qui servent à la chylification.
  84. Réservoir du chyle ; dilatation du canal thoracique près de son passage à travers le diaphragme.
  85. Douze travers de doigt.
  86. Il faut considérer terre, ici, comme synonyme de matière inerte et grossière, réfractaire à la digestion.
  87. Ou appendice colique de l’épiploon.
  88. Vésicules de Graaf.
  89. Enveloppe extérieure du fœtus.
  90. V. plus loin un article de Diderot sur ce livre de Peyrilhe.
  91. La gousse d’ail est recommandée dans tous les traités de médecine du moyen âge et de la renaissance. On voit que Diderot cherchait des raisons pour les partisans qu’elle pouvait avoir encore au xviiie siècle. Elle n’en a plus.
  92. Spermatozoaires.
  93. On trouve d’autres corpuscules ailleurs, mais ceux-ci ne sont que dans la semence et ils sont indispensables à la fécondation. C’était contre Leuwenhœck qui avait bien vu qu’était dirigée l’objection tirée de l’existence d’animalcules ou au moins de corpuscules animés dans d’autres humeurs.
  94. Il est permis de douter de la réalité de l’histoire de Thomas Parr. V. Thoms, Human longevity ; its facts and its fictions, London, John Murray, 1873.
  95. Autant de cicatricules que d’ovules évacués, mais tous n’ont point été fécondés.
  96. C’était aussi l’objection de Haller, qui concluait : « A peine peut-on ajouter foi à tout cela ; » et qui malgré cela disait : « Cependant le premier asile de l’homme est un œuf. » V. la Génération, traduite de la Physiologie, de M. de Haller ; Paris, Des Ventes de la Doué, 2 vol. in-8°.
  97. Ajouter : apparents. L’éjaculation peut se produire aussi quelque temps après la castration.
  98. On dit séminales.
  99. On dit tunique vaginale, tunique albuginée.
  100. C’était l’opinion de Leuwenhœck qui voyait dans l’animalcule spermatique l’homme en raccourci et lui attribuait les deux sexes.
  101. Emboîtement des germes de Bonnet.
  102. Les phthisiques ont longtemps passé pour plus salaces que les autres hommes. Quant au remède indiqué, il précipite ordinairement la fin du malade.
  103. Trop dense ; que la liqueur prostatique et celle des glandes de Cowper et de Littre ne délaye pas suffisamment.
  104. On dit que ce fait donna lieu à une thèse : An imperforata mulier possit concipere ? Voici comment Mirabeau (Errotika Biblion) raconte la chose : « M. Louis, secrétaire de l’Académie de chirurgie, a soutenu, en 1755, la question sur les bancs ; il a prouvé que les anélytroïdes pouvaient concevoir ; et des faits consignés dans sa thèse, imprimée avec privilége, le démontrent. Malgré cette authenticité, le Parlement ne manqua pas de dénoncer la thèse de M. Louis comme contraire aux bonnes mœurs. Il fallut que ce grand et non moins ingénieux et malin chirurgien recourût aux casuistes de la Sorbonne ; alors il montra facilement que le Parlement prononçait sur une question qui n’est pas plus de sa compétence que l’émétique. Et le Parlement ne donna aucune suite à la dénonciation. »
  105. La Mettrie en parle en effet, en passant, dans l’Homme machine, et d’une façon plus détaillée dans le Système d’Épicure. M. le comte d’Hérouville, lieutenant général, avait signé le procès-verbal. La mention de son nom semblerait indiquer que c’était de lui que Diderot tenait le fait. Il joue un rôle dans Ceci n’est pas un conte. Voir t. V, p. 319.
  106. Il s’agit ici de la génération, sans rapprochement sexuel (parthénogenèse), du puceron, étudiée par Ch. Bonnet.
  107. Haller rapporte le même exemple pour prouver que ce n’est pas la femelle qui, dans la plupart des espèces, désire l’accouplement.
  108. Gorgé de sucs.
  109. M. de Quatrefages rappelle, qu’au dire des voyageurs dont il faut tenir compte, les chiens des Esquimaux viennent au monde sans queue à la suite de l’ablation habituelle de cet organe chez leurs parents. (Société d’anthropologie, 3 janvier 1861.)
  110. De Hermaphroditorum monstrosorumque partuum natura lib. II, Oppeahomii, 1614, in-8°, fig.
  111. « Le génie est une névrose. » (Moreau, de Tours.)
  112. Voir le Voyage de Hollande, chap. La Haye.
  113. Voir une note sur Le Camus dans Ceci n’est pas un conte, t. V, p. 330.
  114. Voir ci-dessus, p. 365.
  115. Diderot avait pu se rendre compte de cet effet. En 1773, Lalande avait calculé dans un Mémoire les conditions dans lesquelles la rencontre d’une comète avec la terre serait possible ; il avait aussi, en étudiant les comètes connues, constaté qu’aucune d’elles ne remplissait ces conditions. Cependant, à la seule annonce de son Mémoire, une terreur folle se montra dans Paris et se répandit de là dans toute la France.
  116. Needham, à la suite de ses travaux sur les animaux microscopiques, fut accusé de matérialisme. Il crut devoir s’en défendre, et l’on trouvera cette défense dans les dernières pages de ses Nouvelles observations microscopiques, chez Ganeau, 1750, in-12. C’est à ce livre que renvoie Diderot. Needham dit dans sa Préface : « Si, pour avoir tiré quelques conséquences de la philosophie en faveur de la religion, on m’accuse d’avoir mêlé mal à propos le sacré avec le profane, je n’ai rien de plus à dire pour ma défense, sinon que depuis quelques années que je me suis amusé à ce genre d’études, je n’ai jamais trouvé aucuns principes opposés à la religion que ceux qui étaient faux en philosophie ; » et à grand renfort de citations sacrées, il met en poudre tous les philosophes qui font autre chose que de la science chrétienne.