Élémens de chimie/Partie 2/1

Imprimerie de Jean-François Picot (p. 16-63).
PREMIÈRE CLASSE.


DE LA COMBINAISON DES TERRES

AVEC LES ACIDES.


Cette classe qui comprend la combinaison des terres primitives avec les acides, offre naturellement cinq genres.


PREMIER GENRE.


Sels terreux à base de chaux.


La combinaison de la chaux avec les divers acides nous formera les diverses espèces de sels calcaires compris dans ce genre.


Ire. Espèce. Carbonate de chaux, pierre calcaire.


La combinaison de la chaux avec l’acide carbonique est la plus commune, et comprend toutes les pierres qui ont été connues, jusqu’à ce jour, sous les noms de pierre à chaux, pierre calcaire, etc.

Les caractères des carbonates de chaux sont, 1°. de faire effervescence avec quelques acides ; 2°. de se convertir en chaux par la calcination.

La formation de ces pierres nous paroît due, en grande partie, au détritus des coquillages : l’identité des principes constituans des coquilles et des pierres calcaires, et la présence de ces mêmes coquilles plus ou moins altérées dans les montagnes de pierre à chaux, nous autorisent à penser qu’au moins une grande partie de la masse calcaire de notre globe, n’a pas d’autre origine que celle que nous lui assignons.

Quoique notre imagination paroisse se prêter difficilement à rapporter des effets aussi merveilleux à une cause si foible en apparence, nous sommes forcés de la reconnoître en jetant un simple coup-d’œil sur l’histoire connue des coquillages.

En effet, nous voyons la classe nombreuse d’animaux à coquille, presque naître avec cette enveloppe pierreuse ; on la voit insensiblement s’épaissir, s’aggrandir par l’apposition de nouvelles couches, et cette écaille finit par occuper un volume cinquante à soixante fois plus grand que celui de l’animal qui lui donne naissance. Qu’on se représente à présent le nombre prodigieux d’animaux à transudation pierreuse ; qu’on se figure leur prompt accroissement, leur multiplication et la courte durée de leur vie, dont le terme moyen est d’environ dix ans, d’après le calcul du célèbre Buffon ; qu’on multiplie le nombre de ces animaux par le volume que laisse leur dépouille, et l’on aura la masse que les coquilles d’une seule génération doivent former sur ce globe. Si l’on considère, à présent, combien de générations sont éteintes, combien d’espèces sont perdues, on ne sera pas surpris qu’une partie de la surface du globe soit recouverte de ces débris.

On peut concevoir aisément que les coquillages morts, entraînés par les courans, doivent se heurter, se dégrader plus ou moins, et que leurs débris pulvérulens, long-temps brassés par les vagues, doivent être entassés et former des bancs de coquilles plus ou moins altérées.

Au reste, quelle que soit l’origine de cette pierre, elle se présente sous deux états principaux ; ou sous forme de crystaux, ou en masse irrégulière.

I°. Pierres calcaires crystallisées.

Pour que la crystallisation ait lieu, il faut un concours de circonstances qui se rencontre bien rarement ; et c’est sans-doute la raison pour laquelle les spaths ou crystaux calcaires font la plus petite partie de ce genre : on trouve ces crystaux dans les cavités des montagnes calcaires, on les trouve dans les fentes qui pénètrent dans l’intérieur de ces pierres, et généralement dans tous les endroits où pénètrent les eaux qui charrient la pierre calcaire prodigieusement atténuée et presque dissoute.

La pierre calcaire crystallisée nous présente plusieurs variétés de forme, mais la rhomboïdale paroît être la plus constante et la plus générale. Les environs d’Alais nous fournissent des rhombes de spath de la plus grande beauté, ils sont transparens comme ceux d’Islande, et doublent les objets de la même manière.

Il arrive souvent qu’un groupe de crystaux rhomboïdaux présente, à la surface, des pyramides plus ou moins saillantes, qui ne sont que les angles plus ou moins alongés des rhombes ; et on ne peut pas se refuser à convenir, avec M. de Romé de Lisle, que la forme pyramidale ne soit une légère modification du rhombe ; car, si on brise une pyramide de spath, elle se réduit en élémens de figure rhomboïdale.

Les principales variétés de la forme pyramidale, se déduisent, sur-tout, du nombre des côtés ; et lorsque la pyramide est longue et aiguë, on l’appelle spath à dent de cochon.

La pierre calcaire affecte souvent la forme prismatique, et celle-ci nous présente encore quelques variétés.

Souvent le prisme est à six pans et tronqué ; quelquefois il est terminé par une pyramide trihèdre ; et, lorsque le prisme est très-court, et que son sommet repose presque sur la roche elle-même, ce crystal est connu sous le nom de spath lenticulaire.

On peut voir, dans la crytallographie de M. de Romé de Lisle, toutes les variétés de forme qu’ont présenté jusqu’ici les pierres calcaires crystallisées.

La pesanteur spécifique des spaths calcaires est d’environ 2,700 lorsqu’ils sont purs, selon Kirwan.

Ils contiennent 34 à 36,00 d’acide carbonique, sur 53 à 55,00 de terre, le reste est de l’eau. V. Kirwan.

Les spaths présentent souvent une surface, lisse, unie, sur laquelle l’acide sulfurique ne mord que lentement ; ils sont quelquefois mélangés de fer, ce qui leur donne des teintes très-variées.

II°. Pierres calcaires non crystallisées.

La plus grande partie des pierres calcaires n’affecte aucune forme régulière ; ce sont presque toujours des couches ou des blocs immenses, jetés et amoncelés sur la surface du globe, et l’on ne peut raisonnablement y reconnoître aucun dessein primitif de crystallisation. L’idée même que nous avons de la formation de ces montagnes, et leur disposition par couches, ne nous permettent d’y voir qu’un effet naturel de l’écoulement des eaux qui a dû occasionner du retrait et disposer les roches par couches ou feuillets.

Il me paroît qu’on peut établir deux divisions très-naturelles entre les pierres calcaires non crystallisées : car, ou elles sont susceptibles d’un poli parfait, et alors on les appelle marbres ou albatres ; ou elles ne sont pas susceptibles de ce poli, et, dans ce cas, on les appelé moëllons, tufs, etc.


A. Pierres calcaires susceptibles d’un poli parfait.


Quoique, d’après les expériences des Chimistes, sur-tout de M. Bayen, il soit prouvé que les marbres contiennent plus ou moins d’argile, nous sommes forcés de les placer ici, parce que la terre calcaire prédomine tellement, qu’on ne peut pas raisonnablement les placer ailleurs, et quils ont tous les caractères de la pierre à chaux.

Les marbres different des autres pierres calcaires par le poli dont ils sont susceptibles, et on les distingue entr’eux par les couleurs.

Le marbre blanc est ordinairement le plus pur ; nous connoissons celui de Carrare et l’ancien marbre statuaire de Paros.

Le marbre noir est coloré par un bitume ou par le fer : M. Bayen a trouvé ce métal dans la proportion de 5,00. Lorsqu’il est veiné par de la pyrite, on l’appelle Portor.

Les marbres colorés varient à l’infini : la partie colorante n’est due, en général, qu’aux altérations du fer qui, quelquefois, y est attirable à l’aimant, d’après l’observation de M. de Lisle. Les marbres bleu et verd tirent leur couleur d’un mélange de schorl, selon Rinmann, Hist. ferri.

Le marbre coquiller ne paroît formé que par un amas de coquilles liées par un gluten calcaire ; on lui donne le nom de Lumachelle. Celui de Bleyberg en Carinthie forme une des plus belles espèces.

Ce qu’on appelle marbre figuré présente, ou des traces de végétaux, comme celui de Hesse, ou des ruines et des débris, comme celui de Florence : les dendrites ne paroissent formées que par des infiltrations ferrugineuses à travers les feuillets de ces pierres.

Plusieurs Naturalistes ont parlé du marbre flexible : le P. Jacquier l’a décrit, en 1764, dans la gazette littéraire de l’Europe ; et l’Abbé de Sauvages a communiqué, à l’Académie de Montpellier, la description des tables de marbre flexible qui sont dans le palais Borghese.

Les albatres sont des pierres calcaires de la nature du marbre ; ils paroissent formés comme les stalactites ; ils sont quelquefois décorés des plus belles couleurs, jouissent, en général, d’une certaine transparence, présentent des couches diversement colorées, et causent aux rayons de lumière une double réfraction quand elles ont assez de transparence. On peut voir, dans le traité de M. Brisson (sur la pesanteur spécifique des corps) les résultats de ses belles expériences sur celle des marbres, des albatres, et généralement de toutes les pierres calcaires.


B. Pierres calcaires non susceptibles d’un poli parfait.


Les pierres calcaires qui ne sont pas susceptibles d’un poli parfait, se présentent, ou en masse, ou sous forme pulvérulente, ce qui établira notre division naturelle.

1°. La pierre calcaire en masse, forme en général la pierre à bâtir ; et celle-ci nous offre plusieurs variétés, relativement à la finesse du grain, à la porosité, à la couleur, à la consistance, à la pesanteur ; ce sont ces nuances qui établissent diverses qualités de pierres, et qui font que l’une durcit à l’air, tandis que l’autre s’y décompose ; ce sont ces mêmes nuances qui font que chacune de ces variétés a des usages particuliers ; et c’est à l’Artiste habile qui les emploie à savoir en distinguer les qualités.

Dans le nombre de ces pierres à bâtir, il en est qui retiennent l’eau dont elles sont imprégnées, et éclatent par les gelées, tandis que d’autres laissent échapper librement ce même fluide, et se durcissent par le contact de l’air.

2°. La pierre calcaire est quelquefois sous forme pulvérulente : la craie est de ce genre ; et lorsqu’elle est blanche, divisée et très-fine, on en forme ces pains connus dans le commerce sous le nom de blanc d’Espagne : à cet effet, on l’agite dans une cuve avec de l’eau ; les substances étrangères, telles que les cailloux, les pyrites, etc. se précipitent ; on décante l’eau, et elle ne tarde pas à déposer la craie qu’elle tient suspendue ; on la dessèche, et on la divise en quarrés-longs pour former les pains de blanc d’Espagne.

Lorsque l’eau charrie cette craie et la dépose, il en résulte un gurh ; et lorsqu’elle a une certaine consistance, ce qui provient du mélange des terres argileuses et magnésiennes, on lui donne le nom d’agaric minéral.

Comme la terre calcaire est susceptible d’une division extrême, l’eau qui la charrie et s’infiltre à travers les roches, la dépose peu à peu, et forme des dépôts et des incrustations connus, par le vulgaire, sous le nom de pétrifications, et sous celui de stalactites par les Naturalistes.

Ces dépôts calcaires conservent très-souvent la forme des substances qu’ils ont recouvertes ou revêtues, et présentent des figures de mousse, de racines, de fruits, etc., ce qui a fait croire à la transformation de ces substances en pierres.

L’accroissement des stalactites se faisant par les surfaces externes, leur tissu présente des couches différemment nuancées, selon que l’eau a été chargée de tel ou tel principe colorant.

Les cavités que l’on trouve fréquemment dans les montagnes calcaires sont souvent tapissées de stalactites ; et ces grottes sont un des phénomènes les plus imposans qui puissent être offerts aux yeux du Naturaliste : la grandeur de ces souterrains, l’absence du jour, la foible lueur d’une torche qui n’éclaire qu’à demi ces objets, rendent ces demeures, sombres, majestueuses et imposantes ; la multiplicité des figures, la variété des formes, leur ressemblance avec des choses connues, pénètrent d’étonnement les personnes qui les étudient. Dans le nombre infini de ces formes, il s’en trouve quelquefois de très-agréables à la vue, telles que celles des flos ferri, des choux-fleurs, des dentelles ; il s’en trouve aussi de très-singulières, telles que celles des priapolithes, des pisolites ; des oolites ; etc.

M. Longeon de Ganges a trouvé des formes, assez variées et assez bizarres, dans la grotte appellée des Demoiselles, pour en faire un assortiment vraiment étonnant.

Ces transudations, ou plutôt ces dépôts pierreux, ont fait croire à la végétation des pierres. Le célèbre Tournefort a cru avoir pris la nature sur le fait, dans les fameuses grottes d’Antiparos, où il a vu des inscriptions gravées dans la pierre, aujourd’hui relevées en bosse. Baglivi a donné un traité sur la végétation des pierres, dans lequel il cite beaucoup de faits de cette nature.

Tout le monde connoît les dépôts de la source des environs de Clermont ; mais la plus étonnante de toutes les sources pétrifiantes est celle de Guancavelica dans le Pérou : Barba, D. Ulloa, Frezier, nous en ont donné la description ; Feuillée nous apprend que cette eau sort très-chaude du milieu d’un bassin quarré, et se pétrifie à peu de distance de sa source. Cette eau est d’un blanc tirant sur le jaune : on s’est servi de ces incrustations pour bâtir les maisons de Guancavelica ; les ouvriers remplissent des moules de cette eau, et, quelques jours après, ils les trouvent incrustés de pierre ; les Statuaires y exposent des moules, et ils n’ont qu’à donner le poli pour rendre leurs statues transparentes : tous les bénitiers de Lima sont de cette matière, et d’une grande beauté. Journ. des observ. t. 1, p. 434.

En 1760, M. Vegni imagina de tirer parti de la craie très-blanche qui est charriée par les eaux des bains de St. Philip en Toscane : pour cet effet, on fait parcourir à l’eau un espace d’environ un mille, afin qu’elle dépose le soufre, la sélénite et le tuf qu’elle charrie ; l’eau, ainsi épurée, est employée à la confection des bas-reliefs : on introduit l’eau par le toit dans un cabinet construit avec des planches maçonnées ensemble ; l’eau tombe, de 12 à 15 pieds de haut, sur une croix de bois placée sur un poteau qui est au milieu ; elle se divise et jaillit latéralement sur les moules en soufre qui sont placés sur les côtés ; elle y dépose les molécules de terre qu’elle charrie, et le moule se remplit.

M. Vegni place ses moules sur des pièces de bois qui sont mues circulairement. Cet albâtre est aussi dur que le marbre ; et l’incrustation est d’autant plus belle et plus dure, que la position du moule est plus verticale, et qu’il est plus éloigné.


Analyse et usages de la pierre Calcaire.


En 1755, le Docteur Black prouva que la pierre calcaire avoit, pour un de ses principes, un air différent de l’air atmosphérique : il prétendit que la pierre calcaire privée de cet air par la calcination, formoit la chaux ; et que celle-ci pouvoit repasser à l’état de pierre calcaire, en reprenant le principe qu’elle a perdu. En 1764, Macbride étaya cette doctrine de nouveaux faits ; Jacquin ajouta de nouvelles expériences, et prouva que la chaux et les alkalis devoient leur causticité à la soustraction de cet air fixe, et il a fourni plusieurs moyens pour l’en extraire.

Les procédés les plus usités pour décomposer la pierre à chaux, sont le feu et les acides : le premier est employé, dans la confection de la chaux ; le second, dans les laboratoires lorsqu’on veut se procurer de l’acide carbonique.

Pour faire la chaux, on calcine la pierre calcaire dans des fourneaux dont la construction varie selon la nature des combustibles.

Lorsqu’on emploie le charbon de pierre, on construit en pierre vitrifiable un cône renversé qu’on charge de couches alternatives de charbon et de pierre ; on retiré la chaux par une ouverture pratiquée au sommet. À mesure que la masse s’affaisse, on a soin de garnir le four par le haut, et d’empêcher que la flamme et la chaleur ne se dissippent à pure perte.

Bergmann a observé, que presque toutes les pierres calcaires qui noircissent ou brunissent par la calcination, contiennent du manganèse, et que la chaux qui en provient est excellente ; selon Rinmann, les pierres calcaires blanches qui noircissent par la calcination, en contiennent environ 10,00.

Par la calcination, la pierre à chaux perd l’acide et l’eau qu’elle contient ; ces deux principes y sont évidemment remplacés par la matière même de la chaleur. L’odeur de feu qu’exhale la chaux vive, la lumière qu’elle donne lorsqu’on l’éteint dans l’obscurité, la couleur qu’elle communique à la pierre à cautère, la propriété qu’elle a de réduire l’oxide et les verres de plomb, tout nous prouve, dit M. Darcet (journal de physique, 1783) qu’à mesure que la pierre calcaire se dépouille du principe aériforme, elle se combine avec le principe igné, qui ne peut être déplacé que par la voie des affinités. Les belles expériences de Meyer, dépouillées de toute théorie, nous prouvent la même chose.

Il est prouvé, d’après les expériences de M. Higgins, que la meilleure chaux est celle qui est faite avec la pierre la plus dure et la plus compacte, réduite en petits morceaux et chauffée lentement, jusqu’à ce que le four soit au blanc ; et alors la chaleur doit être soutenue jusqu’à ce que la pierre ne fasse plus effervescence ; on brûle la chaux, si on ne l’arrête pas à ce degré, et on y détermine une fritte qui ne lui permet plus de se diviser dans l’eau et de reprendre avec avidité les principes qu’elle a perdus.

Lorsqu’on calcine des morceaux de pierre calcaire de grosseur différente, on fait de la chaux d’inégale bonté : les petits échantillons font de la chaux brûlée, tandis que les grosses pierres n’ont presque pas souffert d’altération dans leur milieu.

Cette chaux, doit être regardée comme la meilleure, qui se divise le plus promptement dans l’eau et fournit le plus de chaleur en se divisant, qui donne la poudre la plus fine, qui se dissout dans l’acide acéteux sans effervescence et laisse le moins de résidu possible.

La chaux cherche toujours à se saisir de l’acide et de l’eau dont on a dépouillé la pierre par la calcination ; aussi, exposée à l’air, elle se gerce, s’échauffe, se réduit en poussière en augmentant de volume et reprend la propriété de faire effervescence ; il est donc important d’employer la chaux fraîche, si on veut l’avoir avec toute sa force.

La chaux est légèrement soluble dans l’eau, et c’est cette dissolution qu’on appelle eau de chaux. On peut en précipiter la chaux, par le moyen de l’acide carbonique, qui régénère la pierre calcaire et en forme un précipité.

L’eau de chaux est employée pour reconnoître la présence et déterminer la proportion de l’acide carbonique dans une eau minérale.

Les Médecins en prescrivent l’usage comme absorbant et dépuratif.

Lorsque l’eau de chaux a le contact de l’air, il se forme, à sa surface, une pellicule connue sous le nom de crème de chaux ; c’est de la pierre calcaire régénérée.

Le superbe bassin de Lampy, un des deux principaux réservoirs qui fournissent de l’eau au canal royal du Languedoc, perdoit l’eau par les joints des pierres ; l’habile Ingénieur qui dirige ces travaux (M. Pin) y a fait éteindre de la chaux, qui, charriée au dehors par ces petites fentes, s’est saisie de l’acide carbonique et a formé une croûte ou un glacis très-blanc sur toute la surface, de façon que toutes les pierres de cette belle maçonnerie sont liées entr’elles par ce ciment et ne font plus qu’un seul et même corps impénétrable à l’eau.

La régénération de la pierre calcaire se fait lentement par les procédés décrits ci-dessus ; mais on peut la hâter en présentant à la chaux les principes dont elle est avide, et c’est ce qu’on fait dans les travaux en grand.

On éteint ordinairement la chaux en lui fournissant de l’eau en abondance : il s’excite une chaleur violente, la chaux se divise en poussière, et il en résulte une pâte en gâchant fortement à mesure que la chaux se sature.

Le Comte Razoumouski a profité de la chaleur qui se dégage lorsque la chaux s’éteint, pour combiner la chaux avec le soufre. Le degré de chaleur convenable pour opérer cette combinaison est le soixante-dixième ; alors le soufre qu’on met sur la chaux se liquéfie, se colore en rouge et forme un vrai sulfure de chaux.

Pour faire le mortier, il ne s’agit que de pétrir la chaux éteinte, avec du sable ou autres corps insolubles dans l’eau.

On connoît à Montpellier deux espèces de sable, celui de mine et celui de rivière : le premier est presque toujours altéré par le mélange de la terre végétale et de la terre calcaire qui en affoiblissent la vertu ; le second est plus pur et d’un usage plus avantageux. On peut remplacer le sable par des recoupes de pierre ; les angles que présentent ces fragmens, et le raboteux de leur surface, contribuent à donner de la consistance au mortier.

L’endurcissement des mortiers ne paroît dû qu’à la régénération progressive de la pierre à chaux. Ils n’atteignent le dernier degré de dureté, dont ils sont susceptibles, que lorsqu’ils se sont ressaisis de tout l’acide carbonique dont on avoir privé la pierre ; et cette opération est très-lente, à moins qu’on ne facilite la combinaison par les moyens connus, qui consistent à mêler, dans le mortier, des substances qui contiennent l’acide carbonique ou un principe analogue, tel que le vinaigre.

C’est cette régénération de la pierre à chaux, qui s’opère par le laps du temps, qui nous explique pourquoi les pierres les plus dures fournissent la meilleure chaux, et pourquoi les vieux mortiers nous présentent une dureté qui fait le désespoir des Artistes modernes.

Ce qui nous reste des travaux des anciens, a fait croire à quelques Physiciens, qu’on avoit autrefois des procédés précieux pour la confection des mortiers : M. de la Faye a cru que ces masses énormes, où l’on n’avoir admiré que la perfection des moyens mécaniques des anciens, avoient été faites par encaissement, et a cru trouver dans Vitruve, Pline, St. Augustin, que leur procédé pour éteindre la chaux différoit du nôtre, et que c’étoit là sur-tout la raison de la grande différence qui paroît exister entre les mortiers anciens et les modernes. Ces recherches intéressantes l’ont conduit à proposer, de tremper la chaux dans un panier et de la laisser fuser à l’air ; il croit par là, conserver plus de force à la chaux, et la moins énerver qu’on ne fait par les procédés usités.

Loriot a attribué la supériorité des mortiers des anciens aux moyens qu’ils employoient pour les dessécher promptement : d’après ces principes, il mêle la brique pilée aux cailloux, les pétrit avec la chaux éteinte, et dessèche le tout avec un quart de chaux vive ; il faut avoir l’attention de ne se servir que de chaux très-divisée, et passée par un tamis très-fin, sans cela le mortier se gerce et ne fait qu’une prise bien imparfaite.

La nature nous présente quelquefois un mélange convenable de pierre à chaux et de sable, pour former un excellent mortier sans addition de matière étrangère : M. de Morveau a trouvé de cette pierre à chaux dans la Bourgogne ; M. de Puymaurin en a décrit une espèce qu’il a trouvée dans le Béarn ; et j’ai vu, dans les Cevennes, un de ces mélanges naturels si bien assorti, qu’il suffit de le calciner et de l’éteindre dans l’eau pour former un excellent mortier.


IIe Espèce. Sulfate de chaux, gypse, sélénite, pierre à plâtre.


La pierre à plâtre perd sa transparence par la calcination, elle devient pulvérulente et acquiert la propriété de se ressaisir de l’eau qu’elle a perdue et de reprendre sa dureté : au reste, elle ne fait point feu avec le briquet ni effervescence avec les acides.

C’est sur-tout à Margraaf que nous devons la connoissance des principes constituans du plâtre ; et, d’après des travaux ultérieurs, on a assigné la proportion de ces mêmes principes dans le rapport suivant : un quintal de gypse contient 30 acide sulfurique, 32 terre pure, 38 eau ; il perd à-peu-près 20 pour 100 par la calcination.

Nous commençons à être également éclairés sur la formation de cette pierre : M. le Chevalier de Lamanon a prétendu que les nombreuses carrières de plâtre qu’on trouve aux environs de Paris, sont le dépôt d’un ancien lac fluviatil, formé par la Seine, Loise et la Marne, qui s’écoula du côté de Meulan : le fer ouvré et les diverses dépouilles d’animaux, qu’on a trouvés dans la profondeur des carrières de Montmartre, annoncent que la formation n’en est pas très-ancienne ; et l’infatigable Naturaliste que je viens de citer, considère la sélénite comme originairement dispersée dans l’eau, précipitée à raison de son peu de solubilité et amoncelée dans des endroits déterminés par les courans, les vagues et autres circonstances.

Ces faits, très-intéressans pour l’histoire naturelle du plâtre, sont insuffisans pour le Chimiste, à qui il reste à savoir encore de quelle manière, et dans quelle circonstance, se fait la combinaison de l’acide sulfurique avec la chaux. Je vais communiquer quelques observations que nous fournit notre Province.

1°. Dans une argile noire et pyriteuse de St. Sauveur, extraite du travail appelé percement Dillon, j’ai observé beaucoup de petites aiguilles de sélénite, de la longueur de 4 à 8 lignes ; à la surface du terrain où la même argile est plus décomposée, on trouve des crystaux de même nature, plus longs, plus gros et plus nombreux.

2°. L’argile marneuse et pyriteuse de Caunelle, près la Mosson, est parsemée de superbes crystaux de plâtre rose en crête de coq, observés par M. Dorthes.

3°. La carrière à plâtre de la Salle nous présente, presqu’alternativement, des couches de plâtre, et des couches d’une argile noire et pyriteuse qui effleurit à l’air.

4°. Près du pont d’Hérépian, du côté de Cascastel, à Gabian, et dans beaucoup d’autres endroits, j’ai trouvé constamment des crystaux de gypse mêlés et confondus avec des argiles pyriteuses.

5°. Les dépôts sulfureux de la Solfatara contiennent souvent des crystaux de sélénite.

Ces faits posés, il me paroît qu’on peut bien aisément concevoir la formation du gypse : il ne se forme que dans des endroits où il y a des pyrites et de l’argile plus ou moins calcaire, c’est-à-dire, que sa formation paroît dépendante et liée à la présence du soufre et de la chaux.

Ainsi, lorsque la pyrite se décompose, l’acide sulfurique qui en provient, se porte sur la chaux et effleurit en petits crystaux que l’eau entraîne et dépose tôt ou tard. J’ai vu des dépôts sensibles de plâtre sur les bords des ruisseaux qui lavent les argiles pyriteuses : j’ai encore observé des dépôts de même nature dans les rivières, lorsque les eaux ont été fortement rapprochées par la chaleur brûlante de nos étés ; ainsi, si l’on suppose la sélénite dispersée dans des volumes d’eau plus considérables, on concevra, sans peine, la formation des couches que nous présentent les carrières de plâtre.

MM. de Cazozy et Macquart ont observé le passage du gypse de Cracovie à l’état de calcédoine : lorsque le noyau de calcédoine s’est décidé, il augmente sensiblement, par le temps, même dans les cabinets ; ce qui prouve que le suc quartzeux, une fois infiltré dans le plâtre, se combine avec la chaux et décide la transformation.

M. Dorthes a prouvé que le quartz en crête de coq de Passy, devoit son origine à du plâtre : cette dernière substance ayant été entraînée par la dissolution, le suc quartzeux a pris sa place : l’histoire naturelle nous présente plusieurs de ces métamorphoses.

Le gypse se trouve dans le sein de la terre sous quatre états différens.

1°. Sous forme pulvérulente et friable, ce qui constitue la terre gypseuse, la farine fossille, etc.

2°. En masses solides, ce qui forme la pierre à plâtre.

3°. En stalactites ou dépôts secondaires, et nous pouvons ranger ici les gypses soyeux striés, les choux-fleurs, les albâtres gypseux, et cette variété prodigieuse de formes que prennent les stalactites, quelle qu’en soit la base.

4°. En crystaux bien prononcés, qui nous présentent, pour l’ordinaire, les formes suivantes.

1°. Prisme tétraèdre rhomboïdal comprimé.

2°. Prisme hexaèdre à sommet tronqué.

3°. Rhombe décaèdre. Je crois qu’on peut rapporter à cette dernière forme le gypse lenticulaire, qui ne me paroît formé que par la réunion de plusieurs rhombes placés l’un à côté de l’autre. En décomposant cette variété, j’ai eu, au moins, pour dernier résultat, la forme rhomboïdale.

La couleur du gypse varie à l’infini, ce qui établit diverses qualités, relativement à ses usages. Le plus beau est le blanc, quelquefois il est gris, et alors il est moins estimé et a moins de valeur. Les divers états des oxides de fer qui y sont plus ou moins abondans, constituent ses teintes roses, rouges, noires, etc.

La pesanteur spécifique du gypse varie selon sa pureté. Voyez MM. Brisson et Kirwan : Ce dernier l’a trouvée quelquefois de 2,32, et quelquefois de 1,87.

Il est soluble dans environ cinq cens fois son poids d’eau, à la température de 60 degrés de Farheneit.

Lorsqu’on l’expose au feu, l’eau de crystallisation se dissipe, il devient opaque, perd sa consistance et tombe en poussière ; si on l’humecte, il durcit de nouveau, mais ne reprend pas sa transparence ; ce qui paroît annoncer que son premier état est un état de crystallisation.

Si on le tient à un feu assez vif, en contact avec de la poussière de charbon, l’acide se décompose, et le résidu est de la chaux.

On peut encore séparer ses principes, en les faisant bouillir, en poudre fine, avec de l’alkali.

Il est fusible au chalumeau, selon Bergmann ; et à un feu de porcelaine, selon M. Darcet.

La conduite du feu dans la calcination du gypse, est très-importante ; trop de feu le décompose, trop peu ne lui permet point de s’unir à l’eau, et de faire corps.

Le gypse calciné se divise dans l’eau, et forme une pâte à laquelle on peut donner toutes les formes imaginables : nous devons à cette propriété les beaux ornemens de l’intérieur de nos maisons ; on ne peut pas en décorer l’extérieur, parce qu’étant soluble dans l’eau, ce liquide dégraderoit peu à peu les ouvrages.


IIIe. Espèce. Fluate de chaux, spath vitreux, fusible ou phosphorique, fluor spathique.


Cette pierre est la combinaison d’un acide particulier, qu’on appelle fluorique, avec la chaux.

Cette substance décrépite sur les charbons ardens, comme le muriate de soude : chauffée légèrement, elle brille d’une belle couleur bleue qui se conserve même dans l’eau et les acides ; le résidu de cette apparence de combustion est blanc et opaque.

La pesanteur spécifique est, en général, de 3,14 à 3,18, Kirwan.

Ce spath entre en fusion par une forte chaleur, et attaque vivement le creuset. Il se fond aussi sans effervescence, avec l’alkali minéral, le borate de soude, et les phosphates de l’urine.

C’est une des pierres dont les couleurs vives sont les plus variées ; et on la connoît sous les noms de fausse émeraude, fausse améthyse, fausse topaze, selon que la couleur en est verte, violette, ou jaune.

Les spath fluors bleus tirent communément leur couleur du fer, mais quelquefois du cobalt. Berlin Berchaft ; t. 2, p. 330. Les fluors verts sont colorés par le fer, selon Rinmann.

La forme la plus ordinaire du fluate de chaux, est la cubique, avec toutes les modifications qui accompagnent cette forme primitive.

Cette pierre, distillée avec parties égales d’acide sulfurique, produit d’abord des vapeurs élastiques, blanchâtres, qui remplissent le récipient, et déposent, à la surface de l’eau, une croûte, tandis que cette eau s’acidule ; ce qui reste dans la cornue est du sulfate de chaux, d’après Schéele ; la croûte qui s’est formée sur l’eau du récipient est de la silice, et l’eau qui s’est saturée de la vapeur est l’acide fluorique.

La plus étonnante propriété de cet acide, c’est celle, sans contredit, d’enlever la terre siliceuse qui est principe constituant du verre, et de se volatiliser avec elle.

Pour avoir l’acide plus pur et exempt de tout mélange de silice, on opère dans des cornues de plomb ; mais M. de Puymaurin s’est convaincu, ainsi que moi, que même alors l’acide étoit rarement pur, parce que le fluor le plus beau contient, presque toujours, un peu de silice que l’acide entraîne avec lui ; le fluor le plus blanc, le plus transparent et le plus réguliérement crystallisé, distillé au bain-marie, dans une cornue de plomb, m’a fourni un acide altéré par un peu de silice.

M. Meyer, ayant employé tous les moyens possibles pour avoir cet acide très-pur, s’est convaincu que, lorsque cet acide ne trouvoit point de silice dans la cornue, il attaquoit les parois du récipient, et s’altéroit.

On conserve cet acide dans des flacons dont les parois sont enduites avec de la cire fondue dans l’huile.

L’acide fluorique a quelque analogie avec le muriatique, et on a voulu même les confondre ; mais ils différent essentiellement.

L’acide fluorique, 1°. combiné avec la potasse, présente une substance gélatineuse qui desséchée relient le cinquième de l’alkali employé et forme un vrai sel neutre ; 2°. il se comporte à-peu-près de même avec la soude ; 3°. avec l’ammoniaque, il donne une gelée, qui desséchée présente toutes les apparences du silex ; 4°. mêlé avec l’eau de chaux il régénère le fluate de chaux ; 5°. il n’attaque point l’or, ne dissout point l’argent ; et se combine, de préférence, avec les oxides, tels que ceux de plomb, de fer, de cuivre, d’étain, de cobalt et même d’argent.

Une partie de fluate de chaux, fondue avec quatre parties d’alkali fixe caustique, forme un sel insoluble dans l’eau. La même quantité de fluate de chaux, traitée de la même manière avec le carbonate de potasse, donne un sel soluble, et on trouve, au fond de l’eau, une terre calcaire, ce qui prouve que l’acide fluorique n’est séparé que par double affinité.

Cette pierre qui, jusqu’ici, n’a été employée que comme fondant ou comme ornement, me paroît mériter une attention toute particulière : elle paroît avoir un tissu lamelleux, comme le diamant ; comme lui, elle n’est point susceptible de double refraction, ce qui a été reconnu par M. l’Abbé Rochon ; sa phosphorescence a encore quelque rapport avec la combustibilité du diamant ; elle a des couleurs vives et variées ; tout cela établit une analogie entre ces deux substances, et pourroit faire soupçonner que les principes constituans du diamant existent, dans cette pierre, mêlés et confondus avec un acide et la chaux, etc.

L’acide fluorique a la propriété très-singulière, d’attaquer le verre, de dissoudre et d’enlever la partie siliceuse : Margraaf a d’abord reconnu cette propriété ; mais MM. de Puymaurin et Klaproth en ont fait l’application la plus heureuse à l’art de graver sur verre : on emploie cet acide pour ronger le verre, comme on emploie l’eau forte pour graver sur le cuivre.

Quelques auteurs, tels que M. Monnet, ont cherché à prouver que cet acide n’étoit qu’une modification de l’acide employé pour la décomposition du spath ; ils m’ont paru se fonder principalement, sur ce que l’acide obtenu surpassoit en poids le spath employé ; mais ils ont négligé l’accrétion en pesanteur qui doit résulter de l’érosion, dissolution et mélange du verre des vaisseaux distillatoires ; et ces expériences ne me paroissent infirmer en rien les vérités éternelles qui sont sorties du laboratoire du célèbre Schéele ; d’ailleurs, de telles modifications dans les acides employés seroient, à mes yeux, un phénomène plus étonnant encore que l’existance de cet acide particulier.


IVe. Espèce. Nitrate de chaux, nitre calcaire.


Ce sel, de même que ceux dont nous avons encore à parler dans ce genre, n’existent que dans les eaux ; leur grande solubilité et leur déliquescence spontanée, ne leur permettent pas de former des masses durables et de se présenter à l’état de pierres.

Le nitrate de chaux se forme principalement près des endroits habités ; la lessive des vieux platras en fournit abondamment ; et c’est un des sels qui abondent dans les eaux-mères des Salpétriers ; on l’a trouvé dans quelques eaux minérales.

On l’obtient ordinairement en petites aiguilles appliquées les unes contre les autres.

Lorsqu’on rapproche la dissolution jusqu’à consistance pâteuse et presque syrupeuse, il se forme, par le laps du temps, des crystaux en prismes hexaèdres.

Deux parties d’eau froide en dissolvent une de ce sel, et l’eau bouillante en dissout plus que son poids.

Il a une saveur amère et désagréable.

Il se liquéfie aisément sur le feu, et devient solide par le refroidissement ; si on le calcine fortement, et qu’on le porte dans l’obscurité, il est lumineux et constitue le phosphore de Baudoin.

Il perd son acide à un feu violent et soutenu ; distillé dans les vaisseaux clos, il y donne les mêmes produits que le nitre, par la décomposition de son acide.

Jeté sur les charbons ardens, il détonne à mesure qu’il se dessèche. V. de Fourcroy.

On peut dégager l’acide par le moyen des argiles et de l’acide sulfurique. Les alkalis et la barite en précipitent la terre.

Les sels sulfuriques et les carbonates d’alkali le décomposent par double affinité.


Ve. Espèce. Muriate de chaux, sel marin calcaire.


Cette combinaison existe sur-tout dans les eaux de la mer, et elle contribue à donner à cette eau ce goût d’amertume, qu’on a rapporté mal-à-propos à des bitumes qui n’y existent point.

Ce sel est très-déliquescent : une partie et demi d’eau en dissout une de ce sel, et l’eau chaude plus que son poids.

On peut le faire crystalliser, en rapprochant la dissolution jusqu’au quarante-cinquième degré, et l’exposant ensuite dans un lieu frais ; il donne, avec ces précautions, un sel en prismes tetraèdres, terminés par des pyramides à 4 pans. V. Fourcroy.

Il entre en fusion à une chaleur médiocre, mais il se décompose très-difficilement ; il acquiert, par la calcination, la propriété de luire dans l’obscurité, et c’est ce qu’on appelle phosphore d’Homherg.

Il est décomposé par la barite et les alkalis. L’acide sulfurique concentré, versé sur une dissolution très-rapprochée de muriate de chaux, en dégage l’acide en vapeurs et forme un précipité solide, ce qui paroît métamorphoser, en un instant, deux liquides en un solide, et produit un effet des plus imposans ; la théorie de ce phénomène se déduit aisément, de la très-grande solubilité du muriate, et de l’insolubilité presqu’absolue du sulfate qui prend sa place.


VIe. Espèce. Phosphate de chaux, sel phosphorique calcaire.


Ce phosphate de chaux a été trouvé en Espagne, dans l’Estramadure, par M. Bowle.

Cette pierre est blanchâtre, assez dense, pas assez dure pour faire feu avec l’acier ; elle se trouve par couches horizontales placées sur du quartz et offrant des filets verticaux aplatis et serrés ; quand on la jette sur des charbons ardens, elle ne décrépite pas, mais s’embrase tranquillement et donne une superbe lumière verte, qui la pénètre, la parcourt et ne disparoît qu’avec la lenteur nécessaire pour donner tout le temps d’en admirer l’éclat ; elle coule au chalumeau en un émail blanc sans boursoufflure ; les os supportent un feu plus violent sans couler ; elle se comporte avec les acides nitrique et sulfurique comme les os calcinés ; on peut en séparer l’acide et le rapprocher en verre animal ; on peut le décomposer et en extraire le phosphore.

M. Proust, de qui nous empruntons ces détails intéressans, observe encore qu’on trouve cette pierre par collines entières aux environs du village de Logrosan, dans la jurisdiction de Truxillo, province d’Estramadure ; les maisons et les murailles d’enclos en sont bâties.


SECOND GENRE.


Sels terreux, à base de barite.


L’état le plus ordinaire sous lequel se présente la barite, c’est sa combinaison avec l’acide sulfurique.


Ire. Espèce. Sulfate de barite, spath pesant.


Cette pierre est la plus pesante que nous connoissions ; sa pesanteur spécifique est communément de 4 à 4,6.

Elle décrépite au feu, se fond au chalumeau sans addition, et les flux la dissolvent avec effervescence. V. les notes de M. l’Abbé Mongéz.

M. Darcet est parvenu à la fondre à un feu de porcelaine.

On l’a souvent confondue avec le gypse et le spath fluor, mais les caractères sont bien différens.

Elle accompagne, presque par-tout, les mines métalliques, et on la regarde même comme d’un heureux augure : Becher a soutenu que c’étoit un indice certain vel presentis vel futuri metalli. Et je crois être fondé à la regarder comme la pierre vitrifiable de ce célèbre Naturaliste : on peut voir les preuves de mon assertion, dans les idées préliminaires de mon traité des substances métalliques ; l’analogie, entre cette pierre et les métaux, a été établie par les expériences de Bergmann et de M. Lavoisier.

Cette pierre, chauffée un peu fortement, présente dans l’obscurité une lumière bleuâtre. Pour former ces espèces de phosphores, on pulvérise le spath, on pétrit cette poussière avec du mucilage de gomme adragant, on en forme des gâteaux minces comme des lames de couteau ; on fait ensuite sécher ces gâteaux et on les calcine fortement, en les mettant au milieu des charbons ; on les nettoie ensuite en soufflant dessus, on les expose à la lumière pendant quelques minutes et on les porte dans un lieu obscur où ils brillent comme des charbons ardens ; ces gâteaux luisent même dans l’eau, mais ils perdent cette propriété peu-à-peu ; on la leur rend, en les chauffant de nouveau. Voyez de Fourcroy.

Le spath pesant se divise facilement en feuillets, par le moindre choc ; et la forme la plus ordinaire qu’il affecte, est celle d’un prisme hexaèdre très-aplati terminé par un sommet dihèdre.

On a trouvé, à une lieue de Clermont d’Auvergne, le spath pesant, en prismes hexaèdres terminés par une pyramide tétrahèdre ou dihèdre ; j’en ai vu des crystaux de deux pouces de diamètre.

Il arrive ordinairement que ces crystaux sont mal prononcés ; mais toutes les pierres, de la nature de celle-ci, présentent l’assemblage confus de plusieurs plaques appliquées les unes sur les autres, et susceptibles d’être désunies par le moindre choc.

Le spath pesant est insoluble dans l’eau ; c’est sur cela qu’est fondée la vertu que possède le muriate de barite, de manifester les plus légères portions d’acide sulfurique dans quelque combinaison qu’il se trouve.

La barite adhère plus fortement aux acides que les alkalis eux-mêmes ; et, si les carbonates d’alkali la précipitent, ce n’est que par la voie des doubles affinités.


IIe. Espèce. Carbonate de barite.


Cette combinaison a une pesanteur spécifique de 3,773.

Elle contient par quintal 28 eau, 7 acide, 65 terre pure.

Les acides sulfurique, nitrique, etc. l’attaquent avec effervescence.

Quoique l’acide carbonique ait l’affinité la plus marquée avec cette terre, on trouve rarement ce sel ; et je ne connois même sur son existence que l’autorité de M. Kirwan, qui a dit que le Docteur Withering lui en a donné un échantillon de Moor-alston, dans le Cumberland, qui ressemble à l’alun, avec la différence que son tissu est strié, et que la pesanteur spécifique est de 4,331.

M. Sage a fait l’analyse de cette pierre, qui lui avoit été donnée par le Chevalier de Gréville. V. Journal de Physique, Avril 1788.


IIIe. Espèce. Nitrate de barite.


L’acide nitrique dissout la barite pure, et forme un sel qui crystallise, quelquefois, en gros crystaux exagones, et souvent en petits crystaux irréguliers.

Ce nitrate se décompose au feu et donne de l’oxigène.

Les alkalis purs ne peuvent point en séparer la barite, mais les carbonates la précipitent par une double affinité.

Les acides sulfurique et fluorique enlèvent cette terre à l’acide nitrique.

On ne l’a point encore trouvé natif.


IVe. Espèce. Muriate de barite.


Ce sel est susceptible de prendre une forme assez analogue à celle du spath en tables ; il présente, avec les terres, les acides et les alkalis, des phénomènes à peu près semblables à ceux du nitrate de barite.

Il forme un des réactifs les plus intéressans pour reconnoître un atome de sel sulfurique dans une eau, parce que, par l’échange subit des principes, il en résulte du spath pesant qui se précipite d’abord.

On ne l’a point encore trouvé natif.


TROISIÈME GENRE.


Sels terreux, à base de magnésie.


Ces sels ne sont bien connus que depuis que le célèbre Black a prouvé qu’on ne devoit pas les confondre avec les sels calcaires. On peut les distinguer de ceux-ci par un goût d’amertume qu’ils affectent presque tous.

Ils sont en général très-solubles dans l’eau ; l’eau de chaux les précipite, de même que l’ammoniaque.


Ire. Espèce. Sulfate de magnésie y sel d’epsom.


Ce sel est assez commun ; il existe dans plusieurs eaux minérales, telles que celle d’epsom, celle de sedlitz, etc. On lui a donné d’abord le nom des sources qui l’ont produit. On le connoît encore sous le nom de sel cathartique amer, par rapport à sa saveur et à ses vertus.

Le sulfate de magnésie distribué dans le commerce, vient, ou des fontaines salées de la Lorraine d’où on extrait ce sel mêlé avec le sulfate de soude, ou des salines des environs de Narbonne ; là, on l’extrait des eaux-mères qui en contiennent abondamment.

Le sulfate de magnésie du commerce est en petites aiguilles soyeuses très-blanches ; il n’effleurit point à l’air, ce qui le distingue du sulfate de soude.

Les crystaux du sulfate de magnésie pur sont des prismes quadrangulaires, terminés par des pyramides d’un égal nombre de côtés.

Le sulfate de magnésie préparé dans nos salines, se vend 30 à 40 liv. le quintal ; il contient, par livre, sulfate de soude, muriate de magnésie, muriate de soude, vrai sulfate de magnésie ; le reste est formé par des sels à base de chaux.

Le sulfate de magnésie exposé au feu se liquéfie et perd la moitié de son poids ; ce qui reste se dessèche, et demande un coup de feu violent pour se fondre.

L’eau en dissout poids égal, à la température de 60 degrés therm. Farheneit.

Cent parties de ce sel contiennent 24 acide, 19 terre, 57 eau.

Ce sel existe dans toutes les eaux potables des environs de Montpellier.

Il effleurit, quelquefois, sur le schiste, et on peut l’y ramasser ; j’en ai trouvé, sur une montagne du Rouergue, en assez grande quantité pour permettre l’exploitation ; les oiseaux de passage le dévorent. Ce sel est, sur-tout, employé comme purgatif.


IIe. Espèce. Nitrate de magnésie.


Le célèbre Bergmann, qui a combiné la magnésie avec les divers acides, observe que le nitrique forme avec elle un sel susceptible de donner, par une évaporation convenable, des crystaux prismatiques quadrangulaires et tronqués. Le même Chimiste ajoute que ce sel est déliquescent. M. Dijonval assure avoir obtenu des crystaux non déliquescens ; et le hazard m’en a présenté de cette nature, dans une eau-mère de nitre rapprochée au 45e degré de l’aréomètre ; c’étoient des prismes à quatre pans très-aplatis, très-gros et très-courts.

Ce sel décompose les muriates ; les alkalis en précipitent la magnésie, de même que la chaux.


IIIe. Espèce. Muriate de magnésie.


Le muriate de magnésie existe dans l’eau-mère de nos salines ; il a une saveur très-amère.

Il forme, selon Bergmann, un sel en petites aiguilles si déliquescentes, qu’on ne peut les obtenir qu’en rapprochant fortement la dissolution, et l’exposant de suite à un grand froid.

L’eau de chaux, la barite et les alkalis en précipitent la magnésie ; on peut encore la séparer par le moyen du feu.


IVe. Espèce. Carbonate de magnésie.


Quoique la magnésie ait la plus grande affinité avec l’acide carbonique, je ne crois pas que la nature ait encore présenté cette combinaison ; on l’obtient, en précipitant la magnésie du sel d’epsom par le moyen des carbonates d’alkalis, et on l’appelle, en cet état, magnésie effervescente, magnésie non calcinée.

Le carbonate de magnésie contient, par quintal, 30 acide, 48 terre, 22 eau ; mais ces proportions varient. V. Kirwan et Bergmann.

La magnésie happe la langue, et prend, en se desséchant, une certaine transparence, qu’elle conserve jusqu’à ce qu’elle ait perdu toute l’eau, ce qu’elle fait difficilement.

Le feu lui enlève l’eau et l’acide, et c’est alors ce qu’on appelle magnésie calcinée.

Le carbonate de magnésie est soluble dans l’eau, dans la proportion de quelque grains par once de ce fluide ; mais nous devons à M. Butini une observation bien singulière, c’est que l’eau froide en dissout plus que l’eau chaude, et qu’on peut précipiter la magnésie en chauffant l’eau qui la tient en dissolution ; de-là vient que les eaux chargées de magnésie blanchissent et se troublent par l’ébullition.

Le célèbre Bergmann avoit avancé que le carbonate de magnésie étoit crystallisable. M. Butini, en rapprochant par une chaleur douce une dissolution chargée de ce sel, a obtenu des houpes de crystaux qui, examinés au microscope, ont paru être des prismes hexagones tronqués. J’ai obtenu de semblables flocons neigeux, en précipitant la magnésie par des alkalis que je versois goutte à goutte.

Le carbonate de magnésie est employé, dans la médecine, comme purgatif ; la magnésie calcinée doit être préférée comme absorbant.


QUATRIÈME GENRE.


Sels terreux à base d’alumine.


Ce qu’on appelle argile, dans les arts, est le mélange naturel de plusieurs terres.

L’alumine, ou argile pure, est susceptible de se combiner avec la majeure partie des acides connus, mais le plus commun de ces sels est l’alun.


Ire. Espèce. Sulfate d’alumine, alun.


Quoique l’alun soit commun sur ce globe, la combinaison des principes qui le constituent s’opère très-difficilement.

L’argile la plus pure, sur laquelle on fait digérer de l’acide sulfurique, se dissout avec peine, et il est bien difficile d’emmener cette combinaison à une crystallisation régulière. On obtient ordinairement un sel qui paroît formé par des écailles appliquées les unes sur les autres.

Le procédé le plus ordinaire pour dissoudre l’alumine par l’acide, se réduit à calciner l’argile, à l’imprégner d’acide, et à faciliter son action par une chaleur de 50 à 60 degrés ; mais un moyen plus simple, que j’ai employé dans ma fabrique d’alun, consiste à présenter l’acide, en vapeurs et sous forme sèche, à l’argile convenablement préparée : à cet effet, je calcine mes argiles, les réduits en petits morceaux, et en garnis le sol de mes chambres de plomb ; l’acide sulfurique, qui se forme par la combustion du mélange de soufre et de salpêtre, se répand dans la capacité de ces chambres, et y existe pendant quelque temps en vapeurs. Sous cette forme, il a plus d’action, que lorsqu’il a été affoibli par le mélange d’une quantité plus ou moins considérable d’eau ; de sorte qu’il se porte sur les terres, se combine avec elles, leur fait acquérir du volume par l’efflorescence qui se décide ; et, au bout de quelques jours, toute la surface exposée à la vapeur est aluminisée ; on a la précaution de remuer ces terres, de temps en temps, pour leur faire présenter successivement toutes les surfaces à l’action de l’acide.

Mais, par quelque procédé qu’on combine l’acide avec l’argile, il faut exposer les terres aluminisées à l’air, pendant plus ou moins de temps, pour que la combinaison soit plus exacte, et la saturation plus complète.

Presque tout l’alun du commerce nous est fourni par les mines qu’on exploite à ce sujet : nous pouvons réduire à trois ou quatre, toutes les opérations usitées dans cette fabrication : décomposition du minérai, lessive du minerai, évaporation de ces lessives, et crystallisation de l’alun.

1°. La décomposition du minérai se fait, ou à l’air libre et sans secours, ou par le moyen du feu.

Lorsqu’on laisse le minérai se décomposer de lui-même, on se contente de disposer, par couches, la pierre qui contient les principes de l’alun : la pyrite s’échauffe, l’acide se forme, il dissout l’argile, et le sel qui en provient s’annonce par l’efflorescence de la mine. On peut accélérer la décomposition, en arrosant le tas de pyrites ; mais on peut encore abréger l’opération par le secours du feu : la manière d’administrer le feu varie prodigieusement ; on peut consulter à ce sujet Bergmann ; mais, en général, il faut observer qu’il ne soit, ni trop fort ni trop foible ; dans le premier cas, il volatilise le soufre ; dans le second, il fait languir l’opération.

Quelquefois la mine d’alun est imprégnée d’une suffisante quantité de bitume pour fournir à la combustion. Voyez mon mémoire sur la mine d’alun du Vabrais, 1785.

2°. Lorsque le minerai est effleuri en alun, on extrait le sel par la lessive ; et, à cet effet, on fait passer la même eau sur plusieurs couches de terre alumineuse, afin de la saturer : la première eau qu’on passe sur la terre dissout de préférence la couperose qui est plus ou moins abondante, et on peut séparer ce sel de l’alun par un premier lavage à froid.

3°. Cette lessive est portée dans des chaudières de plomb, où l’on rapproche convenablement la liqueur. C’est là que se fait la saturation exacte de l’alun, lorsque l’acide y est en excès ; et, pour cela, on y ajoute des alkalis qui servent encore à faciliter singulièrement la crystallisation ; le célèbre Bergmann a proposé de faire bouillir de l’argile avec la dissolution pour saturer l’acide excédent ; ce procédé paroît avantageux sous tous les rapports, mais il m’a paru impraticable ; car, ce n’est que par une ébullition très-longue, qu’on parvient à combiner l’argile avec l’acide surabondant ; et j’ai observé qu’en rapprochant ensuite la liqueur pour la faire crystalliser, cette argile se dépose et s’oppose à la crystallisation ; j’ai varié ce procédé de bien des manières, sans obtenir le succès qu’avoit annoncé son célèbre auteur.

On a des moyens plus ou moins rigoureux, pour juger du degré de concentration auquel il convient d’apporter la lessive pour obtenir une bonne crystallisation, tels que l’immersion d’un œuf dans le liquide, l’effusion de quelques gouttes de la lessive sur une assiette, etc. M. de Morveau a proposé un pèse-liqueur en métal ; mais cet instrument ne peut pas être regardé comme bien rigoureux, puisque son immersion dans le liquide est proportionnée à la chaleur du fluide dans lequel on le plonge.

4°. On conduit cette lessive dans des baquets, où elle crystallise par le seul refroidissement : les pyramides sont constamment tournées vers le fond du baquet, sur-tout celles qui se fixent aux rameaux ou bâtons qu’on met dans la liqueur pour multiplier les surfaces.

L’alun affecte la forme de deux pyramides tétraèdres adossées base à base ; quelquefois les angles sont tronqués, et ces troncatures ont lieu sur-tout lorsque la lessive est avec un peu trop d’acide.

Ce sel exige quinze fois son poids d’eau pour se dissoudre, à la température de 60 degrés de Farheneit. V. Kirwan.

Il a une saveur stiptique.

Il perd son eau de crystallisation par la chaleur, se gonfle et se réduit en une matière blanche et légère, qu’on appelle alun brûlé, alun calciné.

Si on le pousse à un degré de chaleur violent, il perd en partie son acide et n’a plus de saveur ; le résidu n’est plus susceptible de crystallisation et se précipite sous forme d’une poudre très-fine et gluante à mesure qu’on le rapproche par l’évaporation.

L’alumine est précipitée de la dissolution, par la magnésie, la barite et les alkalis ; ceux-ci dissolvent le précipité, à proportion qu’il se forme, si on les ajoute avec excès.

L’alun est une des matières les plus précieuses des arts ; il est l’ame de la teinture et sert de mordant à presque toutes les couleurs. On s’en sert pour préparer les cuirs, pour imprégner les papiers et les toiles qu’on veut teindre par impression ; on en ajoute au suif pour le rendre plus dur ; on le fait entrer dans la préparation de la colle pour en écarter les vers ; on l’emploie, en Angleterre et ailleurs, pour donner de la blancheur et du volume au pain ; fondu avec le salpêtre de la première cuite il forme du crystal minéral très-blanc.

Les Imprimeurs frottent leurs balles avec l’alun calciné pour leur faire prendre l’encre ; les Chirurgiens l’employent pour ronger les chairs mortes ou baveuses.


IIde. Espèce. Carbonate d’alumine.


La terre argileuse précipitée de la dissolution d’alun par les carbonates d’alkalis, se combine avec leur acide ; mais ce sel est très-rare dans la nature, et je ne connois que l’observation de Schreher qui constate son existence. Ce Naturaliste a reconnu, que cette terre connue sous le nom de lac lunœ, étoit un vrai carbonate d’alumine.

Quoique l’alumine soit soluble dans les autres acides, nous connoissons peu ses combinaisons : on sait seulement que l’acide nitrique dissout l’alumine, que la dissolution est astringente et qu’on peut en obtenir de petits crystaux stiptiques et déliquescens.

L’acide muriatique a une action plus marquée sur l’alumine ; ce muriate est gélatineux et déliquescent.

Ces sels ne sont encore d’aucun usage, et la nature ne nous les présente nulle part.


Ve. Genre. Sels terreux, à base de silice.


La silice est, de toutes les terres connues, celle qui se combine le plus difficilement avec les acides.

On ne connoît même que le fluorique qui exerce sur elle une action marquée ; il se volatilise avec elle, et la tient en dissolution, jusqu’à ce qu’il l’abandonne pour s’unir à l’eau.

Quelques expériences de M. Achard avoient fait croire que l’acide carbonique dissolvoit la silice ; mais les Chimistes de Paris n’ont pas obtenu les résultats annoncés par celui de Berlin. M. de Morveau paraît avoir prouvé que le fer et l’acide carbonique étoient nécessaires pour former les crystaux de roche ; mais cet acide ne reste point uni et combiné avec la terre ; de sorte que rien ne nous prouve jusqu’à ce jour sa vertu dissolvante.