Élégies et poésies nouvelles/Bonsoir

BONSOIR.

Il a demandé l’heure, oh ! le triste présage !
Autrefois j’étais seule attentive à ce soin :
Qui peut avant le soir l’appeler au village ?
Hélas ! pour me répondre, il est déja si loin !

Je l’ai suivi des yeux pour rencontrer sa vue,
Et sans me regarder il a doublé ses pas.
Il n’a donc pas senti ma douleur imprévue ?
Je le devinais mieux quand il souffrait tout bas !

Eh bien, je ne veux pas lui dire que je l’aime ;

Je ne l’aimerai plus, j’en aurai le pouvoir :
Je l’ai déja ; déja je ne suis plus la même…
Ah ! pour le lui prouver, que je voudrais le voir !

Non, qu’il ne vienne pas, il prévient mon envie,
Bonsoir… pourquoi mes pleurs tombent-ils sur ma main ?
Il m’a repris son cœur, je lui reprends ma vie…
Mais, si je le pensais, vivrais-je encor demain !