Élégie (O. C. Élisa Mercœur)

Œuvres complètes d’Élisa Mercœur, Texte établi par Adélaïde AumandMadame Veuve Mercœur (p. 19-20).

ÉLÉGIE.

 

Las ! à ce qui n’est plus, quelle erreur de prétendre !
Tout m’accable aujourd’hui, tout m’apporte un regret :
Vainement je crois voir, en vain je croie entendre :
C’est la nuit, le silence, et pour moi tout se tait !

Élisa Mercœur.
 

Qu’ai-je entendu ? dans mon âme oppressée
La cloche funéraire a soudain retenti.
          Toi qui règnes dans ma pensée,
          Tu n’es donc plus, fidèle ami.
          C’en est fait, un affreux délire
          Trouble tous mes sens éperdus :
          Ma voix, qui faiblement soupire,
          S’exhale en regrets superflus.
          Lorsqu’une fleur est desséchée
Par le soleil brûlant qui vient de l’entr’ouyrir,
          Pâle, sur sa tige penchée,
          On la voit tomber et mourir.
          Moi, je me fanerai comme elle,

          Et mes yeux ne s’ouvriront plus :
          Alors, dans la nuit éternelle,
          Nos deux cœurs seront confondus.
          Ah ! quand ils l’étaient sur la terre,
Nous croyions rencontrer le bonheur dans l’amour ;
              C’était une chimère
          Qui n’a pu nous tromper qu’un jour.
     J’ai tout perdu ; de ma bouche brûlante
          S’échappe un soupir douloureux :
Mais, seule avec ses pleurs, ta malheureuse amante
          Ose encore former des vœux.
          Je rêve… La cloche m’éveille,
          Et c’est pour gémir sur mon sort.
Dans le plus doux repos mon jeune ami sommeille ;
          Moi seule j’ai senti la mort.
Quand tu fus arraché des bras de ton amie,
Quand ton âme vola vers l’immortel séjour,
Je sentis s’affaiblir le flambeau de ma vie ;
     Il répandait à peine un triste jour.
          Bientôt, de profondes ténèbres
          Succéderont à sa lueur :
          La mort couvre mes yeux de ses voiles funèbres,
              Son froid glace mou cœur ;
Ma voix s’éteint, je cède, je succombe :
          Je suis heureuse de mourir,
          Puisqu’aujourd’hui la même tombe
          Va pour jamais nous réunir.


(Octobre 1825.)