et servantes en leurs devoirs1.
Charles, par la grace de Dieu Roy de France, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut.
L’une des choses qui nous semble estre bien necessaire au libre et seur repos de nos subjects, ayans mesnage, famille et serviteurs, seroit de pourveoir à ce que leurs maisons fussent bien et loyalement administrées, parce qu’il advient souvent que les chefs des familles sont, par les mauvaises mœurs et conditions de leurs serviteurs, le plus souvent delaissez et abandonnez d’eux, se desbauchans de leurs services ; qui est cause que plusieurs maisons de toutes qualitez sont le plus souvent volées, pillées et desrobées par lesdicts serviteurs. Aucuns desquels ayans laissé leursdicts maistres craignans d’être remarquez ès malefices qu’ils y ont commis, attilttent et donnent addresse à d’autres par secrette intelligence, pour y commettre tels larrecins et voleries2.
À quoy voulans pourveoir, afin de préserver nostre peuple, en tant que possible sera, de tels maulx et inconveniens, si pernicieux et dommageables qu’ils sont à la chose publique de nostre royaume :
Nous, à ces causes, après avoir eu sur ce l’advis et conseil de la Roine nostre très honorée dame et mère, princes de nostre sang et gens de nostre conseil privé, avons dict, declairé et ordonné, disons, declairons et ordonnons par ces presentes,
Que doresnavant tous serviteurs domestiques, cherchans ou estans appellez en commencement de service, ne seront receus en service d’homme ou de femme quel qu’il soit qu’ils ne facent apparoir à leurs maistres par acte vallable et authentique de quelle part, maison et lieu, et pour quelle occasion, ils sont sortis. Comme en semblable ceux ayans jà servi maistre quelque temps, et estans hors de leurs services, ne seront receus en services d’autres maistres ou maistresses que au preallable ne leur soit aussi apparu, par suffisante attestation susdicte de leursdicts premiers maistres, de l’occasion pour laquelle ils sont sortis.
Defendant très expressement à tous chefs de maisons et famille, de quelque estat, qualité ou condition qu’ils soyent, de ne les recevoir en leur service sans avoir ledict acte et certification, et aussi de ne les licentier et mettre hors de leursdicts services sans leur bailler aussi acte de l’occasion de leur congé. Et ne sera loisible au serviteur, sur peine d’estre puni comme vagabond, de sortir sans avoir ledit acte et certification, pour le representer où besoin sera, afin que la fidelité et loyauté du serviteur soit d’autant mieux cogneue à un chascun3. Ce dont nous chargeons très expressement lesdicts maistres et chefs de famille respectivement, sur peine de cent livres tournois d’amende, applicable un tiers au Roy, un tiers aux pauvres, et l’autre tiers à l’accusateur, que nous voulons être levée promptement et sans deport sur lesdicts contrevenans.
Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à tous nos baillifs, seneschaux, prevosts, juges, prevosts de nostre hostel, ou leurs lieutenans, et autres nos justiciers et officiers qu’il appartiendra, que cesdictes presentes ils facent lire, publier et enregistrer et le contenu d’icelles entretenir, garder et observer inviolablement, à peine de s’en prendre à eux, et encourir en l’amende susdicte. Car tel est nostre plaisir. En tesmoin de ce nous avons faict mettre nostre seel à ces dictes presentes.
Donné à Tholouse le vingtunième jour de febvrier, l’an de grace mil cinq cens soixante cinq, et de nostre règne le cinquième.
Ainsi signé sur le reply :
Par le Roy en son Conseil,
De l’Aubespine.
Et seellé du grand seel de cire jaune sur double queue.
Leues et publiées en l’auditoire et par Civil du Chastelet de Paris, seant noble homme et sage M. Nicolas Luillier, escuyer, conseiller du Roy nostre Sire, lieutenant civil de la prevosté de Paris, en la presence du conseil et du procureur du Roy, commissaires et examinateurs, advocats, procureurs et autres practiciens audict Chastelet. Et ordonné qu’elles seront enregistrées ès registres ordinaires dudict Chastelet, publiées à son de trompe et cry public par les quarrefours de ceste ville de Paris, lieux et endroicts accoustumez à faire cris et proclamations, et par la prevosté et viconté de ladicte ville de Paris. Et est enjoint aux prevosts et soubs baillifs de ceste dicte prevosté et viconté faire estroictement garder et observer chascun en son esgard, destroict et jurisdiction le contenu esdictes lettres. Faict audict Chastelet le lundi huictième jour de mars, l’an mil cinq cens soixante quatre.
Signé : Goyer et Colletet4.
Leues et publiées à son de trompe et cry public par les quarrefours de ceste ville de Paris, lieux et places accoustumez à faire cris et proclamations, par moy Claude Adam, commis de Hilaire de Briou, crieur juré et sergent royal du Roy nostre Sire, prevosté et viconté de Paris, accompaigné de Claude Malassigné, trompette juré dudict seigneur, et autre trompette, le samedi dixième jour de mars mil cinq cens soixante quatre.
Signé : C. Adam.
1. Cette ordonnance est du 21 février 1565. Je ne sache pas qu’elle ait jamais été recueillie.
2. Sur la conduite des domestiques au XVIe et au XVIIe siècle, on peut lire avec fruit : De ceux qui servent à gages ès maisons des grands seigneurs et bourgeois, par Jean des Gouttes, Lyon, Fr. Juste, 1537, in-16 ; Flaminio et Colomana, ou Miroir de la fidélité des domestiques, par J. P. Camus, Lyon, 1626, in-12.
3. En 1628, ces sortes de livrets exigés des domestiques et des maîtres furent remplacés par d’autres formalités. On créa un bureau où tout serviteur devoit être enregistré et avoir son signalement ; en 1690 ce bureau existoit encore dans la cour Lamoignon ; toute personne venante à Paris pour exercer un métier devoit, aussi bien que les domestiques, aller s’y faire inscrire. (Hurtaut, Dict. histor. de la ville de Paris, t. 1, p. 701–702.) Il étoit défendu aux domestiques de rester hors de service. La fille de chambre trouvée sans condition étoit fouettée et on lui coupoit les cheveux ; l’homme de chambre étoit envoyé « en galère ». L’hôtelier qui les logeoit étoit condamné à de fortes amendes ; après une double récidive, on confisquoit sa maison au profit de l’Hôtel-Dieu. (Delamare, Traité de la Police, tit. 9, Juridict. du prévôt de Paris, ch. 3.)
4. V., sur la famille, Colletet, notre t. 4, p. 161.