À un ami alors inconnu

Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 222-223).

À UN AMI ALORS INCONNU

P. GAYDA

Oui quand la nuit ouvrait les cieux au vol des rêves
Dont la poussière d’or roule sous ses pieds nus,
Et, des voiles d’argent à son front retenus
Déroulait les longs plis étoilés sur les grèves,

J’ai senti, se mêlant à l’haleine des sèves,
Et, sur l’aile du vent jusqu’à mon cœur venus,
Les baisers fraternels des amis inconnus
Apportant à mes maux de fugitives trêves.

Oubliant un instant d’aimer pour en souffrir,
Sur mes lèvres aussi je les sentais courir
Ces baisers que, de loin, l’âme répond à l’âme,

Ô poète, aujourd’hui je retrouve les tiens
Et, sans t’avoir connu, de toi je me souviens,
Sachant nos cœurs jumeaux faits de la même flamme !