BÉNARÈS, 17 SEPTEMBRE.


Il y a dans cet ascète, ce sage, que des guides obséquieux vous conduisent voir à « l’Anand Bagh », près de Bénarès, un caractère répugnant entre tous : l’hypocrisie. Cet homme n’a rien : qu’un masque, derrière lequel s’abrite un cerveau étroit, un orgueil démesuré, une suffisance ridicule et une vanité mesquine.


Derrière la Mosquée d’Aurenzebe


Il a succédé à un certain Swami Balishara Nanti, que des milliers de pèlerins et de curieux venaient visiter, comme un individu quelconque reprend un commerce d’épicerie ou de vin au détail, il vend de la sainteté, des conseils pieux aux clients du mort ; moins que cela, il s’exploite lui-même, car la bienséance exige qu’après l’avoir considéré comme une bête rare ou vénéré comme une incarnation, on dépose à ses pieds le prix d’un ticket de ménagerie, sinon le denier de la veuve. Il vit de sa vertu, comme d’autres de leurs vices. Cette ostentation vulgaire de charlatan religieux se manifeste dans sa pose extatique, empruntée, dans l’empressement des acolytes qui l’approchent avec un respect dû à la divinité, et enfin, dans le don qu’il vous fait au départ d’une liste imprimée de tous les Européens qui sont venus contempler sa vieille face ridée. C’est un snob à sa façon. Il ne peut avoir que deux passions : l’argent et le souci de l’opinion publique ; car s’il sentait le vide de Dieu dans son âme, comme l’humble fakir, le « jogui » nu, couvert de cendres, il s’en irait sans aide et sans approbation par les chemins brûlants, et les pèlerinages lointains à la recherche de l’infini.