Calmann Lévy, éditeur (p. 169-170).

V

LES TOURTEREAUX.


(Sur une aquarelle de Georges Vibert.)


Le soleil d’Orient, effleurant le platane,
Sur les murs du sérail ruisselle en traits de feu :
Abandonnant son corps aux baisers du flot bleu
Dans le bain parfumé s’étire la sultane.

Le printemps nouveau-né rit dans l’air diaphane ;
Aux lèvres des houris monte plus d’un aveu :
Sur les champs, sous les bois, près du fleuve, en tout lieu,
Par la nature entière un immense amour plane.


Dans le blanc vêtement de sa virginité,
Un eunuque, au milieu de ce concert chanté
Par des milliers de voix, reste seul à se taire :

Appuyé contre un mur, de son œil curieux
Il suit deux tourtereaux se becquetant entre eux,
Et reste, tout rêveur, devant ce grand mystère.