Calmann Lévy, éditeur (p. 126-128).

VIII

DANS LES FLEURS.


À HECTOR SALOMON.


J’ai rêvé de douces choses
Cette nuit, car tous les deux
Nous volions, papillons bleus,
Au milieu des fleurs écloses.

Parmi les pétales d’or
Des lys aux profondeurs blanches,

Sur les roses, les pervenches,
Les bluets dormant encor ;

Sur l’œil noir des violettes
Que l’herbe cache à demi,
Parmi les muguets, parmi
Les rêveuses pâquerettes,

Nous allions d’un vol égal
Suivant des routes jumelles,
Mirant l’azur de nos ailes
Dans la source au pur cristal.

L’aurore naissait à peine :
Qu’il faisait bon voyager
Tandis qu’un brouillard léger
Semblait caresser la plaine !

Oh ! qu’ils étaient gais, nos cœurs !
Oh ! les belles courses folles

De corolles en corolles
Sur cet océan de fleurs !

Oh ! les senteurs embaumées !
Les couleurs faites de ciel !
Et les doux parfums de miel
Dans toutes ces fleurs aimées !

Pourquoi le réveil moqueur
Aux réalités cruelles,
M’arrachant soudain les ailes
M’a-t-il arraché le cœur,

Quand d’aussi charmantes choses
Je rêvais — quand tous les deux
Nous volions, papillons bleus,
Au milieu des fleurs écloses ?