Calmann Lévy, éditeur (p. 123-125).

VII

REMERCÎMENT.


Le soleil, en mourant, colore
De son rayon chaud et doré
Cette chambre, où voltige encore
Ton cher souvenir adoré.

Ô toi ! qu’a mise sur ma voie
Le hasard ou plutôt le ciel,
Du fond de l’âme, je t’envoie
Un remercîment éternel.


Dans le livre secret des âges
Quel que puisse être mon destin ;
Quels que soient les futurs orages
Qui m’attendent sur mon chemin ;

Que je doive, en révoltes vaines,
Me roidir contre le malheur,
Et lassé des choses humaines
Trouver dans la mort une sœur ;

Que je doive, l’âme blessée,
D’espérer ou bien de souffrir,
Laisser se faner ma pensée
Au vent fatal du souvenir ;

Que je doive être seul, sans aide,
Sans amis, et traînant au cœur
— Mal éternel auquel tout cède —
Le doute sceptique et moqueur ;


Quoi qu’il advienne, ô ma chérie,
Fussé-je au nombre des vaincus :
Je ne pourrai haïr la vie
Et maudire les jours vécus :

Car tu m’as donné connaissance
Des bonheurs à ce point parfaits,
Que, semés sur une existence,
Ils la fleurissent pour jamais !