Calmann Lévy, éditeur (p. 55-56).

X

CROQUIS.


À RENÉ DELORME


La cour du vieil hôtel aux murailles de brique
Est triste ; l’herbe y croît entre chaque pavé ;
À midi seulement, le soleil élevé
Jette un pâle rayon, regard mélancolique,
Dans cet espace étroit où tout semble endormi.
Sur les murs lézardés le lierre croît à peine,
Et le toit gris attend la tempête prochaine
Pour quitter la maison qu’il recouvre à demi.

Tout est vieux, tout est froid dans ces quatre murailles :
On dirait que le temps s’est soudain arrêté
Ici, pour fuir ailleurs ; et que tout est resté
Comme au siècle où le Roy demeurait à Versailles.

Seule, une blonde enfant paraît chaque matin
Pendant quelques instants à la grande fenêtre ;
Ses yeux sont bleu d’azur, elle a seize ans peut-être ;
Sa voix est argentine et son geste mutin.
Oh ! pendant qu’elle est là, cette rieuse tête,
Au sein de ce vieux monde et de ces vieux débris,
Tout semble rajeunir, et ces anciens amis
Soudain, à son aspect, prennent un air de fête.
Le lierre rabougri monte d’un jet plus sûr ;
Le toit tout crevassé coquettement se penche,
Et pour mieux regarder l’apparition blanche
Les oiseaux en chantant couronnent le vieux mur.