À Némésis (Félix Milliet)

À Némésis
M. Giard & E. Brière (p. 91-92).

À NÉMÉSIS

Viens, Némésis, déesse vengeresse,
Toi qui punis tous les êtres pervers
Que de nouveau ton fouet sanglant se dresse ;
À l'œuvre, à l'œuvre, ô fille des enfers !
Ne vois-tu pas ces phalanges altières
De criminels qu'il faut épouvanter ?
Allons, refais des nœuds à tes lanières,
Il est toujours des méchants à fouetter.

Vit-on jamais déborder sur la France
Plus d'infamie et de corruption,
Jamais poltrons montrer tant d'arrogance,
Jamais faquins plus fière ambition ?
Jamais enfin, sortant des jésuitières,
Tant de hiboux le soleil affronter ?
Allons, refais des nœuds à tes lanières,
Il est toujours des fourbes à fouetter.

Contraste affreux, digne de nos tristesses,
Iniquité, honte du genre humain !
Vois ces palais regorgeant de richesses
Près des taudis où l'on crève de faim.
Pour les petits les lois sont des barrières,
Mais par-dessus les grands peuvent sauter.
Allons, refais des nœuds à tes lanières,
Il est toujours des maîtres à fouetter.


Mais c'est en vain que traîtres et despotes,
Se ligueront contre la liberté ;
Oui, nous verrons leurs soldats et leurs flottes
Fondre au soleil de la Fraternité.
Plus de tyrans ! Les peuples seront frères,
Alors, alors ils pourront répéter :
Va, Némésis, jette loin tes lanières,
Car il n'est plus de méchants à fouetter.