Traduction par Stéphane Mallarmé.
Les Poèmes d’Edgar PoeLéon Vanier, libraire-éditeur (p. 119-120).


À F.



Bien-aimée parmi les maux pressants qui s’attroupent autour de mon sentier terrestre, — morne sentier, hélas ! où ne croît pas même une rose solitaire, mon âme a du moins un soulas dans des rêves de toi, et y sait un Éden de chers repos.

Ton souvenir est pour moi comme une île enchantée au loin dans une mer tumultueuse — quelque océan vaste et libre, tressautant de tempêtes, — mais où néanmoins les cieux les plus sereins sourient continuellement juste au-dessus de cette île brillante.


Je ne prends point garde que mon sort terrestre n’a presque rien de la terre, que des années d’amour ont été oubliées dans la haine d’une minute : mon deuil n’est point que les désolés même ne soient plus heureux, — bijou ! que moi, mais que vous vous chagrinez de mon sort, moi qui suis un passant.