« Puis que vous le voulez, demeurez inhumaine »

V.


Puis que vous le voulez, demeurez inhumaine,
Et me faisant mourir feignez de n’en rien voir,
Vous ne pourrez pourtant ma constance esmouvoir
Car du feu de vos yeux mon ame est toute plaine.

Mon cœur est immuable, & mon amour certaine,
Les plus cruels tourmens y perdent leur pouvoir :
S’il advient que je meure en faisant mon devoir,
Vous en aurez l’offense, & j’en auray la paine.

Las ! mon mal me plaist tant, pource qu’il vient de vous,
Que je trouve en souffrant le martyre bien doux,
Et de m’en delivrer je ne prens point d’envie.

C’est pourquoy je craindroy de mourir en aimant,
Non pour fuir la mort, mais de peur seulement
De perdre mes douleurs si je perdoy la vie.