« J’ai dit à mon désir : pense à te bien guider »

Texte établi par Alfred Michiels, Adolphe Delahays (p. 180-181).


II


J’ay dit à mon desir : Pense à te bien guider,
Rien trop bas, ou trop haut, ne te face distraire.
Il ne m’écouta point, mais jeune et volontaire,
Par un nouveau sentier se voulut hazarder.
Je vey le ciel sur luy mille orages darder,
Je le vey traverser de flamme ardante et claire,

Se plaindre en trébuchant de son vol temeraire,
Que mon sage conseil n’avait sçeu retarder.

Apres ton precipice, ô désir miserable !
Je t’ay fait dedans l’onde une tombe honorable
De ces pleurs que mes yeux font couler jour et nuit.

Et l’esperance aussi, ta seur foible et dolante,
Apres maints longs destours, se voit changée en plante,
Qui reverdit assez, mais n’a jamais de fruit.