Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 1/Introduction


INTRODUCTION

NOTICE HISTORIQUE
SUR LES RÉVOLUTIONS DE CABOUL.

Les Douraunées, sous le nom d’Abdaullies, payoient encore en 1708 un tribut à la Perse, afin d’obtenir sa protection contre les Usbecks, lorsque les Ghiljies, autre tribu des Afghans, se révoltèrent contre le prince géorgien Bagration[1], qui étoit gouverneur de Candahar pour le monarque persan.

En 1716, les Abdaullies eux-mêmes envahirent les États du roi de Perse, et prirent la ville de Héraut. De son côté, Mahmoud, prince ghiljie, s’empara du trône de Perse, et fit la guerre au grand seigneur lui-même.

Les Abdaullies, dont le gouvernement étoit purement démocratique, restèrent long-temps sans chef ; et cette anarchie même fut peut-être ce qui les rendit plus aisément tributaires de Nadir-Schah, en 1728.

Nadir-Schah battit les Ghiljies et soumit Candahar. Bientôt après il récompensa les services que lui avoient rendus les Abdaullies, en leur distribuant des técouls ou dotations militaires, et en agrandissant leur territoire. La prédilection de ce prince pour les Afghans fut sans doute ce qui indisposa ses propres sujets, et occasionna son assassinat au mois de juin 1747[2].

À la même époque, Ahmed-Schah se mit à la tête des Afghans et se fit couronner roi de Caboul à Candahar le 27 octobre 1747. Les chefs des principales tribus assistèrent à cette cérémonie. Ahmed Schah étoit fort jeune : un historien contemporain assure même qu’il n’avoit que vingt-trois ans.

Sa politique fut de conserver aux Abdaullies, dont il changea le nom en celui de Douraunées[3], toutes les terres qu’ils tenoient de la libéralité de Nadir Schah, sans autre condition que celle du service militaire. Il partagea les principaux emplois entre les chefs de cette tribu, et rendit les charges héréditaires dans certaines familles.

La consolidation de son pouvoir dépendoit d’un état continuel d’hostilité. Si les guerres étoient heureuses, elles donnoient de l’éclat à sa réputation ; ses conquêtes lui fournissoient le moyen d’entretenir une armée et de s’attacher les chefs afghans par des largesses.

L’état des choses étoit favorable à ses projets. Les Douraunées s’étoient aguerris et disciplinés dans le cours de leurs fréquentes hostilités contre la Perse, et ensuite en servant comme auxiliaires sous les ordres de Nadir-Schah lui-même. La préférence qu’avoit pour eux leur nouveau souverain, exaltoit leur confiance et leur courage, et ce n’étoit pas sans raison qu’ils se considéroient comme les meilleures troupes de l’Asie. Au contraire, les Ghiljies, leurs ennemis, étoient abattus et anéantis par de grands revers.

En 1748, Ahmed-Schah partit de Candahar avec douze mille hommes, et commença le cours de ses conquêtes. Il passa l’Indus, et envahit l’Indoustan. Delhy, capitale des Mogols, fut pris de vive force en 1756, et livré au pillage. Ahmed y laissa un corps d’observation, et se dirigea vers le pays des Marattes. Ceux-ci se retirèrent devant le vainqueur, qui ne put atteindre leurs armées, commandées par Datta-Pattail et par Iounkogi-Sind-Hiya. Enfin les Marattes livrèrent bataille et la perdirent.

Cependant les Marattes ne négligèrent rien pour réparer leurs pertes, et levèrent des forces considérables dans le Dekkan. Le 7 janvier 1761, fut livrée la sanglante bataille de Panniput. Le général des Marattes, héritier présomptif de leur empire, y périt avec la plus grande partie de son armée.

Tous ces événemens avoient exigé de la part d’Ahmed-Schah quatre expéditions dans l’Inde ; il en fit une cinquième en 1763 ; mais des dissensions intérieures suspendirent le cours de ses triomphes, et il revint à Candahar.

Une révolte de la province de Khorassan l’occupa plus sérieusement encore. Les Afghans soutiennent que presque toutes les forces des Persans s’étoient réunies pour venir au secours des rebelles. Ces armées combinées attaquèrent près de Meshhed, Timour, fils d’Ahmed-Schah, qui commandoit ses meilleures troupes. La victoire fut long temps douteuse ; enfin elle se déclara pour les Afghans ; les débris de l’armée persane et des rebelles se réfugièrent dans Meshhed. Cette ville est réputée sacrée, parce qu’elle renferme le tombeau de l’Iman-Rezza, et ce seroit une impiété abominable de diriger contre ses remparts le feu de l’artillerie. Ahmed-Schah fut donc réduit à bloquer étroitement la place : ce siège dura plusieurs mois. Enfin le chef des rebelles, Schah-Rokh-Schah, qui avoit occasionné la guerre, y mit fin en donnant sa fille en mariage à Timour-Schah, et en fournissant à Ahmed un contingent de troupes.

Dès ce moment la santé d’Ahmed déclina visiblement, et il mourut à Murgha, en 1773, dans la cinquantième année de son âge.

Les commencemens du règne de Timour, son fils et son successeur, furent heureux ; mais bientôt il eut à réprimer des rébellions fréquentes. Il mourut presque subitement à Caboul le 20 mai 1793.

Aucune loi n’assuroit l’ordre de succession au trône ; Timour n’avoit point désigné d’héritier ; les princes du sang les plus recommandés par leur âge ou par leur mérite étoient absens. Une intrigue mit un de leurs parens plus éloigné, Schah-Zemaun, en possession du trône.

À peine maître de la couronne, Schah-Zemaun conçut le projet d’une invasion dans l’Inde ; mais il réfléchit ensuite que son pouvoir n’étoit pas encore assez affermi pour lui permettre de se livrer à des desseins aussi ambitieux. En effet, le prince Mahmoud et le prince Houmauyoun, dont les droits avoient fléchi devant les intrigues de ses partisans, ne tardèrent pas à lever l’étendard de la révolte.

Houmauyoun, abandonné de son armée, s’enfuit à travers les montagnes, fut enfin arrêté, et enfermé pour le reste de ses jours.

Mahmoud ne fut guère plus heureux. Il se vit réduit à aller chercher, en 1798, un refuge à la cour de Perse. Il suivit l’armée persane, commandée par le monarque en personne, dans une expédition contre le Khorassan et resta dans cette province où il chercha à se faire des partisans. Sur le point d’être arrêté, il prit de nouveau la fuite. Il erra long-temps dans la Tartarie, poursuivi de tous côtés par la haine de Schah-Zemaun ; mais il ne cessa d’entretenir des intelligences avec ceux des seigneurs qui avoient des dispositions à la révolte.

Au printemps de 1800, le roi de Perse, Fethali-Schah ayant une seconde fois envahi le Khorassan, se fit accompagner de Mahmoud et lui promit la couronne des Afghans.

Les chefs Douraunées vinrent de tous côtés joindre Schah-Mahmoud, et le plus puissant d’entr’eux, Futteh, khan des Baurikzyes, lui donna des conseils qui le mirent en effet en possession du trône.

L’avis de ce chef habile fut que Schah-Mahmoud ne devoit pas implorer l’assistance des étrangers, mais s’avancer intrépidement sur Candahar, et faire un appel aux Douraunées, qui ne manqueroient pas d’y répondre, tant les entreprises hardies avoient d’attrait pour eux.

En conséquence, Mahmoud partit de Tubbus avec une cinquantaine de cavaliers, traversa le désert, et marcha sur Jellalabad, capitale de la province de Sistaun. Il fut reçu à bras ouverts par Behraum-Khan, chef de la tribu, lequel habilla à neuf son escorte épuisée par une longue marche dans le désert, et proposa de se joindre à lui avec les forces de sa province. Cette offre fut rejetée, pour ne point s’écarter du plan de Futteh, et Mahmoud entra chez les Douraunées avec ce qui lui restoit de ses cinquante hommes.

Futteh avoit bien jugé des dispositions de ses compatriotes. Les Douraunées eurent bientôt formé au prétendant une armée assez nombreuse pour qu’il fit le siège de Candahar. Après quarante-deux jours de blocus, Futteh s’introduisit presque seul dans la place, et se mit sous la protection de l’honneur d’Abdoulla, un des principaux officiers de la garnison. On expliquera ailleurs quel est l’effet presque inévitable de ce genre de sollicitation. Futteh eut un plein succès ; Abdoulla se déclara pour Mahmoud ; Candahar ouvrit ses portes, et le gouverneur prit la fuite.

Ce fut seulement alors que Schah-Zemaun fut tiré de son apathie ; il partit enfin de Peshawer, mais ce ne fut pas sans commettre de grandes imprudences. La plus forte fut de témoigner une défiance injurieuse contre les Douraunées et de se jeter dans les bras des Ghiljies. Son visir fut saisi d’une terreur panique, et Schah-Zemaun lui-même ne montra plus dans sa conduite qu’une funeste irrésolution.

Pour comble de malheur, certains présages annoncèrent une catastrophe prochaine, et l’on juge quel devoit en être l’effet sur un peuple superstitieux.

Trahi par sa propre armée, Schah-Zemaun prit la fuite, et se jeta dans une espèce de désert, accablé de faim et de fatigue : le visir et ses deux frères étoient presque ses seuls compagnons. Ils implorèrent l’hospitalité d’un chef nommé Mollah-Auschik : celui ci les reçut dans son château-fort ; mais ce fut pour les livrer à Mahmoud à qui il s’empressa d’expédier un courrier.

Voyant qu’il étoit prisonnier Schah Zemaun fit un trou dans une muraille, et y cacha des bijoux d’un prix inestimable, entr’autres le cohinour, ce fameux diamant du Grand-Mogol, le plus précieux qui soit au monde. On a retrouvé ces objets peu de temps après l’avènement de Shujau.

Assud-Khan, frère de Futteh, fut envoyé sans délai pour s’assurer de Zemaun et le priver de la lumière ; un chirurgien lui creva les yeux avec une lancette. Il fut conduit à Caboul, et enfermé au palais pendant la première partie du règne de Mahmoud. Délivré à l’avènement de Shujau, il a vécu depuis dans une sorte d’aisance et dans une liberté entière[4].

Le règne de Schah-Mahmoud sembla d’abord réunir tous les partis ; Akram-Khan et Futteh devinrent ses premiers ministres ; mais une division funeste éclata entre ces deux chefs de l’administration. Le désordre s’accrut au point que Mahmoud ne régna bientôt en réalité que dans la capitale, et que les provinces ne reconnurent plus son autorité.

Le prince Shujau-Oul-Moulk, frère-germain de Schah-Zemaun, devint pour Mahmoud un adversaire redoutable. Âgé de vingt ans, il étoit resté à Peshawer avec un foible détachement des gardes. La famille de Schah-Zemaun et presque tous les diamans de la couronne étoient confiés à sa garde.

Lorsqu’on fut un peu revenu de la première consternation, il se fit proclamer roi dans le pays qu’il occupoit, et se disposa à disputer la couronne au prétendant. La plus grande partie des Berdouraunées séduits par ses libéralités, le reconnurent.

Ses succès furent de peu de durée ; Schah Shujau, attaqué par des forces supérieures, fut défait à moitié chemin entre Peshawer et Caboul.

Cet événement fut loin de rendre la tranquillité au royaume. Une insurrection générale des Ghiljies menaça non-seulement d’anéantir, le gouvernement de Mahmoud, mais la dynastie même des Douraunées. Repoussés une première fois, les rebelles revinrent à la charge avec plus de fureur en 1802, et mirent sur pied cinquante mille hommes ; cependant ils furent défaits comme à l’époque de leur première expédition.

Les Persans profitèrent de ces troubles pour s’emparer encore une fois du Khorassan. Schah-Mahmoud commit une faute énorme : ce fut de favoriser les Schiites qui sont de la même secte de l’islamisme que les Persans. Alors le mécontentement des peuples fut au comble.

Le principal moteur de la révolution qui se préparoit, étoit Moukhtar-ou-Doulah, homme bien fait pour devenir chef de parti.

Sous le masque de la modération, même d’une sorte de mépris pour les hommes mondains Moukhtar cachoit une ambition démesurée ; il regardoit la charge de grand-visir comme due à sa naissance et à ses grands services. Il possédoit d’ailleurs toutes les qualités qui pouvoient le rendre populaire. Sa bravoure étoit distinguée, et il avoit brillé à la tête des armées. L’argent n’étoit rien à ses yeux, si ce n’est comme instrument d’intrigue.

Évitant avec soin l’ostentation, il affectoit le costume et les manières d’un derviche, et il ne se démentit pas dans sa plus grande élévation. On le vit toujours accessible aux derniers des hommes qui se rendoient chez lui, ou qui l’arrêtoient sur son passage.

Comme il s’agissoit surtout de religion dans cette querelle, Moukhtar avoit des recommandations encore plus puissantes aux yeux des fanatiques. Obligé de fuir du Bélochistan après la mort de son père, le visir Schah-Ouli-Khan, il avoit employé à l’étude le temps de son exil, et pouvoit le disputer en savoir aux mollahs ou prêtres les plus instruits. Quoique plus relâché dans ses pratiques religieuses que ne le sont les Douraunées, il montroit un grand zèle pour la secte des Sunnites. Il ne cessoit de déclamer contre les sectaires opposés, les Schiites, en les qualifiant de blasphémateurs et d’infidèles.

En un mot, cet homme possédoit grands talens naturels, et ses fréquens pèlerinages à la Mecque, la pureté, l’austérité même de ses mœurs, lui avaient fait la plus belle réputation à Caboul.

Un incident, peu important en lui-même, devint le prétexte des troubles les plus furieux.

Un jeune homme de Caboul ayant été exécuté pour le meurtre d’un Musulman de la secte des Schiites et de la tribu des Kuzzilbauch avec qui il s’étoit pris de querelle, lepeuple crut voir dans cette sentence une persécution contre les Sunnites qui sont la secte dominante dans le pays. On enterra le condamné, en lui rendant les mêmes honneurs qu’à un martyr. La cérémonie fut troublée par un détachement de la tribu des Kuzzilbauch qui fit feu sur les dévots, et les dispersa. Il n’en fallut pas davantage pour indigner la population entière. Tous les habitans des environs de Caboul vinrent au secours des Sunnites ; le Cohistan fournit une troupe d’hommes armés de mousquets, et conduits par un fanatique dont les prédications promettaient les joies du paradis à ceui qui succomberoient pour une cause aussi sainte. Il arrosoit les fidèles avec l’eau du puits Zemzem, qu’il avoit apportée de son pèlerinage à la Mecque.

Il ne fut pas difficile de tourner la fureur de la populace contre le roi lui-même qui, en cherchant à réprimer le désordre, sembloit se déclarer le protecteur des hérétiques. En effet, le 12 juillet Schah-Mahmoud se vit assiégé dans son propre palais. Futteh arriva avec des troupes et combattit d’abord les rebelles avec succès ; mais la défection d’un grand seigneur en faveur de Shujau fit tout à coup changer la face des choses. Futteh, dont le parti s’affoiblissoit par degrés, se trouva enfin presque seul, et chercha sa sûreté dans une prompte évasion.

Schah Suhjau, accompagné de Moukhtar qu’il nomma sur le champ grand visir, fit son entrée triomphante dans Caboul. La plupart des seigneurs Douraunées s’étoient joints à lui. Afin de mieux faire connoître que l’objet de son entreprise étoit d’assurer la prédominance de la foi orthodoxe, les hérauts d’armes qui le précédoient annoncoient au peuple son approche, en se servant du mot de ralliement des sunnites[5], au lieu de prononcer la formule d’usage en langue turque, laquelle est, comme on le verra ailleurs, d’un usage rigoureux à la cour de Caboul.

Les portes du palais ayant été ouvertes au roi, Mahmoud, abandonné de tous ses adhérens, se laissa sans résistance conduire à la citadelle qui sert de prison aux princes du sang. On ne lui creva pas les yeux, et Shujau n’eut dans la suite que trop de raison de regretter sa clémence dont il a peut-être donné le premier exemple dans ce pays.

Malheureusement, ce nouveau roi, recommandable par une foule de bonnes qualités, n’avoit point la prévoyance ni l’énergie nécessaires pour rétablir un gouvernement si complétement tombé dans l’anarchie.

Les révoltes des provinces recommencèrent. Le célèbre Futteh, qui avoit formé le projet de placer sur le trône le prince Kyseri, autre compétiteur à la puissance souveraine, ne se laissa point rebuter par des revers,

Cachemire étoit en insurrection ; Shujau y envoya une armée, et en donna le commandement à Moukhtar son grand-visir. La province fut réduite, mais ce fut pour Shujau une calamité encore plus grande.

Des intrigues de cour avoient depuis long-temps troublé l’harmonie entre le monarque et le grand-visir. Animé par la jalousie, ce roi saisissoit tous les moyens de diminuer la puissance de son ministre, et celui-ci voyoit dans la perte de son crédit, la nécessité de frapper un grand coup pour éviter un abaissement absolu. On soupçonne qu’il fut l’auteur d’un complot qui eut lieu à cette époque pour mettre sur le trône Abass, l’un des princes retenus captifs.

La conspiration échoua, mais cene fut pas sans une conséquence des plus sérieuses : Mahmoud profite du désordre pour s’évader de la citadelle de Caboul.

Peu de temps après, le visir arriva de Cachemire, et eut à la cour de nouveaux motifs de mécontentement. Il résolut de ne point perdre de temps pour assurer la puissance suprême à un prince plus docile à ses volontés.

Pendant que le roi préparoit une expédition pour soumettre des révoltés dans la province du Sind ou de l’Indus, le visir lia des intelligences avec le prince Kyser, et ne tarda pas à le proclamer roi. La ville de Peshawer elle-même tomba presqu’immédiatement au pouvoir des rebelles.

Schah-Shujau ayant reçu ces tristes nouvelles, marcha sur Peshawer, qu’il réduisit au mois de février 1808. Le 3 mars suivant, son armée en vint aux mains avec celles du visir et du prince Kyser.

Les treupes royales s’ébranlèrent à la première charge : le roi alloit ordonner la retraite, lorsque le visir, emporté par son courage naturel et par la certitude du succès, fit une attaque inconsidérée à la tête d’une poignée d’hommes, afin de s’emparer de la personne même du monarque. Les chefs qui entouroient le roi firent une résistance intrépide, et le visir fut tué d’un coup de feu dans la mêlée. Cet événement fit rallier l’armée royale, et décida la victoire en sa faveur.

Le roi rentra en triomphe dans Peshawer, faisant porter derrière lui la tête du visir au bout d’une lance.

Cependant Cachemire tenoit encore pour le parti du visir sous les ordres de son fils Atta-Mohammed.

Le roi fut détourné du projet de rien entreprendre contre cette province, par des événemens plus graves qui se passoient à Caboul et à Candahar.

Mir-Waez, ami du visir Moukhtar, qui étoit resté à Caboul, n’apprit pas plutôt sa défaite et sa mort, qu’il mit en liberté tous les princes prisonniers, et se disposa à défendre vigoureusement la capitale.

Obligé d’évacuer la ville à l’approche des troupes royales, il se retira avec Kyser dans le Cohistan, et profita des difficultés du pays pour continuer sa révolte ; mais bientôt Kyser se laissa toucher par la promesse du pardon, et rentra dans le devoir.

Le roi marcha contre Mahmoud qui s’étoit réuni à Futteh, et rendu maître de Candahar.

Les deux partis en vinrent aux mains à l’est de cette ville. Mahmoud fut complétement défait, et Candahar tomba au pouvoir du vainqueur.

Le roi Schah-Shujau revint à Peshawer le 10 janvier 1809.

L’ambassade anglaise près du roi de Caboul, arriva à Peshawer peu de temps après, et le récit de M. Elphinstone fera connoître les événemens ultérieurs.

Note du Traducteur. On verra plus loin que Schah-Shujau, dont la cause sembloit mieux favorisée par l’affection des peuples, ne le fut cependant point par la fortune. Schah-Mahmoud est aujourd’hui en possession paisible de la couronne ; mais la Perse est restée maîtresse du Khorassan.

Nous en trouvons la preuve dans la notice courte, mais extrêmement intéressante que vient de publier sur l’état actuel de la Perse, Mir-Davoud-Zadour, dernier ambassadeur de cette puissance à Paris. On y voit qu’en 1813, Suleiman-Khan qui commandoit dans le Khorassan, s’étant révolté, et ayant reçu des secours puissans de Schah-Mahmoud, Fethaly-Schah, roi de Perse, fut obligé de marcher en personne contre ces redoutables alliés, et les défit. Suleiman-Khan tomba au pouvoir du vainqueur : il y alloit pour lui du dernier supplice ; mais Feth-Aly-Schah, plein de clémence, dit l’historien, se borna à lui faire crever les yeux.

  1. Aïeul du prince Bagration qui a fait la campagne d’Italie avec Souwaroff, et qui a péri en 1812 à la bataille de la Moskowa.
    (Note du Trad.)
  2. Le propre neveu de Nadir étoit le chef de la conjuration. Cet infortuné prince, connu aussi sous le non de Thamas-Kouli-Kan, fut décapité, et livré aux outrages les plus ignominieux. Les assassins, dit un historien persan, firent une balle de paume de cette tête que l’univers, peu de temps auparavant, n’étoit pas capable de contenir.
    (Note du Trad.)
  3. On en verra le motif dans le cours de l’ouvrage.
  4. V. ci-après le récit de l’ambassadeur.
  5. Ce mot de ralliement est doumichar-your, c’est-à-dire vivent les quatre amis ! par allusion aux quatre premiers califes que les Schiites considèrent comme des usurpateurs.