Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 1/Division et gouvernement de la nation afghane


DIVISION ET GOUVERNEMENT
DE LA
NATION AFGHANE.

Les quatre fils de Kyseh, savoir, Serraboun, Gourghoust, Betni, et Kurleh, sont les fondateurs des quatre grandes divisions qui ont conservé ces mêmes noms parmi la nation afghane. Les tribus dérivent des familles de ces quatre chefs, et chacune retient le nom de sa branche.

Ces tribus, ayant chacune un territoire distinct, ne se mêlent pas entre elles, et vivent sous un gouvernement patriarcal. Le nom d’oulouss est donné également à une tribu entière ou à l’une de ses branches indépendantes. Chaque branche a son chef, qui est subordonné au chef de l’oulouss : elle se partage elle-même en plusieurs subdivisions, toutes gouvernées par des chefs.

Le chef d’un oulouss a le titre de khan ; il est toujours choisi dans la famille la plus ancienne. Presque toujours le choix dépend du roi, qui peut révoquer un khan à volonté, et mettre un de ses parens à sa place. Dans quelques oulouss, le khan est nommé par le peuple. Dans tous les cas, on a égard au droit d’aînesse et encore plus à l’âge, à l’expérience et à la réputation.

Un mode aussi irrégulier de succession entraîne beaucoup de troubles. À la mort du khan, deux ou trois de ses fils, ou de ses neveux, cherchent à se faire un parti dans la tribu, à capter l’amitié du roi, et à corrompre les ministres. Le parti, trompé dans son attente, ne se tient pas pour battu ; il continue ses intrigues à la cour, et quelquefois se révolte ouvertement. Dans toutes les guerres civiles, celui qui n’a pu obtenir le commandement de l’oulouss se joint avec ses partisans au prince détrôné.

Les chefs des divisions et subdivisions sont toujours choisis par le peuple, et dans la famille la plus ancienne. On appelle Jirgas les assemblées des chefs de divisions où se règlent les affaires publiques. Le khan préside le principal jirga, formé des chefs des grandes branches d’oulouss. Chacun de ceux-ci convoque ses subalternes en assemblées.

Dans les occasions peu importantes, le khan agit d’après lui-même, mais dans les affaires plus graves, les assemblées doivent être également convoquées.

Ce système de gouvernement représentatif est dérangé par tant de circonstances particulières, qu’il est rarement en pleine vigueur. J’ai plutôt représenté la chose comme elle doit être, que comme elle est en effet.

Il arrive, mais rarement, que le khan établit un pouvoir despotique, et qu’il est imité par ses subordonnés ; mais, le plus souvent, les chefs ne sont pas même consultés ; chaque subdivision, même chaque famille, se rend indépendante, et se comporte suivant ses intérêts ou ses caprices. On remédie souvent à ce mal en nommant un magistrat temporaire, une sorte de dictateur, qui rentre dans la situation de simple particulier lorsque la crise est passée.

Dans les tribus qui obéissent Immédiatement au roi, les khans tirent beaucoup d’autorité de leurs fonctions, qui consistent à lever les impôts et la milice.

L’attachement patriotique des Afghans de la plaine à leur tribu tient plutôt aux intérêts de la communauté qu’à une affection particulière pour leur chef ; il n’en étoit pas de même dans les montagnes où les chefs avoient droit de vie et de mort, quand la nation presque entière y étoit réfugiée.