Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 1/Disposition de la Cour de Caboul


DISPOSITIONS
DE LA COUR DE CABOUL.

Quoique mon objet ne soit pas de parler ici de mes négociations, ni de la mission dont j’étois chargé, je dois cependant faire connoitre l’idée qu’on s’en étoit formé dans le pays.

La nouvelle de notre arrivée parvint au roi après son départ de Candahar, et il en fut presque alarmé. Le roi de Caboul avoit toujours été le point de réunion de tous les mécontens de l’Inde ; c’est à lui que le fameux Tippoo-Sultan, le visir Ali et tous les autres princes mahométans en querelle, soit avec les Anglais, soit avec les Marattes, avoient toujours adressé leurs plaintes. Il n’y avoit pas longtemps que Holcar lui-même, ce fameux chef des Marattes, lui avoit envoyé une ambassade pour implorer son secours.

Runjeet-Sing, raja de Punjaub, fut singulièrement inquiet de ces communications prochaines entre deux puissances qu’il regardoit comme ses ennemis naturels : aussi ne négligea-t-il rien pour donner de fâcheux soupçons à la cour de Caboul. Les haukims (gouverneurs) de Leia, de Mouhaun et de Sind s’imaginèrent de leur côte, que l’objet de l’ambassade pouvoit bien être d’obtenir la cession d’une de leurs provinces respectives, et ils se décidèrent à entraver le plus possible nos négociations. Enfin, les seigneurs même du pays, les nobles douraunées ne voyoient pas sans inquiétude une alliance qui pouvoit augmenter la puissance du roi au détriment de l’aristocratie.

Les rapports exagérés que reçut le monarque sur la magnificence de l’ambassade et sur les somptueux présens qu’on lui apportoit furent ce qui détermina plus particulièrement ce prince à nous recevoir, et à traiter honorablement l’ambassadeur. Lorsque la nature de la mission lui fut connue, le roi, sans rejeter entièrement ses premiers soupçons, s’efforça de tirer parti de la circonstance.

Il y avoit alors deux partis à la cour ; l’un avoit pour chef Akram-Khan, l’un des principaux seigneurs douraunées, et premier ministre. L’autre faction se composoit des ministres persans, qui obsédoient le monarque, et ne laissoient pas d’exercer sur lui une certaine influence ; le chef de ce parti étoit Mir-Aboul-Hussun-Khan.